19 février 1986 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue de la Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement des pays ayant en commun l'usage de la langue française, mercredi 19 février 1986.

Mesdames et messieurs,
- Le premier sommet francophone vient de s'achever. Ses travaux se sont poursuivis pendant trois jours, et pendant ces trois jours, vous pourrez le constater en prenant connaissance des documents qui vous seront distribués, un certain nombre de propositions vont devenir réalité. Au demeurant, pour faciliter le travail, un comité permanent chargé du suivi permettra de préparer la suite en liaison avec les institutions existantes, et notamment l'Agence de coopération culturelle et technique. La prochaine réunion se tiendra d'ici 1988, dans la ville de Québec. Quarante et un pays étaient représentés, soit par les chefs d'Etat, soit par les chefs de gouvernement, soit par les chefs de délégation. Je ne veux pas à l'heure qu'il est vous énumérer la somme des résolutions prises, j'ai là ce texte, j'espère qu'on vous le distribuera, si ce n'est pas maintenant, du moins à bref délai.
- J'ai relevé vingt-huit décisions pratiques qui vont de l'équipement des pays du Sahel, en matériel photovoltaïque, à la création d'instituts d'énergie, à la -constitution d'une banque de données sur les logiciels en langue française, je choisis au hasard, à l'Inventaire des inventions bibliographiques concernant les états francophones ou stockage sur vidéodisques des informations médicales, sur la création d'un centre de diffusion des documents, sur les communications par satellites, sur une agence francophone d'images, sur le développement de TV5, sur les industries de la langue. On est allé jusqu'à préciser qu'un prix international qui pourrait récompenser l'innovation dans le domaine des industries serait créé. Dans le domaine de la culture, un salon du livre francophone, et même à la demande d'une des délégations, le lancement d'une collection de poche d'auteurs d'expression française. Sur le -plan de l'éducation, un baccalauréat francophone, un centre de formation en agronomie, des centres de formation artisanale. Ce sont des suggestions qui émanent de pays très divers : je vois une initiative de la Tunisie, je vois une initiative du Vietnam, je vois une initiative de Madagascar, particulièrement pour l'informatique scolaire, des programmes de bourses à l'initiative du Canada, mais je ne vais pas commettre d'injustice car il y a beaucoup d'autres initiatives qui émanent de tous les participants. C'est simplement pour bien vous faire comprendre la diversité des travaux, et aussi le caractère concret des résolutions.
- Maintenant je me tais, j'ai autour de moi les vice-présidents de cette conférence francophone qui vient de s'achever, ainsi que deux autres chefs d'Etat ou Premiers ministres, qui sont en représentation officielle en France, nous avons donc une représentation très complète de l'assemblée qui s'est tenu dans une salle voisine.
- Vous êtes si nombreux que les délégués qui devaient se joindre à nous, et qui devraient être là, sont restés dans la salle où nous avons siégé, où nous avons disposé un écran, pour qu'ils puissent suivre cette conférence de presse. Soyez donc remerciés, mesdames et messieurs, d'être venus en si grand nombre. Je reconnais parmi vous beaucoup de journalistes qui suivent tous les problèmes dont nous avons traité, parfois depuis longtemps, qui en ont une très grande connaissance, qui ont parfois consacré leur vie professionnelle. Nous sommes très touchés de voir à quel point la francophonie éveille chez vous comme chez nous, des échos profonds.
- Maintenant vous avez la parole. Quelles questions souhaitez-vous me poser ?\
QUESTION.- (sur la composition du comité du suivi)
- LE PRESIDENT.- Le comité du suivi, c'est-à-dire de ceux qui vont maintenant assurer la soudure jusqu'à la prochaine réunion est composé de la Communauté française de Belgique, du Burundi, du Canada, des Comores, de la France, du Liban, du Mali, du Maroc, du Québec, du Sénégal et du Zaïre. Je vous ai lu ce texte très rapidement, cela vous sera confirmé par écrit. Monsieur ?
- QUESTION.- (Charles Lescaut - RFI) Monsieur le Président, vous venez de dire qu'un comité du suivi a été formé, et que donc cet espace francophone prend une sorte de forme constituée, mais dans votre réflexion politique, quel avenir donnez-vous à ce qui se passe, quel avenir donnez-vous à l'institution ? Songez-vous à quelque chose de très organique, extrêmement organisé, et apte à prendre des décisions presque contraignantes disons.
