22 juin 1987 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur le thème de la responsabilité et la construction de l'Europe, à la mairie de Caen, lundi 22 juin 1987.

Monsieur le maire,
- Mesdames et messieurs,
- Caen s'inscrit dans mon itinéraire normand, au beau milieu de cette première journée qui m'a déjà permis, soit à Cherbourg, soit à Saint-Lô, soit dans les autres lieux ruraux, plus isolés, que j'ai pu visiter, une approche que la capitale de la région, votre ville, me permettra de fixer dans sa perspective.
- Je suis heureux de me trouver dans votre ville, que je connais quand même un peu. Comment n'aurais-je pas, à travers les années, été attiré par cette ville, partie de la grande ruine des années après guerre jusqu'à cet effort patient et réussi un bel urbanisme autour des monuments qui marquent la continuité de l'histoire et les ressources suprêmes de l'art. Je dois dire que tous les édiles que j'ai connus, qui se sont succédés à la tête de Caen, ont été dignes de cette fonction et de la confiance de la population puisque Caen est véritablement une métropole qui, d'un rôle discret, celui qu'elle remplissait avant guerre, est devenue aujourd'hui synonyme de progrès dans une région qui a cependant besoin d'efforts particuliers pour atteindre au niveau moyen de la croissance française.
- Caen à elle seule représente un pôle d'attraction, un exemple, un modèle d'actions de foi en soi-même, en même temps qu'un souci de l'histoire auquel je suis, croyez-moi, très sensible.
- Vous avez évoqué à diverses reprises monsieur le maire `Jean-Marie Girault`, Guillaume le Conquérant. C'est évidemment l'un des plus grands personnages de notre histoire et s'il ne s'est pas inscrit tout à fait seulement dans notre histoire nationale c'est parce que le hasard des temps qui ont suivi ont fait que l'Europe que nous cherchons maintenant à construire a pris des chemins détournés pendant neuf siècles puisque vous allez célébrer le neuvième centenaire de la mort de Guillaume le Conquérant. Je crois que c'est en 1066 que Guillaume le Conquérant a franchi la Manche et est devenu celui que l'histoire a pratiquement inscrit dans ses annales les plus hautes. Mais que ce personnage puisse s'identifier à la ville de Caen, et Caen le lui doit bien, et Guillaume, à distance, s'il voyait, se reconnaîtrait dans cette ville qui a su durer, résister, survivre, réapparaître et finalement s'affirmer parmi les grandes villes de France comme l'une des plus riches, des plus intéressantes, des plus enracinées dans le sol national.
- Je ne fais pas là un éloge parce que je suis à Caen. Ceux de mes amis qui m'ont fait l'honneur, à diverses reprises, depuis de 20 à 25 ans de m'y convier souvent, savent l'attachement personnel que j'ai acquis pour votre ville et le plaisir que j'ai, sans cérémonie, sans déranger autant de monde simplement pour le plaisir de vivre, de voir et d'apprendre ces chemins de Caen qui restent pour moi parmi les plus féconds.
- J'observais tout à l'heure en arrivant en hélicoptère, le dessin de la ville, ce que vous appeliez aussi une sorte de taille de guêpe avec ses deux épanouissements, cette sorte d'originalité qu'ont préféré les reconstructeurs en laissant les champs, la campagne, la Normandie, pénétrer au coeur de votre ville, sans oublier cependant de servir, comme on devait les servir, les admirables monuments témoins des plus grandes périodes de l'art de construire en France, et qui sont là sous nos yeux, aussi bien des plus anciens, épargnés par les guerres, que ceux qui ont été remodelés avec un goût que je salue.\
Mesdames et messieurs, cette visite que je fais en Basse-Normandie s'inscrit dans une suite tout à fait normale que j'avais instaurée dès 1981, à l'époque où je souhaitais pouvoir visiter toutes les régions de France. C'était un excès d'ambition puisqu'il y en a 22 et 4 Outre-Mer, 26, et que cette visite en Basse-Normandie sera la 17ème, ce qui ne me laisse véritablement pas le temps d'ici la fin de mon mandat, d'accomplir le périple comme j'aurais dû le faire.
