19 février 1988 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la compétitivité des productions agricoles, et notamment viticoles, dans la perspective du marché communautaire, à l'hôtel de ville de Suze-la-Rousse (Drôme), vendredi 19 février 1988.
Monsieur le maire et cher ami,
- Mesdames et messieurs,
- J'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure à l'Université du vin, c'est-à-dire au Château de Suze-la-Rousse, ce n'est pas la première fois que je viens dans cette commune, puisque j'y compte des amis que j'aime retrouver, mais c'est la première visite de ce type, en qualité de Président de la République, reçu à l'hôtel de ville, et j'espérais bien que l'occasion m'en serait donnée avant la fin de mon mandat.
- Tout ce que j'ai vu et ressenti aujourd'hui confirme bien ce que j'en espérais, une chaude hospitalité, un beau soleil par cet hiver, un pays à la fois rude et simple, de riches productions, des professionnels accomplis, et comme un air de volonté et d'allégresse dans la population.
- Ainsi, de temps à autre, m'est-il donné de visiter les Français chez eux. C'est bien le moins que doit faire le Président de la République, qui n'a pas à rester pour plaire à je ne sais qui, confiné dans un Palais, fût-il républicain !, mais qui doit s'informer, connaître, approcher, rencontrer.\
De toutes ces expériences dont vous m'apportez le témoignage, je peux tirer une idée de ce qu'est la France aujourd'hui. On l'a beaucoup répété ces temps-ci, mais peut-être pas assez encore. Il faut que la France de 1988 soit capable de supporter ce qui sera le choc de 1992 - 1993. La France, un pays parmi douze, toutes frontières abattues, et donc avec la libre circulation des biens, des idées - c'est déjà fait -, des personnes - cela doit être amélioré -, des marchandises - c'est nécessaire -. Il faut en mesurer le risque pour que la France soit davantage en mesure d'exporter que de recevoir ce qui vient d'ailleurs, pour qu'elle devienne, plus encore qu'elle ne l'est aujourd'hui, un pays conquérant dont le commerce extérieur s'améliorera à mesure que s'amélioreront les conditions, les qualités de production, le niveau des techniques, la connaissance du savoir.
- Il faut donc que tous les responsables politiques sur ce point se rejoignent pour répéter de jour en jour que la France est appelée, de nouveau, à un grand destin historique sur la surface de la terre, en ouvrant portes et fenêtres, sans craindre pour elle-même, mais toujours à la condition d'être capable de maîtriser, de dominer, d'organiser dans la pleine liberté tous ses moyens de vivre et tous ses moyens de répandre à travers le monde ce qui fait le meilleur d'elle-même.\
Eh bien, je dois dire, quand on vient dans un pays comme celui-ci, si l'on en avait besoin on en serait réconforté. Car je n'ai rencontré que des hommes et des femmes très appliqués à leur travail, d'une parfaite compétence à l'ouvrage. Et ce sont des sciences difficiles que celles de nos agriculteurs, vignerons, exploitants agricoles de la lavande ou de la truffe, ceux que j'ai pu voir comme cela, cet après-midi. J'en ai vu certains au travail, à la taille de la vigne £ je connais ce geste depuis l'enfance, puisque, moi-même, j'ai vécu dans un pays qui ressemble à celui-là, même si tant de choses y sont différentes. La production, la vigne, l'amour du vigneron pour son travail, cette inimitable capacité d'aimer les choses et de diriger les forces de la nature à travers le plan de vigne, la connaissance de la terre et puis son beau produit, la vinification, sa transformation, sa commercialisation.
- Vraiment, l'image cent fois répétée de l'ouvrage bien fait s'illustre ici. Et je voudrais que cela servit d'exemple à tous les Français. Ici, nous sommes dans la région des Côtes-du-Rhône, tout près - et j'irai dans un moment - des Côteaux du Tricastin. Il s'agit d'un vignoble qui a vu son appellation reconnue, contrôlée, qui a accédé aux grandes productions françaises. J'ai visité une coopérative qui, au bout de quelques années, une soixantaine, réunissant des vignerons jusque-là isolés, travaillant pour eux-mêmes, a su devenir la première coopérative de France d'appellation contrôlée. C'est dire que, dans un pays comme le nôtre où la concurrence est rude, car les qualités sont multiples, j'ai pu assister là à l'éclosion d'un talent rare dû au travail, à la constance au travail, à l'esprit d'observation et à l'esprit d'initiative. Mais, un esprit d'initiative qui s'est associé aux autres, rend au centuple. L'esprit de la coopérative explique le succès de cette région de la Drôme ou plutôt de cet ensemble que forment les vignobles des Côtes-du-Rhône et des Côteaux du Tricastin.
