6 novembre 1986 - Seul le prononcé fait foi

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Discours de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de la remise de décorations à la promotion SPOT, notamment sur la politique de recherche spatiale, Paris, jeudi 6 novembre 1986.

Mesdames et messieurs,
- Je suis heureux de vous recevoir dans cette grande salle d'honneur du Palais de l'Elysée, de recevoir les récipiendaires de deux grands ordres nationaux qui seront distingués dans un moment, de recevoir leurs amis et leur famille, celles et ceux qui derrière eux participent à cette cérémonie. Cette cérémonie a un sens : nous sommes réunis pour fêter avec éclat le succès du lancement du satellite pour l'observation de la terre, SPOT, et la commercialisation des premières images. Je remettrai donc des décorations à quelques-uns des acteurs de cette belle aventure selon une tradition à laquelle je tiens et qui m'a déjà permis de distinguer ceux qui contribuent au progrès et au prestige de la France.
- Cette salle des fêtes, celle où nous nous trouvons, est, comme vous avez pu le remarquer, décorée d'une manière contemporaine de Jules Verne. On peut imaginer qu'elle sert de -cadre à ce "magasin d'éducation et de récréation" de Hetzel où Jules Verne éditerait un roman tirant argument des merveilleuses applications de la conquête de l'espace. Ce que nous voyons autour de nous montre que, même sans la distance du temps, la réalité peut égaler l'imaginaire d'un romancier visionnaire et flatter aussi le rêve et l'espérance de tous ceux qui, commençant dans la vie, pensent que tout appartiendra à leur intelligence et à leur volonté.
- SPOT est donc le deuxième grand programme d'application civile de l'espace venu à maturité dans les années 80 `1980`. Les satellites de télédétection, comme auparavant les satellites de télécommunication et bientôt les satellites de télévision directe, nous font entrer dans l'âge industriel et commercial de l'espace. Ils créent des offres de services nouveaux qui laissent entrevoir d'immenses perspectives de marché encore à peine défrichées.\
Le succès des programmes que nous avons engagés dans ces différents domaines nous donne confiance dans la capacité de la France et de l'Europe à mener à bien les futurs grands programmes spatiaux.
- SPOT est sans doute le projet le plus complexe que nous ayons mené à bien. Le satellite lui-même est une sorte de catalogue des hautes technologies, et les industriels ont dû se surpasser pour satisfaire les spécifications extrêmes du projet. Le système au sol et les traitements d'image ne sont pas moins complexes et le résultat, tel que nous pouvons l'apprécier à la vue des très belles images exposées ici, est tout à fait probant. Enfin je n'oublie pas la performance d'Arianespace pour assurer la mise en orbite du satellite dans des conditions très différentes des autres tirs.
- Une organisation claire des responsabilités, une forte mobilisation des industriels, une bonne appréciation des perspectives du marché : on peut a posteriori énumérer les conditions nécessaires au succès remporté. Tout au plus regrettera-t-on que ce projet n'ait pas été conduit en coopération européenne. Seules la Belgique et la Suède ont cru au projet SPOT, ce qui mérite d'être souligné, mais le cercle aurait pu être plus large. Vu d'aujourd'hui, nous avions pourtant là un de ces projets "phare", un de ceux sur lesquels nous souhaitons ancrer la construction de l'Europe parce qu'il était capable de fédérer les énergies européennes, de mobiliser l'extraordinaire capital de technicité de notre continent. Je souhaite que dans la suite du programme, lorsque des développements nouveaux devront être engagés et que l'organisation industrielle sera ouverte, de nouveaux partenaires s'associeront à nous. Je pense en particulier au développement du satellite SPOT, et je souhaite que nous restions ouverts à une coopération avec des pays qui, comme l'Italie, ont marqué de l'intérêt pour ce projet.
- Le succès de SPOT étant acquis, il nous faut le renforcer, assurer la permanence du service dans les années futurs, créer le marché de ces images afin d'exploiter toutes les applications potentielles, améliorer la qualité du service, la construction de SPOT 2, la décision prise en juin 1985 d'engager SPOT 3 et SPOT 4, les améliorations envisagées sur SPOT 4, constituent un ensemble de décisions qui démontrent notre capacité à tirer le meilleur parti possible de la réussite initiale dont vous êtes les artisans, messieurs, parmi d'autres. Il nous faut, il vous faut transformer l'essai - pour employer une expression sportive - illustrant ainsi ce que peuvent être les retombées d'un grand programme national.\
Les ambitions spatiales de la France se trouveront ainsi justifiées, démontrées, elles seront donc plus fortes.
- Vous savez que de cette ambition, les grandes lignes en ont été fixées à la conférence des ministres européens de l'espace de janvier 1985 à Rome. Nous voulons assurer l'autonomie de décision de l'Europe dans la conquête et l'exploitation pacifiques de l'espace. Cette autonomie passe par les grands programmes européens que sont le lanceur Ariane 5, l'avion spatial Hermès - et je me réjouis au passage de voir la République fédérale d'Allemagne nous suivre et participer aux études fines de définition de ce projet -, le projet Columbus.
- La politique spatiale de la France est étroitement liée aux programmes européens. Elle se veut cependant ouverte à d'autres coopérations. Les récents accords avec l'URSS par exemple sur le programme d'un futur vol habité de longue durée prolongent quelque vingt années de coopération scientifique fructueuse. Avec les Etats-Unis d'Amérique nous avons engagé des coopérations scientifiques dans des domaines variés : les sciences de la vie qui étaient le thème de la mission habitée à bord de la navette Discovery en 1985, bientôt le satellite océanographique Topex-Poseidon qui me paraît un projet très important pour son intérêt scientifique d'abord, mais aussi pour notre défense nationale.
- Notre programme se présente ainsi comme un tout cohérent, et fondé sur une stratégie à long terme : les vols habités en sont une partie technologiquement, symboliquement et financièrement très importante. Mais je n'oublie pas non plus les programmes d'application, les programmes scientifiques, si fortement appelés pas la communauté scientifique du pays qui ne verrait certainement pas d'un bon oeil que l'ambition de la France ait pour conséquence paradoxale son affaiblissement scientifique.
- Je suis très heureux de rencontrer aujourd'hui quelques-uns de ces bâtisseurs de l'avenir qui nous permettent vraiment, soyez-en fiers, mesdames et messieurs qui assistez à cette remise de distinctions, qui nous permettent de croire dans notre pays, oui le nôtre. Je tiens à les assurer de la permanence de notre volonté et de notre acharnement à triompher des obstacles pour l'accomplissement des programmes engagés. Il y a des équipes responsables, des équipes scientifiques, des équipes techniques. Il y a le grand élan d'un peuple, il y a la capacité démontrée, il reste à continuer, mesdames et messieurs. Merci.\