20 octobre 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue de son voyage en Colombie, au Centre des Conventions à Cartagène, notamment sur les échanges commerciaux franco-colombiens et la politique étrangère de la France en Amérique centrale, dimanche 20 octobre 1985.

QUESTION.- (Au sujet de la santé de Françoise Sagan).
- LE PRESIDENT.- Les nouvelles sont bonnes comme elles peuvent l'être, c'est-à-dire qu'elle se remet lentement. Elle sera dans l'avion de retour cet après-midi et demain matin à Paris. On peut dire, à l'heure qu'il est, qu'elle a franchi le bon seuil et qu'elle ne peut aller que vers son rétablissement. Elle a reçu des soins tout-à-fait remarquables et très diligents à l'hôpital militaire. L'une des jeunes femmes médecins ne l'a pas quittée un instant et deux médecins, en particulier le médecin-chef, ont apporté les moyens les plus modernes de la médecine. Quand elle sera en France, elle ne trouvera pas mieux, simplement, elle sera chez elle.\
QUESTION.- Je représente le journal Tiempo. Dans une interview que vous avez accordée au cours de la semaine dernière, vous avez expliqué que la position de la France en ce qui concerne le Nicaragua se fondait sur le fait que la France considère que le Nicaragua a une possibilité d'évoluer de plus en plus vers la démocratie politique. Monsieur le Président, à la suite des restrictions considérables des libertés individuelles, que pensez-vous en fait du rapport qui existe à l'heure actuelle entre les Sandinistes et la démocratie ?
- LE PRESIDENT.- Je ne crois pas, bien entendu au bénéfice d'inventaire, m'être exprimé de cette façon. J'ai dit simplement que l'aspiration du peuple nicaraguayen vers son indépendance économique et politique, vers une démocratie qui lui permette d'échapper à la dictature connue au cours des décennies précédentes, était une aspiration légitime. Que je souhaitais que cela fût en fin de compte le résultat des combats d'aujourd'hui. Mais j'ai beaucoup plus souvent expliqué que dès le départ, on a sans doute manqué du côté des puissances occidentales d'une certaine aptitude à comprendre ce type de problème.
- Cela étant dit, on est entré dans l'engrenage mortel : d'un côté l'intervention de pays étrangers et d'autre part - c'est la loi de ce genre d'événements - le recours aux mesures extrêmes. Et comme je l'ai dit, il y a simplement trois jours alors que je me trouvais au Brésil, au point de départ, certains ont raison, au point d'arrivée tout le monde a tort. Notre démarche à nous, Français, c'est d'épouser le plus étroitement possible de la façon d'agir des pays du Contadora qui sont des pays de la région, qui connaissent bien ces problèmes, qui ont qualité pour en parler et pour organiser, si cela est possible, des négociations. La France ne prétend pas agir au-delà. Bien entendu, je déplore le régime d'exception qui vient de s'instaurer au Nicaragua.\
QUESTION.- L'association sucrière colombienne a dit que la France avait une influence très grande en ce qui concerne le prix du sucre et que cela affectait les pays d'Amérique centrale. Quelle est votre réponse à cela, monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Je réponds qu'en effet pour le sucre, les dispositions prises par la Communauté européenne `CEE` sont à certains égards restrictives. C'est vrai du sucre, c'est vrai de la viande. Cela n'est pas vrai des produits tropicaux et de beaucoup d'autres productions agro-alimentaires venues des pays d'Amérique latine. Mais le protectionnisme est partout. J'ai eu l'occasion de m'exprimer au Brésil en relevant la somme des mesures de protection prises dans ce pays. Si l'on veut réduire ces tensions il faut, selon l'expression que j'ai souvent employée, tout mettre sur la table et trouver les justes compensations entre les pays en question.
