29 juin 1987 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Intervention de M. François Mitterrand, Président de la République, sur le projet de réforme du financement de la CEE présenté par la Commission européenne lors du Conseil européen à Bruxelles, lundi 29 juin 1987.

La France accepte le plan de travail de la Présidence et souhaite aussi que l'on parvienne à des orientations précises sur les sujets immédiats. Le plan de réforme proposé par la Commission présente à mes yeux un grand intérêt. Il a le mérite de poser le problème financier à moyen terme et d'engager une réflexion générale, d'une part sur les ressources de la Communauté, d'autre part sur les dépenses auxquelles ces ressources devraient être affectées pour remplir les engagements pris dans l'Acte unique.
- Le nouveau système de ressources me paraît digne d'un examen approfondi à plusieurs titres :
- Il asseoit les ressources propres de la Communauté sur une base, le produit national, qui reflête plus équitablement la situation économique réelle des Etats-membres.
- Il garantit également que les ressources propres de la Communauté augmenteront au même rythme que l'activité économique.
- Il apporte une solution, au moins partielle, au problème de la compensation pour le Royaume-Uni. Je dois, cependant, faire remarquer que si une compensation doit être versée, il ne me paraît pas justifié d'exonérer l'un ou l'autre de nos Etats de la charge de cette compensation.\
Si nous regardons maintenant le problème des dépenses, nous savons qu'il nous faut, comme nous le faisons dans nos budgets nationaux, essayer de concilier la rigueur de gestion et la nécessité de financer les priorités.
- Pour la France, il est, évidemment, essentiel que la politique agricole commune soit financée. Le maintien et le développement d'une agriculture dynamique constitue pour la France un élément essentiel de la construction communautaire. Les principes et les mécanismes fondamentaux de la politique agricole commune (prix uniques, libre circulation des produits agricoles, solidarité financière) doivent être maintenus. Nous sommes prêts, et nous l'avons montré, à mener à bien les réformes nécessaires afin que ce secteur s'adapte mieux aux marchés.
- Depuis 1984, nous avons engagé une courageuse politique de réforme de la PAC (les quotas laitiers en 1984, la distillation obligatoire pour le vin en 1985, la taxe de co-responsabilité sur les céréales en 1986, la réforme du marché de la viande bovine et le durcissement des quotas laitiers en 1986). Malgré les sacrifices que cela impose à nos agriculteurs, nous avons su persévérer dans cette voie qui, seule, nous permettra de mieux adapter l'offre à la demande et d'éviter l'augmentation des excédents. Nous devons continuer en ce sens. Nous nous y sommes engagés dans d'autres instances internationales, je pense à l'OCDE, aux Sommets des Sept (Tokyo l'an dernier, Venise cette année).
- Ces réformes étant appliquées, il n'est pas acceptable que les ressources nécessaires au financement de la politique agricole commune ne soient pas assurées. La PAC est, avec les politiques structurelles et la recherche, à la base du Traité de Rome. Mais la PAC était dans le Traité dès l'origine. Je considère donc toute remise en cause de la PAC comme une remise en cause du Traité. Bien sûr, notre Europe n'est pas qu'agricole. Dans l'Acte unique, nous nous sommes fixés pour objectif de renforcer notre cohésion en réduisant l'écart qui existe entre les régions riches et les régions pauvres (article 130 A de l'Acte unique). Certes, nous savons bien que la cohésion ne se réalisera pas seulement par une augmentation des transferts financiers. La mise en oeuvre des politiques communes et du marché intérieur sont un puissant facteur d'intégration économique. Mais si un doublement paraît excessif, une augmentation des fonds structurels reste nécessaire pour financer les programmes de développement dans les régions les plus pauvres.
- Nous avons aussi décidé un effort particulier sur la recherche et le développement technologique. Pour la recherche, il faut nous mettre d'accord, dès aujourd'hui, sur le programme cadre pour les années 1987 à 1991.\
Ces priorités, - financement de la PAC, cohésion, recherche - ne pourront clairement, le Président de la Commission `Jacques Delors` nous l'a montré, être assurées sans une augmentation des ressources de la Communauté. Déjà, en 1984 à Fontainebleau, j'avais jugé que le nouveau plafond de ressources sur lequel nous étions tombés d'accord était trop bas. J'avais à l'époque demandé que le plafond soit augmenté jusqu'à 1,8 % de la TVA.
- Néanmoins, les ressources seront toujours insuffisantes si le contrôle des dépenses n'est pas assez efficace. La Commission nous propose un nouveau système de discipline budgétaire et je comprends que Mme Thatcher veuille avoir des assurances concrètes. Nous-mêmes, en France, nous menons une politique budgétaire rigoureuse et nous devons tenir compte du fait que les dépenses communautaires viennent en concurrence avec d'autres priorités.
- M. Martens et M. Delors nous invitent à une réflexion approfondie et souhaitent que nous fixions des orientations qui nous permettent d'aboutir à des décisions. Je partage ce souhait. Nous ne gagnerions rien à repousser à plus tard l'examen de ces questions. Bien sûr, il nous faut réaliser une synthèse entre de légitimes intérêts nationaux et la nécessité de faire l'Europe. Rien, par quiconque, ne devrait être fait pour retarder les progrès vers cet objectif commun.
- Sur le marché intérieur, nous avons pris un engagement solennel pour 1992. Ce sera une immense déception si nous échouons.
- La Commission et la Présidence ont bien travaillé. Cependant il y a des retards et des lenteurs. Les raisons de ce retard sont diverses et les responsabilités partagées. Mais ces lenteurs sont compensées par des décisions dans un certain nombre de domaines. Par exemple sur le radiotéléphone, les semi-conducteurs, les médicaments de haute technologie, les normes de télévision par satellites. Il faut aider la Commission à avancer. Il nous faut la volonté de réussir.\