13 octobre 1986 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue de sa visite au camp militaire de Caylus dans le Tarn-et-Garonne, notamment sur les orientations de la loi de programmation militaire et le rôle du chef de l'Etat en matière de défense, lundi 13 octobre 1986.

Je tenais à rencontrer, sur le terrain, des éléments de la Force d'action rapide. Comme moi, vous avez assisté à cette démonstration, visité le camp où s'entraîne cette arme très spécialisée, entendu les explications de ses responsables. Je peux maintenant, si vous le souhaitez, répondre à vos questions sur les problèmes de défense.
- QUESTION.- Est-ce que l'on peut avoir un commentaire du Président de la République concernant le Sommet de Reykjavik ?
- LE PRESIDENT.- C'est peut-être prématuré. Les nouvelles sont récentes. Elles se traduisent dans la presse par le mot "échec". Par -rapport aux estimations des dernières heures, la sorte de rupture qui s'est produite laisse à penser que les deux responsables des deux plus grandes puissances du monde se sont séparés sans résultats. Mais, on avait aussi expliqué que cette rencontre était préliminaire. Sera-t-elle suivie d'une autre ? Je n'en sais rien. Mais on peut penser que tout n'a pas été épuisé dans ces quarante-huit heures.
- Cela dit, après l'annonce prématurée d'une réussite de la conférence, du résultat que l'on disait remarquable enregistré sur bien des plans, le fait que la conférence ait "échoué" - dit-on encore une fois, mais peut-être n'est-ce pas le seul élément - sur l'IDS, permet de penser que ce problème-là continuera de se situer longtemps encore au centre des difficultés.
- Il serait sage d'attendre les jours qui viennent. Dès demain, des messages nous seront transmis, à moi-même naturellement, mais aussi au gouvernement, au Premier ministre, au ministre de la défense, au ministre des affaires étrangères bien entendu. Des représentants de l'Union soviétique seront à Paris. M. Schultz rencontre les ministres des affaires étrangères des pays de l'OTAN à Bruxelles. Ce n'est qu'après avoir assemblé tous ces éléments d'information qu'il sera raisonnable d'intervenir.\
QUESTION.- (J.P. Chapel) Monsieur le Président, avez-vous un commentaire à faire sur le budget de la défense tel que l'a présenté M. Giraud à la Commission de la défense nationale ?
- LE PRESIDENT.- Je pense qu'il conviendrait que les questions soient plus précises, plus concrètes, parce que me demander l'opinion générale sur le budget, c'est m'amener à faire un exposé qui lui aussi serait très général et, peut-être, peu adapté au type de conversation que nous avons cet après-midi.
- QUESTION.- Nous sommes ici dans l'armée de terre... N'est-elle pas la plus défavorisée ?
- LE PRESIDENT.- Défavorisée ? Personne n'est défavorisé en tant que tel. Ni le Président de la République, ni le gouvernement ne veulent défavoriser une arme par -rapport à une autre. Simplement les obligations de la guerre moderne sont telles que, selon les moments, selon le développement des techniques, c'est telle ou telle arme qui se trouve privilégiée.
- La stratégie française est de dissuasion, de dissuasion nucléaire : tout s'organise autour de cette stratégie. Nous considérons d'autre part que l'ensemble des armées françaises participe à cette dissuasion. Personne n'en est exclu. Chacun sert là où il se trouve. Mais bien entendu, là où se trouvent la plus haute technologie et les moyens les plus adaptés à la mission moderne de la dissuasion, là se trouve le gros du budget d'équipement de nos armées. Là se concentre aussi l'essentiel des réflexions qui, aujourd'hui, mobilisent les principaux responsables de la défense.\
QUESTION.- (Jean Guisnel - Libération) Monsieur le Président, à cet égard, sur la dissuasion, on a cru discerner dans de récents propos du Premier ministre deux termes qui étaient absents : l'ultime avertissement et l'armement préstratégique. Est-ce que vous pensez que c'est une évolution majeure qui se dessine dans l'esprit du chef du gouvernement ?
- LE PRESIDENT.- Je ne suis pas en mesure d'interpréter les pensées que vous attribuez au chef du gouvernement. Je rencontre fréquemment le chef du gouvernement, et nous parlons assez souvent de ces problèmes pour que je puisse estimer que cela n'est pas dans son esprit. Mais enfin, il lui appartiendra de l'expliquer lui-même.
- Je rencontre le ministre de la défense au moins une fois chaque semaine. Nous parlons du budget, nous parlons aussi de la stratégie et du développement de nos armes.
