12 novembre 1987 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, lors du dîner offert par le chancelier Kohl à l'occasion du 50ème sommet franco-allemand à Karlsruhe, jeudi 12 novembre 1987.

Monsieur le chancelier,
- Mesdames et messieurs,
- Je vous dirai d'abord que nous sommes sensibles monsieur le chancelier, monsieur le ministre président, à votre accueil dans cette belle, cette si belle demeure qui témoigne pour le génie de nos peuples.
- Comme vous aviez raison, monsieur le chancelier, de dire et de répéter à l'instant que plus nous serions Européens mieux nous servirions les intérêts de nos pays, nos intérêts nationaux. Il suffit de regarder le monde tel qu'il est, les bouleversements de ces deux derniers siècles et particulièrement, les conséquences dramatiques des deux guerres mondiales pour se rendre compte à quel point la montée de la démographie ici, l'établissement des empires là, ont fait disparaître ou du moins ont fait reculer la présence de l'Europe dans le monde.
- L'Histoire déjà faite et déjà écrite a déjà dû montrer ce dont étaient capables nos pays. L'Histoire a faire exigera que ces pays s'entendent pour que nous soyons capables ensemble de survivre et de transmettre ce que nous sommes. C'est avec l'Europe et par l'Europe que chacun de nos pays défendra davantage demain ses intérêts qu'hier.
- Nous sommes obligés de tenir compte de la réalité contemporaine. Puisque nous parlons d'Europe - alors que chacun comprend bien qu'il s'agit d'une fraction de l'Europe, celle que nous composons aujourd'hui autour de la Communauté - que de peuples et de pays en Europe occidentale qui participent d'une autre forme de civilisation, qui obéissent à nos valeurs, qui sont proches de nous mais qui n'accomplissent pas la même démarche, et combien d'autres que les réalités politiques, historiques, économiques, sociales, philosophiques dirai-je, ont pour l'instant éloigné de nous et qui cependant sont en Europe comme nous.
- Bref, si l'objectif est bien de faire l'Europe, devant les obstacles et les difficultés que nous propose l'Histoire, commençons au moins par le commencement.
- C'est cette réflexion qui explique l'intérêt, l'importance de ce 50ème Sommet franco-allemand, à l'égal des 49 qui l'ont précédé.
- C'est une longue démarche £ elle a succédé à de longues et tragiques querelles £ il nous a fallu surmonter des conséquences de grands conflits. Il fallait donc commencer par la réconciliation, puis l'amitié franco-allemande. Encore cette amitié a-t-elle dû prendre une forme, des structures organiques et ne pas se contenter de l'expression rituelle "de bons sentiments". Pour la construction européenne, depuis ses premiers jours et, d'année en année, se multiplient les conventions, les traités, se resserre notre entente : bref, nous bâtissons quelquechose de plus qui s'appelle "l'union de l'Europe". Personne ne croira que l'on aboutira à cette construction si on laisse en chemin telle ou telle forme d'activité essentielle. C'est donc un tout que l'union de l'Europe, c'est un tout que l'entente franco-allemande : il faut bien s'en convaincre. Tout naîtra ou se fera par la volonté politique.
- C'est de ce discours, monsieur le chancelier, mesdames et messieurs, de vos paroles que je vous remercie. Je vous ai déjà remercié de votre accueil, il est traditionnel, il nous va droit au coeur. C'est aussi dans cet esprit que je vais lever mon verre pour célébrer la construction à laquelle nous sommes aujourd'hui attachés £ mais aussi à la santé du peuple allemand, à la réalisation de ses voeux, à la santé de ceux qui les dirigent, qui s'y consacrent, à votre santé.\