29 septembre 1987 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, au Conseil général de la Haute-Garonne, sur le pluralisme et la décentralisation, à Toulouse mardi 29 septembre 1987.
Monsieur le président,
- Comme vous le savez, j'avais accepté l'invitation qui me conduira tout à l'heure à l'exposition sur les technologies du futur `SITEP`. En soi, elle m'intéresse beaucoup, elle touche de près au plus vif intérêt de la France et j'espère bien y apprendre beaucoup. Et voilà que sur cette manifestation, se sont greffées deux autres invitations, deux réceptions. C'est la première, celle qui me conduit dans cet Hôtel de la Préfecture, au Conseil général, à vous rencontrer mesdames et messieurs. Je vous remercie monsieur le président et cher ami pour cette initiative.
- Vous aviez raison de dire tout à l'heure que de telles occasions ne doivent pas se manquer. D'abord parce que je retrouve avec vous, mesdames et messieurs, une large part de ma vie. J'ai moi-même été maire pendant 22 ans, conseiller général pendant 32 ans, parlementaire pendant 35, et président du Conseil général de mon département pendant 17 ans. J'ai donc vécu ce que vous vivez et j'ai pu éprouver la justesse de vos paroles. Lorsqu'à travers les années, plusieurs décennies, on se trouve affronté aux problèmes de la vie quotidienne, lorsqu'aussi on doit aborder quelques grandes circonstances nationales, c'est en revenant dans sa commune et dans son canton, d'une façon plus générale dans son département, que l'on retrouve ses sources, les raisons de ses choix, les raisons, aussi, de croire en l'avenir.\
Vous n'êtes pas tous semblables. Vous le seriez, ce serait gênant, d'abord pour l'oeil. Un troupeau de robots, ce n'est pas, je l'espère, le programme idéal que l'on me proposera tout à l'heure à l'exposition en question `SITEF`.
- A vrai dire, il n'y a pas grand risque quand on connaît la France comme je la connais et vous aussi, puisque nous la vivons. Je crois qu'il n'est pas très difficile de se prémunir contre ce risque. Ils ne sont pas tous semblables, les Français, vous auriez pu dire même, ils sont très dissemblables. Voyez nos discussions, sur tout, ou à peu près tout, y compris le dernier match de football de Toulouse, ou de rugby. Je prends là les exemples où l'on communie le plus aisément, de la tribune d'un stade, pour encourager l'équipe qui représente nos espoirs. Dans la vie politique, la même unanimité se produit assez rarement. Et pourtant, si vous êtes dissemblables, votre président du Conseil général `Léon Eekhoutte` avait raison de le dire, il n'en reste pas moins que sur l'essentiel, qui est le plus rare, qui n'est pas d'une pratique constante, et heureusement, sur l'essentiel, une fois assumés tous les devoirs et tous les droits de la démocratie qui suppose la différence d'intérêts, de tempérament, de croyance dans les choix politiques aussi, une fois ce devoir rempli, eh bien, il y a le reste. Le reste c'est le principal, même si l'on n'a pas le sentiment tous les jours de l'avoir au bout de la main.
- Peu de circonstances, en effet, mais ce sont les plus grandes, celles qui assurent la pérennité d'un pays, et la pérennité d'un pays ce n'est pas simplement la pérennité d'une terre, d'un sol, ce qui est cependant fort important, on l'a bien vu pour ceux de ma génération qui ont vécu les années de séparation, de 1939 à 1945. Mais, c'est la suite, de nos parents jusqu'à nos enfants et nos petits enfants, ce qu'une durée assez brève nous permet de connaître et au-delà d'imaginer, la longue suite des hommes dans la longue histoire d'un peuple. Alors, cela, c'est ce qu'il faut assumer, et cette fois-ci, étant dissemblables, il faut que chacun apporte ce qu'il vaut, et puisque nous ne sommes pas pareils, puisque chacun apporte sa différence, au total, ce sera la France qu'on trouvera rassemblée. Je le répète, il ne faut pas rêver chaque matin ou chaque soir, il ne faut pas imaginer une société fictive, dont je répète qu'elle serait finalement assez monotone et peut-être ennuyeuse, ou bien alors qui risquerait de ne plus ressembler à ce qu'elle doit être, c'est-à-dire, une société démocratique où chacun apporte ce qu'il peut, ce qu'il est. Moi, je respecte, je peux vous le dire sans la moindre arrière pensée, les opinions de celles et de ceux d'entre vous qui pensent autrement que moi. J'ai appris à le faire d'abord chez moi, auprès de mes parents qui étaient faits comme cela, dans mon département, dans notre département de Charente, et puis ce que m'a appris la vie, la guerre, la deuxième guerre mondiale, et puis ce long compagnonnage que j'évoquais pour commencer, celui-là, mes amis, mes collègues, maires de toutes nuances, conseillers généraux avec lesquels j'ai vécu et dont j'ai appris que leur vertu n'était pas exactement découpée selon leur position sur l'échiquier politique.\
Je ne plaide pas l'unanimisme, il faut être différent. J'ai constaté que vous l'étiez, mais j'ajoute, il faut l'être. Il faut toujours avoir un point de soi qui se rebelle, à l'égard des leçons apprises ou des mots d'ordre qui viennent de je ne sais où et même d'un peu partout, toujours un peu rebelle. Ce n'est pas à Toulouse que je vais vous faire la leçon. Vous avez derrière vous quelques siècles assez instructifs, une tradition assez batailleuse, vous n'êtes pas non plus comme les autres capitales de France, les autres régions, on pourrait dire les autres pays, bien que je sache à quel point vous vous sentez ici identifiés à la République et à la France. Mais, l'histoire est là, elle compte, l'histoire, et vous y êtes attachés, j'en suis sûr. Votre singularité vous avez besoin qu'elle soit reconnue dans votre langage, votre culture, votre littérature, vos formes esthétiques, vos goûts personnels.