- Donc, n'entrons pas, si vous voulez, dans un débat qui se situerait entre personnes ou entre fonctions. Tout cela exige des adaptations constantes. Mais il est des données permanentes que je puis alors vous rappeler.
- Notre stratégie est de dissuasion. Cette dissuasion est nucléaire. On ne peut pas séparer arbitrairement tel ou tel autre élément de cette stratégie. Dans cette stratégie, dans le bloc des armes qui servent cette stratégie, se trouvent les armes dites tactiques ou pré-stratégiques. Elles ne sont pas un simple prolongement ou un élément d'une guerre conventionnelle. Elles font partie du tout stratégique. De telle sorte que l'on ne peut pas séparer arbitrairement ces termes. Cela est très important. Je le répète, le tactique ou le stratégique n'est pas un élément d'une bataille classique ou conventionnelle. Il appartient à l'ensemble des forces de dissuasion. C'est la stratégie de dissuasion qui se trouve mise en jeu dès lors que la force préstratégique intervient.\
QUESTION.- Le précédent gouvernement n'était pas très favorable aux missiles mobiles SX. Le gouvernement actuel semble l'être beaucoup plus. Quelle est votre position ?
- LE PRESIDENT.- Le vrai débat n'est pas sur le SX. Le SX est une forme présentée par les techniciens, par les experts. Cette forme paraît aujourd'hui dépassée. Le vrai problème est celui d'une force mobile, dite "aléatoire", c'est-à-dire pouvant aller dans des directions différentes pour échapper à l'observation. Bref, mobile, le contraire de fixe.
- Ce qui est fixe c'est Albion. Au point où en sont précisément les réflexions, on a dépassé le stade du SX, pour aller vers des unités plus légères, plus mobiles, plus maniables. Mais déjà, vous êtes un peu en aval de la discussion présente.
- Lorsque l'on parle d'une deuxième composante terrestre, on n'opposera pas les gouvernements précédents et ce gouvernement. La loi de programmation précédente avait prévu une deuxième composante. La loi actuelle prévoiera aussi une deuxième composante. Quelle peut être cette deuxième composante ? La première, c'est la composante sous-marine. La deuxième, est à la fois terrestre et aérienne. Il existe aujourd'hui des forces sol-sol, strictement terrestres, des missiles qui vont quand même loin, et d'autre part, des forces aériennes qui servent de vecteur à d'autres missiles.
- Ces deux derniers éléments paraissent "obsolètes", dépassés. Il faudrait donc les transformer. Si l'on joint cette observation à l'observation précédente, n'est-ce pas le moment de développer une deuxième composante, cette deuxième composante étant, pour l'instant, dans ce qui est retenu, une composante terrestre.\
`Suite sur la force de dissuasion mobile`
- Mais il faudrait revenir en amont pour bien comprendre. L'idée d'une composante nouvelle s'impose, ou s'imposerait, dès lors que la première composante, celle sur laquelle repose aujourd'hui pour l'essentiel notre dissuasion, serait elle-même dépassée. Nous sommes heureusement loin encore de cette perspective. Mais on ne peut pas l'exclure. Cela veut dire simplement que nos sous-marins pourraient être détectés. Certes, les progrès de la détection vont vite. Mais les progrès qui permettent aux forces sous-marines d'échapper à cette détection vont vite aussi. C'est l'éternelle dialectique de l'armement.
- De quoi est faite cette première composante ? De sous-marins lance-engins. Ils sont puissants et dissimulés. Les équipages sont sous les mers, lorsqu'ils sont en mission, pendant deux mois et plus, sans jamais réapparaître à la surface. Ce sont des sous-marins puissamment armés. Ils peuvent atteindre un objectif souhaité à 3500, 4000 kilomètres. Bien entendu, on cherche à tout moment à renforcer leur sécurité, c'est-à-dire, à empêcher qu'ils ne soient détectés, mais aussi à augmenter leur puissance, leur portée. On durcit cette force.
- Ces sous-marins nucléaires lance-engins sont dotés de missiles qui, comme le reste, évoluent grâce au progrès technique. M20 aujourd'hui, M4 demain, M5 demain ou après-demain, soit plus de fusées, plus de têtes par fusée, de 6 à 12. La puissance de cette arme s'accroît donc rapidement.
- Mais il n'y a pas que les sous-marins nucléaires lance-engins dans la première composante de la force de dissuasion. Il y a aussi les sous-marins nucléaires d'attaque.
- J'ai donné l'ordre, il y a quelques années, de fabriquer, pour le lancer en 1994, un septième sous-marin dit de nouvelle génération. Ces sous-marins de nouvelle génération commenceront d'être armés avec des M4 et, avant la fin du siècle, pourraient l'être avec des M5.