- Je me garderai bien, dans les derniers mois, c'est-à-dire à partir du début de l'année prochaine, de laisser confondre l'achèvement de mon mandat avec les péripéties qui ne manqueront pas, selon la loi constitutionnelle de se dérouler aux mois d'avril et mai. D'ici la fin de l'année, cependant, j'espère pouvoir améliorer ma connaissance de la France et rencontrer les élus, les élus que vous êtes, monsieur le maire, au premier chef, mais aussi M. le Président de région et aussi M. le Président du Conseil général, comme je l'ai fait jusqu'ici ainsi que les parlementaires, députés, sénateurs, les conseillers municipaux, les adjoints de toute opinion qui me font l'honneur d'être ici.
- Vous savez, pour le Président de la République, qui n'est pas un personnage abstrait - avant 1981 j'avais été pendant 35 ans un élu des collectivités locales, maire, conseiller général, Président de Conseil général, député et même sénateur dans ma jeunesse - c'est donc dire à quel point j'ai pu apprécier l'expérience, la capacité de la France, a produire les hommes et les femmes qui se sentent pour rôle de la représenter.
- Je n'ai pas oublié les préférences politiques et j'ai les miennes, mais j'ai en charge l'essentiel, pour le temps qui m'est donné, et je manquerais à mon devoir si je ne recherchais pas les lignes de force qui dominent l'histoire de notre pays. Ces lignes de force, je m'applique autant qu'il est possible à les mettre en valeur. Je n'ai pas du tout de dédain pour les luttes politiques, j'en ai pris ma part. Je n'en tire aucun enseignement qui puisse me faire apparaître comme négligeable ce type de combat.
- Je reste tout à fait fidèle à mes engagements. Mais il ne faut pas oublier l'essentiel : de temps en temps, dans certaines disciplines, pour ce qui touche à la vie, à la vie d'un pays, à votre vie, votre vie devant les périls, notre vie devant la mort, face à la mort, les rigueurs du destin, ce que vous avez appelé, vous avez raison de le dire, monsieur le maire, la nécessité de l'effort, tout ce qui permet à notre peuple d'être en cette fin de siècle digne des meilleurs moments de l'histoire qui fut la sienne dit-on depuis mille ans. J'ai arrêté à Hugues Capet, on aurait pu aller à Clovis, remonter le cas échéant jusqu'à Vercingétorix, mais enfin disons le début, l'unité d'un royaume, d'un petit royaume qui devint grand, tandis que le peuple devait beaucoup plus tard prendre lui-même en main son destin.
- Eh bien je me sens comptable. Je ne suis pas le seul bien entendu, mais je me sens comptable de tout cela, responsable.\
J'aperçois et j'en parle depuis ce matin, tout un mouvement qui tend à expliquer que la France serait à la fois en déclin, intellectuellement, spirituellement, mentalement prête à s'y soumettre, bref à se laisser aller. Je dois vous dire que ne le crois pas. J'aperçois bien, assurément, les difficultés, les obstacles, et surtout ceux que nous n'avons pas su surmonter, j'aperçois en même temps les discordes et les contradictions qui s'accumulent. Mais au-delà de tous ces faits, je cherche, avec vous sans doute, la signification profonde de notre histoire contemporaine. Ces lignes de force dont je vous parle, il est simple de les définir. On voit, sur le -plan purement national la nécessité de développer la liberté, c'est-à-dire les libertés sans jamais oublier que l'étage supérieur de la liberté, c'est la responsabilité. Qu'est-ce qu'une liberté dont on userait sans être responsable ? Un jouet qui serait vite cassé. Et cette responsabilité, j'ai essayé, je souhaiterais qu'on essayât avec moi, de la diffuser dans tous les milieux et dans tous les domaines. On a commencé de le faire en 1982 avec une réforme institutionnelle, administrative, par les nouveaux pouvoirs accordés - ou délégués - aux régions, aux départements et même, dans de nombreux cas, aux maires des communes, faire que les collectivités locales françaises ne soient pas obligées de passer par l'autorité de l'Etat pour décider tout ce qui touche non seulement à leur vie quotidienne mais à leur devenir immédiat. C'était très important. Cela se fait, je dois le dire dans le consentement général. Cela se fait et peut se parfaire, que dis-je, doit se parfaire, à vous d'avoir de l'imagination pour compléter la loi de décentralisation, pour en améliorer les résultats et pour faire que, de proche en proche, cette responsabilité soit la vôtre, la vôtre qui est la responsabilité du peuple, celui dont vous êtes vous-mêmes les élus.
