26 novembre 1987 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du sommet franco-italien, sur la coopération militaire européenne et la question du financement de la CEE, et notamment des fonds structurels régionaux, Naples, jeudi 26 novembre 1987.

Mesdames,
- Messieurs,
- Venir à Naples est une heureuse circonstance £ le décor n'est jamais indifférent £ la forme aide le fond. On a davantage envie de rechercher l'harmonie quand l'harmonie est tout autour. Ce n'est quand même pas tout à fait suffisant, sans quoi, devant tout problème difficile, il suffirait d'avoir une certaine qualité de choix. Et l'Italie n'en manque pas ! On aime bien aller à Rome ! Et puis aussi à Venise, et puis aussi à Milan, et puis aussi à Florence, et puis aussi à Naples, et puis aussi... enfin ce serait pour la prochaine fois !...
- Un "sommet" franco-italien, dans les circonstances présentes, représente la moindre difficulté. Comme toujours deux délégations, deux diplomaties, deux pays, il n'y a aucune raison pour que, a priori, tous les violons soient accordés, aucune raison puisque les intérêts ne peuvent pas être identifiés, confondus. Mais il faut l'admettre, ce qu'on pourrait rechercher comme un contentieux bilatéral n'existe pratiquement plus - n'existe pratiquement pas - depuis plusieurs années.
- Les différences de point de vue que l'on notera au cours de cette conférence de presse, que l'on a pu observer, se situent strictement dans l'approche des réponses européennes aux questions qui se posent à la Communauté. Et ces divergences de point de vue, ces différences de point de vue, qui peuvent être des convergences, qui peuvent le devenir, touchent essentiellement au contenu des - ou de la nouvelle - ressources nécessaires à la Communauté, à l'importance et aux modalités de la politique dite structurelle, ou que l'on pourrait dire régionale. L'Italie et la France ne se sont pas singularisées par des différends sur la politique agricole, même si elles constatent qu'à l'heure où nous nous exprimons, les différents points de vue européens, en dépit des efforts des ministres - efforts qui seront continués pendant ce week-end - n'ont pas encore aboutis. Mais ce n'était pas une affaire franco-italienne.\
`Suite sur le bilan du sommet franco-italien`
- Nous avons aussi, bien entendu, parlé d'autres choses. Copenhague, c'est un rendez-vous d'une très grande importance. Monsieur le Président du Conseil des ministres italien l'a souligné. En soi c'est important, mais aussi en raison des circonstances, puisqu'à peu de jours près, on verra les deux plus importantes puissances du monde d'accorder sur une première étape de désarmement, après quarante ans d'échecs. Et devant ce signal - qui sera en même temps un signal de puissance pour deux pays - on comprendra combien il serait fâcheux que, la comparaison étant faite, on ne mesure de l'autre côté, chez nous, en Europe, que des mésententes et l'impossibilité de franchir les pas très pratiques qui ne posent pas de graves questions de principe, qui restent à accomplir avant les grands rendez-vous de 1992.
- Copenhague est donc considéré par la délégation italienne, comme la délégation française, comme une rencontre déterminante. On nous le dit trop souvent £ mais je crois que cette fois-çi c'est vrai : les circonstances de 1988 risquent de ne pas nous permettre de rattraper ce qui aurait manqué au mois de décembre 1987. J'espère que chacun comprendra. Mais, je ne peux pas me mettre à la place de tout le monde. J'exprime là un voeu, puisque cela est la volonté de la France. Et c'est bien, j'en suis convaincu, la volonté de l'Italie.
- Nous avons aussi parlé des problèmes de sécurité, de défense pour l'Europe. Nos amis italiens se sont intéressés - on s'en doutait - à la démarche franco-allemande. Ils ont parlé de l'UEO. Nous avons débattu de la nécessaire harmonie entre l'Alliance atlantique sous la forme militaire, l'OTAN - vous savez que nous sommes de ce point de vue, dans une situation différente par -rapport au commandement militaire intégré - et les perspectives de défense commune.
- Enfin, nous avons examiné, cela vient d'être dit, d'autres questions qui touchent à la politique dans le Moyen-Orient, à la guerre entre l'Irak et l'Iran, et d'autres questions sur lesquelles vous souhaiteriez nous interroger.
