23 décembre 1987 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du voyage officiel à Djibouti, notamment sur les relations bilatérales entre la France et Djibouti, la situation dans le Golfe persique et l'aide aux pays en voie de développement, Djibouti, mercredi 23 décembre 1987.

Mesdames et messieurs,
- Nous sommes maintenant à quelques quart d'heure de notre départ, après avoir passé vingt-quatre heures dans la République de Djibouti, heures fort occupées, vous avez pu le constater. Je dois dès maintenant remercier le Président Hassan Gouled Aptidon de sa très grande hospitalité pratique et aussi de celle du coeur, ce qui nous vaut depuis déjà de longues années une relation amicale. Ce voyage a été utile par tous les enseignements que nous avons tirés en raison de la situation particulière de Djibouti et en raison de la situation particulière de Djibouti et en raison de la connaissance qu'a le Président Hassan Gouled de tous les problèmes de la région et au-delà.
- Il sera difficile de brasser l'ensemble des questions qui se posent au monde et en particulier à la France. Nous sommes dans un pays ami mais étranger et de ce fait je limiterai mes réponses dès lors qu'elles devraient aborder les problemes internes à la société française. Cela dit le champ reste vaste et je suis prêt à répondre en compagnie du Président Hassan Gouled.
- M. HASSAN GOULED APTIDON.- Comme je ne suis pas très calé en français, je voudrais qu'on me pose les questions et je répondrai autant que possible.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous n'ignorez pas que Djibouti fait partie des pays de la ligue arabe. Il se passe actuellement de tragiques événements en territoires arabes occupés, quelles sont les réactions d'un chef d'Etat français venu à Djibouti à propos de ce sujet ?
- LE PRESIDENT.- La France s'est déjà exprimée par la voix du ministère des affaires étrangères et par un texte qui a été publié et communiqué à toutes les agences. Ce texte se résume ainsi : puisqu'il s'agit de problèmes d'ordre public en particulier dans des territoires comme la Cisjordanie et Gaza - et vous connaissez le débat international par lequel les Nations unies ont déjà fixé à diverses reprises leurs positions - il est évident que chacun se sent le droit, surtout un pays membre permanent du Conseil de sécurité comme la France, d'exprimer un avis sans vouloir faire la leçon à personne. Nous pensons que dans des problèmes de maintien de l'ordre dans des conditions aussi délicates et qui posent tant de problèmes de caractère humain et international, l'emploi de la force par les armes représente un facteur qui nous conduit à déplorer, le cas échéant à condamner, la direction vers laquelle on s'engage. C'est bien le moins que la France doit à l'égard des pays arabes et particulièrement de la population palestinienne. Sous quelle forme ? Il appartiendra à nos diplomates, sur les ordres ou les directives du Président de la République et du gouvernement de faire valoir leurs arguments lorsque des textes seront connus d'eux au sein du Conseil de Sécurité.
- Mais ceci peut être dit très clairement et très simplement car chacun sait que la France entretient des relations nombreuses et bonnes avec l'Etat d'Israël dont nous ne manquons jamais d'affirmer le droit à l'existence et donc de reconnaître les moyens de cette existence.\
QUESTION.- Après la décision d'adopter un programme d'investissement privé à Djibouti, vous avez vous-même évoqué hier soir dans votre discours que les investisseurs privés français devraient s'intéresser à ce hâvre de paix. Cela vous a-t-il semblé nécessaire pour susciter l'intérêt des entreprises françaises à Djibouti ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez, les entreprises françaises sont comme toutes les autres. Elles iront là où leurs prix de revient seront non seulement supportables mais leur permettront ensuite sur les marchés de conquérir de nouvelles parts. Ici, elles ont un accueil exceptionnel. C'est vrai de toutes les catégories de Français qui viennent ici, civils et militaires. Donc un environnement excellent avec les perspectives de géothermie que l'on nous a exposées ce matin sur le terrain, on peut penser que l'électricité sera fournie à bas prix et d'autre part nos intérêts qui sont non pas semblables mais très proches des intérêts qui sont non pas semblables mais très proches des intérêts de la République de Djibouti pour que ce moule que représente Djibouti prenne toute la dimension que nous en attendons £ tout cela doit nous inciter à pousser, à inviter les entreprises françaises à venir s'installer ici, à investir. Nous n'agissons pas par ordre, on doit tenir compte des conditions de la concurrence internationale. C'est donc beaucoup plus la République de Djibouti qui pourrait répondre à ma place. Mais enfin, elle doit savoir, je l'ai proclamé hier soir, que nous sommes absolument disposés à faciliter cette implantation et ces investissements.\
QUESTION.- Quels enseignements tirez-vous de vos deux heures passées sur le Clémenceau ?