- La qualité de ce produit, je pourrais en dire autant de ce que vous me citiez tout à l'heure, mon cher Henri Michel, lorsque vous établissiez la liste des belles productions de la Drôme qu'évoquait, également, un peu plus tôt Rodolphe Pesce, Président du Conseil général de ce département. Si je voulais en tirer une leçon, je vous dirais, voyons, dans quatre à cinq ans, nous allons nous trouver - mais nous y sommes déjà - affrontés à une compétition d'une importance déterminante, qui va commander l'histoire du prochain siècle. Nous en sommes capables, il n'y a pas de grandes chances sans grands risques ! Il faut savoir assumer les risques quand on veut recevoir les chances. Mais tout cela c'est le -fruit du travail. Ces beaux objets, ces beaux fruits de votre production, sont bien le témoignage de ce que la France est capable d'accomplir. On pourrait en faire une parabole. Comme je souhaiterais que dans tant d'autres domaines chacun s'appliquât à réussir aussi bien en s'y appliquant également, en y apportant tout son savoir, tout son métier, tout son amour ! On arrive à faire de la France une production nationale incomparable, si possible, dans les domaines qui sont les nôtres, et capable de supporter la comparaison dans ceux où l'on voit nos partenaires étrangers, aujourd'hui, l'emporter.\
Et croyez-moi, le domaine politique, il est de même -nature, quels que soient vos idées et vos choix politiques, quel que soit votre idéal, vous, conseillers municipaux, maires, conseillers généraux, président du Conseil général, élus régionaux, parlementaires, agissez comme fait le vigneron qui déjà taille sa vigne pour sélectionner le produit, atteindre la qualité et présenter aux autres la réussite de la France. Je préférerais vraiment ce choix, tout en connaissant les lois de la démocratie, les obligations qui incombent à chacun, le nécessaire débat, le choc des idées et des projets. Tout cela est sain, je le répète, et tout cela est nécessaire dans une démocratie, c'est la preuve que notre démocratie fonctionne dès lors que chacun se soumet à des règles communes.
- Il faut que les produits de la politique soient d'aussi bonne qualité que les produits de la Drôme quand elle veut. Et dans combien d'autres départements pourrait-on tenir le même raisonnement ! Cela vaudrait mieux vraiment que trop de produits de qualité douteuse. C'est vrai, quelquefois je dis cela en souriant, mais je crains vraiment que les Français n'aient chaque soir l'impression d'entendre le déclic, vous savez le bruit des distributeurs automatiques, cela tombe comme cela, de tous les côtés, un "jack pot" ou l'on gagnerait à tous les coups ! Qu'est-ce qui peut croire que c'est possible ? Cessons donc d'entretenir, - ce ne sont pas des rêves - les tristes illusions d'un débat politique qui mérite mieux. C'est une recommandation que je fais, parce que, vraiment, je le répète, avant de terminer, il faut que les grandes responsabilités politiques soient à la hauteur des grandes capacités de la France dont j'ai trouvé ici l'exemple vivant, à Suze-la-Rousse, petite ville, mais équipe ardente, partout des femmes, des hommes attelés à leur tâche, avec un réel optimisme, c'est-à-dire une véritable croyance dans le destin de leur pays, et quel beau pays ! C'est pour le Président de la République, croyez-moi, un moment fort. Là aussi on reprend racine et il faut des racines si l'on veut que cela pousse !
- Merci à vous, mon cher Henri Michel, mesdames et messieurs les conseillers municipaux de Suze-la-Rousse, merci que je partagerai dans un moment, avec la municipalité de Saint-Paul-Trois-Châteaux, merci à vous toutes et merci à vous tous. Espérons dans la France, elle sera ce que nous en ferons. Il faut croire à ce que l'on fait. L'histoire de notre pays a été assez longue et assez noble pour que nous soyons sûrs que nous en sommes dignes. Le siècle et les siècles qui viennent apporteront à nos enfants la même certitude qu'un pays comme le nôtre est fait pour demeurer parmi les grandes nations de la terre, capable d'apporter un message qui leur soit propre tout en restant message universel.