- Enfin, les ministres - surtout les ministres chargés de départements techniques - ont aussi discuté de télécommunications, d'aéronautique, de conquête spatiale et des mesures à prendre pour aborder, par -rapport aux concurrents étrangers extérieurs à la Communauté - pour aborder la fameuse date où notre marché intérieur sera débarrassé de toute frontière. Comment l'Europe se défendra-t-elle si rien n'est décidé d'ici là par -rapport à ses plus puissants concurrents ? D'où l'importance, naturellement, de la conférence du GATT.
- Voilà, mesdames et messieurs. Quand j'aurai redit à quel point nous sommes sensibles à l'hospitalité italienne, je n'aurai rien d'autre à ajouter, du moins pour l'instant, en attendant vos questions, si elles viennent.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous savez mieux que quiconque que 20 ans se sont écoulés entre deux guerres mondiales et que 40 ans, heureusement pour nous, se sont écoulés entre la deuxième guerre mondiale et maintenant. Alors - je m'adresse un petit peu à M. Giraud - est-ce qu'aujourd'hui où nous allons vers les "points zéro", ou il nous reste notre force de dissuasion, est-ce qu'il n'est pas un peu inquiétant de penser que les forces conventionnelles soviétiques peuvent demain nous envahir et qu'au fond, nous, nous n'avons rien pour nous défendre ?
- LE PRESIDENT.- Vous vous exprimez pour quel organe de presse s'il vous plaît ?
- LE JOURNALISTE.- L'AFP.
- LE PRESIDENT.- Vous posez un problème de caractère très général qui n'entre pas dans le -cadre de cette relation avec la presse, à l'issue de sommet, d'autant plus que le problème se pose dans les termes différents pour l'Italie et pour la France, mais pas complètement différents, puisque nous sommes dans la même alliance. Au fond dans la conception de la paix, nous sommes intéressés par les mêmes problèmes.
- J'entends beaucoup de personnes s'inquiéter de ce que sera demain, alors qu'on en est tout juste, aujourd'hui, à un premier accord sur le désarmement, tout juste - à peine - à un accord sur les forces nucléaires dites intermédiaires, et sur le contrôle. Tout laisse penser que cet accord est acquis, et qu'il sera sanctionné par un acte solennel.
- Alors la question qu'il faudrait poser, c'est : est-ce qu'on approuve, ou est-ce qu'on refuse ? Je suis de ceux qui approuvent pleinement, sans restriction. Ce qui ne veut pas dire que je ne pose pas de questions pour la suite. Je considère que ce qui est fait aujourd'hui est utile pour la paix. Et je ne veux pas détruire, comme le font beaucoup d'esprits que je considère comme un peu chagrins, l'heureux effet de ce premier accord, en décrivant à l'avance les catastrophes qui pourraient naître de nouveaux accords dont personne n'est saisi, dont les termes n'ont pas été posés et qui laisse le champ libre à l'imagination. Simplement, nous Européens, nous Français en particulier, nous disons c'est la bonne direction.\
`Suite sur les négociations de désarmement`
- Quand on dit direction, cela veut dire que l'on est sur la bonne direction : on a franchi trois mètres, 3 % - les Américains et les Russes - ont franchi une première étape qui aboutirait normalement à une réduction de 3 % de leurs arsenaux nucléaires. Et nous continuons en disant que 3 %, cela ne suffit pas. Il faut maintenant s'attaquer aux forces stratégiques, ce qui est d'ailleurs conforme à ce qui avait été dit entre MM. Reagan et Gorbatchev à Reykjavik.
- Une observation au passage : pour nous Français, comme pour les Italiens, la quasi totalité de l'armement soviétique est stratégique, y compris ce qu'ils appellent intermédiaires `FNI` dans leur dialogue russo-américain, puisque ce sont des armes qui ne franchissent pas l'Atlantique, mais qui n'en font pas moins de 4500 km de portée. Cela veut dire que ce qui est intermédiaire pour les Américains est stratégique pour nous. Raison supplémentaire de se réjouir quand cet armement va vers sa réduction plutôt que vers son augmentation.
- Voilà ce que je voulais vous dire à ce propos. Mais nous nous intéressons aussi - vous avez prononcé le mot - aux armes conventionnelles. Nous voulons corriger l'actuelle disparité entre les forces du Pacte de Varsovie et les forces de l'Alliance atlantique. Et puis nous sommes très méfiants, on le saurait à moins, à l'égard de l'arme chimique. Enfin bref, aucun domaine touchant à d'éventuels affrontements militaires ne doit être ignoré par les négociateurs. Mais limitons bien le champ de nos observations : il s'agit d'une négociation russo-américaine dans laquelle les autres pays, notamment la France, ne sont pas partie prenante, et avant de juger des avantages et des inconvénients de futures mais éventuelles propositions, attendons qu'elles soient exprimées.\
QUESTION.- Monsieur le Président, pouvons-nous vous demander de nous éclairer sur ces problèmes de la défense ? Nous aimerions bien avoir une idée assez précise.