- LE PRESIDENT.- C'est une affaire importante, cela fait plus de vingt ans qu'on cherchait à la réaliser. Ce n'est pas pour l'abandonner tout aussitôt. Songez aux chefs d'Etat et de gouvernement qui viennent de passer trois jours à Paris alors qu'ils ont leurs obligations, leurs responsabilités intérieures et extérieures dans l'Etat dont ils ont la charge, c'est dire l'importance qu'ils prêtent à cette -entreprise. C'est donc pour poursuivre et pour réussir, pour que la communauté francophone soit présente dans les affaires du monde.
- Le comité du suivi, puisque c'est son nom, a l'avantage d'être un organisme léger, je veux dire léger en nombre de participants, donc un bon organisme de travail. Il se dotera de ses propres structures mais il faut éviter un appareil trop lourd qui viendrait doubler les institutions existantes, je pense en particulier à l'agence technique.
- Je crois que c'est une démarche sage, elle sera poursuivie.\
QUESTION.- (Télévision du Sénégal) Monsieur le Président, à l'occasion de l'ambiance électorale, les Présidents de Madagascar et du Sénégal, chacun à sa manière, a amicalement rappelé au peuple français que votre -entreprise était l'affaire des peuples (passage inaudible), avez-vous par ce travail en profondeur au niveau de votre peuple, monsieur le Président, en avez vous la volonté, les moyens et le temps ? Je vous remercie.
- LE PRESIDENT.- Oui, tros fois oui. Qui demande la parole, monsieur ?
- QUESTION.- (Agence africaine de formation) Monsieur le Président, dès le premier jour, le sommet a adopté une déclaration symbolique condamnant l'apartheid en Afrique du sud, mais monsieur le Président, c'est encore une fois une déclaration qui comme les autres, risque de rester lettre morte, cela dit c'est encourageant pour la jeunesse africaine, je voudrais au nom de cette jeunesse vous demander quelle action concrète la communauté francophone qui a commencé donc de se retrouver, quelle action concrète envisage-t-elle pour obliger l'Afrique du sud à faire évoluer la situation vers l'instauration d'un régime démocratique multiracial dans ce pays ?
- LE PRESIDENT.- L'existence d'une communauté francophone ne prive pas chacun des Etats de son indépendance. C'est donc une série de dispositions qui dépendent de la volonté souveraine des Etats qui composent cette communauté et nous n'avons pas à nous substituer à cette réalité.
- On a beaucoup parlé de l'apartheid et le sentiment moyen de cette communauté francophone est évident et clair. Certains pays, et je pense à une proposition de Madagascar, ont demandé que soit exprimée en termes tout à fait catégoriques et clairs la prise de sanction qui s'ajouterait à la condamnation morale. Je vous renvoie à ce que je viens de dire, chacun des pays doit exercer sa souveraineté et savoir ce qu'il va faire, ce qu'il fera. Nombreux sont ceux qui au sein de la communauté francophone se sont déjà engagés dans la voie des sanctions. Comme vous le savez, la France se trouve parmi eux. On ne peut donc pas considérer qu'il s'agisse, comme disent les diplomates, de paroles verbales, mais d'une volonté de mettre un terme à l'apartheid, chacun suivant naturellement ce qu'il estime être le meilleur chemin.\
QUESTION.- (Africa no 1, station de radio établie au Gabon) J'ai deux questions à poser, l'une vous concerne directement, la deuxième s'adresse aux chefs d'etat africains présents à cette tribune.
- Pour la première question, je voudrais savoir si précisément cette conférence ne constitue pas en fin de compte un doublon par -rapport aux sommets franco-africains qui se tiennent annuellement de façon alternative, une fois en France et l'année suivante dans un autre pays africain ?
- La deuxième question, si vous permettez donc, puis je vous laisse répondre, aux chefs d'Etat, c'est de savoir si a été évoqué pendant cette conférence le problème de la revalorisation de langues nationales africaines, ces langues, on le sait, sont porteuses de valeurs culturelles, est-ce qu'en définitive le fait de promouvoir la langue française ne risque pas de reléguer au second rang les langues nationales africaines ? Je vous remercie.
