6 décembre 1986 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du Conseil européen à Londres le samedi 6 décembre 1986, sur les négociations Est-Ouest, la coopération médicale, les avancées du marché unique communautaire.
La séance du Conseil européen de ce matin a été fort longue. Cela ne facilite pas votre travail. Finalement, j'ai préféré, comme la plupart des chefs de gouvernement, vous voir tout de suite avant de rompre le pain, après chacun se serait dispersé, mais je crois qu'il y a eu une série de contre-ordres dans toutes les délégations, j'espère que peu d'entre vous ont manqué ce rendez-vous.
- Les textes qui ont été adoptés par le Conseil portaient sur la situation économique, sur la croissance et sur l'emploi, sur le terrorisme, l'usage des stupéfiants, sur des problèmes de santé. D'autre part, un très large débat qui avait commencé hier soir au dîner et qui s'est élargi à toutes les délégations a eu lieu sur les rapports Est-Ouest. Mais il ne donne pas matière à un texte particulier. D'une part il y a ceux qui appartiennent à l'alliance occidentale `Alliance atlantique` et ceux qui n'y appartiennent pas. Les ministres se sont rencontrés au sein de l'OTAN et ont élaboré un texte, il n'est pas nécessaire qu'il y en ait deux. Différentes autres questions ont été abordées, dont l'Afghanistan. Des propositions françaises ont été évoquées, j'y viendrai à l'occasion, si l'occasion me le permet. Je pense que le plus sage, puisque vous avez suivi ce débat vous-même, de l'extérieur, mais enfin avec suffisamment de fidélité, le plus sage est de recourir maintenant aux questions que vous voudrez bien me poser.\
QUESTION.- Vous venez d'évoquer le problème Est-Ouest, pouvez-vous nous dire de façon plus détaillée, nous expliquer quelle a été la discussion et quelle est l'étendue des accords, puisque, si j'ai bien compris, il n'y a pas en tout cas une unanimité parfaite ?
- LE PRESIDENT.- Je n'ai pas observé de désaccord. Le problème a été celui d'une rédaction in fine alors qu'il était déjà 14h30. Cette rédaction était tout à fait établie, mais elle n'ajoutait rien à ce qui avait été dit dans une autre enceinte `OTAN`, comme je viens de le rappeler à l'instant. Certains membres de ce Conseil ont souhaité apporter des adjonctions sur des notions de globalité, de gradualite, qui auraient prolongé la discussion d'une façon excessive et qui, d'autre part, comme souvent ce langage diplomatique est codé, aurait risqué de ne pas épouser, dans le vocabulaire, ce qui est dit d'autre part au sein de l'OTAN. Voilà la raison pour laquelle, plutôt que de se livrer à une rédaction active, le Président, Mme Thatcher, a estimé qu'il valait mieux se reporter aux autres textes.
- QUESTION.- Est-ce que vous le regrettez, monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Non, pourquoi ?.\
QUESTION (Georges Bortoli - A2).- Monsieur le Président, les problèmes de la jeunesse européenne, formation de la jeunesse, chômage des jeunes, sont souvent évoqués dans ces Conseils, est-ce que les problèmes actuels de la jeunesse étudiante française ont été à quelques moments évoqués ?
- LE PRESIDENT.- Non à aucun moment, je veux dire dans les séances plénières, et même dans les conversations que j'ai eues avec les chefs de gouvernement ou les ministres présents. A aucun moment cette question ne m'a été posée, sans doute par discrétion, car c'est un sujet qui occupe les esprits et qui occupe le mien.
- QUESTION.- Pouvons-nous, nous, vous poser la question ?
- LE PRESIDENT.- J'aurais aimé pouvoir vous répondre, mais le lieu n'est pas bien choisi. Je ne souhaite pas faire de déclaration sur la situation française à partir d'une capitale étrangère. Mais je vais un peu hâter mon retour. J'avais prévu diverses obligations avant de partir. Ce soir, à Paris, je retiens à dîner M. Felipe Gonzales. Entre temps je ferai le tour de la question à l'Elysée et, si je suis conduit à m'exprimer ou à prendre telle ou telle initiative, je vous le ferai savoir. En tout cas je compte bien dès mon retour à Paris, en particulier aujourd'hui samedi, demain dimanche, être là constamment pour non seulement suivre le développement des événements, mais aussi pour mesurer la situation, réfléchir sur ce qu'il conviendrait de faire.
- QUESTION.- Est-ce que ces propos traduisent une certaine inquiétude, monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Une inquiétude ? Les événements comportent en eux-mêmes des éléments suffisamment dramatiques `mort d'un étudiant, Malik Oussekine` pour que le mot inquiétude ne vienne pas se substituer à beaucoup d'autres expressions des sentiments que j'éprouve. Si l'on continue, on va vers des sujets dont je ne souhaite pas traiter à Londres. Ce que je veux dire, le devoir des responsables, et d'abord du Président de la République, c'est de veiller à ce que tous les affrontements internes, tous les affrontements entre différentes parts de la nation, puissent épargner notre peuple. Mais je n'en dirai pas davantage.\
QUESTION (Le Monde).- Le Conseil européen apparemment a très peu parlé des affaires de la Communauté, de son avenir, des grands problèmes communautaires, budget, agriculture. Est-ce que vous trouvez que c'est une formule raisonnable alors que ces problèmes sont bien réels ?