- LE PRESIDENT.- Ce n'est pas l'objet principal de ce compte-rendu devant la presse. Je ne refuse pas, c'est un sujet qui m'intéresse beaucoup. Peut-être pourrait-on en parler tout à l'heure, comme cela, tous les deux. Précisez vous-même vos questions, ne m'obligez pas à faire une sorte de cours magistral, alors que l'époque, depuis 1968, est davantage, je crois, à l'initiative de tout le monde.
- QUESTION.- C'est ce que vous avez évoqué il y a un instant sur le Conseil de défense...
- LE PRESIDENT.- Cela va être très bref et très simple. Première proposition, nous souhaitons une défense européenne. Deuxième, nous en connaissons la difficulté, difficulté née de la différence de statuts sur ce -plan de plusieurs pays européens. D'abord, cette défense européenne semble viser la Communauté, mais dans la Communauté, il y a des pays qui ne le souhaitent pas, d'autres qui sont neutres, ceux qui sont dans le commandement intégré de l'OTAN, et ceux qui n'y sont pas. Celui qui n'y est pas en tout cas, c'est la France.
- On parle beaucoup défense entre nous, les Européens, mais on n'avance pas beaucoup. Alors, l'Allemagne et la France dont l'histoire, vous le savez bien, est sur ce -plan très contrastée, ont pris des initiatives. De ces initiatives, nous avons informé nos autres partenaires. Mais, qui peut le plus - et nous souhaitons une défense de l'Europe tout entière - peut le moins. Tant que les autres pays ne seront pas prêts à s'associer à une construction de défense commune, compte tenu des observations qu'ils se font à eux-mêmes oui, mais alors comment faire avec l'OTAN ? Ne faut-il pas craindre des accords régionaux ? Peut-on ainsi disperser les initiatives ? Enfin, toutes ces questions qui sont parfaitement légitimes, que j'entends constamment, nous avons pensé, avec les Allemands, qu'il était bon d'agir sur le terrain, de ne pas trop se perdre dans les discussions théoriques. D'autant plus que nous sommes, Allemands et Français, des partenaires loyaux de l'Alliance atlantique et que nous entendons remplir nos obligations à l'égard de l'Alliance. Bon, alors nous avons pris diverses initiatives que vous connaissez, sur la base d'un traité signé en 1963, entre le général de Gaulle et le Chancelier Adenauer £ nous avons mis en oeuvre les dispositions militaires en 1983, 20 ans après, et on souhaite les préciser, 5 ans après, c'est-à-dire au mois de janvier de l'année prochaine, cela fera 25 ans que le Traité aura été signé.\
`Suite sur la coopération militaire et le Traité franco-allemand`
- Nous n'avons pas de Traité du même ordre avec nos autres partenaires ni anglais, ni espagnols, ni italiens, ni les autres. On peut très bien conclure des accords avec ces pays, sur le même mode, ou autrement, on peut, mais cela n'existe pas.
- Que l'Espagne entre à l'UEO, cela paraît une évidence. Que l'Espagne, M. Felipe Gonzalez m'en a déjà parlé, que l'Italie, cela a été l'objet d'échanges de vue avec le Président Goria, prennent part, à l'avenir, sous une forme à définir, à l'embryon de défense que l'Allemagne et la France édifient, j'y suis tout à fait ouvert. C'est sans doute souhaitable. On ne fera pas la défense de l'Europe avec simplement deux pays. Mais on ne le fera qu'avec ceux qui le veulent. Qui le veut ? La réponse au prochain numéro. Il faut nous le dire. Qu'est-ce que vous voulez que j'ajoute là-dessus ?