- Alors le fait de vous trouver là, tous ensemble, d'un seul coup, c'est une occasion qu'il ne faut pas manquer. Cela m'est donné assez souvent, je dois le dire, dans le -cadre des fonctions qui sont miennes, mais enfin malgré tout, j'ai grand plaisir - surtout après ces six années - à me trouver avec un groupe de Françaises et de Français représentatifs d'une réalité plus que locale, grand plaisir à pouvoir vous dire, soyez ce que vous êtes. Si vous y croyez, persévérez, mais ne partez pas de votre point de vue, auquel vous devez rester fidèle, pour aller jusqu'à détester l'autre qui pense autrement, jusqu'à le refuser ou l'exclure. Là, vous iriez trop loin et vous nuiriez à la réalité nationale que nous avons pour charge ensemble, nous les élus du peuple, de maintenir et de perpétuer. Quand j'aperçois là ou ailleurs une menace pour cette unité, cette unité de l'essentiel, alors, j'interviens, oui, de temps à autre, pas si souvent d'ailleurs, mais j'interviens. Je ne vois pas pourquoi je serais le seul Français auquel il serait interdit de dire ce qu'il pense. Mais ce n'est pas comme cela que se pose le problème.
- J'ai rencontré autour de moi, et dans tous les milieux, beaucoup - par multitude - de républicains très attachés au régime démocratique, désireux que ce régime passe à travers toutes les bourrasques. Et, Président de la République, vous admettrez que c'est bien mon devoir, mon devoir minimum, mon devoir fondamental, que d'y veiller.
- Il me reste, monsieur le président, mesdames et messieurs, à vous remercier pour ces quelques minutes de halte dans une vie assez pressée - après tout je suis là pour cela -, ces quelques quarts d'heure de halte privilégiée, grâce à vous, et avec vous.\
Je connais vos travaux en tant qu'élus, vos responsabilités, les ayant vécues. J'ai voulu, dès le point de départ, il y a six ans, faire passer dans les structures du pays le -fruit de mon expérience. Et je me disais - tout en reconnaissant la très grande qualité des administrateurs qui ont la charge, au nom de l'Etat, de le représenter dans les départements et dans les régions - il n'est quand même pas normal que ces qualités là puissent être utilisées de telle sorte qu'elles deviennent, comment dirais-je, tutelles, autorités directes, plus qu'autorités de conseil. Les maires, les conseillers municipaux, les conseillers généraux sont assez formés, assez responsables pour conduire leurs affaires. Et s'ils peuvent - c'est le cas - bénéficier aussi de l'expérience et des grandes connaissances des représentants de l'Etat qui sont si soucieux de leurs devoirs et dont la compétence est rare, alors, tous les éléments sont réunis pour que le pays marche bien. Ceci à condition que l'initiative parte de la base, des cellules de base de la démocratie, de la commune projetée vers les cantons, les départements et que puisse s'affirmer l'initiative, la responsabilité. C'est la liberté au niveau supérieur, c'est la liberté désormais nourrie de l'expérience et de la capacité.