- LE PRESIDENT.- J'ai, moi-même, dès le début de nos séances, rappelé que j'étais le seul survivant, avec M. Fitzgerald et Mme Thatcher, du précédent sommet de Londres `le 27 novembre 1981`. J'évoquais à la fois les difficultés que nous avons rencontrées et les progrès qui ont été accomplis. Progrès réels si l'on mesure la démarche vers le marché unique, donc vers le développement des relations économiques, le développement des relations technologiques, l'adoption des mesures qui ont permis à la naissance de ce que l'on a appelé l'Europe bleue, les accords sur la pêche, ce qui était déjà une façon d'élargir la Communauté, élargissement qui s'est géographiquement également décidé autour de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, développements technologiques autour du débat posé par la Commission sur le programme-cadre et la Communauté, ainsi que le programme Eurêka. Tous ces développements me paraissent particulièrement importants.
- Donc, premier constat, en cinq ans on a bien avancé. Deuxième constat, on n'a pas assez avancé. Je pense que nos débats et nos décisions sur l'aspect technologique, sur le -plan du développement des transports et de véritables plans de communication et de circulation des hommes, des marchandises, des idées, donc des informations, n'ont pas été assez poussés. De même que je pense que le système monétaire européen devrait faire l'objet de plus de soins, être resserré, précisé. J'ai d'ailleurs demandé au Conseil d'insérer une référence au système monétaire européen, référence qui était absente, pour bien marquer mon souci. Je pense en effet qu'il faudrait se diriger d'un pas un peu plus ouvert, un peu plus rapide, un peu plus affirmé, vers quelques grandes avancées de l'Europe qui sont attendues de tous, en tout cas qui sont nécessaires.\
QUESTION (Philippe Sassier) - A2).- Deux questions, monsieur le Président quels sont les problèmes qui ont valu que l'on joue les prolongations à ce sommet, deuxièmement, à quel moment est-ce que le Premier ministre vous a averti qu'il allait rentrer en France plus tôt que prévu ?
- LE PRESIDENT.- Le Premier ministre qui siégeait à mes côtés m'a constamment tenu au courant, mais je l'étais d'autre part, de l'évolution de la situation en France. Je ne sais pas quelle heure, je ne l'ai pas noté, je ne le surveille pas, à quel moment j'ai su qu'il souhaitait vouloir rentrer à Paris. Telle était mon intention, mais j'avais un devoir, c'était celui de vous rendre visite, j'ai simplement décalé un peu plus que lui mon retour en France. Nous avons été constamment informés de ce qui se passait à Paris.\
QUESTION.- Quels sont les problèmes qui ont valu à ce Sommet, à ce Conseil, de durer plus longtemps que prévu ?
- LE PRESIDENT.- Je ne peux pas dire qu'il y ait eu des problèmes. J'ai d'ailleurs constaté que les ordres du jour, les moins pleins, au travers des très nombreux sommets auxquels j'ai participé, étaient souvent ceux qui finalement étaient le plus longtemps débattus, comme si par un mécanisme normal de l'esprit, dès lors que les questions les plus graves ne sont pas à l'ordre du jour, l'esprit juridique, très largement répandu en Europe, se satisfaisait davantage sur des détails. Donc, il n'y a pas eu d'obstacle particulier, simplement sur chaque paragraphe il y a eu beaucoup d'interrogations qui se sont toujours résolues par un accord général. Il n'y a pas eu de contentieux, mais il y a eu beaucoup d'interventions qui se sont ajoutées l'une à l'autre.
- QUESTION (Bernard Volker - TF1) - Quel est selon vous le résultat le plus important de ce Conseil ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez qu'une mission a été donnée à M. Delors de procéder à des échanges bilatéraux dans chacune des capitales de l'Europe des Douze pour faire avancer les problèmes les plus critiques et notamment le dossier agricole. Ceci doit être compris d'une façon plus large. Comment faire avancer en 1987 de façon décisive l'Acte qui a été décidé à Luxembourg `Conseil européen des 2 et 3 décembre 1985`, l'Acte unique sur le marché intérieur. Disons que cela a été la préoccupation principale. Car si l'on a parlé du terrorisme et des mesures à prendre, de la santé publique, cela n'a pas été l'objet de débats difficiles. On peut dire qu'un consentement assez naturel s'est rapidement dégagé.
- Je crois que c'est cela. C'est l'Acte unique qui va maintenant être la préoccupation majeure de l'Europe dans les 5 ans à venir. Et on le conçoit, car c'est quand même l'événement le plus déterminant qui soit intervenu depuis le traité de Rome, du moins je le crois.\
QUESTION.- Quel progrès réel avez-vous accompli dans la définition d'une politique européenne de défense après Reykjavik et pourquoi avez-vous particulièrement parlé de l'Afghanistan à ce Conseil ?
- LE PRESIDENT.- Sur l'Afghanistan, c'est un document. Ce document était sur nos tables. Il avait donc été préparé par la Présidence et débattu par les ministres des affaires étrangères. Ce document a été adopté en cinq minutes. Donc je ne peux pas vous dire pourquoi le projet de l'Afghanistan a pris une place aussi importante quant à la rédaction, il n'en a pas pris une dans la discussion mais en soi c'est un problème fort important. Donc il était nécessaire de marquer sept ans après le début de cette guerre, l'aspect intolérable de cette occupation d'un pays souverain.
- QUESTION.- Quel progrès réel avez-vous accomplis à Douze, aujourd'hui ?