- LE PRESIDENT.- De remarquables équipages. Que dire de plus ? Ils remplissent leur tâche. Elle est difficile, elle est exigente. Les hommes, quel que soit leur rang, qui remplissent cette tâche ne peuvent la mener à bien qu'au moyen d'une très grande, une exceptionnelle capacité professionnelle, d'une qualité physique et morale puisque j'ai parlé tout à l'heure d'exigence. Mais à ces deux conditions, il faut en ajouter une troisième, c'est le sentiment qu'ils doivent avoir de remplir une mission utile à leur pays. Ces trois conditions me paraissent remplies si j'en juge par l'-état d'esprit que j'ai remarqué, depuis l'Amiral commandant la flotte jusqu'aux jeunes engagés qui ont été pourtant embarqués dans des conditions particulièrement rigoureuses et qui sont soumis à un entraînement, à une vigilance qui demandent beaucoup.
- Des dispositions ont été prises par le ministère de la défense pour alléger un peu cette difficulté, pour qu'ils puissent être relevés par cinquième. Bref, au total, c'est une -entreprise qui exhalte notre marine, qui lui donne des moyens et qui sert d'expérience ou de banc d'essai sur ce dont est capable le marin français affronté à des périls.
- Vous connaissez la mission d'ensemble, pas simplement du porte-avions et du groupe aéronaval, je l'ai rappelé encore ce matin, il y a les dragueurs qui s'occupent des mines pour éviter les accidents. Il y a les escorteurs qui sont là pour accompagner, non pas de façon systématique, mais quand le Commandement le juge bon. Il y a le groupe aéronaval et particulièrement le porte-avions, qui sont dans le Golfe d'Oman mais qui circulent comme vous le voyez. Aujourd'hui ils sont à Djibouti, demain ils pourront se trouver à l'Est du détroi d'Ormuz, de la mer d'Oman. Ils représentent pour la France, une capacité indéniable et reconnue, de défendre ces intérêts et parmi ces intérêts il y a d'abord la libre circulation dans le Golfe arabo-persique. Cet intérêt est partagé avec beaucoup d'autres pays du monde, nous n'avons pas la charge des autres pays du monde, mais nous avons la charge du nôtre. Nous avons aussi des devoirs d'assistance. Donc, très librement, sous le seul commandement français, sans appartenir à aucune force internationale, les marins remplissent leur devoir de marin et ils le font bien. J'ai remarqué chez eux, une tenue, j'ai dit tout à l'heure physique et morale, c'est remarquable. J'ai tenu à les en remercier.\
QUESTION (J.P. LANGELLIER, Le Monde et F. HAUTER Le Figaro).- Lorsque le Clemenceau avait été envoyé au large du Golfe au pire moment de la tension entre la France et l'Iran, les observateurs y avaient vu généralement un signal à Téhéran. Est-ce qu'au moment où une certaine normalisation s'ébauche entre Paris et Téhéran, le maintien que vous avez annoncé ce matin du Clemenceau sur zone ne pourrait pas ralentir un petit peu cette normalisation.