- C'est ce que je vous souhaite, mesdames et messieurs. Affirmez votre autonomie de décision, affirmez ce que vous êtes, représentants fiers d'une fraction de la population française. Qu'elle doit grande ou qu'elle soit petite, quelle que soit la taille de la commune que vous représentez, vous êtes égaux, puisque vous êtes une fraction de la souveraineté nationale. Il ne faut pas oublier qu'au lendemain de la défaite de 1870, c'est vers les conseillers généraux que s'est retourné le législateur pour leur dire, eh bien voilà, s'il y a des errances du pouvoir, c'est vous qui le tiendrez. En réalité, cela ne s'est jamais fait, c'était mal commode. On n'imagine pas tous les conseillers généraux de France se déplaçant, surtout dans les périodes de grande détresse nationale, mais l'idée était là. Pourquoi attendre les catastrophes. Vivons cela chaque jour. Vous êtes, mesdames et messieurs, les élus locaux, départementaux, régionaux, des responsables capables de mener à bon port les charges qui sont les vôtres. Et cette loi de 1982, vraiment je l'ai voulue, parce que j'avais le sentiment de faire franchir une étape décisive, après plusieurs siècles de concentration excessive et de rassemblement autour de la capitale nationale. J'avais une sorte de volonté irrépressible de rendre cette liberté à des citoyens responsables. Alors on est allé un peu à contre courant de ce qui était fait, depuis une certaine phase de la monarchie, on pourrait dire depuis Philippe Auguste, et puis avec Colbert, avec les Jacobins, avec Napoléon Bonaparte, et la Troisième République. Et c'était nécessaire, car il fallait tenir la France pour qu'elle échappe aux forces centrifuges. Mais, après mille ans de cette histoire, c'est fait, et si cela n'était pas, alors on n'y arriverait jamais. Et dès lors que c'est fait, que la France est soudée, c'est à vous de la prendre en main, mesdames et messieurs. C'était le sens même de la loi. Sans oublier jamais l'Etat, parce que je ne suis pas de ceux qui emportés par leur élan ou par leur rêve en concluent que l'Etat ne sert plus à rien. L'Etat, lui, a la charge de tenir et de maintenir l'unité du pays.
- Merci pour votre présence. Je vais aller en d'autres lieux où il me sera également très agréable de me rendre. Merci à mes amis et anciens collègues, maires et conseillers généraux. Monsieur le président du Conseil général, bonne chance, bon travail, à vous tous aussi bonne santé, réussite dans vos travaux, longue vie pour le service de la France.
- Vive la République, vive la France.\
- Comme vous le savez, j'avais accepté l'invitation qui me conduira tout à l'heure à l'exposition sur les technologies du futur `SITEP`. En soi, elle m'intéresse beaucoup, elle touche de près au plus vif intérêt de la France et j'espère bien y apprendre beaucoup. Et voilà que sur cette manifestation, se sont greffées deux autres invitations, deux réceptions. C'est la première, celle qui me conduit dans cet Hôtel de la Préfecture, au Conseil général, à vous rencontrer mesdames et messieurs. Je vous remercie monsieur le président et cher ami pour cette initiative.
- Vous aviez raison de dire tout à l'heure que de telles occasions ne doivent pas se manquer. D'abord parce que je retrouve avec vous, mesdames et messieurs, une large part de ma vie. J'ai moi-même été maire pendant 22 ans, conseiller général pendant 32 ans, parlementaire pendant 35, et président du Conseil général de mon département pendant 17 ans. J'ai donc vécu ce que vous vivez et j'ai pu éprouver la justesse de vos paroles. Lorsqu'à travers les années, plusieurs décennies, on se trouve affronté aux problèmes de la vie quotidienne, lorsqu'aussi on doit aborder quelques grandes circonstances nationales, c'est en revenant dans sa commune et dans son canton, d'une façon plus générale dans son département, que l'on retrouve ses sources, les raisons de ses choix, les raisons, aussi, de croire en l'avenir.\
Vous n'êtes pas tous semblables. Vous le seriez, ce serait gênant, d'abord pour l'oeil. Un troupeau de robots, ce n'est pas, je l'espère, le programme idéal que l'on me proposera tout à l'heure à l'exposition en question `SITEF`.