- LE PRESIDENT.- On ne peut pas dire qu'il y a eu des progrès accompli au cours de ce sommet. Il y a eu des échanges de vues. D'ailleurs Reykjavik, c'est un débat entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Union soviétique, et vous savez de quelle façon la conférence d'Islande a provoqué bien des débats. Mais enfin, c'était une conférence préparatoire et elle n'a donné lieu à aucun accord. C'était simplement le signal donné pour que les discussions reprennent afin de préciser quel intérêt y portaient les pays de l'Europe, quelles modalités de réduction des armements nucléaires étaient envisagées, (le fameux débat des 50 % ou des 100 %) dans quels délais. Le débat portait aussi sur les forces intermédiaires, sur ce qui peut aller de l'option dite "zéro" jusqu'à une simple réduction limitée, sur les conditions qui seraient jugées convenables pour un contrôle, pour la vérification des mesures qui seraient prises en faveur d'un désarmement, l'aspect aussi des armes nucléaires à courte portée, l'aspect des armes conventionnelles et l'aspect des armes chimiques. Tout cela a été traité mais n'a pas fait l'objet de débat qui permette de dire, en cet instant, qu'il y a eu novation ou progrès par -rapport à ce qui avait été dit dans les rencontres bilatérales que j'avais eues avec Mme Thatcher ou avec le Chancelier Kohl, et dans les délibérations que j'ai eues aussi avec les représentants américains, tout récemment avec M. Weinberger `secrétaire américain à la défense.`\
PRESIDENT.- Notre ministre des affaires étrangères a fait un aller et retour à ce sommet. Il a assisté à un déjeuner et à un dîner chez Sa Majesté la Reine d'Angleterre. Comment peut-on expliquer cette situation autrement que par des raisons protocolaires lorsque l'on sait que la Grande-Bretagne a offert plus de deux places à ce sommet ?
- LE PRESIDENT.- Je ne vois pas ce que le protocole a à voir avec cela. Les délégations au sommet européen sont composées de deux personnes. De toute façon, c'est chaque pays qui désigne ces deux personnes. Il est vrai que le ministre des affaires étrangères a une vocation particulière à y siéger puisqu'il est membre du conseil des ministres de l'Europe. Dès lors que le Premier ministre, ce qui est parfaitement légitime, souhaite prendre part à ces sommets, il n'y a pas place pour deux membres du gouvernement. Je ne vois pas comment la France aurait pu venir avec trois représentants alors que les autres pays n'en auraient eu que deux. Cela n'aurait pas été accroître le poids de la France mais sans doute le réduire.\
QUESTION.- A La Haye, on avait beaucoup parlé de l'Afrique du Sud, il semble que l'on n'en a pas parlé ici.
- LE PRESIDENT.- Si, nous en avons parlé. Pardonnez-moi, je ne l'ai pas noté parce que cela n'a pas été un des moments forts de ce débat. En vérité, comme il n'y avait pas de décision à prendre et que certains pays, on le sait bien, l'Allemagne notamment, sont hostiles à tout durcissement des sanctions en particulier sur le charbon, il n'y avait rien à ajouter à ce qui avait été dit à La Haye.
- QUESTION.- On s'est contenté de ce qui s'est fait...
- LE PRESIDENT.- On s'est contenté de constater que les choses de ce point de vue n'avaient pas changé depuis La Haye.
- QUESTION.- Mme Thatcher a dit (inaudible...concernant l'affaire iranienne).
- LE PRESIDENT.- Non, nous n'avons pas eu à intervenir sur ce sujet dans les conversations du sommet, mais la position de M. Reagan n'a pas été évoquée, je ne dis pas qu'elle n'a pas occupé les esprits.\
QUESTION.- (inaudible) que vous êtes allé aussi loin que vous espériez ?
- LE PRESIDENT.- Oui. L'Europe de la santé, vous savez qu'à La Haye `Conseil européen du 26 et 27 juin 1986` a été décidée l'ouverture d'une année de lutte contre le cancer et d'information en particulier. J'ai d'ailleurs demandé la jonction de cette référence, ce qui a été accordé, avec le sommet de Milan `Conseil européen des 28 et 29 juin 1985` où à l'initiative de M. Craxi et de moi-même, avait été ordonnée la mise au net d'un -rapport sur le cancer. On avait confié le soin à des cancérologues, à des experts, des praticiens. Ce qui a été fait et la première réunion de ces praticiens a eu lieu, vous vous en souvenez sans doute, à Paris . J'ai donc demandé que le rapport qui est proche d'être conclu de ces grands spécialistes qui avaient agi à la requête de la Communauté réunie à Milan, fut noté dans les conclusions du sommet de Londres et que le rapport en question connaisse la publicité nécessaire pour précisément précéder l'année d'ouverture du cancer.
- Il a été également question du SIDA.\
QUESTION.- Vous aviez laissé entendre récemment que vous aviez l'intention de vous exprimer sur l'Europe et on nous a dit ce matin que vous avez l'intention d'autre part de participer à une conférence ou à un colloque organisé par M. Callaghan ici-même en janvier. Est-ce que l'un et l'autre coïncident ou vont s'ajouter ?
- LE PRESIDENT.- En vérité, j'avais été invité par M. Callaghan agissant en qualité de Président de cette association des conférences à faire cette conférence pendant le sommet de Londres. Je lui avais indiqué que, personnellement, ce serait plus approprié de le faire plus tard pour ne pas mélanger les choses et il a été décidé que la date serait mi-janvier. Donc, mi-janvier, je reviendrai à Londres pour faire cette conférence et participer à un débat, mais je serai l'unique invité, je veux dire, invité à m'exprimer. Je ne sais pas comment fonctionne ce type de conférence mais je crois qu'il y a ensuite un débat. Ce sera une très bonne occasion de parler de l'Europe.\
QUESTION.- Ce sommet, de l'extérieur c'est-à-dire vu d'ici, apparaît un peu plat, sans éclat, sans fait saillant. Est-ce que vous le jugez ainsi vu de l'intérieur ?
