17 octobre 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'université de Sao Paulo, jeudi 17 octobre 1985.

Monsieur le Recteur,
- Mesdames et messieurs,
- Je viens de lire ce parchemin, de le toucher, et je ressens du même coup l'honneur qui m'est fait. Je connais les illustrations de l'Université de Saint-Paul, la qualité de son enseignement, la place qui est la sienne dans le monde, où l'on aime et où l'on sert le savoir. J'ai été très sensible, monsieur le Recteur, à votre référence, lorsque vous avez évoqué, au cours de votre allocution, les liens culturels qui unissent le Brésil et la France. Vous avez bien voulu rappeler que la culture française avait contribué à forger une identité brésilienne, qu'elle allait contribuer à consolider son indépendance, et qu'elle pouvait encore jouer son rôle dans la construction de l'avenir qui se fait ici.
- Peu d'événements de notre histoire sont restés étrangers au Brésil, aussi bien à travers le siècle dit des Lumières, le positivisme d'Auguste Comte et dans l'intervalle de la Révolution de 1789, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. C'est un honneur, à divers titres pour moi, que de figurer désormais parmi les docteurs honoris causa de l'Université de Saint-Paul.
- Je n'oublie pas non plus qu'à l'origine, quelques grands noms de la culture française se sont associés au développement de l'Université Pauliste, depuis la guerre, et même auparavant. En effet, vous avez bien voulu le souligner, Claude Lévi-Strauss m'accompagne. J'aurais pu demander à Fernand Braudel de se joindre à nous. Je pense pouvoir compter parmi leurs amis. Claude Lévi-Strauss et Fernand Braudel représentent aujourd'hui une explication originale et créatrice dans les domaines qu'ils ont abordés et qui touchent à nos racines-mêmes. Je n'oublie pas non plus Roger Bastide, Ambrous Bastide, Monbeg que j'ai connus à Saint-Paul, lorsque j'y suis venu pour la première fois, il y a trente-neuf ans.
- Ainsi, à travers le temps, retrouve-t-on les jalons d'une histoire déjà longue. Me trouver distingué par vos soins et par votre décision, me flatte. Je ne suis pas, ou plutôt je ne suis plus, à la recherche de diplômes. Il y a très longtemps que j'ai passé correctement, ou à peu près, devant mes maîtres universitaires, les derniers. Et voilà que soudain, au déclin de l'âge, je me vois attribuer une autre reconnaissance. En France on appelle cela des peaux d'âne. Je suis Docteur honoris causa d'une grande Université, représentative d'un grand pays, car lorsqu'on dit Saint-Paul, on a déjà beaucoup dit sur le Brésil. Vous êtes là, à la pointe de l'action, de la réflexion, du progrès. Que pourrait-on faire dans ce pays et même au-delà, dans l'Amérique latine sans vous ? Ce lien avec l'Europe, et particulièrement avec la France, est un élément d'appréciation supplémentaire auquel je suis très sensible, monsieur le Recteur, mesdames et messieurs.\
Dans le programme un peu chargé de ma visite au Brésil, cette étape a été voulue et retenue. Je ne viens pas simplement y chercher une satisfaction d'amour propre, mais la justification d'un certain choix intellectuel et culturel qui me relie très directement à la culture brésilienne. Car désormais, vous l'avez dit monsieur le Recteur, c'est votre culture. Vous avez déjà assemblé dans cette culture brésilienne bien des cultures à l'intérieur de vos frontières sans avoir omis les cultures originelles, et d'abord celle qui vient du Portugal.
- Pour un grand pays civilisé, lorsqu'il prend part à l'évolution de la pensée dans le monde, et d'abord à la recherche, par tous les chemins que peut prendre l'esprit dans les domaines des sciences exactes humaines, de la philosophie, de la littérature, des arts, c'est une -entreprise parmi les plus belles, et je tiens, monsieur le Recteur, à vous dire pour conclure que vous avez créé là, pour moi, un souvenir qui ne s'effacera pas. Je vous en remercie.\