- LE PRESIDENT.- Il ne faut pas mélanger les questions. Nous n'avons pas de conflit avec l'Iran, même si nous savons bien que le soutien que nous avons apporté à l'Irak et que nous apportons à l'Irak, a provoqué le mécontentement des autorités iraniennes, mais enfin nous ne sommes pas partie prenante. Si nous sommes les amis de l'Irak, nous ne sommes pas les ennemis de l'Iran. Mais d'autre part, faudrait-il considérer que l'on pourrait avoir une sorte de notion d'échange dans le -cadre des relations internationales. C'est que nous devons avoir avec l'Iran et nous souhaitons voir s'améliorer et d'autre part la situation des quatre otages - trois ou quatre - j'espère, si j'ose dire que les quatre sont vivants - sur lequel l'Iran peut exercer son influence, mais si l'on devait aller plus loin dans l'idée que nous nous faisons de l'Iran, cela deviendrait vraiment proprement insupportable. Donc, on ne peut pas mélanger les choses.
- Nous avons une route internationale, garantie par le droit international, et qui, commercialement, est capitale à la fourniture, à l'approvisionnement de nos sources énergétiques. C'est une loi internationale qui est respectée par beaucoup d'autres pays et que nous entendons faire respecter. En effet, c'est une conséquence de la guerre.
- Et lorsque nos intérêts sont affectés par cette guerre à laquelle, je le répète, à laquelle nous n'avons pas de part. Nous prenons les mesures qui nous permettent d'y parer. L'envoi du Clémenceau et du groupe aéronaval n'a pas du tout été décidé pour menacer l'Iran, pas le moins du monde. C'est là qu'il pourrait y avoir confusion dans l'esprit de certains. Pas du tout. Nous avons simplement dit : nous avons des droits, nous voulons que ces droits soient respectés. La présence de la flotte française n'est donc pas du tout liée à l'évolution des relations entre l'Iran et la France. Tout ceci dit en termes simples, parce qu'il est évident qu'une innovation de la situation internationale, un retour à la paix ou du moins l'application des mesures décidées par le Conseil de sécurité, en somme une amorce ou une évolution vers la paix pourrait conduire la France à examiner les choses autrement. Mais tel n'est pas le cas aujourd'hui. Donc les choses ne sont pas liées et la flotte, le groupe aéronaval, restera là, à patrouiller dans cette région autant que nous le déciderons. Je suis hors d'état de vous dire quand cela sera. Cela ne fait pas partie des négociations.\
QUESTION.- Monsieur le Président, un mot simplement, entraîné par cet effort de marine dans le Golfe, le surcoût, je crois de fonctionnement, est d'environ cent millions de francs par mois, donc des dépenses supplémentaires qui sont liées à l'engagement de la Marine dans cette partie du monde. Est-ce que vous pensez que l'on pourra faire durer cet effort très longtemps ?
- LE PRESIDENT.- Vous poserez cette question à M. le ministre de la défense `André Giraud`, mais comme vous avez apporté de vous-même un élément de réponse, je ne vois pas ce que je pourrais y ajouter. La France est suffisamment une grande puissance, un pays assez grand, avec une histoire elle-même assez longue et forte pour qu'elle accepte les difficultés que supposent toutes opérations de ce type ce qui est un acte de présence là où il le faut. Ceux qui en ont la charge doivent naturellement, comme vous, nous y inciter, faire leurs comptes. Et ce n'est pas toujours facile pour eux. Mais en tant que France ce n'est pas ce type de difficulté qui pourrait nous arrêter, dès lors que nous estimerions indispensable la présence en question.
- QUESTION.- Monsieur le Président, êtes-vous par principe hostile à une force internationale dans le Golfe comme viennent, je crois, de le proposer encore une fois les Soviétiques hier ?
- LE PRESIDENT.- Une force internationale ? On nous a plusieurs fois suggéré de prendre part à des forces qui sont internationales, le terme recouvrant des réalités souvent très différentes. Non, nous avons dit non. Cette proposition dont vous me parlez, quel est son contenu ? Telle que nous connaissons la situation existante, la France agit à son corps défendant. Naturellement elle a des relations, surtout avec les pays alliés £ mais ce n'est pas un effet de l'Alliance atlantique £ il n'y a pas d'Alliance atlantique dans le Golfe arabo-persique. Il y a seulement des bonnes relations entre pays amis et le cas échéant une assistance. Donc la flotte française n'est pas partie prenante d'une force internationale, dans le sens admis de ce terme.\
QUESTION.- Monsieur le Président, le Président Hassan Gouled ne manque pas d'idées pour développer son pays, on a parlé de géothermie, le prolongement de la ligne de chemin de fer Addis - Djibouti, jusqu'où la France peut-elle aider Djibouti à se développer ?