- LE PRESIDENT.- Je ne veux pas juger. C'est en effet un sommet qui se trouve entre des décisions capitales, la Commission `européenne`, n'ayant pas encore remis de rapport sur les problèmes agricoles par exemple, le débat sur l'Europe agricole n'a eu lieu que par une série de biais mais n'a pas eu lieu directement. C'est M. Martens qui sans doute en aura la charge puisque M. Delors n'a pas terminé son enquête. A ce moment-là, la Commission soumettra un rapport et le Conseil sera saisi. Il sera forcément saisi d'un rapport de ce type puisqu'à partir du mois de mars, il devra déterminer par exemple les prix et qu'il est saisi de toute part, vous le savez également, du problème des excédents et des concurrences internationales, du développement du tiers monde, des relations avec les Etats-Unis d'Amérique. Donc c'est un sujet qui va occuper pleinement le devant de la scène dans le premier semestre de l'année prochaine. Mais ce n'était pas pour aujourd'hui. Ce sommet est arrivé un peu après le règlement d'un certain nombre de choses et avant que d'autres ne le soient.
- Vous le dites un peu plat, il a été quand même bien rempli par toute une série de discussions préparatoires ou conclusives sans que de grands projets ou de grandes idées le marquent. Enfin le terrorisme, la santé publique ne sont pas des sujets indifférents.\
QUESTION (Libération).- La France va-t-elle ratifier la convention européenne sur le terrorisme d'une part `Convention de Dublin sur l'extradition`, d'autre part quelles sont les mesures concrètes prises sur le SIDA ?
- LE PRESIDENT.- La France a annoncé qu'elle signerait cette convention. Non seulement la France mais les deux autres pays qui n'avaient pas encore signé. Donc je vous le confirme.
- Quant aux mesures pratiques sur le SIDA, vous parlez de décisions européennes ou de décisions françaises ? Il n'y en a pas eu. Il y a eu simplement la décision prise de prendre en compte le SIDA comme un mal contagieux, d'une sorte d'épidémie qu'il convenait de juguler d'un commun accord. C'est une déclaration qui va sans doute donner lieu désormais à des structures pour permettre d'organiser effectivement cette lutte contre le SIDA. Je pense qu'il y a d'abord des problèmes d'information et de prise de conscience. C'est vrai que la presse en fait un large écho mais est-ce que véritablement les victimes éventuelles du SIDA en ont vraiment connaissance ? Je n'en suis pas certain. La preuve en est c'est que, quand on a examiné les mesures lancées par le ministre de la santé français `Mme Barzach`, on s'est aperçu que, d'après les statistiques, l'ignorance était générale, l'ignorance quant à la prévention. Il y a donc certainement d'immenses progrès à faire.\
QUESTION.- Il y a quelques mois encore, vous ne souhaitiez pas que la France ratifie cette convention européenne sur le terrorisme `Convention de Dublin sur l'extradition signée par la France en 1957`, quels sont les événements précis qui vous ont fait changer d'avis ? LE PRESIDENT.- L'évidence. La France ne doit pas donner l'exemple du manque de solidarité dès lors que c'est compris comme cela dans une lutte internationale. Cela représente certains inconvénients.
- QUESTION.- Est-ce que vous ne pensez pas que le droit d'asile va être mis à mal ?
- LE PRESIDENT.- Il est parlé d'une façon assez précise du droit d'asile dans la résolution dont vous allez prendre connaissance. Non le droit d'asile ne sera pas du tout mis à mal, il est simplement précisé qu'il ne peut pas être revendiqué pour des raisons simplement économiques ou financières. Mais les raisons qui découlent du droit et des législations nationales sont maintenues. Ce qui me permet de faire la synthèse entre les deux besoins et donc d'accepter le fait que la France signe la convention internationale.\
QUESTION.- A quel moment vous avez pris la décision de parler ou de ne pas parler ce soir ?
- LE PRESIDENT.- De parler ou de ne pas parler ?
- QUESTION.- Si j'ai bien compris tout à l'heure vous vous réservez la possibilité d'une intervention dès votre retour à Paris.
- LE PRESIDENT.- Non. Je n'ai pas parlé de cela. J'ai dit simplement que je vais rentrer dans mon bureau de l'Elysée et trouver une documentation, rencontrer quelques-uns de mes collaborateurs, je serai en mesure de rencontrer s'il le faut les membres du gouvernement directement affectés à la responsabilité des problèmes de la jeunesse, des étudiants ou de l'ordre public, en tout cas le Premier ministre `Jacques Chirac`, lui-même informé, puisqu'il m'aura précédé à Paris. Si j'ai d'autres initiatives à prendre, parmi celles-ci, je les prendrai en toute connaissance de cause. Je n'ai pas à annoncer aujourd'hui que je ferai ceci ou cela. Je suis moi-même tout à fait engagé dans tout ce qui touche à la cohésion de l'unité nationale et je ne manquerai pas à mon rôle.
- QUESTION.- (inaudible)
- LE PRESIDENT.- Je m'excuse de vous dire que vous ne m'avez pas écouté au départ. Vous n'étiez peut-être pas arrivé. Je n'en dirai pas plus à Londres aujourd'hui.
- QUESTION.- On annonçait à Paris, on prêtait l'intention à M. Devaquet de donner sa démission. Je voulais vous demander si elle vous était parvenue ?
- LE PRESIDENT.- J'étais tout à fait au courant. Je pense même être au courant qu'elle ne doit pas tarder à être effective.