- Vive Suze-la-Rousse,
- Vive le département de la Drôme,
- Vive la République,
- Vive la France !\
- Mesdames et messieurs,
- J'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure à l'Université du vin, c'est-à-dire au Château de Suze-la-Rousse, ce n'est pas la première fois que je viens dans cette commune, puisque j'y compte des amis que j'aime retrouver, mais c'est la première visite de ce type, en qualité de Président de la République, reçu à l'hôtel de ville, et j'espérais bien que l'occasion m'en serait donnée avant la fin de mon mandat.
- Tout ce que j'ai vu et ressenti aujourd'hui confirme bien ce que j'en espérais, une chaude hospitalité, un beau soleil par cet hiver, un pays à la fois rude et simple, de riches productions, des professionnels accomplis, et comme un air de volonté et d'allégresse dans la population.
- Ainsi, de temps à autre, m'est-il donné de visiter les Français chez eux. C'est bien le moins que doit faire le Président de la République, qui n'a pas à rester pour plaire à je ne sais qui, confiné dans un Palais, fût-il républicain !, mais qui doit s'informer, connaître, approcher, rencontrer.\
De toutes ces expériences dont vous m'apportez le témoignage, je peux tirer une idée de ce qu'est la France aujourd'hui. On l'a beaucoup répété ces temps-ci, mais peut-être pas assez encore. Il faut que la France de 1988 soit capable de supporter ce qui sera le choc de 1992 - 1993. La France, un pays parmi douze, toutes frontières abattues, et donc avec la libre circulation des biens, des idées - c'est déjà fait -, des personnes - cela doit être amélioré -, des marchandises - c'est nécessaire -. Il faut en mesurer le risque pour que la France soit davantage en mesure d'exporter que de recevoir ce qui vient d'ailleurs, pour qu'elle devienne, plus encore qu'elle ne l'est aujourd'hui, un pays conquérant dont le commerce extérieur s'améliorera à mesure que s'amélioreront les conditions, les qualités de production, le niveau des techniques, la connaissance du savoir.
- Il faut donc que tous les responsables politiques sur ce point se rejoignent pour répéter de jour en jour que la France est appelée, de nouveau, à un grand destin historique sur la surface de la terre, en ouvrant portes et fenêtres, sans craindre pour elle-même, mais toujours à la condition d'être capable de maîtriser, de dominer, d'organiser dans la pleine liberté tous ses moyens de vivre et tous ses moyens de répandre à travers le monde ce qui fait le meilleur d'elle-même.\
Eh bien, je dois dire, quand on vient dans un pays comme celui-ci, si l'on en avait besoin on en serait réconforté. Car je n'ai rencontré que des hommes et des femmes très appliqués à leur travail, d'une parfaite compétence à l'ouvrage. Et ce sont des sciences difficiles que celles de nos agriculteurs, vignerons, exploitants agricoles de la lavande ou de la truffe, ceux que j'ai pu voir comme cela, cet après-midi. J'en ai vu certains au travail, à la taille de la vigne £ je connais ce geste depuis l'enfance, puisque, moi-même, j'ai vécu dans un pays qui ressemble à celui-là, même si tant de choses y sont différentes. La production, la vigne, l'amour du vigneron pour son travail, cette inimitable capacité d'aimer les choses et de diriger les forces de la nature à travers le plan de vigne, la connaissance de la terre et puis son beau produit, la vinification, sa transformation, sa commercialisation.
- Vraiment, l'image cent fois répétée de l'ouvrage bien fait s'illustre ici. Et je voudrais que cela servit d'exemple à tous les Français. Ici, nous sommes dans la région des Côtes-du-Rhône, tout près - et j'irai dans un moment - des Côteaux du Tricastin. Il s'agit d'un vignoble qui a vu son appellation reconnue, contrôlée, qui a accédé aux grandes productions françaises. J'ai visité une coopérative qui, au bout de quelques années, une soixantaine, réunissant des vignerons jusque-là isolés, travaillant pour eux-mêmes, a su devenir la première coopérative de France d'appellation contrôlée. C'est dire que, dans un pays comme le nôtre où la concurrence est rude, car les qualités sont multiples, j'ai pu assister là à l'éclosion d'un talent rare dû au travail, à la constance au travail, à l'esprit d'observation et à l'esprit d'initiative. Mais, un esprit d'initiative qui s'est associé aux autres, rend au centuple. L'esprit de la coopérative explique le succès de cette région de la Drôme ou plutôt de cet ensemble que forment les vignobles des Côtes-du-Rhône et des Côteaux du Tricastin.