- LE PRESIDENT HASSAN GOULED.- Je crois que la question est bien posée £ comme vous le savez la République de Djibouti n'a pas d'industrie. Ses poumons étaient le chemin de fer et le port. Mais le chemin de fer ne fonctionne plus comme avant parce qu'il est complètement inadapté, les rails sont trop étroits, étant donné la date de la construction de cette voie ferrée, elle est complètement usée, elle n'a plus la potentialité souhaitée. En ce qui concerne la région, la République de Djibouti est amie avec tous les pays riverains, quelle que soit leur politique intérieure et nous n'avons pas le droit de nous immiscer dans les affaires des autres - parce que nous mêmes nous voulons sauvegarder notre neutralité - mais nous essayons dans le calme qu'il y ait vraiment un jour dans cette région ou les pays voisins une harmonie. Voilà les deux réponses que je peux vous dire en ce qui concerne Djibouti.\
QUESTION.- Monsieur le Président, à un moment donné vous avez refusé l'accréditation de l'ambassadeur d'Afrique du Sud à Paris, alors que l'affaire Albertini était toujours en suspens et que le coopérant français était en prison. Par la suite Albertini a été libéré, vous avez accepté l'accréditation, est-ce que c'est tout monsieur le Président ? Est-ce que cela s'arrête là ? La politique de la France par -rapport à l'Afrique du Sud, monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- La politique de la France est tout de même très connue par -rapport à l'Afrique du Sud. La France entretient des relations diplomatiques avec l'Afrique du Sud comme la plupart des pays du monde. Les exceptions ne sont pas aussi nombreuses que les doigts d'une main. Cela comprend donc beaucoup de pays dont la République française n'approuve pas la politique intérieure. Donc, nous avons une représentation diplomatique, elle a été en effet suspendue tant que le cas d'un Français détenu dans ce pays n'avait pas été résolu. Il l'a été, eh bien nous avons continué des relations diplomatiques qui ont toujours existé. Le problème s'est transposé, c'est pourquoi votre question est tout de même un peu brève sur le -plan économique et sur le -plan politique. La condamnation politique a été cent fois réitérée à l'égard de l'apartheid. La condamnation économique est constante où nous sommes associés. Nous avons même parfois été demandeurs pour des sanctions qui ont été décidées par diverses institutions internationales, notamment au sein de la Communauté européenne et nous nous en tenons là. Nous refusons toute une série de livraisons qui ne nous paraissent pas conformes à l'intérêt de l'Afrique, en particulier en raison de la situation dramatique qui existe à l'intérieur de l'Afrique du Sud et dans les relations entre l'Afrique du Sud et les pays dits du front, c'est-à-dire les pays voisins de l'Afrique australe. Il y a aussi le problème de la Namibie. Nous avons constamment maintenu une attitude roide. Membre du groupe de contact, nous nous en sommes même éloignés parce que nous estimions que ce groupe avait d'une certaine manière délaissé sa mission qui était de hâter le moment où cette indépendance de la Namibie deviendrait effective. Il n'y a pas d'ambiguité dans cette attitude.\
QUESTION.- Monsieur le Président, la contribution de la France au projet géothermique djiboutien semble modeste. Est-ce que votre déplacement sur le site du Lac Assal peut-être interprété comme une volonté de la France d'augmenter sa participation au projet crucial djiboutien ?