- Pas moi, ce n'est pas commode à faire. Même avec l'Allemagne, cela pose des problèmes complexes, ce qui a été dit par le Président Goria. Mais dans l'Alliance oui, mais pas dans le commandement intégré, oui, non. Les statuts sont différents, nucléaires, pas nucléaires. Deux pays qui ont des langues différentes, des modes de discipline et de hiérarchie différentes, tout cela a besoin d'être mis en place, c'est ce que nous faisons. C'est un chemin ardu, raison de plus pour entreprendre de le gravir ce chemin. L'Allemagne et la France ne disent pas on va faire une alliance militaire tous les deux dans un coin, mais on préfère mettre en oeuvre ce traité militaire, plutôt que de dire : on ne fait rien en attendant les autres, parce que les autres, ils n'ont rien dit. Voilà le sujet tel qu'il se pose, et je crois que les conversations franco-allemandes, les débuts d'accords franco-allemands ont une vertu salutaire puisqu'elles contraignent nos partenaires européens à prendre conscience qu'un nouveau problème se pose.\
QUESTION.- (adressée à M. Goria sur la quatrième ressource de la Communauté européenne £ sur les investissements et aides de la Communauté consacrés aux pays qui sont en-dessous d'un certain niveau de production....).
- LE PRESIDENT (complément à la réponse de M. Goria).- Sur ce sujet, il y a un langage technocratique. Il faut être malin pour savoir ce que cela veut dire. Mais nous sommes tous malins. Cela n'empêche pas qu'il faut souvent avoir un dictionnaire dans sa poche pour comprendre les fonds structurels. Cela s'appelait régional avant, maintenant cela s'appelle structurel. C'est passé par Bruxelles.
- Alors, pour la quatrième ressource, vous savez qu'on invente une quatrième ressource. Cela veut dire qu'on veut davantage d'argent. Mais cela vous l'aviez compris. C'est-à-dire que les trois ressources existantes, on pense que ce n'est pas assez. Et d'autre part, le mode de calcul ne paraissait pas correspondre à la réalité. Bon, alors c'est la Commission qui propose, ce n'est pas nous Français, uniquement pour ennuyer les Italiens, c'est la Commission qui propose. La Commission, elle est composée de Français, d'Italiens, et puis de tous les autres. Un système ingénieux qui consiste à dire, bon, bien, entre la TVA et le produit national brut d'un pays, il y a des différences d'estimation. Il faut donc tenir compte de ces deux éléments.
- On maintient la troisième ressource, qui est la TVA, on va en réduire le taux, et la différence entre l'ancien taux et le nouveau taux, plus les nouveaux besoins, seront remplis par une quatrième ressource qui s'appuiera sur ces deux notions.
- Alors on dit, on pourrait réduire la TVA à 1 %. Ce qui veut dire que la quatrième ressource s'élargit à une base plus large, plus large que si la TVA est à 1,5 % ou 2 %. On n'en est pas là. Si on réduit un peu la TVA, cela accroît un peu cette future quatrième ressource. Et c'est là que les Italiens ont des difficultés. Quand la Commission nous propose, à nous comme à vous, cette nouvelle mesure, aucune proposition ne peut a priori convenir aux intérêts contraires de douze pays sur douze, il faut toujours corriger quelque part, pour ne pas créer des injustices, pour ne pas créer des chocs intérieurs économiques, financiers trop graves dans tel ou tel pays. Alors on cherchera toujours le moyen de corriger les effets fâcheux d'une mesure particulière. Alors, comment va-t-on faire ? Cela c'est l'affaire des techniciens, c'est l'affaire des diplomates. Ils en discutent pour l'instant. Une idée tout à fait simple qui vient naturellement à l'esprit, c'est de dire : bon, on laissera un taux de TVA un peu plus important ce qui réduira la part de la quatrième ressource.
- Bon, ce sera combien, 1,2 %, 1,25 %. A ce moment-là, la difficulté italienne se réduit. Mais ce n'est pas à la France qu'il incombe de répondre à cette question-là, c'est à l'Europe, c'est à Copenhague. Nous ferons, nous Français, ce qu'il faudra pour faciliter la tâche de l'Italie. Il n'y a pas de raison que l'Italie supporte un choc, pas plus que la France ne l'accepterait. Il n'empêche que c'est plus facile à traiter si la marge est plus étroite, tout en maintenant le principe, car je crois que le principe, enfin nous pensons nous Français, que le principe est bon.
