25 juin 1987 - Seul le prononcé fait foi

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Discours de M. François Mitterrand, Président de la République, lors de la réception en l'honneur d'officiers et de sous-officiers de la gendarmerie, sur leur rôle et leur mission, Paris, Palais de l'Élysée, jeudi 25 juin 1987.

Mesdames et messieurs,
- Je tenais pour plusieurs raisons à vous réunir, à vous accueillir, au Palais de l'Elysée. La première raison est que j'ai plaisir à vous rencontrer afin de mieux apprécier les activités, les moyens et les charges d'un grand service. Un service public né discrètement au Moyen-âge, alors que s'instaurait la notion d'Etat et qui comprend maintenant quelque 90000 hommes et remplit sur 95 % du territoire son importante mission de sécurité. Un service public qui représente, à maints égards, un élément essentiel de la vie sociale et de la vie nationale. Enfin un service public qui même au niveau de ses cellules les plus élémentaires - les brigades - constitue une parcelle de l'Etat et offre ainsi aux élus locaux, aux maires, le moyen d'assurer à la fois leur justice, leur défense nationale, leur protection civile, voire même leur police.
- La seconde raison est qu'il m'est rarement donné l'occasion de pouvoir m'entretenir comme nous le ferons dans un moment, comme nous avons commencé de le faire, avec un groupe de personnels de la gendarmerie aussi remarquable par sa diversité et par son unité.
- Ce sont les deux caractéristiques de la gendarmerie, diversité, unité £ pleine de contrastes, elle est à la fois centralisée et dispersée sur le territoire, statique par l'implantation de ses brigades et mobile par ses escadrons, rurale mais aussi parisienne à travers la Garde républicaine, partie intégrante du paysage français et cependant présente sous presque tous les cieux du monde, dans tous les territoires et départements d'Outre-mer, en Afrique, au Liban, dans nos ambassades à l'étranger.
- Cette diversité ne nuit en rien à l'unité construite sur la compétence, la responsabilité, l'esprit de discipline et surtout la foi, une foi profonde qui a toujours permis aux gendarmes de faire face, malgré l'importance de leurs missions et de leurs charges.\
Il ne me paraît pas inutile de résumer en cet instant, l'essentiel de vos missions, ne serait-ce que pour mieux rappeler l'ampleur et l'évolution de votre tâche et par suite la nécessité d'une constante adaptation de la gendarmerie.
- Partout en France vous êtes présents £ pour aider, secourir et défendre. Vous êtes en charge de la protection quotidienne de nos compatriotes et ce n'est pas à notre époque une mince affaire que de faire respecter le droit et d'assurer la sécurité de chacun, à toute heure du jour et de la nuit. Cela suppose une force en -état de disponibilité, de mobilisation permanente, capable avec le même personnel de garantir l'exécution des lois et le maintien de l'ordre, de surveiller les routes, les campagnes, les agglomérations, les plans d'eau, les montagnes, d'appréhender les délinquants, de lutter contre le terrorisme, contre la violence - quelles que soient les formes qu'elle épouse - bref, de garantir une société libre et en paix.
- Tout aussi capital est, depuis quelques années, votre rôle dans la défense militaire du territoire. Votre implantation, votre statut, votre formation militaire, vos contacts directs avec la puissance publique, avec la population, vous y prédisposent £ et jointe à votre professionnalisme, la capacité d'adaptation de votre institution me paraît garantir l'accomplissement satisfaisant de vos nouvelles missions. Voilà, c'est sans doute l'obligation première de la gendarmerie : l'adaptation £ venue du fond de notre histoire, elle se doit d'être à la fois immuable et changeante, d'offrir la double image du passé et de l'avenir. Cette adaptation, je le sais, la gendarmerie la poursuit, inlassablement. Ses efforts lui ont permis d'accroître ses capacités opérationnelles, dans le domaine de la mobilité, des transmissions, des feux, d'améliorer ses possibilités d'investigation, de recherche et son efficacité en matière de police judiciaire, avec la création d'un système de traitement automatisé du renseignement judiciaire, d'un service central d'investigations criminelles et d'un centre de perfectionnement des personnels.