- Ainsi, le champ de nos réflexions est de savoir quand les sous-marins nucléaires de l'actuelle génération et de la nouvelle génération devront être équipés, après les missiles M20, de missiles M4, nous y arrivons, et un peu plus tard de missiles M5.\
`Suite sur la loi de programmation militaire`
- Notre travail consiste, puisqu'il s'agit d'une loi-programme pour 5 ans, et d'un budget sur un an - il s'agit, naturellement, de ne pas perdre l'année en cours - à commencer à dessiner vers quoi on ira et où on sera dans cinq, dix, quinze ans. Dans quinze ans, c'est déjà l'an 2001. On est donc obligé d'avoir cette réflexion maintenant.
- Ma position est simple : notre défense repose sur la dissuasion nucléaire £ cette stratégie de dissuasion nucléaire repose elle-même - pour l'instant - essentiellement sur la composante sous-marine £ donc, les crédits qui seraient affectés à la deuxième composante ne pourraient en rien diminuer le potentiel de la première composante. Il ne peut pas y avoir de deuxième composante au détriment de la première. Ce serait d'un illogisme que personne ne retiendra, en tous cas que je ne retiens pas. Car cette première composante, c'est notre force, c'est notre sécurité, c'est notre dissuasion.
- Dès lors, il faut naturellement que les recherches, pour assurer la quantité et la qualité de cette première composante, soient financées afin de poursuivre la tâche dans la direction choisie : qualité pour passer du M20 au M4, puis au M5 d'ici 1999 £ quantité, c'est-à-dire de nouveaux sous-marins lance-engins à l'horizon du siècle prochain et des sous-marins nucléaires d'attaque, qui seront 7 ou 8 déjà en 1988. Mais enfin, tout ceci est une adaptation qui sera mise au net par le ministre de la défense nationale.
- Voilà un corps, à mes yeux, homogène. Dans ce domaine de responsabilité qui est le mien, ce domaine essentiel de la défense, je dis qu'il ne pourra être question d'altérer la puissance de la première composante au bénéfice de la deuxième.
- Bien entendu, il est possible de prévoir à la fois le développement de la première composante et d'amorcer la deuxième composante. Cela est compatible avec nos finances. C'est pour l'instant objet d'arbitrages au sein du gouvernement. Ce ne sont pas les seuls éléments qui interviennent dans l'arbitrage. Les armées, cela représente aussi beaucoup d'autres dépenses, les équipements, les salaires des personnels. Tout cela est un énorme problème. Le ministre de la défense a obtenu des sommes qui ne paraîtront jamais assez importantes pour les responsables de chaque arme, et il faut les comprendre. Mais, par -rapport à l'ensemble des budgets civils, elles sont en net progrès.
- Cette deuxième composante pose un problème tout-à-fait actuel. J'ai déjà dit qu'elle ne pourrait pas se développer au détriment de la première. J'espère que cela est bien compris. C'est un point sur lequel j'engage l'autorité que requiert ma fonction.\
`Suite sur la force de dissuasion mobile`
- Quant à la deuxième composante, elle est de toute façon déjà amorcée. Il va falloir remplacer ce qui existe, pas forcément pièce pour pièce. Il n'est pas question, en effet, de dépasser en nombre ce qui existe déjà, Albion et les Mirages. L'un des projets dont vous avez entendu parler serait de disposer d'une trentaine d'engins qui nous permettraient de varier, de rendre plus "aléatoire" notre capacité. Il s'agit aussi de savoir si c'est une arme balistique de plus comme la première composante. Pourrait-on s'orienter vers les armes subsoniques ? Vers des missiles de croisière ? Vers des missiles air-sol à longue portée, supersoniques ?
- En l'-état actuel de nos moyens techniques, cela est possible, mais pas avant la fin du siècle.
- En tout cas pas avant 1996, date qui a été retenue par beaucoup d'experts comme une date charnière pour l'épuisement de nos facultés présentes dans le domaine de la deuxième composante. Cette discussion est en cours.
- La composante terrestre mobile, qui en somme sortirait d'Albion, serait - je parle au conditionnel - répartie sur le territoire national £ cela reste à décider. Moi, personnellement, je pense qu'Albion doit rester le môle à partir duquel, et autour duquel, doit s'organiser la composante terrestre. Le cas échéant, cette composante pourrait être aussi air-sol. Mais je le répète, les missiles à longue portée air-sol supersoniques, supposent encore des recherches et des mises au point qui exigeront sans doute une quinzaine d'années.