- LE PRESIDENT.- C'est vrai que nous nous rencontrons assez souvent, chaque année, soit en Afrique, soit en France, je parle uniquement des pays d'Afrique et de la France. Je crois que la prochaine fois, nous nous rencontrons au Togo. Mais il s'agit là de l'Afrique. Très nombreux sont les Etats africains qui participent à la francophonie. Mais ce n'est quand même pas du tout le même ordre du jour. S'il devait arriver que certains doublons se produisent, on les évitera, on ne mettra pas les mêmes questions à l'ordre du jour £ mais reconnaissez que la présence dans une même salle, pendant plusieurs jours, de francophones des cinq continents, présente un tout autre aspect que la réunion traditionnelle et fort utile entre les pays d'Afrique et la France. Donc ce risque existe, eh bien il faudra l'éviter £ c'est une question de sagesse dans la fixation des ordres du jour. Quant à savoir si nous nous rencontrons trop souvent, je n'en ai pas l'impression quand j'aperçois, disons à la fois le plaisir que nous avons de nous rencontrer, et le côté extrêmement utile de nos entretiens.
- Pour votre deuxième question, comment voulez-vous que les huit personnalités - je crois que c'est huit, peut-être plus même - qui se trouvent à mes côtés, répondent chacune pour soi, c'est impossible. Donc, si l'un d'entre eux veut le faire, ce sera bien. Je voudrais quand même dire au journaliste qui vient de me poser cette question que le sujet de la francophonie, c'était notre langue commune et non pas l'inverse. C'est-à-dire que nous ne nous sommes pas réunis pendant trois jours pour déterminer de quelle façon nous cesserions de parler français. Non, c'était le contraire.
- Quant à savoir si chacun de ces pays tient à préserver les langues qui composent, vous avez raison de le dire, le fond de sa culture, aucun, naturellement ne le souhaite. Plusieurs ont des langues officielles, au pluriel. Ils ont beaucoup plus de langues et de dialectes dans chacun de leur pays selon les ethnies. Ils ont déjà été obligés de ramasser autour de trois, quatre ou cinq langues véhiculaires l'essentiel de cultures extrêmement disparates. Ils ont déjà fait cet effort, ce n'est pas pour faire du français. J'ajoute qu'il y a ici des pays arabes qui, précisément, développent de façon très intelligente, très conséquente, leur langue, ce qui ne les a pas emêchés d'être présents ici parce qu'ils se sentent aussi valorisés par le fait de posséder une synthèse de culture en eux-mêmes.
- Voilà le problème. Je pense que rechercher à développer la francophonie, c'est une force pour chacun d'entre nous dans le monde. Rester soi-même, c'est une autre force, à chacun de réussir cette symbiose.\
QUESTION.- (Le Monde) On a condamné l'apartheid, fort bien, mais est-ce que l'on s'est penché sur le sort d'autres pays francophones qui étaient présents à ce sommet et dont le territoire est actuellement lésé directement par des puissances tierces qui l'occupent, à savoir le Tchad et le Liban. D'autre part, on a l'impression, enfin certains d'entre vous l'ont dit, que cette réunion est une réunion de famille, on peut s'étonner donc, que lors d'une réunion de famille, on ait opposé le protocole à l'un des membres souffrants de cette famille, encore une fois le Liban, qui a empêché le Président Gemayel de prononcer le discours qu'il avait l'intention de délivrer le jour de la séance inaugurale et ce qui fait que l'on a dû avoir recourt aux journaux de Beyrouth pour savoir ce que le Président Gemayel avait l'intention de dire à la famille francophone ? J'aimerais avoir votre opinion sur ces deux sujets.
- LE PRESIDENT.- Mon opinion sera très rapidement dite. Je crois d'abord que votre opinion est juste pour ce qui concerne le Liban, car le Président Gemayel m'a demandé, 48 heures avant la tenue de ce sommet, s'il pouvait venir car pour lui, l'important c'était de pouvoir avoir un entretien avec moi, à l'Elysée, en tant que Président de la République française. Je lui ai dit oui naturellement aussitôt car j'entretiens des relations personnelles d'amitié avec le Président Gemayel, et je connais l'importance au Liban pour la France, je lui ai donc dit aussitôt de venir. A l'époque, il n'était pas question de discours. Et c'est seulement lorsque le Président Gemayel est arrivé, qu'il s'est trouvé devant ce que vous appelez un protocole mais qui est tout simplement l'organisation d'une séance à laquelle il y avait déjà 8 interventions. Cela devenait un petit peu difficile d'autant qu'une répartition par zones géographiques avait été établie et qu'il y avait déjà un orateur prévu pour le monde arabe, qui était M. le Premier ministre de Tunisie. Il a été proposé à M. Gemayel de prendre la parole dès le début de la deuxième séance. Vous me donnez le sentiment qu'il y a eu un incident, mais quand j'ai rencontré le Président Gemayel, je n'en ai pas du tout perçu l'apparence, même d'un différend. Donc le protocole a retenu 8 pays et il y en avait 41. Faites la soustraction et vous verrez que sur les 41, 8 pouvaient espérer s'exprimer et que c'est simplement l'arrivée du Président Gemayel - son arrivée personnelle - qui n'était pas prévue et qui a fait que l'ordre du jour était déjà fixé.