- Protectionnisme ou pas, dans la réalité, le commerce extérieur de la France et du Brésil comporte 5 milliards de déficit du commerce extérieur au détriment de la France, tandis qu'en Colombie il y a un excédent variable de l'ordre de quelques centaines de millions de francs. Ces chiffres fournissent une indication sur ce qu'il convient de faire.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je me présente : la "Presse Sociale". La France est l'un des quatre grands, pourquoi ne demande-t-elle pas une intervention plus directe des Nations unies en ce qui concerne les problèmes d'Amérique centrale comme elle le fait en ce qui concerne les problèmes du Moyen-Orient. Car, sans aucun doute, le groupe Contadora a fait énormément d'efforts, mais cependant on n'est pas arrivé jusqu'à présent à une solution. L'organisation des Etats américains a, elle aussi, fait des efforts, mais n'a pas trouvé de solution non plus. Donc, je pense qu'une intervention directe des Etats-Unis serait bonne et devrait être dûe aux efforts de la France et d'autres grands pays. Je pense qu'il serait possible d'améliorer la situation, car en fait les problèmes qui se posent en Amérique centrale ne touchent pas uniquement l'Amérique centrale, mais l'Amérique latine tout entière et par delà même l'Amérique latine, le monde entier.
- LE PRESIDENT.- Je vous rappellerai, monsieur, que j'ai toujours pensé que tout conflit local ou régional qui dure, finit par échapper à la décision des parties en cause et finalement entre dans le mouvement des conflits Est-Ouest, c'est ce qu'il faudrait toujours chercher à éviter.
- Mais à partir du mouvement où il y a un début de rapport de force Est-Ouest, la tribune des Nations unies qui reste une bonne tribune, que la France soutient, est soumise à des rapports de force diplomatiques. C'est ainsi que si l'on veut aboutir aux Nations unies, il ne faut pas que le droit de veto s'exerce. Parmi les cinq pays qui ont un siège permanent au Conseil de Sécurité il y a bien la France mais il y a aussi l'Union soviétique et les Etats-Unis d'Amérique. C'est dire la difficulté. Je crois sage que la France aide les efforts constants du groupe de Contadora, auxquels se sont joints ceux qu'on appelle les pays du groupe de Lima, c'est-à-dire le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Pérou. Je pense que tant que l'on n'aura pas épuisé des chances, il n'y a pas de raisons de penser qu'elles soient épuisées. Il ne serait pas sage non plus que les chances de la négociation viennent de l'intervention du Contadora.\
QUESTION.- Monsieur le Président, la Colombie a pris une initiative de convention internationale contre le terrorisme. Nous savons que, vous, la France serait prête à appuyer une initiative de convention nationale ?
- LE PRESIDENT.- Nous sommes tout à fait prêts à contribuer à toute action internationale contre le terrorisme. Lorsqu'il s'agit simplement de l'exercice des peines ou de certaines dispositions dans la poursuite, la France entend naturellement discuter avec beaucoup de précision des conditions juridiques, car elle ne veut pas aligner son système de droit sur celui d'un certain nombre de pays avec lesquels elle n'est pas forcément en symbiose. Mais, le problème du terrorisme ne peut pas être examiné uniquement sous l'angle juridique. La France sera présente chaque fois qu'il le faudra dans la lutte contre le terrorisme, qui est un mal inacceptable.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je représente la Télévision et la Radio. En fait, jusqu'à maintenant l'opinion publique ne connaît pas votre position sur Greenpeace. Pourriez-vous nous dire quelque chose ?
- LE PRESIDENT.- Vous n'êtes pas bien informé, je pense. Que désirez-vous savoir ?
- QUESTION.- Votre opinion précise.
- LE PRESIDENT.- Mon opinion est que la souveraineté française, là où elle s'exerce, doit être absolument défendue.\
QUESTION.- Monsieur le Président, le gouvernement colombien a fait une proposition en ce qui concerne la création d'un Fonds pour la lutte contre le trafic des stupéfiants. Est-ce que vous seriez prêt à adhérer à cette proposition de votre homologue M. Belisario Betancur ?
- LE PRESIDENT.- Je la trouve excellente. Là aussi, bien entendu, les méthodes préconisées pour la lutte contre la drogue sont différentes en France. Mais il existe suffisamment d'hommes qui se passionnent pour ce sujet, qui ont une grande compétence et la France s'associera certainement à toute démarche qui ira dans ce sens. La proposition du Président Betancur me paraît très positive.