- Simultanément, elle s'est attachée à utiliser au mieux ses hommes, avec un redéploiement progressif, l'insertion accélérée dans son dispositif de 10000 gendarmes auxiliaires et l'attention portée à la formation des officiers et des sous-officiers.
- Je pourrais multiplier les exemples de cette capacité d'adaptation £ je ne veux pas trop y insister, mais plutôt vous assurer de ma réelle satisfaction devant cette évolution et vous réaffirmer en même temps la détermination du Président de la République qui est le Chef des armées, comme celle du gouvernement et du ministre de la défense - présent ici même à mes côtés - d'en permettre la poursuite tout en soulageant les charges souvent très lourdes qui pèsent sur les gendarmes.\
Ces charges, je les connais. Je sais combien le gendarme de 1987 est sollicité, qu'il serve en gendarmerie départementale, en gendarmerie mobile, ou à la Garde républicaine. J'ai conscience du caractère exigeant du service et du dévouement qu'il requiert. Et je n'ignore pas que grandit votre crainte de ne plus pouvoir assurer aussi parfaitement l'ensemble de vos missions. C'est pour cela que le budget de cette année et la loi-programme 87-91 ` 1987 - 1991` loi de programmation militaire` tiennent compte de cette situation, tiennent compte de vos inquiétudes. Le budget à venir fera de même. Pas autant que vous le souhaiteriez, je ne connais personne qui soit pleinement satisfait de son budget. Mais qui pourrait l'être, c'est bien de vouloir plus pour faire mieux. Il faut aussi bien entendu qu'il y ait des pouvoirs qui soient en mesure d'arbitrer et de décider entre tous les besoins de la nation. Enfin, compte tenu des contraintes de l'économie et des finances publiques, je pense que l'effort accompli répond au principal des besoins. Nous avons besoin simplement de démontrer la volonté des responsables du pays de porter sur vous-mêmes, une attention soutenue. Vos missions ne doivent pas devenir peu à peu théoriques. Il faut que vous puissiez les remplir et nous avons besoin, nous, d'être informés de telle sorte que vous vous sentiez tout à fait en conformité avec les réalités de la République, avec les obligations nationales de la France dont vous êtes parmi les premiers serviteurs. Cela, je l'ai vécu depuis toujours au travers de ceux que j'ai connus, à titre personnel. Maintenant je vous vois sur le -plan du service public. Des serviteurs très engagés dans leur action, qui aiment l'Etat, qui aiment la France, qui aiment leur métier, qui savent que c'est un métier de sacrifice, d'obligations hors du commun, qu'il faut un dévouement moral, intellectuel et matériel £ mais si vous avez choisi ce que vous faites, c'est parce que vous étiez porteurs de cet idéal. Et j'espère que la pratique des choses, dans l'exercice de vos fonctions, a maintenu en vous cette capacité de rechercher toujours le mieux.
- Mesdames et messieurs, j'ai voulu vous dire l'estime et la confiance que je porte à la Gendarmerie - c'est la raison même de cette rencontre - et le plaisir que j'ai eu de rendre hommage à ce Corps militaire au service de la République et de la France.
- Vous êtes les bienvenus dans cette maison, qui est aussi la vôtre, dans cette salle où ont lieu les grandes cérémonies, où vous devez vous sentir, je l'espère, à l'aise d'autant plus que vous en êtes souvent les gardiens, ce qui me permet de connaître plusieurs d'entre vous et d'en apprécier grandement la diligence.
- Si vous le voulez bien, nous allons maintenant rompre ce dispositif afin de pouvoir débattre des sujets qui nous intéressent. Merci.\