6 avril 1987 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du dîner offert par le Président de la République du Portugal et Mme Soares, sur l'Europe et les relations économiques et culturelles franco-portugaises, Lisbonne, lundi 6 avril 1987.

Monsieur le président,
- Madame,
- Mes premiers mots seront pour vous remercier de votre invitation et vous dire le plaisir que nous avons à nous trouver ce soir parmi vous.
- Vous l'avez vous-même dit à l'instant, vous avez tenu à ce que le Président de la République française fût le premier chef d'Etat d'un pays de la Communauté à être reçu, depuis que le Portugal a retrouvé sa place dans l'ensemble européen. J'en ressens l'honneur, j'y décèle un symbole.
- Je me souviens, en cet instant, de bien d'autres jours où nous avons été réunis, depuis ce temps déjà lointain - j'allais dire heureusement - où vous étiez notre hôte à Paris, exilé, ayant la souffrance d'être éloigné de votre patrie et, je l'espère, le réconfort d'avoir rencontré des amis. J'ai été de ceux-là, puisque nos relations amicales remontent déjà à la période difficile que j'évoque un instant. Et depuis lors, nous n'avons pas cessé, soit à Paris soit au Portugal, soit dans beaucoup d'autres capitales où nos idéaux communs nous réunissaient, d'entretenir cette relation fructueuse, constante et confiante. J'ai pu, grâce à cela, connaître les jours que vous avez vécus au moment de la Révolution d'Avril. Je me souviens des difficultés qu'a connues le Portugal, dans cette époque de transition, de la volonté, de la capacité d'espoir et de travail dont vous étiez vous-même l'artisan.\
Comment, à travers tant d'événements, dans l'adversité et dans la réussite, ne pas évoquer cela ce soir, alors que je me trouve devant vous, mesdames et messieurs, c'est-à-dire devant le peuple portugais ?
- Vous avez vous-même rappelé que j'étais venu, en 1984, pour vous annoncer, après les réunions de Fontainebleau et avant de céder la présidence de la Communauté européenne au Premier ministre irlandais, que c'était pratiquement conclu et que l'on pouvait estimer que le Portugal, désormais, appartenait à l'Europe communautaire. Il a fallu encore quelques mois et, le 1er janvier 1986, vous pouviez vous réjouir au moment où vous engagiez les instruments diplomatiques qui permettaient ce grand événement historique, qui veut que nous soyons tous ici, membres de cette patrie nouvelle qui s'offre à nous, sans bien entendu délaisser la première, fondamentale et essentielle, la France, le Portugal : l'Europe, "notre" Europe. Nous l'avons faite, nous allons la faire en instituant l'unité politique, après l'unité technologique, économique, en développant toutes ses chances, sur le -plan social comme sur le -plan structurel, en promouvant, d'un même mouvement, les pays qui composent cette Europe à douze, elle-même assaillie de toutes parts, menacée, obligée de s'organiser pour survivre.\
Nous avons vécu, mesdames et messieurs, à travers les siècles, je peux le dire, à quelques exceptions près, en bons voisins. Nous y avons trouvé les raisons d'une solide amitié. Cette amitié, nous, Français, nous la vivons chaque jour, au contact de vos compatriotes qui sont venus vivre chez nous, le temps qui leur paraît utile avant de retrouver le Portugal. Mais je pense qu'il n'y a pas de peuple plus estimé en France par ses capacités, sa façon d'être, que le peuple, les travailleurs portugais, que je tiens à saluer, en cet instant, ici, de façon solennelle, tant que nous nous sentons redevables à leur égard de l'oeuvre qu'ils accomplissent. J'espère aussi - mais je l'ai déjà constaté - que, ces Portugais, revenus chez eux, entretiennent la flamme de l'amitié avec la France.\
