10 décembre 1987 - Seul le prononcé fait foi

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Réponse de M. François Mitterrand, Président de la République, à M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, sur la libre circulation des parlementaires en mission et les recours possibles en cas d'empêchement, jeudi 10 décembre 1987.

Monsieur le député,
- J'ai bien reçu votre lettre du 8 décembre 1987 par laquelle vous m'avez demandé audience pour évoquer les conditions dans lesquelles les élus du groupe des droites européennes de l'Assemblée européenne, accompagnés de plusieurs députés à l'Assemblée nationale, ont été empêchés de séjourner à Fort-de-France (Martinique) pour y tenir des journées d'études.
- Vos préoccupations, dont l'importance ne m'a pas échappé et que j'ai examinées avec soin, appellent les indications suivantes.
- La liberté d'aller et venir sur l'ensemble du territoire de la République est un principe de valeur constitutionnelle uniformément applicable, sans autre formalité, à tous les citoyens français ainsi qu'aux étrangers en situation régulière.
- Elément essentiel de la liberté individuelle, ce principe bénéficie particulièrement, en vertu d'une longue tradition républicaine, aux parlementaires et aux titulaires d'un mandat dans une assemblée internationale, qui se déplacent à raison de leurs fonctions ou pour accomplir une mission officielle au nom de l'institution dont ils sont membres.
- En outre, l'article 8 du Protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, ratifié par la France, interdit toute restriction au libre déplacement des membres de l'Assemblée européenne se rendant à ses réunions, qu'il s'agisse d'une séance plénière ou de la réunion d'une commission ou d'un groupe politique.
- C'est à l'Etat qu'il revient d'assurer la liberté d'aller et venir, sous le contrôle de l'autorité judiciaire. "Gardienne de la liberté individuelle" aux termes de l'article 66 de la Constitution, elle agit souverainement et toute personne anormalement privée du droit de se déplacer librement dans notre pays peut donc lui demander réparation.
- Quant aux titulaires d'un mandat électif national, ils ont, de surcroît, la faculté - et dans certains cas le devoir - de demander aux instances qualifiées de leur assemblée - généralement le président et le bureau - d'apprécier si, compte tenu des circonstances, l'exercice de leur fonction publique a été effectivement empêché d'une manière illégale, et d'en tirer éventuellement les conséquences auprès des autorités gouvernementales et administratives responsables.
- Dans ces conditions, je ne peux que vous laisser le soin d'engager, si vous le jugez utile, les démarches nécessaires pour faire valoir vos droits, tant auprès de la juridiction compétente que des assemblées intéressées.
- Pour ce qui le concerne, et en raison du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, le Président de la République ne saurait se substituer à la libre appréciation ni de l'autorité judiciaire, ni des institutions représentatives en cause.
- Veuillez agréer, monsieur le député, à l'assurance de mes sentiments les plus distingués.\