- La qualité de ce produit, je pourrais en dire autant de ce que vous me citiez tout à l'heure, mon cher Henri Michel, lorsque vous établissiez la liste des belles productions de la Drôme qu'évoquait, également, un peu plus tôt Rodolphe Pesce, Président du Conseil général de ce département. Si je voulais en tirer une leçon, je vous dirais, voyons, dans quatre à cinq ans, nous allons nous trouver - mais nous y sommes déjà - affrontés à une compétition d'une importance déterminante, qui va commander l'histoire du prochain siècle. Nous en sommes capables, il n'y a pas de grandes chances sans grands risques ! Il faut savoir assumer les risques quand on veut recevoir les chances. Mais tout cela c'est le -fruit du travail. Ces beaux objets, ces beaux fruits de votre production, sont bien le témoignage de ce que la France est capable d'accomplir. On pourrait en faire une parabole. Comme je souhaiterais que dans tant d'autres domaines chacun s'appliquât à réussir aussi bien en s'y appliquant également, en y apportant tout son savoir, tout son métier, tout son amour ! On arrive à faire de la France une production nationale incomparable, si possible, dans les domaines qui sont les nôtres, et capable de supporter la comparaison dans ceux où l'on voit nos partenaires étrangers, aujourd'hui, l'emporter.\
Et croyez-moi, le domaine politique, il est de même -nature, quels que soient vos idées et vos choix politiques, quel que soit votre idéal, vous, conseillers municipaux, maires, conseillers généraux, président du Conseil général, élus régionaux, parlementaires, agissez comme fait le vigneron qui déjà taille sa vigne pour sélectionner le produit, atteindre la qualité et présenter aux autres la réussite de la France. Je préférerais vraiment ce choix, tout en connaissant les lois de la démocratie, les obligations qui incombent à chacun, le nécessaire débat, le choc des idées et des projets. Tout cela est sain, je le répète, et tout cela est nécessaire dans une démocratie, c'est la preuve que notre démocratie fonctionne dès lors que chacun se soumet à des règles communes.
- Il faut que les produits de la politique soient d'aussi bonne qualité que les produits de la Drôme quand elle veut. Et dans combien d'autres départements pourrait-on tenir le même raisonnement ! Cela vaudrait mieux vraiment que trop de produits de qualité douteuse. C'est vrai, quelquefois je dis cela en souriant, mais je crains vraiment que les Français n'aient chaque soir l'impression d'entendre le déclic, vous savez le bruit des distributeurs automatiques, cela tombe comme cela, de tous les côtés, un "jack pot" ou l'on gagnerait à tous les coups ! Qu'est-ce qui peut croire que c'est possible ? Cessons donc d'entretenir, - ce ne sont pas des rêves - les tristes illusions d'un débat politique qui mérite mieux. C'est une recommandation que je fais, parce que, vraiment, je le répète, avant de terminer, il faut que les grandes responsabilités politiques soient à la hauteur des grandes capacités de la France dont j'ai trouvé ici l'exemple vivant, à Suze-la-Rousse, petite ville, mais équipe ardente, partout des femmes, des hommes attelés à leur tâche, avec un réel optimisme, c'est-à-dire une véritable croyance dans le destin de leur pays, et quel beau pays ! C'est pour le Président de la République, croyez-moi, un moment fort. Là aussi on reprend racine et il faut des racines si l'on veut que cela pousse !
- Merci à vous, mon cher Henri Michel, mesdames et messieurs les conseillers municipaux de Suze-la-Rousse, merci que je partagerai dans un moment, avec la municipalité de Saint-Paul-Trois-Châteaux, merci à vous toutes et merci à vous tous. Espérons dans la France, elle sera ce que nous en ferons. Il faut croire à ce que l'on fait. L'histoire de notre pays a été assez longue et assez noble pour que nous soyons sûrs que nous en sommes dignes. Le siècle et les siècles qui viennent apporteront à nos enfants la même certitude qu'un pays comme le nôtre est fait pour demeurer parmi les grandes nations de la terre, capable d'apporter un message qui leur soit propre tout en restant message universel.
- Vive Suze-la-Rousse,
- Vive le département de la Drôme,
- Vive la République,
- Vive la France !\