Je vous ai parlé de l'Europe. C'était une -entreprise insensée que celle qui a été commencée par quelques hommes d'imagination, au lendemain de la dernière guerre mondiale, alors que l'on comptait les ruines partout, que l'on n'avait pu encore mesurer l'ampleur du désastre, alors que chacune de nos familles pleurait ses morts. Nous avons, nous, Français, estimé qu'il était nécessaire de faire le premier pas pour la réconciliation avec l'Allemagne, réconciliation sans laquelle il eût été impossible de fonder l'Europe du temps qui vient. Pour avoir pu surmonter les amertumes et les souffrances, pour avoir dit un jour - ceux qui l'ont dit méritent le respect de l'Histoire - que c'en était fini, que ces guerres, qui n'étaient que des guerres civiles, devaient cesser à jamais, l'Europe a commencé de naître. Ainsi, les six pays qui se sont retrouvés dans les premières institutions, le Traité de Rome dont on fêtait le trentenaire il n'y a pas si longtemps, ont été rejoints, peu à peu, par les autres pays d'Europe, jusqu'à ce que l'Espagne, notre voisin commun, et vous-même, Portugal - ce cher Portugal que nous aimions, que nous connaissions trop peu - adhériez à votre tour. Vous avez eu l'audace, il faut le dire, de vous engager à fond dans ce qui n'était, aux yeux de beaucoup, qu'une aventure, dont il semble bien que vous l'ayez gagnée si j'en juge par les premiers résultats obtenus depuis maintenant quelques mois.
- Mais nous sommes encore loin du compte. Ce n'est pas parce que nous avons bâti une Communauté économique européenne que nous sommes encore capables de dominer les obstacles, ceux qui viennent de nous-mêmes et ceux que nous proposent les rivalités extérieures.
- Il faudra d'abord être capable d'instituer au sein de l'Europe des méthodes de travail, de réflexions communes et définir une volonté politique. En même temps, les inégalités profondes qui continuent de diviser l'Europe selon la puissance des régions qui la composent deviendront vite insupportables si l'on n'y veille et si l'on n'y pourvoit.
- Il faut que l'Europe s'occupe de tout ce qui touche à chacun de nos pays avec le consentement des gouvernements et des chefs d'Etat. Comme j'ai l'assurance que tous désirent franchir le pas immense qui reste à déterminer, je pense que les chances sont pour nous et que l'histoire justifiera le choix que nous avons fait, que vous avez fait, que nous faisons désormais ensemble. Je crois que c'est un acte aussi audacieux que le Traité de Rome que ce contrat au nom bizarre : l'Acte unique qui vient de définir à Luxembourg ce qu'on appelle le marché intérieur européen, toutes frontières abattues pour les personnes et pour les biens et, je l'espère aussi, pour les idées.
- Nous n'avons même pas cinq ans pour y parvenir et déjà les freins s'exercent de toute part. On pourrait dire que l'Europe a déjà perdu sur cinq ans, six mois, huit mois. Et cependant, si nous manquons ce rendez-vous, qui pourrait croire que nous saurions rattraper un jour le rendez-vous manqué ? Les sollicitations extérieures, les rivalités des deux plus grands empires, l'attraction qu'ils exercent, le développement du tiers monde, l'accroissement rapide de la démographie dans tant de pays du monde, tandis que celle de nos pays va s'étiolant : ces 320 millions d'Européens que nous sommes sauront-ils se doter du moyen qui leur permettra d'être présents dans l'histoire du siècle prochain ? J'y crois profondément. Je ne me dissimule pas les obstacles et j'ai été particulièrement heureux de voir le Portugal adhérer à la Communauté parce que je savais que, fort de sa civilisation, de sa culture, de son histoire, le Portugal serait tout aussitôt l'un des artisans les plus déterminés pour le succès commun.\
Nous parlions bien entendu autour de cette table de l'histoire du Portugal. Nous, visiteurs, nous en sommes friands, nous avons envie de vous connaître, nous nous émerveillons de vos monuments, nous connaissons un peu votre littérature. Le 500ème anniversaire des grandes découvertes, des grandes explorations maritimes parlent également à notre esprit.