- Voilà un domaine sur lequel il ne nous est pas difficile de nous entendre. Ai-je assez entendu, dans toute ma jeunesse, lorsque j'étais sur les bancs de l'université et puis au début de ma vie publique, déplorer le centralisme français. On disait depuis Colbert, mais non, et puis Louis XI et puis bien avant lui. Ce n'est pas, croyez-moi, à partir de 1981 qu'on a étatisé les postes, sans aucune allusion d'ailleurs au fait que je me trouve en Normandie. Les rois François 1er et Louis XI y avaient songé avant nous. Bien entendu il ne s'agissait pas des télécommunications mais des moyens de communiquer entre les citoyens. Ce n'est pas nous qui avons inventé le ministère des finances, ni les armées. Charles VII en a eu bien besoin, pour défendre la France contre les grandes compagnies. Il fallait peut-être mettre aussi un peu d'ordre dans les finances publiques et ne pas les laisser éclater au gré des humeurs des seigneurs qui se les disputaient. Bon, il ne faut jamais nier la nécessité de l'Etat. Et ce n'est pas moi qui le ferai. Et je crois personnellement que si l'Etat ne doit pas se mêler de tout, et il a cette tendance depuis toujours, les Français sont nés dirigistes, quelles que soient leurs opinions politiques et quand ils cessent de l'être, ils deviennent anarchistes, ce qui n'est pas forcément une meilleure solution, il faut trouver le point d'équilibre pour que l'élan, la direction, soient l'effet de la volonté nationale, exprimée par la puissance publique, donc l'Etat, et la diversité des responsabilités qui doit dépasser le stade administratif et électif pour atteindre toutes les catégories de citoyens, je pense en particulier au monde du travail.\
Il est très important que ceux qui travaillent dans une entreprise ou dans une administration aient leur mot à dire. Il ne faut pas que leurs mots à dire soient tels qu'ils empêchent toute maîtrise de l'autorité nécessaire. Ils sont au service du public. Il faut que le public soit donc servi, mais en même temps, il est nécessaire d'admettre, aussi bien dans la fonction publique que dans tous les milieux privés, ceux qui travaillent, qui produisent, qui conçoivent, qui réalisent, aient une large part à l'initiative, à l'exécution, au profit, qui est finalement le résultat de l'effort commun. Bref, il y a une sorte de loi du partage, sans laquelle notre démocratie aura peine à sortir de l'-état dans lequel elle se trouve. Si l'on se sent bien chez soi, et bien avec les autres, il en va de la société comme de la famille. On ne bâtit pas une famille, enfin on ne bâtit plus une famille, sur la simple autorité du chef de famille et, celui qui vous dit cela fut un enfant de famille nombreuse. Nous étions dix, dont huit frères et soeurs, et deux cousins, dont le père avait été tué à la guerre de 14-18 `1914 - 1918`, dix enfants élevés sévèrement, avec le sentiment de l'autorité que l'on avait dans les temps passés, et cependant, peut-être était-ce l'amour, pardonnez-moi de prononcer ce mot, en tout cas l'affection qui unissait les membres de ce groupe familial, la liberté de chacun était respectée, et chacun de ces frères et soeurs a pu évoluer selon son tempérament et ses goûts. J'ai toujours pensé à cet exemple familial pour me dire qu'un village, une ville, une société nationale, devaient, sans se compliquer la vie autrement, tout simplement s'inspirer de cette façon de faire. Je crois beaucoup au dialogue social, je ne crois pas qu'il soit possible de réussir une reconquête industrielle sans un grand élan de l'ensemble des travailleurs. Je pense que ce grand élan ne sera pas possible sans un dialogue constant, sans un dialogue approfondi, et sans ce que j'appelais tout à l'heure une sorte de partage, de partage juste, bien entendu, il ne s'agit pas de se tromper d'adresse, le partage des responsabilités d'abord, mais ensuite des bénéfices recueillis.