- QUESTION.- Est-ce que la mort d'un étudiant... `Malik Oussekine`
- LE PRESIDENT.- Je m'excuse de vous dire que nous parlerons de tout cela, et je comprends votre impatience, et il est bon que la presse ressente profondément la gravité de ces événements, mais nous nous retrouverons entre nous très rapidement, chez nous, pour traiter des problèmes qui nous concernent directement.\
- Les textes qui ont été adoptés par le Conseil portaient sur la situation économique, sur la croissance et sur l'emploi, sur le terrorisme, l'usage des stupéfiants, sur des problèmes de santé. D'autre part, un très large débat qui avait commencé hier soir au dîner et qui s'est élargi à toutes les délégations a eu lieu sur les rapports Est-Ouest. Mais il ne donne pas matière à un texte particulier. D'une part il y a ceux qui appartiennent à l'alliance occidentale `Alliance atlantique` et ceux qui n'y appartiennent pas. Les ministres se sont rencontrés au sein de l'OTAN et ont élaboré un texte, il n'est pas nécessaire qu'il y en ait deux. Différentes autres questions ont été abordées, dont l'Afghanistan. Des propositions françaises ont été évoquées, j'y viendrai à l'occasion, si l'occasion me le permet. Je pense que le plus sage, puisque vous avez suivi ce débat vous-même, de l'extérieur, mais enfin avec suffisamment de fidélité, le plus sage est de recourir maintenant aux questions que vous voudrez bien me poser.\
QUESTION.- Vous venez d'évoquer le problème Est-Ouest, pouvez-vous nous dire de façon plus détaillée, nous expliquer quelle a été la discussion et quelle est l'étendue des accords, puisque, si j'ai bien compris, il n'y a pas en tout cas une unanimité parfaite ?
- LE PRESIDENT.- Je n'ai pas observé de désaccord. Le problème a été celui d'une rédaction in fine alors qu'il était déjà 14h30. Cette rédaction était tout à fait établie, mais elle n'ajoutait rien à ce qui avait été dit dans une autre enceinte `OTAN`, comme je viens de le rappeler à l'instant. Certains membres de ce Conseil ont souhaité apporter des adjonctions sur des notions de globalité, de gradualite, qui auraient prolongé la discussion d'une façon excessive et qui, d'autre part, comme souvent ce langage diplomatique est codé, aurait risqué de ne pas épouser, dans le vocabulaire, ce qui est dit d'autre part au sein de l'OTAN. Voilà la raison pour laquelle, plutôt que de se livrer à une rédaction active, le Président, Mme Thatcher, a estimé qu'il valait mieux se reporter aux autres textes.
- QUESTION.- Est-ce que vous le regrettez, monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Non, pourquoi ?.\
QUESTION (Georges Bortoli - A2).- Monsieur le Président, les problèmes de la jeunesse européenne, formation de la jeunesse, chômage des jeunes, sont souvent évoqués dans ces Conseils, est-ce que les problèmes actuels de la jeunesse étudiante française ont été à quelques moments évoqués ?
- LE PRESIDENT.- Non à aucun moment, je veux dire dans les séances plénières, et même dans les conversations que j'ai eues avec les chefs de gouvernement ou les ministres présents. A aucun moment cette question ne m'a été posée, sans doute par discrétion, car c'est un sujet qui occupe les esprits et qui occupe le mien.
- QUESTION.- Pouvons-nous, nous, vous poser la question ?
- LE PRESIDENT.- J'aurais aimé pouvoir vous répondre, mais le lieu n'est pas bien choisi. Je ne souhaite pas faire de déclaration sur la situation française à partir d'une capitale étrangère. Mais je vais un peu hâter mon retour. J'avais prévu diverses obligations avant de partir. Ce soir, à Paris, je retiens à dîner M. Felipe Gonzales. Entre temps je ferai le tour de la question à l'Elysée et, si je suis conduit à m'exprimer ou à prendre telle ou telle initiative, je vous le ferai savoir. En tout cas je compte bien dès mon retour à Paris, en particulier aujourd'hui samedi, demain dimanche, être là constamment pour non seulement suivre le développement des événements, mais aussi pour mesurer la situation, réfléchir sur ce qu'il conviendrait de faire.
- QUESTION.- Est-ce que ces propos traduisent une certaine inquiétude, monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Une inquiétude ? Les événements comportent en eux-mêmes des éléments suffisamment dramatiques `mort d'un étudiant, Malik Oussekine` pour que le mot inquiétude ne vienne pas se substituer à beaucoup d'autres expressions des sentiments que j'éprouve. Si l'on continue, on va vers des sujets dont je ne souhaite pas traiter à Londres. Ce que je veux dire, le devoir des responsables, et d'abord du Président de la République, c'est de veiller à ce que tous les affrontements internes, tous les affrontements entre différentes parts de la nation, puissent épargner notre peuple. Mais je n'en dirai pas davantage.\
QUESTION (Le Monde).- Le Conseil européen apparemment a très peu parlé des affaires de la Communauté, de son avenir, des grands problèmes communautaires, budget, agriculture. Est-ce que vous trouvez que c'est une formule raisonnable alors que ces problèmes sont bien réels ?
- LE PRESIDENT.- J'ai, moi-même, dès le début de nos séances, rappelé que j'étais le seul survivant, avec M. Fitzgerald et Mme Thatcher, du précédent sommet de Londres `le 27 novembre 1981`. J'évoquais à la fois les difficultés que nous avons rencontrées et les progrès qui ont été accomplis. Progrès réels si l'on mesure la démarche vers le marché unique, donc vers le développement des relations économiques, le développement des relations technologiques, l'adoption des mesures qui ont permis à la naissance de ce que l'on a appelé l'Europe bleue, les accords sur la pêche, ce qui était déjà une façon d'élargir la Communauté, élargissement qui s'est géographiquement également décidé autour de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, développements technologiques autour du débat posé par la Commission sur le programme-cadre et la Communauté, ainsi que le programme Eurêka. Tous ces développements me paraissent particulièrement importants.