- Ces périodes héroïques aux couleurs vives ont constitué une première naissance pour notre Europe, tandis qu'elle portait au-delà des mers, le message de cette civilisation.
- Nous parlions aussi du Brésil, d'où vous venez monsieur le Président. Quelle étonnante histoire que celle de ce peuple, petit par le nombre, mais si grand par son message pour des dizaines et des dizaines de millions d'hommes et de femmes venus des autres continents, qui n'ont jamais vu le Portugal, qui ne l'ont jamais visité, qui au fond n'ont jamais qu'assez peu pénétré les arcanes de son histoire et qui se sentent pourtant appartenir à la civilisation portugaise.
- La France a connu des événements du même ordre et peut se flatter d'avoir également inspiré l'une des civilisations dominantes sur la terre. Nous avons projeté, vous et nous, sur ces autres continents, ce génie qui est le nôtre, et souhaitons les voir se rassembler désormais dans une même construction. Nous savons à l'avance que nous aurons de la sorte éveillé chez des peuples lointains, aujourd'hui souverains et indépendants une sorte d'attachement définitif à une façon d'être, à une langue, à une façon de considérer le monde et les hommes. Cela nous rapproche aussi, monsieur le Président, et me permet de penser qu'à Lisbonne, mes compagnons de voyage, membres du gouvernement de la République française et les personnalités qui nous accompagnent, tous se sentent, sans aucun doute, comme s'ils étaient chez eux, très proches en tout cas, à l'unisson des femmes et des hommes du Portugal qui sont venus à eux.
- Tout à l'heure, vous avez bien voulu nous montrer - enfin je pense que cela fait partie des rites officiels de votre pays - les Jéronymites, le tombeau de personnages célèbres, quelques fastes de votre histoire. Il m'est arrivé bien souvent de flâner, visiteur inconnu, avide d'apprendre et de connaître, dans les rues de votre ville, d'aller visiter les monuments, d'aller m'inspirer des exemples que j'ai toujours trouvés dans votre façon d'être et de vous exprimer. C'est pour moi un moment d'émotion particulière que d'être dans cette salle, après être allé de palais en palais. Dans le premier, où nous étions, vous avez bien voulu me donner une décoration. Je ne suis pas très sensible aux décorations, je vous en fais la confidence. Mais celle-ci, entre compagnons de combat, et amis personnels, au lendemain de cette libération acquise par vous-mêmes, sur vous-mêmes, qui avez imprimé à l'histoire moderne du Portugal la signification que vous savez, est particulière. Etre le premier non-Portugais à recevoir de vos mains une distinction au nom de la liberté et de l'effort des hommes capables de construire de leurs mains leur propre démocratie, oui, je dois dire que ce soir j'en ressens l'honneur mais aussi la valeur sentimentale et culturelle. J'aimerais en tout cas le mériter.\
En tout cas nous voici à pied d'oeuvre pour écrire une nouvelle page de nos relations. Je viens de vous le dire, nous ne partons pas de rien. Sans entrer dans un inventaire détaillé que chacun a ici à l'esprit, comment ne pas rappeler que nous avons aujourd'hui à embrasser dans leur totalité les activités politiques, économiques, scientifiques, culturelles qui nous permettront d'apporter à nos relations bilatérales et à la vie de l'Europe, la contribution qui doit normalement représenter ce que nous sommes. J'ai noté que la France était le premier client du Portugal, ce qui démontre au demeurant le dynamisme de vos exportateurs. J'aimerais bien que les Français m'écoutent à ce sujet. La France est le troisième fournisseur du Portugal. Premier dans un cas, troisième dans l'autre, il y a quelque chose à corriger mais enfin, c'est à la France de le faire elle-même.