- On ne peut dire quand même qu'il y aurait eu un mauvais traitement à l'égard d'un pays que nous aimons, avec lequel nous entretenons d'excellentes relations, surtout à Paris, surtout avec la France qui est, quand même, le seul pays dans le monde à entretenir encore aujourd'hui un certain nombre de personnes, d'observateurs, qui, m'a dit le Président Gemayel, rend les plus grands services à la population.
- Quant à savoir s'il a été question du Liban je vous réponds : beaucoup, car les représentants du Liban ont siégé et ce sont des personnalités éminentes qui ont tout à fait le sens des débats dans une assemblée, de sorte que, encore cet après-midi, nous avons entendu à diverses reprises l'excellente représentation libanaise.
- Enfin vous parlez du Tchad. Je n'ai pas participé à toutes les réunions, je ne peux pas vous dire si à un moment donné est venu en discussion le problème du Tchad, c'est-à-dire l'occupation par des troupes étrangères d'une fraction de ce territoire, ce que je peux vous dire c'est que, personnellement, j'ai eu beaucoup d'entretiens avec les représentants de ce pays qui ne se sent pas du tout oublié ou négligé.\
QUESTION.- (Radio Paris-Ile de France) Monsieur le Président, la première question c'est de savoir si la francophonie va évoluer dans le même sens que le Commonwealth, ce qui serait une bonne chose, puisque le dynamisme économique suivra ?
- Deuxième question, la France est un pays démocratique et il serait bon qu'il ait beaucoup d'informations en provenance des pays membres de cette francophonie pour faire éclater une certaine image que vous avez d'ailleurs condamnée lors de vos précédentes interventions. Je peux citer un exemple, c'est sur la télévision sans frontière où on a vu pendant deux heures des images sur la Côte d'Ivoire qui étaient complètement différentes de ce que peut percevoir le peuple français aujourd'hui. Donc, cette famille dont on parle ici, cette grande communauté, s'il peut venir d'autres images d'autres pays, notamment d'Afrique, pour que le peuple français puisse vraiment comprendre que ce n'est pas seulement le poids économique qui doit déterminer les rapports entre les peuples, puisqu'une langue n'appartient en fait qu'à ceux qui la parlent. Je pense qu'il y aura beaucoup de respect vis-à-vis des peuples. Est-ce que votre programme, est-ce que cette communauté francophone prévoit une dynamique aussi au niveau de l'information qui sera tout à fait pratique, utilitaire au jour le jour, mais pas dans les grandes institutions ?
- LE PRESIDENT.- Sur votre première question, je ne sais pas si ont peut comparer Commonwealth et communauté francophone. Ce qui est vrai c'est qu'il s'agit de deux grands ensembles qui ont des points d'appui sur toute la surface de la planète. On ne cherche pas à imiter. Certains d'entre nous y ont songé, ils l'ont même proposé publiquement. Mais cette délibération n'a pas eu lieu. Est-ce que les structures pourraient être semblables ? Ce qui est vrai c'est que les membres de ce sommet francophone ont tous exprimé le souhait de resserrer leurs liens. Alors ne faisons pas de prévision, ne cherchons pas à imiter, bien que le Commonwealth soit une institution parfaitement intéressante. Il y a d'ailleurs plusieurs membres du sommet francophone, j'en connais au moins deux, qui sont membres du Commonwealth, quatre même. Alors ils vous diront comment il faut faire.\
QUESTION.- (Radio Canada) Monsieur le Président, je voudrais d'abord savoir, si le sommet a adopté une position concernant l'Agence de coopération culturelle et technique, un éventuel élargissement de son mandat, une augmentation de son budget, et si vous le permettez, je voudrais demander au Premier ministre du Canada, M. Mulroney, de nous dire s'il considère que le sommet peut devenir le forum de politique qui dépasse les simples questions de coopération technique tel que vous le souhaitez ?