- Donc, premier constat, en cinq ans on a bien avancé. Deuxième constat, on n'a pas assez avancé. Je pense que nos débats et nos décisions sur l'aspect technologique, sur le -plan du développement des transports et de véritables plans de communication et de circulation des hommes, des marchandises, des idées, donc des informations, n'ont pas été assez poussés. De même que je pense que le système monétaire européen devrait faire l'objet de plus de soins, être resserré, précisé. J'ai d'ailleurs demandé au Conseil d'insérer une référence au système monétaire européen, référence qui était absente, pour bien marquer mon souci. Je pense en effet qu'il faudrait se diriger d'un pas un peu plus ouvert, un peu plus rapide, un peu plus affirmé, vers quelques grandes avancées de l'Europe qui sont attendues de tous, en tout cas qui sont nécessaires.\
QUESTION (Philippe Sassier) - A2).- Deux questions, monsieur le Président quels sont les problèmes qui ont valu que l'on joue les prolongations à ce sommet, deuxièmement, à quel moment est-ce que le Premier ministre vous a averti qu'il allait rentrer en France plus tôt que prévu ?
- LE PRESIDENT.- Le Premier ministre qui siégeait à mes côtés m'a constamment tenu au courant, mais je l'étais d'autre part, de l'évolution de la situation en France. Je ne sais pas quelle heure, je ne l'ai pas noté, je ne le surveille pas, à quel moment j'ai su qu'il souhaitait vouloir rentrer à Paris. Telle était mon intention, mais j'avais un devoir, c'était celui de vous rendre visite, j'ai simplement décalé un peu plus que lui mon retour en France. Nous avons été constamment informés de ce qui se passait à Paris.\
QUESTION.- Quels sont les problèmes qui ont valu à ce Sommet, à ce Conseil, de durer plus longtemps que prévu ?
- LE PRESIDENT.- Je ne peux pas dire qu'il y ait eu des problèmes. J'ai d'ailleurs constaté que les ordres du jour, les moins pleins, au travers des très nombreux sommets auxquels j'ai participé, étaient souvent ceux qui finalement étaient le plus longtemps débattus, comme si par un mécanisme normal de l'esprit, dès lors que les questions les plus graves ne sont pas à l'ordre du jour, l'esprit juridique, très largement répandu en Europe, se satisfaisait davantage sur des détails. Donc, il n'y a pas eu d'obstacle particulier, simplement sur chaque paragraphe il y a eu beaucoup d'interrogations qui se sont toujours résolues par un accord général. Il n'y a pas eu de contentieux, mais il y a eu beaucoup d'interventions qui se sont ajoutées l'une à l'autre.
- QUESTION (Bernard Volker - TF1) - Quel est selon vous le résultat le plus important de ce Conseil ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez qu'une mission a été donnée à M. Delors de procéder à des échanges bilatéraux dans chacune des capitales de l'Europe des Douze pour faire avancer les problèmes les plus critiques et notamment le dossier agricole. Ceci doit être compris d'une façon plus large. Comment faire avancer en 1987 de façon décisive l'Acte qui a été décidé à Luxembourg `Conseil européen des 2 et 3 décembre 1985`, l'Acte unique sur le marché intérieur. Disons que cela a été la préoccupation principale. Car si l'on a parlé du terrorisme et des mesures à prendre, de la santé publique, cela n'a pas été l'objet de débats difficiles. On peut dire qu'un consentement assez naturel s'est rapidement dégagé.
- Je crois que c'est cela. C'est l'Acte unique qui va maintenant être la préoccupation majeure de l'Europe dans les 5 ans à venir. Et on le conçoit, car c'est quand même l'événement le plus déterminant qui soit intervenu depuis le traité de Rome, du moins je le crois.\
QUESTION.- Quel progrès réel avez-vous accompli dans la définition d'une politique européenne de défense après Reykjavik et pourquoi avez-vous particulièrement parlé de l'Afghanistan à ce Conseil ?
- LE PRESIDENT.- Sur l'Afghanistan, c'est un document. Ce document était sur nos tables. Il avait donc été préparé par la Présidence et débattu par les ministres des affaires étrangères. Ce document a été adopté en cinq minutes. Donc je ne peux pas vous dire pourquoi le projet de l'Afghanistan a pris une place aussi importante quant à la rédaction, il n'en a pas pris une dans la discussion mais en soi c'est un problème fort important. Donc il était nécessaire de marquer sept ans après le début de cette guerre, l'aspect intolérable de cette occupation d'un pays souverain.
- QUESTION.- Quel progrès réel avez-vous accomplis à Douze, aujourd'hui ?