- La France figure toujours dans le peloton de tête, - comme on le dit d'une course cycliste, pédestre, - des investissements étrangers. Ses entreprises sont présentes et actives dans les principaux centres ou secteurs industriels et bancaires et je souhaite que notre coopération accomplisse de nouvelles perçées £ les domaines sont si nombreux où nous pouvons y parvenir, télécommunications, informatique, électronique, aéronautique, que sais-je, les firmes françaises, je puis vous l'assurer, sont prêtes à accompagner avec leurs ressources humaines et leur savoir faire l'effort de modernisation sans précédent que vous avez entrepris.
- Déjà, le Portugal participe avec la France à trois projets retenus dans le -cadre du programme Eurêka, dont j'ai voulu naguère qu'il symbolise la renaissance technologique de l'Europe, au delà de la Communauté puisque dix-huit pays européens y participent.\
La place que le Portugal réserve à la culture française mérite aussi notre gratitude. Il est bien peu de pays dans lesquels la connaissance de la France et des Français, - la preuve, nous ne vous avons pas fourni de traduction, - s'est aussi largement répandue. L'Institut franco-portugais dont je souhaitais la création ici-même il y a cinq ans, au risque de me répéter, devint un foyer de dialogue et de création particulièremement pour les jeunes générations £ il a réussi son insertion dans la vie intellectuelle et artistique de Lisbonne, du moins c'est ce que l'on me dit et c'est ce que vous me confiez vous-même. L'interpénétration des cultures est favorisée par la présence dans notre pays des travailleurs dont je parlais, 850000, je crois que c'est la plus importante immigration en France.
- Je ne veux pas entrer dans les disputes sur ce sujet qui n'auraient d'ailleurs guère de sens, c'est cependant celle dont on s'aperçoit le moins tant j'imagine l'imbrication à travers le temps à non seulement effacer les différences de comportement mais à créer des sympathies naturelles contre lesquelles personne aujourd'hui n'oserait s'élever et je dois dire que mon pays mesure à sa juste valeur l'apport de ces femmes et de ces hommes qui ont choisi de partager notre vie. Et pourtant, nous savons bien qu'il n'est jamais facile de vivre et de travailler hors de chez soi et loin des siens £ cette réussite tient donc à des qualités professionnelles, humaines qui ont pu surmonter toutes les différences.\
Maintenant, il y a d'autres aspects que je veux évoquer même très rapidement. Nous appartenons à la même alliance, nous sommes dans la même Europe et nous avons à faire face aux mêmes problèmes. Nous avons donc besoin de nous concerter et je suis sûr que cela occupera une partie des conversations que nous aurons en particulier demain. Déjà, avec M. le Président de la République, nous avons commencé de nous en entretenir.
- Nous sommes l'objet de sollicitations de toutes sortes. Nous appartenons les uns et les autres à une alliance `Alliance atlantique` dans laquelle nous sommes imbriqués, de façon différente puisque vous appartenez au commandement militaire intégré de l'OTAN alors que la France en est absente. Il nous appartient de savoir de quelle manière nous entendons assurer cette responsabilité, devant les propositions que se font entre eux, mais qui nous concernent aussi, les deux plus puissants pays du monde. En France, nous avons jalousement préservé notre autonomie de décision dans l'usage, l'emploi ou la définition stratégique de notre force principale, orientée autour de la stratégiede dissuasion par le moyen de l'arme nucléaire. Mais nous savons nos devoirs. Notre sécurité n'est pas seulement assurée par nos armes, celles que je viens de citer mais aussi par l'alliance £ si l'un des deux piliers devait s'écrouler, nous savons que nous serions en péril. Dans cette alliance, vous êtes aussi, d'où l'importance d'une réflexion commune devant les propositions de désarmement qui sont faites aujourd'hui à l'Occident.