- M. MULRONEY.- J'ai l'intention, monsieur, de donner une conférence de presse pour les journalistes canadiens dans quelques instants. C'est la conférence de M. le Président de la République, mais je peux vous dire que M. Bourassa, M. Hatfield et moi-même avons trouvé profit dans la formule. Nous avons été hautement impressionné par le décret d'entraide et les objectifs communs et nous voyons avec enthousiasme la tenue d'un deuxième sommet de la francophonie au Canada, à Québec, dans peu de temps. Nous pensons que c'est une dimension vitale non seulement de notre vie nationale, mais une dimension importante de nos vies collectives.\
QUESTION.- (Africa International) Monsieur le Président, si la francophonie effectivement est commune à ces 41 pays, la démocratie malheureusement ne l'est pas. Je voudrais savoir si vous avez parlé des droits de l'homme avec ces pays que vous recevez aujourd'hui ?
- LE PRESIDENT.- On en a beaucoup parlé. J'ai l'impression qu'il y a une aspiration, en tout cas tout à fait générale, pour parvenir à cet -état que nous estimons comme un stade supérieur de la vie en société. Je ne peux rien vous dire de plus.\
QUESTION.- (Journaliste libanais) Monsieur le Président, lors de votre entrevue avec le Président Gemayel, vous a-t-il évoqué les raisons du refus de l'accord de paix de Damas et quelle est votre analyse et votre position en ce qui concerne l'impasse dans laquelle se trouve le pays ?
- LE PRESIDENT.- Vous devez bien supposer que ce sujet a été abordé par le Président Gemayel puisque c'est le sujet majeur qui se pose au Liban. Mais ce n'est pas dans cette conférence de presse que je vous dirai le contenu de l'entretien que j'ai eu avec le Président Gemayel. J'ai déjà eu l'occasion de dire que je l'avais reçu, je l'ai reçu avec joie. Je ne l'avais pas vu depuis quelques mois et cette visite qu'il m'a fait à l'occasion du sommet francophone a été de ce point de vue extrêmement utile pour notre information mutuelle. Mais je n'ai rien à ajouter, d'ordinaire je ne révèle pas ce qui a été dit dans les entretiens particuliers que j'ai. Ce n'est pas la bonne règle. Alors je ne vous le dirai pas pour l'instant, du moins maintenant £ j'aurai certainement l'occasion d'aborder les problèmes touchant au Moyen-Orient et au Liban à bref délai.\
QUESTION.- (Magazine télévisé "Espace francophone") Monsieur le Président, les décisions concrètes adoptées par le sommet francophone vont-elles, à votre sens, permettre de relever le défi des industries des programmes télévisés qui est un défi essentiel qui se pose au monde francophone aujourd'hui ?
- LE PRESIDENT.- Ce problème a été abordé vraiment en profondeur et de la façon la plus sérieuse. Je dirai même qu'il figure parmi les apports les plus originaux des travaux de ces trois jours. J'ai senti, pour ma part, je ne pense pas interpréter mal, un très grand désir, un très grand besoin, de la plupart des pays francophones que de disposer de cet instrument. Vous pourrez prendre connaissance des 28 décisions. On peut dire que le tiers des décisions touche au problème que vous évoquez.
- QUESTION.- Monsieur le Président, depuis l'ouverture de ce sommet on ne cesse de nous dire que cela fait vingt ans que l'on cherche à réaliser cette communauté. Concrètement qu'est-ce qui a retardé la réalisation de cette communauté ?
- LE PRESIDENT.- Pour avoir les pays francophones il faut qu'ils soient tous d'accord. Tant qu'ils n'ont pas été tous d'accord, on ne les a pas réunis. Tous ces problèmes vous les connaissez très bien, vous les connaissez aussi bien que moi. Le Canada avait des problèmes qui lui étaient propres. J'ai l'impression que ce n'était pas un secret. Vous voulez absolument qu'on mette les points sur les "i". Cela vous fait plaisir. Voilà un point sur un "i". Il faut dire que ce problème a été réglé fort intelligement. La preuve c'est que tout le monde a participé. Ce n'était pas le seul problème. Ils ont tous été réglés. Maintenant vous allez plonger dans les archives et vous arriverez à retrouver un certain nombre d'éléments qui ont meublé ces vingt années !\
QUESTION.- (Journaliste libanais) Monsieur le Président les Libanais disent que le Président libanais a sollicité l'intervention de votre part auprès d'Israëliens, pour qu'ils arrêtent les grignotages des territoires libanais. Est-ce que sa sollicitation a été entendue, comment va-t-elle se traduire ?