- LE PRESIDENT.- On ne peut pas dire qu'il y a eu des progrès accompli au cours de ce sommet. Il y a eu des échanges de vues. D'ailleurs Reykjavik, c'est un débat entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Union soviétique, et vous savez de quelle façon la conférence d'Islande a provoqué bien des débats. Mais enfin, c'était une conférence préparatoire et elle n'a donné lieu à aucun accord. C'était simplement le signal donné pour que les discussions reprennent afin de préciser quel intérêt y portaient les pays de l'Europe, quelles modalités de réduction des armements nucléaires étaient envisagées, (le fameux débat des 50 % ou des 100 %) dans quels délais. Le débat portait aussi sur les forces intermédiaires, sur ce qui peut aller de l'option dite "zéro" jusqu'à une simple réduction limitée, sur les conditions qui seraient jugées convenables pour un contrôle, pour la vérification des mesures qui seraient prises en faveur d'un désarmement, l'aspect aussi des armes nucléaires à courte portée, l'aspect des armes conventionnelles et l'aspect des armes chimiques. Tout cela a été traité mais n'a pas fait l'objet de débat qui permette de dire, en cet instant, qu'il y a eu novation ou progrès par -rapport à ce qui avait été dit dans les rencontres bilatérales que j'avais eues avec Mme Thatcher ou avec le Chancelier Kohl, et dans les délibérations que j'ai eues aussi avec les représentants américains, tout récemment avec M. Weinberger `secrétaire américain à la défense.`\
PRESIDENT.- Notre ministre des affaires étrangères a fait un aller et retour à ce sommet. Il a assisté à un déjeuner et à un dîner chez Sa Majesté la Reine d'Angleterre. Comment peut-on expliquer cette situation autrement que par des raisons protocolaires lorsque l'on sait que la Grande-Bretagne a offert plus de deux places à ce sommet ?
- LE PRESIDENT.- Je ne vois pas ce que le protocole a à voir avec cela. Les délégations au sommet européen sont composées de deux personnes. De toute façon, c'est chaque pays qui désigne ces deux personnes. Il est vrai que le ministre des affaires étrangères a une vocation particulière à y siéger puisqu'il est membre du conseil des ministres de l'Europe. Dès lors que le Premier ministre, ce qui est parfaitement légitime, souhaite prendre part à ces sommets, il n'y a pas place pour deux membres du gouvernement. Je ne vois pas comment la France aurait pu venir avec trois représentants alors que les autres pays n'en auraient eu que deux. Cela n'aurait pas été accroître le poids de la France mais sans doute le réduire.\
QUESTION.- A La Haye, on avait beaucoup parlé de l'Afrique du Sud, il semble que l'on n'en a pas parlé ici.
- LE PRESIDENT.- Si, nous en avons parlé. Pardonnez-moi, je ne l'ai pas noté parce que cela n'a pas été un des moments forts de ce débat. En vérité, comme il n'y avait pas de décision à prendre et que certains pays, on le sait bien, l'Allemagne notamment, sont hostiles à tout durcissement des sanctions en particulier sur le charbon, il n'y avait rien à ajouter à ce qui avait été dit à La Haye.
- QUESTION.- On s'est contenté de ce qui s'est fait...
- LE PRESIDENT.- On s'est contenté de constater que les choses de ce point de vue n'avaient pas changé depuis La Haye.
- QUESTION.- Mme Thatcher a dit (inaudible...concernant l'affaire iranienne).
- LE PRESIDENT.- Non, nous n'avons pas eu à intervenir sur ce sujet dans les conversations du sommet, mais la position de M. Reagan n'a pas été évoquée, je ne dis pas qu'elle n'a pas occupé les esprits.\
QUESTION.- (inaudible) que vous êtes allé aussi loin que vous espériez ?
- LE PRESIDENT.- Oui. L'Europe de la santé, vous savez qu'à La Haye `Conseil européen du 26 et 27 juin 1986` a été décidée l'ouverture d'une année de lutte contre le cancer et d'information en particulier. J'ai d'ailleurs demandé la jonction de cette référence, ce qui a été accordé, avec le sommet de Milan `Conseil européen des 28 et 29 juin 1985` où à l'initiative de M. Craxi et de moi-même, avait été ordonnée la mise au net d'un -rapport sur le cancer. On avait confié le soin à des cancérologues, à des experts, des praticiens. Ce qui a été fait et la première réunion de ces praticiens a eu lieu, vous vous en souvenez sans doute, à Paris . J'ai donc demandé que le rapport qui est proche d'être conclu de ces grands spécialistes qui avaient agi à la requête de la Communauté réunie à Milan, fut noté dans les conclusions du sommet de Londres et que le rapport en question connaisse la publicité nécessaire pour précisément précéder l'année d'ouverture du cancer.
- Il a été également question du SIDA.\
QUESTION.- Vous aviez laissé entendre récemment que vous aviez l'intention de vous exprimer sur l'Europe et on nous a dit ce matin que vous avez l'intention d'autre part de participer à une conférence ou à un colloque organisé par M. Callaghan ici-même en janvier. Est-ce que l'un et l'autre coïncident ou vont s'ajouter ?
- LE PRESIDENT.- En vérité, j'avais été invité par M. Callaghan agissant en qualité de Président de cette association des conférences à faire cette conférence pendant le sommet de Londres. Je lui avais indiqué que, personnellement, ce serait plus approprié de le faire plus tard pour ne pas mélanger les choses et il a été décidé que la date serait mi-janvier. Donc, mi-janvier, je reviendrai à Londres pour faire cette conférence et participer à un débat, mais je serai l'unique invité, je veux dire, invité à m'exprimer. Je ne sais pas comment fonctionne ce type de conférence mais je crois qu'il y a ensuite un débat. Ce sera une très bonne occasion de parler de l'Europe.\
QUESTION.- Ce sommet, de l'extérieur c'est-à-dire vu d'ici, apparaît un peu plat, sans éclat, sans fait saillant. Est-ce que vous le jugez ainsi vu de l'intérieur ?