- J'ai développé au cours de ces dernières années quelques idées simples, dont la première est que la paix tient à l'équilibre des forces. Or, cet équilibre-là, l'équilibre majeur, est assuré par les systèmes centraux nucléaires. Je ne plaide pas pour le nucléaire, je souhaiterais qu'il n'y en eût pas, mais dès lors que sur notre continent les grandes puissances disposent du moyen écrasant de détruire en quelques heures la totalité des forces réparties sur le reste du continent, dès lors qu'un autre grand pays en Amérique dispose d'un moyen égal, ira-t-on penser que l'Europe et ses 320 millions d'habitants en dépit des différences de vues - je dirais même de la présence ou de l'absence de l'alliance, des choix de neutralité ou au contraire participation active à la défense commune - pourrait-on dire que l'Europe devrait être absente des décisions ? Les précisions qui viennent de nous être apportées autour d'un éventuel accord sur les armes nucléaires intermédiaires à longue portée, c'est-à-dire entre 1000 et 4500 kilomètres, posent aujourd'hui un problème essentiel qui est celui de savoir si à partir de là, les deux pays leaders sont disposés à prolonger cette discussion pour aboutir, type d'arme par type d'arme, défense par défense, procédé scientifique par procédé scientifique, à réaliser un équilibre nouveau, au niveau le plus bas possible. On ne peut se contenter d'aborder le désarmement par le seul biais des systèmes intermédiaires. Il y a des armées classiques dont on discute aussi mais sans que les résultats en soient bien précisés et nous avons aujourd'hui le sentiment que nous devons débattre au fond au sein de notre alliance pour parvenir à préserver les chances de la paix.\
Vous avez invoqué monsieur le Président quelques problèmes qui vous touchent de près. Nous n'y sommes pas indifférents, vous avez évoqué en particulier Timor. C'est vrai que se place là un problème qui touche aux droits de l'homme. Il y a là l'affirmation de peuples qui n'ont pas été exactement compris dans les définitions politiques telles qu'elles sont entendues par le pays `Indonésie` qui dispute à Timor son identité actuelle. Mais la France n'a pas voulu jusqu'ici s'engager davantage même si c'est un point dont j'ai conscience. L'Europe aussi doit défendre en commun les principes qui intéressent la vie, la politique et l'avenir de l'un des pays qui la constitue.
- Nous avons nous-mêmes engagé des actions, particulièrement en Afrique. Nous avons pris la responsabilité de participer à la défense de l'intégrité de la souveraineté d'un pays comme le Tchad. Il y a beau temps que la France a renoncé à toute visée de caractère colonial mais des solidarités sont nées, il faut les respecter, des engagements sont pris. Ces pays ont le droit de défendre leur indépendance, tout peuple a le droit d'assurer sa propre sécurité ou de demander de l'aide à celui qu'il choisit. Nous sommes présents et nous pensons que ce devoir de notre pays, la France, est quand on l'en prie d'assurer économiquement et politiquement les devoirs qui sont les siens.
- Je n'ai pas été insensible à ce que vous avez dit de pays que vous connaissez mieux que quiconque, les pays de l'Afrique australe, je pense au Mozambique en particulier, je pense à l'Angola, aux problèmes qui leur sont posés en face de l'apartheid. Croyez-moi, la France réagit comme vous devant ce type de problèmes, n'accepte pas plus que vous l'injustice, l'esprit hégémonique de domination.\
Mesdames et messieurs, j'ai coutume dans ces discours de repas officiels, dans les visites d'Etat, d'évoquer l'ensemble des problèmes politiques, c'est pourquoi je l'ai fait, enfin je veux parler des problèmes politiques qui nous assaillent plus que d'autres. Je ne voudrais pas oublier de dire un mot des problèmes qui touchent un grand pays, très proche de vous par l'esprit et par l'histoire, qui est le Brésil. C'est vrai que nous sommes nous-mêmes très occupés par le problème de l'endettement des pays du tiers monde, et l'on sait la place que tient le Brésil aujourd'hui, cet immense empire, face au problème angoissant de l'endettement.