- Ainsi ira la France. C'est vrai de toute classe sociale, c'est vrai de tout groupe professionnel. Il ne faut pas de laissés-pour-compte, il ne faut pas d'exclus, il ne faut refuser personne, dès lors, bien entendu, que ceux dont je parle accepteraient de participer à ce grand élan national que j'appelle de mes voeux.\
Je connais bien les réalités politiques de la ville de Caen et du département du Calvados. Il n'empêche que lorsque je vois l'effort accompli et les réussites d'une ville comme celle-ci, je ne cherche pas à les dissimuler. Je ne vais pas dire, non, Caen est une ville qui tourne le dos à son avenir, elle ne tourne pas le dos à son avenir, c'est une ville qui va de l'avant, monsieur le maire, je tiens à vous le dire. Bien entendu, à condition de tenir compte des avis des uns et des autres, la ville de Caen perpétuera, à travers le temps qui vient, la fin de ce siècle et le début de l'autre, les enseignements tirés de la grande épreuve vécue en 1944. Vous me disiez que vous avez l'intention, vous avez déjà eu l'intention, et vous mettez en oeuvre, la création d'un Mémorial parce que j'ai vu, d'après ce que vous m'avez dit, que vous croyiez à la mémoire collective, à la mémoire historique. J'y crois aussi. Je ne suis jamais arrivé - est-ce un phénomène de vieillissement - je n'en sais rien, à comprendre comment on pouvait espérer bâtir le futur sur les ruines des traditions et du passé. Je me souviens même d'avoir repris cette expression fameuse, la mémoire, seule, la mémoire est révolutionnaire. C'est à partir du moment, non seulement où l'on comprend mais où l'on assimile, où l'on reçoit, où l'on accepte les racines dont on est issu, que l'on a quelques chances, à partir du point où l'on se trouve, de voir un jour fleurir, de voir fleurir, et après la fleur, de recueillir le fruit. Un nation, c'est une affaire de siècles, parfois de millénaires. Serait bien fou celui qui croirait que rien n'a commencé avant lui, et que tout finira avec lui. Voilà pourquoi il existe entre nous tous, mesdames et messieurs, des solidarités qui, parfois, nous gênent, que souvent nous ne voulons pas reconnaître et qui cependant doivent, devant le péril, dans la difficulté, primer toute autre considération.