- LE PRESIDENT.- Je ne veux pas juger. C'est en effet un sommet qui se trouve entre des décisions capitales, la Commission `européenne`, n'ayant pas encore remis de rapport sur les problèmes agricoles par exemple, le débat sur l'Europe agricole n'a eu lieu que par une série de biais mais n'a pas eu lieu directement. C'est M. Martens qui sans doute en aura la charge puisque M. Delors n'a pas terminé son enquête. A ce moment-là, la Commission soumettra un rapport et le Conseil sera saisi. Il sera forcément saisi d'un rapport de ce type puisqu'à partir du mois de mars, il devra déterminer par exemple les prix et qu'il est saisi de toute part, vous le savez également, du problème des excédents et des concurrences internationales, du développement du tiers monde, des relations avec les Etats-Unis d'Amérique. Donc c'est un sujet qui va occuper pleinement le devant de la scène dans le premier semestre de l'année prochaine. Mais ce n'était pas pour aujourd'hui. Ce sommet est arrivé un peu après le règlement d'un certain nombre de choses et avant que d'autres ne le soient.
- Vous le dites un peu plat, il a été quand même bien rempli par toute une série de discussions préparatoires ou conclusives sans que de grands projets ou de grandes idées le marquent. Enfin le terrorisme, la santé publique ne sont pas des sujets indifférents.\
QUESTION (Libération).- La France va-t-elle ratifier la convention européenne sur le terrorisme d'une part `Convention de Dublin sur l'extradition`, d'autre part quelles sont les mesures concrètes prises sur le SIDA ?
- LE PRESIDENT.- La France a annoncé qu'elle signerait cette convention. Non seulement la France mais les deux autres pays qui n'avaient pas encore signé. Donc je vous le confirme.
- Quant aux mesures pratiques sur le SIDA, vous parlez de décisions européennes ou de décisions françaises ? Il n'y en a pas eu. Il y a eu simplement la décision prise de prendre en compte le SIDA comme un mal contagieux, d'une sorte d'épidémie qu'il convenait de juguler d'un commun accord. C'est une déclaration qui va sans doute donner lieu désormais à des structures pour permettre d'organiser effectivement cette lutte contre le SIDA. Je pense qu'il y a d'abord des problèmes d'information et de prise de conscience. C'est vrai que la presse en fait un large écho mais est-ce que véritablement les victimes éventuelles du SIDA en ont vraiment connaissance ? Je n'en suis pas certain. La preuve en est c'est que, quand on a examiné les mesures lancées par le ministre de la santé français `Mme Barzach`, on s'est aperçu que, d'après les statistiques, l'ignorance était générale, l'ignorance quant à la prévention. Il y a donc certainement d'immenses progrès à faire.\
QUESTION.- Il y a quelques mois encore, vous ne souhaitiez pas que la France ratifie cette convention européenne sur le terrorisme `Convention de Dublin sur l'extradition signée par la France en 1957`, quels sont les événements précis qui vous ont fait changer d'avis ? LE PRESIDENT.- L'évidence. La France ne doit pas donner l'exemple du manque de solidarité dès lors que c'est compris comme cela dans une lutte internationale. Cela représente certains inconvénients.
- QUESTION.- Est-ce que vous ne pensez pas que le droit d'asile va être mis à mal ?
- LE PRESIDENT.- Il est parlé d'une façon assez précise du droit d'asile dans la résolution dont vous allez prendre connaissance. Non le droit d'asile ne sera pas du tout mis à mal, il est simplement précisé qu'il ne peut pas être revendiqué pour des raisons simplement économiques ou financières. Mais les raisons qui découlent du droit et des législations nationales sont maintenues. Ce qui me permet de faire la synthèse entre les deux besoins et donc d'accepter le fait que la France signe la convention internationale.\
QUESTION.- A quel moment vous avez pris la décision de parler ou de ne pas parler ce soir ?
- LE PRESIDENT.- De parler ou de ne pas parler ?
- QUESTION.- Si j'ai bien compris tout à l'heure vous vous réservez la possibilité d'une intervention dès votre retour à Paris.
- LE PRESIDENT.- Non. Je n'ai pas parlé de cela. J'ai dit simplement que je vais rentrer dans mon bureau de l'Elysée et trouver une documentation, rencontrer quelques-uns de mes collaborateurs, je serai en mesure de rencontrer s'il le faut les membres du gouvernement directement affectés à la responsabilité des problèmes de la jeunesse, des étudiants ou de l'ordre public, en tout cas le Premier ministre `Jacques Chirac`, lui-même informé, puisqu'il m'aura précédé à Paris. Si j'ai d'autres initiatives à prendre, parmi celles-ci, je les prendrai en toute connaissance de cause. Je n'ai pas à annoncer aujourd'hui que je ferai ceci ou cela. Je suis moi-même tout à fait engagé dans tout ce qui touche à la cohésion de l'unité nationale et je ne manquerai pas à mon rôle.
- QUESTION.- (inaudible)
- LE PRESIDENT.- Je m'excuse de vous dire que vous ne m'avez pas écouté au départ. Vous n'étiez peut-être pas arrivé. Je n'en dirai pas plus à Londres aujourd'hui.
- QUESTION.- On annonçait à Paris, on prêtait l'intention à M. Devaquet de donner sa démission. Je voulais vous demander si elle vous était parvenue ?
- LE PRESIDENT.- J'étais tout à fait au courant. Je pense même être au courant qu'elle ne doit pas tarder à être effective.
- QUESTION.- Est-ce que la mort d'un étudiant... `Malik Oussekine`
- LE PRESIDENT.- Je m'excuse de vous dire que nous parlerons de tout cela, et je comprends votre impatience, et il est bon que la presse ressente profondément la gravité de ces événements, mais nous nous retrouverons entre nous très rapidement, chez nous, pour traiter des problèmes qui nous concernent directement.\