- J'ai tenu à être accompagné pendant ce voyage par diverses personnalités françaises et parmi elle on peut compter le docteur Olievenstein qui est un des noms les plus significatifs de la lutte contre la drogue. Il n'est pas venu qu'à ce titre. Mais ce titre eût été suffisant.\
QUESTION.- Monsieur le Président, pourriez-vous nous résumer en quelques mots comment se sont faits les accords signés entre les deux gouvernements dans les différents domaines ?
- LE PRESIDENT.- A l'instant viennent d'être signés deux textes qui ont été paraphés par les ministres et qui portent, l'un sur la télévision éducative, l'autre sur la production cinématographique et les échanges entre les deux pays. Ce sont donc deux textes qui s'appliquent davantage, par définition, aux problèmes culturels qu'aux problèmes de l'éducation. Il est bon que la Colombie et la France qui ont derrière elles un long passé de convergence intellectuelle et artistique puissent faire un pas supplémentaire, et c'est ce qui vient d'être fait. Mais on a parlé beaucoup d'autres choses, bien entendu, je veux dire que j'ai eu avec le président Betancur un certain nombre de conversations qui devraient nous permettre d'améliorer les relations dans le domaine industriel en particulier.
- QUESTION.- Vous me permettrez une deuxième question, monsieur le Président ?
- LE PRESIDENT.- Oui, je vous en prie, trois même !
- QUESTION.- Monsieur le Président, en fait en Colombie nous espérions beaucoup que le café colombien entre sur le marché français. A-t-on a parlé de cela ?
- LE PRESIDENT.- J'en ai entendu parler, mais c'est vrai que la France a déjà ses circuits commerciaux, notamment avec un certain nombre de pays africains avec lesquels elle entretient des relations privilégiées. Mais de même que nous procédons à des achats de charbon, de même qu'Elf Aquitaine a été accueilli en Colombie, il n'est pas du tout interdit de penser qu'on puisse faire des accords sur le café.\
QUESTION.- Monsieur le Président, il y a eu ici, il y a quelque temps, une mission de chefs d'entreprises français qui envisageraient de faire des investissements. Je voudrais vous demander quelles sont les perspectives à court terme dans le -cadre d'accords entre gouvernements et ce après l'expérience de Renault. Que pouvez-vous me dire sur ce cas ?
- LE PRESIDENT.- Cele ne dépend pas de moi mais des intentions des groupes industriels en question. Ce qui est vrai, c'est que les accords sur Renault dont on fêtait hier le 15ème anniversaire autour de la Société SOFASA, montrent bien que c'est une production excellente, des assemblages réussis, une très grande compétence professionnelle des employés, des ouvriers, des cadres, une vente importante puisqu'elle représente à peu près 50 % du marché colombien £ une production concernera cette année environ 17000 véhicules, avec, cependant, du côté colombien une sorte d'agencement de voir que les accords de compensation qui ont été signés au moment des contrats ne sont pas intégralement appliqués. Les démarches pour cette industrie et pour les autres devront tenir compte des systèmes de compensation qui doivent être examinés au travers des problèmes de la sous-traitance ainsi que des exportations, vers les autres pays, des accords sur les télécommunications et sur le charbon, non simplement sur le -plan commercial mais sur le -plan technique. La France peut faire plus d'investissements en Colombie. Je crois que c'est la direction que nous sommes en train de prendre, mais une règle absolue doit être appliquée par les deux parties, en particulier par la France. C'est le respect des contrats.\
QUESTION.- Monsieur le Président, le gouvernement français n'avait pas auparavant parmi ses priorités, celle de la politique extérieure et commerciale, avec l'Amérique latine. Maintenant vous établissez des contacts avec le chef de l'Etat du Brésil et le président de Colombie. J'aimerais savoir monsieur le Président ce qu'attend la France de l'Amérique latine et éventuellement de la COlombie ?