- De ce Mémorial, vous avez dit que vous invitiez le Président de la République après le mois de mai 1988. Le seul engagement que je puisse prendre, monsieur le maire, c'est que je ferai la commission. Et j'espère, en effet, qu'il sera rendu honneur à l'effort de cette ville qui le mérite bien, et qui le vaut. Ce qui a été accompli par les soldats dont vous célébriez, il y a un instant, la mémoire, cette immense bataille qui s'est déroulée hors les murs, dans ces murs, dont vous portez encore les plaies, les signes, non seulement dans la pierre mais dans la chair, vos affections, vos deuils, vos chagrins, votre terre à un moment abandonnée, cette Normandie blessée que l'on pouvait croire blessée à mort et qui refleurit, qui reverdit, cela vraiment vaut d'être magnifié. Je suis convaincu que le responsable de la France s'en souviendra. J'étais, il n'y a pas si longtemps, vous le savez bien, mesdames et messieurs, aux côtés des différents Chefs d'Etat dont les armées avaient pris part à la libération de la France, au moment du débarquement en Normandie, et vous savez avec quelle émotion nous avons communié en sentant que c'était bien là, par le sacrifice de quelques-uns des nôtres, que nous devions d'être libres aujourd'hui.\
Vous avez évoqué bien d'autres problèmes, monsieur le maire, je ne vous suivrai pas sur tous ces chemins parce que cela nous conduirait trop loin, mais enfin, juste une note par-çi par-là : que la France comprenne qu'elle n'a pas de destin en dehors de l'Europe, hors de la construction dans laquelle elle est engagée, dont je rappelais à Saint-Lô qu'elle avait commencé par la réconciliation franco-allemande, qu'elle s'était poursuivie par la -constitution de l'Europe des Six, qu'elle s'était parachevée en passant de Six à Douze tandis qu'en même temps elle renforçait ses institutions, ses structures. L'Europe est l'une de ces directions, monsieur le maire, où les Français doivent se reconnaître. La France a en elle suffisamment de force et de chance pour perpétuer sa grandeur. Mais, le faible -état de sa démographie, le développement de quelques grands peuples dans le monde, partout autour de la terre, font que l'Europe, seule, à la dimension qui convient. L'Europe, vous le savez, celle de 1992, celle du lendemain de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, que j'ai tant souhaitée et que j'ai pu réaliser dans le courant de 1985, cette Europe-là, représente 320 millions d'habitants, plus que les Etats-Unis d'Amérique, plus que l'Union soviétique, beaucoup plus que le Japon. Elle dispose des plus grandes compétences, des techniques les plus affirmées, des ressources naturelles les plus variées, des traditions les plus anciennes. Bref, elle est imbattable, cette Europe, si elle le veut. Ce qui lui manque sans doute, c'est la volonté que d'autres ont su, au travers de ces deux derniers siècles, acquérir.
- Bref, il nous manque, à nous Européens, la volonté politique et donc les institutions politiques qui donneraient à nos efforts l'efficacité nécessaire. Travaillons-y, développons dans le pays une grande campagne qui permettra aux Français de sentir qu'il leur faut affronter les concurrences que si longtemps ils ont redoutées. En 1986, c'est moi qui ai pu donner l'accord de la France, en compagnie d'ailleurs du Chancelier allemand qui a beaucoup aidé, du Président de la Commission qui a été un remarquable ouvrier de la construction européenne `Jacques Delors`.
- Oui, l'Acte unique, le marché intérieur européen, nous avons si peu de temps, d'ici le 1er janvier 1993, pour permettre à la France, d'abord de protéger - et de protéger par la concurrence et non pas par des lois, ou par des règlements, ou par des barrières douanières - son territoire, son marché et pour conquérir des parts de marché dans les autres pays du monde. Et nous sommes assez loin du compte. Je le répétais, 4ème pays dans le monde sur le -plan industriel, 5ème sur le plan économique, 3ème sur le -plan militaire, nous sommes bien placés. Mais nous apercevons des mouvements ici et là, qui peuvent nous laisser penser que d'autres pays, actuellement, consacrent plus d'énergie à leur propre redressement dans une crise dont ils souffrent tout autant que nous. Alors, appliquons nos volontés.\