- A vrai dire, il n'y a pas grand risque quand on connaît la France comme je la connais et vous aussi, puisque nous la vivons. Je crois qu'il n'est pas très difficile de se prémunir contre ce risque. Ils ne sont pas tous semblables, les Français, vous auriez pu dire même, ils sont très dissemblables. Voyez nos discussions, sur tout, ou à peu près tout, y compris le dernier match de football de Toulouse, ou de rugby. Je prends là les exemples où l'on communie le plus aisément, de la tribune d'un stade, pour encourager l'équipe qui représente nos espoirs. Dans la vie politique, la même unanimité se produit assez rarement. Et pourtant, si vous êtes dissemblables, votre président du Conseil général `Léon Eekhoutte` avait raison de le dire, il n'en reste pas moins que sur l'essentiel, qui est le plus rare, qui n'est pas d'une pratique constante, et heureusement, sur l'essentiel, une fois assumés tous les devoirs et tous les droits de la démocratie qui suppose la différence d'intérêts, de tempérament, de croyance dans les choix politiques aussi, une fois ce devoir rempli, eh bien, il y a le reste. Le reste c'est le principal, même si l'on n'a pas le sentiment tous les jours de l'avoir au bout de la main.
- Peu de circonstances, en effet, mais ce sont les plus grandes, celles qui assurent la pérennité d'un pays, et la pérennité d'un pays ce n'est pas simplement la pérennité d'une terre, d'un sol, ce qui est cependant fort important, on l'a bien vu pour ceux de ma génération qui ont vécu les années de séparation, de 1939 à 1945. Mais, c'est la suite, de nos parents jusqu'à nos enfants et nos petits enfants, ce qu'une durée assez brève nous permet de connaître et au-delà d'imaginer, la longue suite des hommes dans la longue histoire d'un peuple. Alors, cela, c'est ce qu'il faut assumer, et cette fois-ci, étant dissemblables, il faut que chacun apporte ce qu'il vaut, et puisque nous ne sommes pas pareils, puisque chacun apporte sa différence, au total, ce sera la France qu'on trouvera rassemblée. Je le répète, il ne faut pas rêver chaque matin ou chaque soir, il ne faut pas imaginer une société fictive, dont je répète qu'elle serait finalement assez monotone et peut-être ennuyeuse, ou bien alors qui risquerait de ne plus ressembler à ce qu'elle doit être, c'est-à-dire, une société démocratique où chacun apporte ce qu'il peut, ce qu'il est. Moi, je respecte, je peux vous le dire sans la moindre arrière pensée, les opinions de celles et de ceux d'entre vous qui pensent autrement que moi. J'ai appris à le faire d'abord chez moi, auprès de mes parents qui étaient faits comme cela, dans mon département, dans notre département de Charente, et puis ce que m'a appris la vie, la guerre, la deuxième guerre mondiale, et puis ce long compagnonnage que j'évoquais pour commencer, celui-là, mes amis, mes collègues, maires de toutes nuances, conseillers généraux avec lesquels j'ai vécu et dont j'ai appris que leur vertu n'était pas exactement découpée selon leur position sur l'échiquier politique.\
Je ne plaide pas l'unanimisme, il faut être différent. J'ai constaté que vous l'étiez, mais j'ajoute, il faut l'être. Il faut toujours avoir un point de soi qui se rebelle, à l'égard des leçons apprises ou des mots d'ordre qui viennent de je ne sais où et même d'un peu partout, toujours un peu rebelle. Ce n'est pas à Toulouse que je vais vous faire la leçon. Vous avez derrière vous quelques siècles assez instructifs, une tradition assez batailleuse, vous n'êtes pas non plus comme les autres capitales de France, les autres régions, on pourrait dire les autres pays, bien que je sache à quel point vous vous sentez ici identifiés à la République et à la France. Mais, l'histoire est là, elle compte, l'histoire, et vous y êtes attachés, j'en suis sûr. Votre singularité vous avez besoin qu'elle soit reconnue dans votre langage, votre culture, votre littérature, vos formes esthétiques, vos goûts personnels.
- Alors le fait de vous trouver là, tous ensemble, d'un seul coup, c'est une occasion qu'il ne faut pas manquer. Cela m'est donné assez souvent, je dois le dire, dans le -cadre des fonctions qui sont miennes, mais enfin malgré tout, j'ai grand plaisir - surtout après ces six années - à me trouver avec un groupe de Françaises et de Français représentatifs d'une réalité plus que locale, grand plaisir à pouvoir vous dire, soyez ce que vous êtes. Si vous y croyez, persévérez, mais ne partez pas de votre point de vue, auquel vous devez rester fidèle, pour aller jusqu'à détester l'autre qui pense autrement, jusqu'à le refuser ou l'exclure. Là, vous iriez trop loin et vous nuiriez à la réalité nationale que nous avons pour charge ensemble, nous les élus du peuple, de maintenir et de perpétuer. Quand j'aperçois là ou ailleurs une menace pour cette unité, cette unité de l'essentiel, alors, j'interviens, oui, de temps à autre, pas si souvent d'ailleurs, mais j'interviens. Je ne vois pas pourquoi je serais le seul Français auquel il serait interdit de dire ce qu'il pense. Mais ce n'est pas comme cela que se pose le problème.