- LE PRESIDENT.- Permettez-moi de me citer moi-même. Il y a une quinzaine d'années répondant à une question d'un journaliste qui procédait à ce jeu des questions et des réponses pour un livre et me disait : "le XXIème siècle n'est pas très loin. Où à votre avis se passeront les grands mouvements de société dans le monde et avanceront davantage les rapports internationaux ? "J'ai répondu : "l'Amérique latine". C'est dire que j'ai toujours considéré que cette civilisation devait par un certain cheminement, qu'il a pris notamment par le retour à la démocratie, représenter un certain nombre d'idéaux en même temps qu'une capacité extrêmement puissante de production, de réalisation, de création, et en même temps qu'un développement démographique évident. Je crois donc que la France n'a pas le droit d'être simplement tournée avec sympathie vers un passé culturel important, mais qu'elle doit dès maintenant prendre sa place dans ses relations avec cette Amérique latine.
- Cela dit, je n'ai pas attendu ce voyage pour m'intéresser à l'Amérique latine. Je vous rappelerai que mon premier voyage donnant lieu à des déclarations publiques d'une certaine importance a eu lieu au Mexique. J'ai fait un discours qui a eu quelques échos à Mexico. J'ai participé aussitôt après à la Conférence de Cancun et j'entretiens des liens multiples avec beaucoup de pays d'Amérique latine dans les Caraïbes et sur les continents : l'Amérique centrale, le Mexique, l'Amérique du Sud. C'est pour moi une préoccupation très ancienne et constante. Les premières manifestations de liens avec l'Amérique latine ont été tout à fait significatifs. J'avais déjà reçu dès son élection, la visite du président Alfonsin avant qu'il ne vienne faire un voyage d'Etat et la première visite qu'a faite M. Tancredo Neves était pour la France. J'ai eu des relations personnelles avec le nouveau président de l'Uruguay avant qu'il fut élu et depuis cette époque nous avons naturellement persévéré. Enfin le président Betancur se souviendra que dès qu'il a été élu nous avons eu un échange de correspondances, ce qui nous a permis de nous connaître avant cette rencontre de Colombie.\
QUESTION (au Président Betancur).- J'aimerais savoir monsieur le président si vous êtes maintenant persuadé de la légitimité des essais nucléaires français dans le Pacifique à la lumière des entretiens que vous avez eus avec le Président François Mitterrand ?
- LE PRESIDENT BETANCUR.- Ecoutez, en réalité c'est la conférence de presse du Président Mitterrand donc c'est à lui que devraient s'adresser les questions. Ceci étant dit je peux quand même y répondre.
- En fait, nous sommes contre tout armement. En effet, la Colombie aspire depuis toujours à être une puissance morale et non une puissance militaire. En fait notre position vise à la paix, c'est notre philosophie la plus profonde et c'est pourquoi nous sommes contre tout armement nucléaire et par conséquent contre tout essai nucléaire. Mais lorsque nous disons ceci, naturellement nous ne parlons pas uniquement des essais de la France mais de ceux de tous les pays.\
QUESTION.- Monsieur le Président, nous sommes au XXème siècle et nous voyons que sévit la discrimination raciale. Vous venez de dire que vous entretenez de bonnes relations avec le continent africain. Or, à l'heure actuelle, nous venons de voir en Afrique du Sud que le gouvernement a combattu les opposants. Que pensez-vous que l'on puisse faire pour éviter toutes ces effusions de sang ?
- LE PRESIDENT.- Il y a malheureusement beaucoup d'actes de violence de ce type dans le monde. Il n'empêche que chaque cas particulier mérite examen. Le Premier ministre français `Laurent Fabius` s'est déjà exprimé et le ministre des relations extérieures `Roland Dumas` également. Ils ne l'ont pas fait sans que j'en sois informé c'est donc une condamnation pure et simple de l'acte à mon avis inacceptable accompli par le gouvernement de l'Afrique du Sud lors de l'exécution de ce jeune noir `Benjamin Moloïse`. La France a déposé un texte devant le Conseil de Sécurité des Nations unies. Ce texte a été voté avec quelques abstentions mais adopté. La France a pris également des mesures pour ce qui la concerne. Enfin la France appartient aux groupes de contacts de cinq pays actuellement plutôt en sommeil, parce qu'elle refuse d'être indirectement complice de tout comportement diplomatique qui consisterait à enterrer le problème dans toute son acuité, qui est celui de la Namibie. La France entretient des relations extrêmement proches avec les pays dits du front africain, avec le Mozambique, avec l'Angola, enfin avec tous les pays de cette région. C'est dire que nous y avons une diplomatie active.\
QUESTION.- Nous voudrions monsieur le Président de la République française revenir à la question à laquelle a répondu le président Betancur. Que pouvez-vous nous dire à votre tour sur ce point ?