- Deuxième point : il y a deux mois, dans le sommet franco-africain, en réponse à une question, vous avez dit que la France n'était pas en guerre avec le Tchad. Est-ce que vous donneriez la même réponse aujourd'hui ? LE PRESIDENT.- Avec le Tchad ? Vous avez dû faire une petite erreur de langage.
- J'ai déjà répondu à l'un de vos confrères sur le Liban. Je n'ai pas à rendre public le contenu de ma conversation avec le Président Gemayel. Je ne peux que répéter la France est un pays ami, grand ami du Liban. Tout ce qui touche ce pays nous touche. Nous entendons que ses intérêts majeurs de pays souverain qui a droit de vie comme tout autre Etat soient respectés. Quant aux moyens à prendre, ce n'est pas à moi de dire aujourd'hui de quelle façon les choses doivent être conduites, c'est le domaine de la diplomatie et pas de la déclaration publique, alors que le sujet de cette conférence de presse n'est pas exactement celui-là.
- Pour le reste au Tchad, le fait de bombarder est un acte de guerre, je crois que cela s'appelle comme çà en général. Enfin nous ne sommes pas en guerre avec la Libye. Nous pensons simplement que la réflexion pourrait être utile. Ce qui s'est passé au Tchad, c'était une réponse, ce n'était pas une initiative. C'était une réponse à un acte de guerre.\
QUESTION.- (La Voix de l'Allemagne) Monsieur le Président, je voudrais savoir d'une part, est-ce que lors de ce sommet francophone vous avez évoqué "le problème de la création de jeunes" au niveau des télévisions africaines. Vous même et votre ministre de la culture `Jack Lang`, vous vous êtes souvent plaints de l'envahissement de la télévision et des programmes américains à la télévision française. En parcourant l'Afrique nous voyons dans des télévisions africaines du luxe ou d'autres productions françaises qui envahissent, je crois énormément, la programmation. Ceci pour le premier point.
- Le second est pour le Président Didier Ratsiraka, c'est pour savoir si l'arrivée de Madagascar à ce sommet francophone, qui est tout nouveau, puisque Madagascar a souvent résumé ces sommets francophones comme des formes, disons de sommet ou de rejeton chétif du colonialisme, et aujourd'hui nous voyons...
- LE PRESIDENT.- On ne va pas faire de cas particulier. Pour ce qui concerne Madagascar, M. le Président Ratsiraka effectue un voyage officiel en France, certainement avant son départ de France il aura l'occasion de s'exprimer devant la presse.
- Pour le reste, il s'en est expliqué lui-même dans son discours d'ouverture. Pourquoi faire répéter des choses qui ont été largement dites. Ce n'est pas un dialogue, vous avez posé la question, je vous réponds, ensuite il y a beaucoup d'autres journalistes qui attendent. Il s'est agi des sommets franco-africains jusqu'alors. Il n'y a pas eu de sommet francophone, c'est le premier. On ne peut pas donc dire que Madagascar se soit précédemment isolé sur ce terrain-là. Ce n'est d'ailleurs pas le seul pays qui n'appartenant pas au sommet franco-africain a tenu à participer au sommet francophone. Il y a des pays qui participent au sommet francophone et que demain on ne verra pas non plus dans les réunions franco-africaines. Alors ce sont deux terrains différents et à chaque pays de l'apprécier.
- Pour ce que vous avez dit de la culture, je n'ai rien à vous répondre car vous exprimez ma pensée. Tout le monde dira comme vous, monsieur, parce que vous avez raison de le dire que c'est un peu vaniteux que de vouloir multiplier les canaux d'expression et de n'avoir rien à y dire. Il faut donc mettre absolument l'accent sur les programmes, parce que si on multiplie, comme c'est le cas en France, des télévisions sans avoir les programmes correspondants, on deviendra purement les acheteurs des programmes étrangers dans d'autres langues ou qui exprimeront d'autres esthétiques. Il faut absolument développer les programmes, donc apporter la nourriture intellectuelle et artistique. Ce que vous avez dit là-dessus est signe de bon sens. Je n'ai rien à dire contre, au contraire je regrette qu'on n'aille pas assez vite dans ce domaine. Je pense que les pays africains pensent comme moi sur ce sujet. Ils ont tous l'intention d'en mettre un coup pour que la programmation s'enrichisse. Cela a du succès. Il va falloir qu'on lève la séance.\