- Alors c'est une histoire de compromis. Pour cela, vous savez, il y en a des spécialistes pour les compromis. Ne vous inquiétez pas, c'est une denrée qui n'est pas rare. Il y a des gens de grands talents, il y a des gens qui connaissent toutes les arcanes de la diplomatie. La France en a, heureusement. Bon, alors ils vont très bien faire, et comme la France est conciliante, qu'elle cherche à la fois à donner une réponse favorable à la Commission qui a besoin d'argent pour nous, pour l'Europe, et d'autre part à l'Italie, parce que c'est un pays ami - on n'a pas de raison de l'accabler - on va essayer de contribuer à un bon compromis. Mais on souhaite que le principe soit maintenu.\
Pour les fonds régionaux, si vous permettez qu'on fasse un peu quelques variations dans ces conférences de presse qui finiraient peut-être par être ennuyeuses, j'ai observé - je commence à être un des anciens de tout cela - qu'il y avait toujours deux temps dans le discours des pays, des Etats, il y a toujours deux périodes. Il y a la période glorieuse, dans laquelle chaque Etat dit : "c'est moi le meilleur, j'ai le meilleur résultat que l'autre. C'est vous le quatrième ou le cinquième dans l'ordre de l'économie ou dans l'ordre de l'industrie, non ce n'est pas vous, c'est moi". D'ailleurs, l'Italie, pour cela, n'est pas la dernière. Elle se réjouit de ses succès qui sont réels et que nous admirons. Puis, lorsqu'il s'agit de parler des fonds régionaux, elle dit, alors moi je ne peux pas payer. J'ai mon malheur... qui est là, moi je ne suffis pas. Eh oui, et les autres, il faut bien qu'ils se suffisent avec leurs régions plus pauvres.
- Une fois j'ai entendu Mme Thatcher - qui est une patriote, vous le savez bien, qui a l'orgueil légitime de son pays - je l'ai entendue une fois me dire : mais l'Angleterre est un pays pauvre, mais l'Angleterre est un pays sous-développé, vous n'avez pas le droit de nous demander de faire cet effort. Quarante-huit heures après, la même personne, très sympathique, nous disais, mais la Grande-Bretagne est quand même un des grands pays du monde. Alors c'est l'un ou c'est l'autre.
- Alors, nous qu'est-ce qu'on dit, nous Français ? On dit, il va falloir de l'argent pour l'aide régionale £ seulement, l'aide régionale, les régions, elles sont dans des pays. Il y a aussi une dialectique italienne formidable, qui consiste à considérer, tantôt que c'est un pays, tantôt une région. Alors si c'est un pays, on est grand, si c'est une région, elle est pauvre. Mais nous, nous avons remarqué qu'en général les régions sont dans des pays. Et il y a des régions pauvres dans des pays riches, il y a des régions pauvres dans des pays pauvres, il y a des pays pauvres qui ont des régions riches. Voyez, on fait le tour des hypothèses. Alors, nous qu'est-ce qu'on dit, nous les Français ? On dit écoutez, on nous demande de doubler les fonds régionaux, d'ailleurs entre nous on discute. Moi j'ai une -nature qui me porte plutôt à augmenter ce genre de fonds-là, parce que je trouve qu'après tout, la part européenne est assez faible dans tous nos budgets nationaux, mais enfin, chacun à son opinion.\
`Suite sur le financement des fonds régionaux de la CEE`
- Donc, la Commission dit : il faut doubler. 100 % d'augmentation. Naturellement ceux qui reçoivent, s'étonnent que cela ne soit pas 150 % ! Mais ceux qui donnent, trouvent que c'est un peu gros. Alors on discute, il y en a qui disent 50 %, 40 %, cela finira entre 40 et 100 %. Moi je ne sais pas où. Mais croyez-moi, il y aura un compromis. Mais à qui est-ce que cela ira ? C'est là que l'Italie entre en jeu. L'Italie est plutôt d'accord pour qu'on augmente sensiblement les fonds structurels. Cela je ne peux pas le lui reprocher. Mais elle est pour l'augmentation des fonds structurels en pensant quand même que cela reviendra en partie. Elle ne voudrait pas déconnecter les deux notions. D'un côté, oui, il faut donner plus, et de l'autre, oui, il faut recevoir moins. Naturellement, vous ne dites pas cela, je vous comprends très bien. La France, je ne sais pas ce qui lui a pris, est devenue d'une très grande générosité, elle dit, moi je suis prête à sacrifier ma part. Parce que nous aussi on a des régions pauvres, monsieur le Président du Conseil, nous aussi on a des régions pauvres, qui sont d'ailleurs destinataires de fonds régionaux, actuellement. Et on fait certains sacrifices. Alors on dit oui, mais enfin, il serait raisonnable que les pays les plus riches ne prennent pas une nouvelle part pour ne pas trop augmenter cette rubrique budgétaire.. Dans ce cas-là, nous demandons qu'on augmente moins, moins haut, mais nous ne demandons rien pour nous, c'est logique quand même, c'est très logique, je répète c'est même inhabituellement généreux. Alors, on devrait nous féliciter. Je ne sais pas ce qui se passe - pas le Président Goria, qui a été très aimable, il ne nous a pas fait de reproches, et puis on lui a dit on va essayer de s'arranger, et on le pense - mais la presse italienne est un peu aigre, en disant que c'est encore les Français qui veulent exclure l'Italie. On ne veut pas exclure l'Italie.