- LE PRESIDENT.- Eh bien rien de nouveau. La France est tout à fait favorable au désarmement nucléaire. Elle s'est armée, elle fait partie de l'un des cinq pays dans le monde a être dotée d'une arme atomique, c'est contre son sentiment et par nécessité. Elle ne peut pas oublier qu'à côté d'elle il existe une puissance, l'Union soviétique, qui dispose de 10000 charges nucléaires, d'environ 750 charges nucléaires intermédiaires qui ne traversent pas l'Atlantique, donc qui ne peuvent avoir pour destination que l'Occident de l'Europe. Les Etats-Unis d'autre part disposent également d'environ 10000 charges nucléaires. C'est-à-dire que le monde est comme il est. Nous sommes tout à fait prêts à souscrire à tout engagement de désarmement dès lors que cette énorme différence de réalité militaire aura commencé d'être compensée. Si l'on possède une arme nucléaire, il faut faire des expériences. Ces expériences sont faites avec toutes les garanties possibles, je ne connais pas le cas d'une seule personne qui ait eu à faire à la médecine, pour excès de radioactivité à Mururoa. Nous avons autorisé, et nous avons même sollicité une enquête des savants et des experts australiens et néo-zélandais. Ils sont venus, ils ont fait un rapport. Ce rapport a conclu qu'il n'y avait pas de nocivité particulière. La Nouvelle-Zélande est plus éloignée des champs d'expérience de Mururoa que nous ne le sommes ainsi que toute l'Europe des champs d'expériences des Soviétiques. Il y a, dans les 1000 kilomètres de circonférence autour de Mururoa, 5000 personnes qui vivent. Il y en a autour des champs d'expériences soviétiques, et 17000000 autour des champs d'expériences américains. Je vous rappelerai que l'Angleterre après avoir fait ses expériences en Australie avec l'autorisation du gouvernement australien - et c'était une expérience atmosphérique infiniment plus inquiétante - continue son expérience sur le terrain du Névada avec les Américains avec 37000 habitants sur 1000 kilomètres. C'est 1000 du côté français, 37000 du côté américain. Indépendamment de cela la France entend exercer sa souveraineté lorsque le cas se présentera. Elle l'exerce à Mururoa et si je ne peux rien vous apporter de nouveau c'est parce que tant que les conditions n'auront pas changé, nous continuerons. Espérons qu'elles changeront.
- A l'heure actuelle se tient une conférence à Genève où le partenaire soviétique a déjà souhaité réduire son armement stratégique de 50 %. Elle a naturellement assorti cette proposition de clauses dont on ne peut pas dire à l'avance que les Américains s'y conformeront, notamment sur la guerre des étoiles. Mais enfin, nous souscrirons à tout engagement dans ce sens et nous sommes prêts, absolument prêts, je le dis ici dans un pays étranger ami, à souscrire à toute disparition de l'armement nucléaire dans le monde. Je pense que ceux qui ont le moyen de détruire le monde devraient commencer les premiers.
- Si j'étais dans la situation des pays qui refusent l'armement nucléaire, j'agirais de même. Ce que je conteste simplement c'est ce manque de sentiment de justice qui habite certains. Ce n'est pas le cas de la Colombie lorsqu'elle accuse la France, alors que la France ne peut qu'avoir un système défensif, dissuasif pour assurer sa propre sécurité, et qu'il ne peut pas être question - le -rapport de force l'indique par avance - qu'elle puisse user de l'équilibre de la terreur pour menacer la paix du monde.\
Je ne voudrais pas terminer cet entretien avec la presse sans remercier le président Betancur, les autorités colombiennes, ainsi que le peuple colombien pour la qualité de leur accueil. Nous avons pu parler à fond d'un certain nombre de problèmes. Nous avons constaté qu'il y avait une réalité d'entente commune à nos pays. J'ajoute que j'ai été très sensible à la façon tout à fait personnelle dont le président Betancur a tenu à s'entretenir avec moi, et je tiens à l'en remercier.\