- J'ai rencontré autour de moi, et dans tous les milieux, beaucoup - par multitude - de républicains très attachés au régime démocratique, désireux que ce régime passe à travers toutes les bourrasques. Et, Président de la République, vous admettrez que c'est bien mon devoir, mon devoir minimum, mon devoir fondamental, que d'y veiller.
- Il me reste, monsieur le président, mesdames et messieurs, à vous remercier pour ces quelques minutes de halte dans une vie assez pressée - après tout je suis là pour cela -, ces quelques quarts d'heure de halte privilégiée, grâce à vous, et avec vous.\
Je connais vos travaux en tant qu'élus, vos responsabilités, les ayant vécues. J'ai voulu, dès le point de départ, il y a six ans, faire passer dans les structures du pays le -fruit de mon expérience. Et je me disais - tout en reconnaissant la très grande qualité des administrateurs qui ont la charge, au nom de l'Etat, de le représenter dans les départements et dans les régions - il n'est quand même pas normal que ces qualités là puissent être utilisées de telle sorte qu'elles deviennent, comment dirais-je, tutelles, autorités directes, plus qu'autorités de conseil. Les maires, les conseillers municipaux, les conseillers généraux sont assez formés, assez responsables pour conduire leurs affaires. Et s'ils peuvent - c'est le cas - bénéficier aussi de l'expérience et des grandes connaissances des représentants de l'Etat qui sont si soucieux de leurs devoirs et dont la compétence est rare, alors, tous les éléments sont réunis pour que le pays marche bien. Ceci à condition que l'initiative parte de la base, des cellules de base de la démocratie, de la commune projetée vers les cantons, les départements et que puisse s'affirmer l'initiative, la responsabilité. C'est la liberté au niveau supérieur, c'est la liberté désormais nourrie de l'expérience et de la capacité.
- C'est ce que je vous souhaite, mesdames et messieurs. Affirmez votre autonomie de décision, affirmez ce que vous êtes, représentants fiers d'une fraction de la population française. Qu'elle doit grande ou qu'elle soit petite, quelle que soit la taille de la commune que vous représentez, vous êtes égaux, puisque vous êtes une fraction de la souveraineté nationale. Il ne faut pas oublier qu'au lendemain de la défaite de 1870, c'est vers les conseillers généraux que s'est retourné le législateur pour leur dire, eh bien voilà, s'il y a des errances du pouvoir, c'est vous qui le tiendrez. En réalité, cela ne s'est jamais fait, c'était mal commode. On n'imagine pas tous les conseillers généraux de France se déplaçant, surtout dans les périodes de grande détresse nationale, mais l'idée était là. Pourquoi attendre les catastrophes. Vivons cela chaque jour. Vous êtes, mesdames et messieurs, les élus locaux, départementaux, régionaux, des responsables capables de mener à bon port les charges qui sont les vôtres. Et cette loi de 1982, vraiment je l'ai voulue, parce que j'avais le sentiment de faire franchir une étape décisive, après plusieurs siècles de concentration excessive et de rassemblement autour de la capitale nationale. J'avais une sorte de volonté irrépressible de rendre cette liberté à des citoyens responsables. Alors on est allé un peu à contre courant de ce qui était fait, depuis une certaine phase de la monarchie, on pourrait dire depuis Philippe Auguste, et puis avec Colbert, avec les Jacobins, avec Napoléon Bonaparte, et la Troisième République. Et c'était nécessaire, car il fallait tenir la France pour qu'elle échappe aux forces centrifuges. Mais, après mille ans de cette histoire, c'est fait, et si cela n'était pas, alors on n'y arriverait jamais. Et dès lors que c'est fait, que la France est soudée, c'est à vous de la prendre en main, mesdames et messieurs. C'était le sens même de la loi. Sans oublier jamais l'Etat, parce que je ne suis pas de ceux qui emportés par leur élan ou par leur rêve en concluent que l'Etat ne sert plus à rien. L'Etat, lui, a la charge de tenir et de maintenir l'unité du pays.
- Merci pour votre présence. Je vais aller en d'autres lieux où il me sera également très agréable de me rendre. Merci à mes amis et anciens collègues, maires et conseillers généraux. Monsieur le président du Conseil général, bonne chance, bon travail, à vous tous aussi bonne santé, réussite dans vos travaux, longue vie pour le service de la France.
- Vive la République, vive la France.\