- Albion reste à mes yeux une pièce maîtresse de notre système. Il n'est donc pas question de le désaffecter. J'ai lu attentivement le rapport fourni par une commission de l'Assemblée nationale et, si j'émets quelques réserves sur les conclusions, j'estime que les éléments d'analyse contenus dans ce rapport sont assez remarquables. Ils expriment ce que je pense ! Seulement, il y a dans ce rapport une sorte de bifurcation vers une conclusion déjà établie, celle d'une force terrestre aléatoire par répartition sur le territoire national d'armes plus légères que le SX, les S4. Or, là-dessus, la discussion reste ouverte. Si le point de départ des réflexions est différent entre les responsables, le point d'arrivée, c'est-à-dire la proposition finale, sera mis au net dans les semaines qui viennent.\
QUESTION.- De nombreux soldats français ont été ou sont actuellement à l'étranger, je pense en particulier au Proche-Orient. Dans le contexte actuel, est-ce que vous pouvez nous dire, selon vous, quel est l'avenir des troupes françaises au Proche-Orient ?
- LE PRESIDENT.- Les troupes françaises au Proche-Orient sont imbriquées dans un système international. Ce sont des troupes qui appartiennent au commandement des Nations unies. Il s'agit d'une force intérimaire dont les Nations unies avaient décidé la création. Les Nations unies ont demandé à un certain nombre de pays de fournir des troupes. La France est un de ces pays depuis 1978. La France a fourni un contingent comme elle a coutume de le faire, chaque fois qu'on fait appel à son sens du devoir international. Donc, il ne s'agit pas du côté de la France d'une décision qui n'engagerait qu'elle-même. La décision appartient à l'Organisation des Nations unies. Bien entendu, la France qui a vu ses soldats particulièrement visés par le terrorisme, par toutes les formes de terrorisme sur place, là-bas au Liban, a été conduite à saisir le Conseil de sécurité avec une acuité particulière. Notre devoir, au-delà du fait que le commandement n'est pas le nôtre, c'est d'obtenir des Nations unies toutes les garanties possibles pour assurer la sécurité des soldats français. C'est le devoir international auquel nous prenons une part éminente et qui reste sous l'autorité internationale. Mais il y a aussi la vie et la sécurité des Français qui participent à cette force. Mais la France intervient pour dire à l'organisation internationale : vous avez des devoirs, il faut les remplir. Pas simplement par -rapport à la France, ce serait déjà le moins qu'on puisse attendre, mais par -rapport à la notion même d'une force internationale qui ne peut pas seulement être la cible d'attentats, qui doit servir à quelque chose. Si ce service n'est pas rempli, alors il appartient à l'Organisation des Nations unies de se poser la question.
- QUESTION.- (présence française).
- LE PRESIDENT.- La présence française dans le -cadre de la Finul doit être préservée, bien entendu.\
QUESTION.- Pour en revenir à l'élaboration de la loi de programmation... s'il faut choisir pour des raisons financières entre les différents programmes, faut-il privilégier les porte-avions nucléaires ?
- LE PRESIDENT.- Je vous l'ai déjà dit. Il est possible financièrement à la France de poursuivre le progrès de la première composante sous-marine, en même temps que les aides à la pénétration dans les systèmes adverses, et de commencer la mise en place d'une deuxième composante terrestre. Je pense que cela est compatible. J'ai simplement ajouté qu'il ne serait pas concevable - que je n'accepterais pas, si on me le proposait, nous sommes ici dans le domaine des hypothèses - que la deuxième composante puisse altérer en quoi que ce soit les virtualités de la première. C'est clair. Que souhaitez-vous connaître en plus ? Ce qui touche à d'autres armes, en particulier la marine, les porte-avions ?
- Une décision a été prise et même des décisions pour deux porte-avions £ l'un existe, l'autre est à venir. Je ne sais pas quels sont les choix du gouvernement. J'attends que cela me soit soumis. Nous aurons, dans les jours qui viennent, plusieurs conversations, dans mon bureau, avec le Premier ministre, le ministre de la défense et le ministre des affaires étrangères, et tout cela précédera un Conseil de défense qui a une existence que vous connaissez, traditionnelle, Conseil composé d'un certain nombre d'éléments militaires et civils. Après que le Conseil de défense se sera réuni, tous les éléments étant assemblés, la décision pourra être prise. Elle relève d'abord de mon autorité. Je ne sais ce qu'il adviendra des différents éléments de notre corps de bataille. Ce que je peux vous dire simplement, c'est que tout passe après la première composante, et tout passe après la bonne définition d'une deuxième composante. L'objectif ne sera pas de dépasser le nombre d'armes dont nous disposons dans le -cadre actuel d'Albion, car il ne s'agit pas d'aller vers un nouveau déséquilibre international, mais de moderniser, d'adapter aux formes des batailles modernes ce dont nous devrons disposer.