- LE PRESIDENT.- En tout cas, elle peut être interprétée comme un signe d'intérêt. Quant à la traduction budgétaire d'un signe d'intérêt cela c'est un problème de transposition de langage, toujours assez complexe. Je pense que le gouvernement français a suffisamment conscience de son rôle. Tous les responsables qui passent ici sont frappés par les capacités de développement de Djibouti, pays particulièrement ami. Je pense que dans le -cadre de la coopération par exemple, la France fait un grand travail dans le monde entier, notamment en Afrique. Nous sommes dans l'aide aux pays en développement le premier des pays industriels, et de loin. Je ne pense pas que l'on puisse nous adresser de reproche, même si cet effort doit être poursuivi, ce que je souhaite. Quant au dossier particulier de la géothermie comme on se rend bien compte que l'économie de Djibouti peut connaître un essor considérable grâce à l'utilisation scientifique de cette géothermie voilà un dossier qui pourrait devenir prioritaire. Il sera soumis à l'examen du gouvernement.\
QUESTION.- Vous avez évoqué hier soir dans votre discours la situation linguistique de Djibouti, elle fait allusion à la résolution inspirée par le Président Hassan Gouled au Sommet de la francophonie à Québec. Comment pourrait se concrétiser le soutien de la France à cette résolution ?
- LE PRESIDENT.- Oui, je me souviens très bien de l'intervention du Président Hassan Gouled. Déjà la France fait un effort sérieux pour le développement de la francophonie. C'est bien la moindre des choses. Il y a des hauts fonctionnaires et des politiques qui sont chargés de suivre ces dossiers. La France ne peut qu'accroître son effort pour le développement de la langue qui est la sienne, langue partagée par tant de peuples sur la terre. Ils étaient une quarantaine présents à Québec. Donc, je peux vous répondre oui sans risque de me tromper.\
QUESTION.- Depuis votre arrivée à l'Elysée, est-ce qu'il y a une réorientation de la politique française vis-à-vis de la coopération avec l'Afrique et spécialement depuis le départ de M. Cot du ministère de la coopération ?
- LE PRESIDENT.- Oui, j'ai lu cela quelque part ici et là. Je peux vous dire non. Enfin, chaque jour qui passe vous apprend quelque chose. Ce serait stupide de ne pas tenir compte des enseignements des faits mais la politique de la France en Afrique sur le -plan de la coopération, deux types de coopération : il existe un certain nombre de traités de coopération militaire. Ils ont d'ailleurs tous été signés avant que je sois élu Président de la République. Ils ont été respectés. Ils ont même été respectés, pardonnez la manière un peu ubuesque de m'exprimer, même là où il n'y en avait pas, d'accords de coopération. C'était le cas du Tchad.
- Sur le -plan civil, l'aide a été chaque fois accrue. A un moment une discussion s'était ouverte parce qu'on me reprochait d'avoir élargi l'aide à un certain nombre de pays non francophones. Je pense en particulier aux pays lusophones comme le Mozambique ou l'Angola. Je disais, il vaudrait mieux réserver nos crédits pour les pays francophones : finalement, en réalité, le principal des crédits était réservé aux pays francophones et cela continue d'être le même cas. A la fois nous tentons d'aider beaucoup d'autres pays et en même temps, nous réservons le plus gros de notre effort à nos pays amis francophones. Où est le changement ? Si vous voulez dire dans le comportement des dirigeants français par -rapport aux chefs d'Etat et aux systèmes, là ce serait une discussion dans laquelle on se perdrait. Ce sont des pays souverains, ils mènent la politique de leur choix. Si cette politique attente aux droits humains, aux droits de l'homme, si elle attente à quelques principes auxquels la France, elle, tient essentiellement, on peut réexaminer la question mais en fait il n'y a pas eu d'une façon générale de mutation intérieure notable entre avant 1981 et après 1981 dans la plupart des Etats d'Afrique, de telle sorte que je ne vois pas très bien en dehors des tempéraments, de la manière de considérer les choses, peut-être aussi dans les comportements humains, je ne vois pas où il y aurait eu un changement de politique, et pendant que mon ami Jean-Pierre Cot était ministre de la coopération, et depuis. Si vous voulez parler plus précisément, je suis près à répondre de façon concrète à vos autres questions.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez déclaré ce matin que la France a le devoir de faire tout son possible pour obtenir la libération des quatre otages qui restent au Liban. Vous avez en même temps déclaré que la France ne peut pas renoncer à ses intérêts primordiaux. Est-ce que vous pouvez définir la ligne de division entre ces deux choses, par exemple tout son possible, cela inclut les ventes d'armes à l'Iran, retirer le groupe aéronaval du Golfe, plus d'expulsion des exilés iraniens en France, - ne ne veux pas mélanger les questions mais si vous pouvez définir un peu -.