- Quels sont les pays les plus riches, cela c'est une question de fait ? Quels sont les pays les plus pauvres ? Quels sont les pays les plus pauvres qui ont déjà reçu ? Et quels sont les pays les plus pauvres qui n'ont jamais reçu ? Tout cela c'est du cartésianisme. Naturellement, le cartésianisme est à usage interne !
- Bon, maintenant, soyons tout à fait simples, on va arriver bientôt à Copenhague. Je souhaite qu'on s'entende sur une augmentation substantielle des fonds structurels, je pense que 100 % c'est trop, cela ne marchera pas. Il faudra donc trouver un pourcentage raisonnable. Et si la Communauté décide que ce n'est pas la peine d'innover, que cette augmentation, limitée, mais importante quand même, doit être attribuée à tous les demandeurs, dans ce cas-là, il n'y a pas de raison que la France soit absente non plus. Bon, alors, la France reprendra sa part, mais on n'en est pas là. Et je pense qu'il serait plus raisonnable de réduire les frais en distinguant sérieusement, honnêtement, ceux qui en ont besoin et ceux qui en ont moins besoin.
- Telle que je connais la Communauté, à mon avis, cela devrait finir par : dépenser plus et distribuer plus. Ce n'est pas forcément une bonne façon de faire, parce que toute gestion doit être rigoureuse. Mais nous n'avons rien contre l'Italie. Je tiens à vous le dire, mesdames et messieurs les journalistes italiens, et nous serons - comment dirais-je - des compositeurs amiables - cela c'est un terme juridique - nous serons des gens qui chercheront le compromis et à mon avis, on le trouvera.\
LE PRESIDENT.-... Mise en application de la résolution du Conseil de sécurité. Il faut suivre cette logique. Pour la présence dans le Golfe, même prudence. Et même pour la France, plus encore. Nous avons nous-mêmes, d'ailleurs, dans la mer d'Oman, une force aéronavale et nous avons nous-mêmes des navires, une flotte commerciale. Mais nous ne voulons pas systématiser une attitude. Nous avisons selon les cas et selon les moments.
- Sur les fonds structurels, monsieur, dès le premier jour, j'ai été l'un de ceux qui ont été extrêmement favorable à une politique que l'on appelle de cohésion £ cohésion régionale pour que toutes les parties de l'Europe se trouvent en progression, et cohésion sociale, cela s'adresse aux catégories sociales défavorisées. Cela c'est un point fondamental de ma croyance dans l'Europe. Il n'y aura pas d'Europe sans cela. Donc, je suis à fond pour l'existence de fonds structurels et pour leur augmentation raisonnable. Il ne faut pas qu'il y ait d'équivoque là-dessus.
- Dans la discussion présente, la Commission demande le double £ ceux qui ont la gestion du budget dans une crise mondiale sont amenés à être prudents. D'où la discussion, sur le pourcentage d'augmentation, sur lequel s'est greffée la discussion sur les attributaires. Je me rends bien compte des besoins de l'Italie et de ses grandes régions pauvres. J'ajoutais et c'était sans plaisanter que la France en avait aussi, mais enfin, c'est moins caractéristique que l'ensemble du Mezzogiorno, même si on peut trouver des comparaisons.
- Problèmes de Copenhague : la proposition française a, il faut le dire, une certaine cohérence, mais nous ne sommes pas arrivés avec l'idée de dire qu'on va - comme sur la quatrième ressource - ennuyer l'Italie. Donc, je vous répète que nous sommes complètement disponibles et que nos amis italiens nous ayant exposé leurs problèmes, leurs difficultés, leurs inquiétudes, alors que nous sommes deux pays si proches et très bons amis, ce n'est pas là-dessus que nous allons en quoi que ce soit gâter nos relations. D'autant plus que ce n'est pas pour des problèmes de ce genre qu'on peut enrayer la marche en avant de l'Europe qui en a tant besoin. Je vous rassure si vous êtes inquiets.\