- QUESTION.- (Budget des armées pour 1987).
- LE PRESIDENT.- Je crois que le ministre de la défense a obtenu tout ce qu'il pouvait obtenir, au-delà des espérances initiales. Il reste encore des arbitrages à l'intérieur de ce budget, et je ne peux préjuger la décision finale.\
QUESTION.- Ce n'est pas directement une question sur la défense mais vous ne vous êtes pas exprimé sur l'élection de votre ami Roland Dumas, à la tête de la Commission des affaires étrangères. Est-ce que...
- LE PRESIDENT.- A aucun moment, je n'ai à intervenir dans les relations avec le Parlement, du moins sur ce plan-là. Donc, je n'ai pas d'opinion. Si j'en avais une d'ailleurs, je la tairais. Je n'ai aucun désir d'intervenir dans les relations entre les partis, en particulier au -plan parlementaire. Je n'ai pas d'opinion là-dessus. J'ai constaté un certain nombre de faits, mais comme tous les autres citoyens.\
QUESTION.- (Sur la défense nationale)
- LE PRESIDENT.- Je ne marque pas un territoire, c'est la Constitution qui le marque. En lisant les journaux, je retrouve souvent une expression que je croyais totalement désuète qui est le "domaine réservé". Je n'ai pas la prétention de penser que c'est à la suite du procès du domaine réservé que j'avais engagé dès 1961.
- Je ne l'ai jamais admis, quand j'étais dans l'opposition et je ne l'admets pas davantage comme Président de la République. Je n'ai pas de pouvoirs réservés, j'ai simplement les pouvoirs que me confère la Constitution.
- QUESTION.- ... un pouvoir contre un autre, comment concevez-vous votre rôle de chef des armées face à un gouvernement qui a peut-être d'autres idées, d'autres hypothèses de travail, et comment l'opinion publique doit-elle considérer que se porte à l'heure actuelle la cohabitation dans le domaine militaire ? En un mot, en une minute, parce que là, les spécialistes en auront eu pour leur plaisir...
- LE PRESIDENT.- Le devoir des responsables du pays, au premier chef du Président de la République, mais aussi du Premier ministre et les ministres compétents dans ces domaines, d'abord du ministre de la défense, mais aussi du ministre des affaires étrangères et du gouvernement dans son ensemble, et puis de l'état-major, c'est de rechercher en toutes circonstances une définition commune et harmonieuse de ce qu'ils considèrent comme les intérêts de la France. Voilà le devoir tel qu'il est fixé.
- Il y a toujours, dans toute dialectique, des opinions différentes, avant d'en arriver à la synthèse. Les éléments d'analyse sont multiples. Il en va ainsi de la politique de la défense comme de la chimie. Mais arrive le moment, si l'ensemble de ces contingences ne peut être ramené à une définition commune, où il faut agir d'autorité. Et dans ce domaine-là, l'autorité appartient au Président de la République.\
QUESTION.- (Candidat pour les futures présidentielles ?)
- LE PRESIDENT.- Je me contenterai de vous dire que je ne suis pas candidat, je suis Président de la République.
- L'avenir ? Ce que je peux vous dire, c'est que chaque fois que j'ai réfléchi sur cette affaire, et si je n'y réfléchissais pas, vous m'y contraindriez, tout m'invite à me dire : non, je ne serai pas candidat, parce que je suis Président de la République. J'aurai rempli ma fonction. Je ne pousse pas l'ambition jusqu'à vouloir m'y installer à demeure. Donc, tous les éléments de ma réflexion me portent à dire : non, je n'ai pas l'intention de l'être. Interviendra-t-il des éléments pour me dire : eh bien, c'est une erreur ? Je ne peux pas le supposer. Il nous reste combien de temps pour cela ? En principe 17 mois.\
QUESTION.- ... Est-ce que M. Giraud aurait pu être un ministre de la défense d'un gouvernement Mauroy ou Fabius ?
- LE PRESIDENT.- Je pense de M. Giraud qu'il a très bien défendu son budget. C'est un homme qui connaît bien son affaire, mais quand je ne suis pas d'accord avec lui, je le lui dis. Mais ce n'est pas d'abord à vous que je ferai ce genre de confidences.\