- LE PRESIDENT.- C'est la question qui m'a déjà été posée par les journalistes d'Antenne 2, qui sont de bons journalistes et qui connaissent bien leur métier. Ils m'ont dit précisément : Quelle est la ligne entre "tout ce qu'il est possible de faire" et "il y a cependant des domaines qui ne peuvent pas être négociés" ? C'est vrai que la réponse ne peut être faite que dans la pratique des choses. Il ne peut pas y avoir de définition générale. Alors vous avez abordé cela d'une façon effectivement concrète. Vous avez dit par exemple "vendre des armes à l'Iran" : non, cela n'est pas négociable. Vous avez dit ensuite ?
- QUESTION.- Retirer le groupe aéronaval...
- LE PRESIDENT.- Retirer les forces françaises dans le -cadre d'une négociation de ce type : non.\
`Suite sur l'expulsion des Iraniens`
- Troisièmement, vous m'avez parlé des Iraniens expulsés. J'ai déjà eu l'occasion de le faire à d'autres reprises que les Iraniens qui bénéficient du droit d'asile, n'en bénéficient pas dans n'importe quelles conditions. Il existe un Office qui étudie les dossiers et qui conclut. Lorsque cet Office a reconnu la qualité de réfugié politique disposant du droit d'asile, à partir de ce moment, les personnes en question sont couvertes d'une part par la Constitution française, dans les principes reconnus par la Constitution française, et d'autre part par la Convention de Genève. L'une et l'autre de ces dispositions, les unes étant nationales, les autres internationales comportent des obligations. Parmi ces obligations, un réfugié politique reconnu par les institutions nationales et internationales, c'est-à-dire le Haut Commissariat aux réfugiés ne peut être expulsé que selon une procédure contradictoire. C'est pourquoi j'ai dit ce matin à Antenne 2 que si ces conditions n'ont pas été respectées, alors, il faut que les cas soient révisés. Si elles ont été respectées, cela relève de la décision d'un gouvernement lorsqu'il estime que telle ou telle personne qui ne se trouverait pas dans une situation régulière ou qui a manqué à ses obligations peut être maintenue ou éloignée du territoire national. Cela est une question d'approbation d'espèce. Mais le droit est tel que normalement chacune des personnes en cause, réfugiés politiques reconnus, a parfaitement le droit de recourir aux moyens qui lui sont accordés par notre loi pour obtenir révision de cette décision. Si vous voulez me dire "mais alors il ne fallait pas le faire, dans certains cas", moi je n'en sais rien, je ne connais par les cas individuels. S'il n'y a pas manquement au droit, c'est bien normal qu'un gouvernement agisse selon l'idée qu'il se fait de la sécurité en France.\
QUESTION.- Vous avez déclaré tout à l'heure... Est-ce que vous pensez que dans le contexte actuel, on peut être l'ami des deux `Irak - Iran`
- LE PRESIDENT.- Cela serait préférable. Présentement, cela me paraît difficile, mais il faudrait que ces Etats s'habituent à penser que l'on n'est pas obligé de choisir. Si les pays qui ont vendu des armes, - la France en vend à l'Irak depuis 1976, c'est-à-dire que ce sont des contrats qui ont été renouvelés avant la guerre et pendant la guerre Iran - Irak - doivent être considérés comme des ennemis, dans ce cas permettez-moi de vous dire que je peux vous fournir une liste qui pourrait vous intéresser de tous les pays qui fournissent des armes aux deux belligérants. Vous auriez certainement des surprises. Il y a ceux - ce sont certainement les plus pudiques -, qui ne vendent qu'à un seul, c'est le cas de la France £ il y a ceux qui ne vendent pas du tout et en général c'est parce qu'ils n'en ont pas £ et enfin ceux qui vendent aux deux, mais ils n'avouent pas. Mais moi, je pourrais vous informer, si vous voulez, de telle sorte que je pense que l'Iran a une sagesse millénaire qui devrait le conduire peu à peu à mieux comprendre que la France ne se comporte pas en ennemi. Mais enfin comme je n'ai pas du tout l'intention ici de rogner les engagements de la France aux côtés du monde arabe, je ne veux pas que mes paroles soient interprétées comme une sorte de regret à l'égard de nos relations avec l'Irak.\
LE PRESIDENT.- Voilà, nous allons bientôt nous séparer : monsieur, une question ?