J'aurai terminé cet exposé, parce que j'ai prononcé ce mot pour la deuxième fois : nos volontés. L'histoire de la France est un acte volontaire qui s'appuie sur une réalité populaire, une continuité historique, bref, qui a pour elle toutes les chances. Volonté, si on le veut. Si on le veut, on le peut. Nous en avons le moyen. En avons-nous la volonté ? Je vais vous dire, mesdames et messieurs, moi, je l'ai. Et pour avoir entendu plusieurs d'entre vous, j'ai le sentiment que ce qui pourrait paraître orgueilleux, "moi, je l'ai", plusieurs d'entre vous, monsieur le maire,, messieurs les élus, chacun dans son domaine aurait pu dire comme, "je l'ai". Et vous, que je ne connais, mesdames et messieurs, dans cette salle et bien au-delà, combien d'entre vous pourraient dire "moi je l'ai", là où je suis, en application des missions ou des mandats que j'ai. Oui, moi je l'ai la volonté de faire de la France par l'Europe le pays qu'il doit être, à l'époque de la 3ème révolution industrielle, pour que l'Europe - celle que nous possédons aujourd'hui, celle de la Communauté - existe et grandisse, se renforce. Et pour que cette Europe-là soit capable un jour de tenir le même langage à l'autre Europe, celle de l'Est, dont les sources culturelles, spirituelles, éthiques et morales sont le plus souvent les mêmes que les nôtres, ont les mêmes sources.\
Alors, on pourra parler au reste du monde, non pas dans un sentiment d'orgueil ou de domination, mais avec le sentiment d'avoir fait notre part et de n'être plus simplement le jouet des forces qui, aujourd'hui, se partagent la puissance sur la terre. Cette volonté, bien entendu, vous l'avez dit, monsieur le maire, devra aussi se diriger vers un certain nombre de pays qui représentent le lourd tribu de l'espèce humaine sur la terre, les pays dits du tiers monde, les pays en voie de développement. Il faut prendre absolument conscience des responsabilités du Nord à l'égard du Sud, non pas dans l'intérêt seulement du Sud, mais dans l'intérêt des populations du Nord, sans quoi se créeront peu à peu les conditions d'une guerre plus certaine, et plus irréparable que n'importe quelle guerre nucléaire. Je veux dire, le Nord et le Sud et le fossé qui s'élargit. Quel autre pays que la France, avec son expérience et ses réussites, et l'effort exceptionnel qu'elle remplit par -rapport à tous les autres au regard du développement montre la voie. Nous étions à Venise, il y a quelques jours, et nous faisions remarquer qu'après tout, dans cette aide au tiers monde, la France se trouvait loin devant tous les autres. Et que si n ous apportions - en comptant nos territoires et départements d'Outre-Mer - près de 0,7 % de notre produit intérieur brut à l'aide au développement, et sans nos territoires et départements d'Outre-Mer, 5,05 %, les Etats-Unis d'Amérique étaient restés à 0,2 % et le Japon à 0,29 %. Ce qui veut dire que la France reste encore le pays capable de parler aux peuples qui luttent aujourd'hui pour parvenir au développement qui leur est nécessaire.
- Voilà, mesdames et messieurs, définies quelques grandes lignes qui doivent permettre à notre pays de jouer son rôle dans le concert des nations, pour la paix et la sécurité, par le développement et l'Europe. Et bien entendu, au point de départ, par l'unité, non pas dans la confusion, mais pour le service des grandes actions qui nous attendent.\
Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre accueil. Bref passage à Caen, sans doute, j'y reviendrai dans un moment. Je n'aurai pas vu dans un voyage officiel, dans ce voyage officiel, tout ce que j'aurais aimé voir, mais il me reste bien d'autres jours et dans ma vie privée, dans ma vie personnelle. Je vais vous faire une confidence, dans les voyages officiels, on ne voit rien. Si on entend beaucoup de choses, bien peu de tourisme et que de regrets quand le regard s'arrête un moment sur les lignes d'un admirable bâtiment et puis déjà, l'auto a franchi le tournant. On ne voit rien. En a-t-on eu quelques regrets, on prend quelques rendez-vous, on se dit il faudra revenir. Eh bien, sans demander la permission à personne, sans déranger aucun d'entre vous, je reviendrai à mon tour méditer sur l'oeuvre de votre ville, sur le tombeau de Guillaume `Guillaume le Conquérant`, ce Guillaume si décisif dans l'histoire de notre pays. J'irai, comme vous faites vous-même, normands attachés à votre pays. Vous en reconnaîtrez, et j'en reconnaîtrai comme vous les beautés. Je sens dans la Normandie, y compris dans ses régions qui apparaissent comme les plus pauvres, une capacité d'exister, une dynamique, une réserve humaine assez incomparables, ce qui me rend très facile ces quelques mots rituels pour conclure,
- Vive Caen,
- Vive le Calvados,
- Vive la République,
- Vive la France.\