- Nous avons adopté, nous la France, une attitude compréhensive. Nous sommes nous-mêmes l'un des pays fortement créancier du Brésil et nous avons pourtant pris plusieurs initiatives qui tendent à obtenir de nos partenaires qu'ils donnent des facilités, qu'ils accordent des échéances qui permettraient à ce grand pays que nous aimons, de traverser cette phase difficile. Vous savez qu'il existe des institutions, des organisations où ce débat est en cours. On pourra dire que la France, sans abandonner rien des droits légitimes qu'elle détient, est prête à contribuer de la façon la plus utile à dénouer, s'il est possible, cette situation qui prend à la gorge, non seulement les pays débiteurs mais le cas échéant les pays créanciers, car nous souffrons tous de la même crise.\
Mesdames et messieurs, je voudrais dire que les Français qui sont ce soir dans ce palais ont un vrai plaisir à vous connaître. Vous nous avez été, à ma femme et à moi-même, présentés. J'ai reconnu au passage bien des noms illustres qui ont marqué l'histoire de ce pays et bien d'autres, des jeunes, qui commencent à marquer leur trace dans la politique portugaise.
- On me dit : "Vous arrivez juste à un moment où la politique connaît quelques troubles". C'est cela la vie de nos démocraties et je n'ai pas à en juger. Pour nous, qui que vous soyez, invités du Président de la République et de Mme Soares, nous vous considérons comme des amis. Nous sommes fiers d'être reçus par vous, nous sommes fiers que la France signifie autant pour les Portugais et nous vous remercions d'avoir accepté de prendre part à cette invitation.
- Il me semble que nous sommes en cette minute devant un aréopage très représentatif de ce qu'a été le Portugal à travers les temps. Les forces conjuguées qui ont fait sa grandeur dans un moment où précisèment l'exercice de la démocratie s'accomplit dans les formes voulues sous l'autorité d'un homme qui a tant aimé la démocratie, qui a pris le risque de perdre sa liberté. Vous avez réussi, il faut le dire, depuis bientôt quinze ans, à fonder une République dont j'aperçois aujourd'hui la vitalité, qui surmontera sans le moindre doute les quelques obstacles qui se trouvent devant elle, qui a déjà surmonté la crise non pas autant qu'il le faudrait, la France connaît cette situation, mais quand on l'a connue, lorsque l'on a connu, lorsqu'on a visité les dirigeants portugais dans les années 1973 - 1974 - 1980, on se rend compte à quel point votre pays a justifié les exploits de son peuple. Je tiens à vous le dire, à le dire très hautement.
- On termine ces discours en levant son verre, c'est une tradition qui se pratique chez vous, comme elle se pratique chez nous, c'est un signe dans ce verre, c'est généralement du vin, oui c'est aussi l'une des plus vieilles pratiques de l'humanité que de chercher dans ce fruit de la vigne comme un symbole, le symbole de l'amitié partagée, comme on partage le pain et le vin.
- Je donnerai à ce geste toute la signification qui convient, celle que je porte en moi-même et je voudrais vous dire que je forme des voeux en levant ce verre pour la grandeur du Portugal, pour la solidarité de ses habitants, pour sa capacité à vaincre tous les démons intérieurs qui nous habitent les uns et les autres le témoignage du Portugal, sa culture, le témoignage du Portugal et son histoire, le témoignage du Portugal et ce message lancé depuis cinq siècles et dont les résonnances reviennent en Europe si puissamment. Aujourd'hui on peut au-delà de l'Europe rêver à ce que serait la société future.
- Vous en avez été mesdames et messieurs, ou du moins ceux qui vous ont précédés, les artisans.
- Vive le Portugal d'hier, de toujours, d'aujourd'hui, de demain.
- Recevez madame, les remerciements que nous devons, ma femme et moi, pour l'accueil dans une maison amie depuis si longtemps visitée, les voeux que nous formons pour les vôtres, votre famille et vos enfants que nous connaissons, pour vous mesdames et messieurs. J'espère que cette visite de la France permettra de mieux ressentir le besoin que nous avons des uns et des autres.
- Vive le Portugal,
- Vive votre République,
- Vive la France,
- Vive l'Europe.\