- QUESTION.- (Journal La Nation) La récente conférence des chefs d'Etat d'Afrique et de France a été consacrée au problème de la dette africaine. La France va-t-elle montrer l'exemple en appliquant certaines des mesures proposées par les dirigeants africains ?
- LE PRESIDENT.- Oui. Nous avons reçu les propositions de l'OUA. Aucun des grands choix de l'OUA ne nous effraye, je dirai même que nous pouvons souscrire à toutes les directions qu'ils ont esquissées. Tout le problème est dans la proportion ou dans la -nature de l'effort à fournir.
- Quand on nous dit, voilà il faut des moratoires, des délais de grâce qui permettront de remettre dans le temps et même dans le temps lointain le paiement de certaines dettes, eh bien, c'est l'attitude de la France qui en réalité dans de nombreux cas, déjà surtout à l'égard des pays les moins favorisés, sans proclamer l'abandon de sa créance, en fait a agi de telle sorte que la dette est épuisée sans qu'elle ait été remboursée. Mais quand on dit pour 50 ans, cela mérite discussion. Voyez, sur chacun des points, la France est prête à discuter et ne récuse aucune des directions adoptées par l'OUA. Nous sommes d'accord pour accroître les liquidités du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale, nous sommes d'accord pour que l'ensemble des Pays Industrialisés fournisse un effort pouvant aller jusqu'à 0,7 % du revenu du Produit National Brut et j'ai aussi déjà dit - pardonnez moi de me répéter - que nous sommes ceux qui ont fait le plus grand progrès. Il n'y a pas de dissentiment entre l'OUA et la France. Il y a simplement une estimation de nos moyens. Nos moyens ne sont pas illimités parce que la crise nous frappe aussi, autrement et moins durement que les pays africains, mais elle nous oblige à être plus stricts que nous le souhaiterions dans la répartition de nos efforts.\
QUESTION.- Monsieur le Président, tout à l'heure vous avez répondu à la question concernant l'expulsion des Iraniens mais je poserai la question d'une autre manière, je vous demanderai votre position vis-à-vis des immigrés en général en France ?
- LE PRESIDENT.- Vous m'obligez à me répéter. Ou, alors, il faut croire que mes propos ne franchissent pas la Loire ! Parce que vraiment, je me suis si souvent exprimé sur ce sujet ... Les immigrés qui se trouvent en situation régulière en France, qui ont été eux aussi admis dans notre Communauté de travail, qui nous apportent leur effort et leur compétence, qui prennent part à notre production, doivent être soumis aux mêmes règles que les travailleurs français, sur le -plan de la protection et sur le -plan du logement, sur le -plan des mesures de police. Ils doivent être considérés comme partie prenante de notre communauté. Je ne dis pas communauté nationale, mais notre communauté.
- Il y en a d'autres qui ne sont pas en France en situation régulière. La France est un pays où l'on aime venir et où l'on aime s'installer et cela crée des difficultés considérables, surtout dans une période où il y a une baisse des postes d'emploi. Ceux qui sont en situation irrégulière, bref qui ne sont pas dans une situation conforme à notre loi, s'exposent évidemment à être ramenés dans leur pays d'origine ou du moins dans le pays de leur choix en dehors de la France. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille avoir à leur égard une attitude administrativement brutale ou que l'on puisse oublier qu'il s'agit d'êtres humains qui se trouvent dans le besoin. Ce que je dis là ne comporte pas d'exception. Quelle que soit la race ou le pays d'origine, tout travailleur qui nous apporte son -concours dans le -cadre de nos lois doit être respecté, ne doit pas être l'objet de campagnes politiques et, s'il en est, doit être défendu par les pouvoirs publics comme on le ferait de nationaux.\