15 octobre 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, sur l'aide française au développement, notamment en matière de dette brésilienne, ainsi que sur les relations culturelles franco-brésiliennes et les expériences nucléaires françaises, Brasilia, mardi 15 octobre 1985.

Mesdames et messieurs,
- Je vous remercie d'être présents à cette rencontre du début du voyage puisque nous n'en sommes qu'à la fin du deuxième jour d'un voyage qui en comporte sept, en tout cas pour le Brésil qui en comporte cinq.
- Que vous dirai-je sinon une note d'ambiance. Le Brésil nous reçoit très bien, amicalement, souvent avec chaleur et nous avons avec les dirigeants de ce pays des conversations que je crois utiles aux deux pays. J'ai vu déjà plusieurs fois le président Sarney, hier et aujourd'hui, sans parler bien entendu des échanges de vues publics dont vous avez été témoins.
- Les ministres se sont rencontrés ainsi que mes collaborateurs directs avec soit leurs homologues, soit des membres du gouvernement brésilien. J'ai rencontré le Congrès ce matin, cet après-midi le Tribunal suprême après le déjeuner avec le gouverneur. C'est donc un tour d'horizon assez complet auquel j'ai pu procéder. Je garderai de ces deux premiers jours un souvenir fort, la relation franco-brésilienne est bien vivante et nous allons continuer. Maintenant, Rio, Saint-Paul, Recife... Je n'en suis pas au moment où je pourrais rédiger mes souvenirs et puis ce n'est pas ce qui vous intéresse donc j'attends les questions que vous souhaiteriez me poser. Nous n'avons pas beaucoup de temps mais suffisamment pour aborder l'essentiel.\
QUESTION.- (Inaudible)
- LE PRESIDENT.- C'est justement ce dont on discute. Si nous avions l'intention, dans la mesure où les pouvoirs publics sont directement intéressés, d'appliquer la règle tout à fait stricte et sévère d'un créancier qui demande le remboursement de sa dette à l'heure voulue, nous ne négocierions pas. C'est le sujet en cours et nous avons l'intention de contribuer à réduire les difficultés du Brésil, naturellement dans le respect des contrats et c'est l'objet de nos discussions. C'est vrai que les banques françaises sont proportionnellement sans doute parmi les plus fortes créancières du Brésil.
- Cela prouve que le Brésil et que les Brésiliens ont fait confiance à la capacité bancaire de la France, nous en sommes très flattés. Nous devons pouvoir plus aisément peser pour faciliter comme nous le souhaitons la tâche du Brésil. Comment nous allons faire, monsieur, vous allez plus vite qu'il ne le faut. Ce sont des problèmes de technique bancaire et de négociations internationales en même temps, dans lesquelles nos porte-parole ont reçu mandat de faciliter la tâche du Brésil, dans le respect des contrats.\
QUESTION.- Monsieur le Président, ce matin devant le Congrès, vous avez parlé du taux de l'inflation de l'année prochaine, vous avez parlé de 4 et même de 3 %. Est-ce que c'était un pari, un engagement ?
- LE PRESIDENT.- Mais c'est un propos qui a déjà été tenu souvent par le gouvernement, ce n'est pas du tout une novation. La notion de pari n'est pas du tout dans mon esprit, ce n'est pas un pari, c'est un travail. On a travaillé pour que cette année on arrive au moins à 5 %. Nous sommes partis comme vous le savez, d'un chiffre plus élevé l'an dernier qui lui-même était en réduction par -rapport à l'année précédente. Nous pensons que nous réussirons à atteindre cet objectif cette année et nous avons fixé un plan de plusieurs années £ celui de l'an prochain, c'est de réduire au dessous de 4. Comme nous avons le sentiment que cette année nous allons y parvenir, cela nous encourage à penser que notre projet pour 1986 sera lui aussi réalisé. Cela n'a rien à voir avec un pari, c'est un objectif auquel nous travaillons et qui parait réalisable.\
QUESTION.- (Inaudible)
- LE PRESIDENT.- Que vous dire ? J'ai été invité par M. le président Tancredo Neves. Il est arrivé le drame sur vous savez. L'invitation a été renouvelée par le président Sarney. Je n'ai pas été invité par les présidents précédents. J'ai été invité par M. Neves et M. Sarney. Si j'ai accepté c'est parce que je me sens ou je me sentais, au nom de la République française, en harmonie avec le retour à la démocratie au Brésil avec ce que l'on appelle ici la République nouvelle. Je n'ai pas donné mon aval, on ne me le demande pas d'ailleurs. Ce n'est pas le rôle de la France. Si je suis ici, c'est évidemment parce que j'ai le sentiment que la démocratie brésilienne se trouve en bonne voie, sinon même en bon -état. Je ne suis pas venu cautionner. Je suis simplement venu dire aux Brésiliens : "je me trouve à l'aise parmi vous. Je suis heureux d'être là".\
QUESTION.- (Inaudible)
- LE PRESIDENT.- Non. Il n'y a pas de contradiction parce qu'on peut tout résoudre par le haut. On peut développer les échanges : cela profite à tout le monde. La première question qui m'a été posée, mais qui me relie à celle-là, mérite une réponse plus au fond. Aider le Brésil à supporter ses charges présentes, à trouver des solutions dans les négociations internationales, ce n'est pas simplement, par exemple, faciliter un rééchelonnement.
- Non, le rôle de la France sur le -plan international c'est aussi de se faire l'avocat d'un certain nombre de causes. Ce que nous n'avons jamais manqué de faire depuis plusieurs années. Défendre la cause de la négociation simultanée sur le commerce et sur les monnaies, cela est un acte politique qui peut aider les pays en développement. Prendre position contre les taux d'intérêt trop élevés, c'est à la fois défendre les intérêts français, mais aussi défendre les intérêts des pays en voie de développement. Prétendre qu'il faut soutenir les cours des matières premières, c'est attaquer le problème par le fond. Je pourrais continuer longtemps comme cela, en particulier en affirmant que l'accroissement des aides et des liquidités internationales c'est un problème de fond sur lequel la France se sent proche de ses amis du Brésil.
- Donc, vous voyez, il y a quand même une négociation internationale. Le problème de la dette brésilienne n'est pas qu'un problème franco-brésilien.
- Alors où est la contradiction ? On ne peut que souhaiter le maintien de la croissance brésilienne qui est déjà forte. Le commerce brésilien n'est pas limité au couple France - Brésil. C'est certain que l'intérêt de la France, c'est d'avoir un moindre déficit dans son commerce extérieur avec le Brésil, bien qu'après tout, l'un dans l'autre, les déficits et les bénéfices sur l'ensemble de la planète, finissent par créer en France une balance des paiements équilibrée et que notre commerce en marchandises devrait permettre une réduction assez sensible de notre déficit par -rapport à ce que nous avons connu lorsque nous sommes arrivés au pouvoir. Donc, je ne crois pas qu'il y ait contradiction.
- Mais l'exportation est un problème extrêmement délicat pour le Brésil car l'exportation à tout prix avec des mesures monétaires qui ont été décidées, c'et pour le Brésil un problème par -rapport à l'inflation. Pourtant le Brésil veut réussir tout de même à amorcer un decrescendo dans son inflation. Le problème du Brésil se pose par -rapport à l'ensemble du monde industriel. Si à l'intérieur de ce monde industriel avec un meilleur commerce pour le Brésil, ce que je souhaite, la France parvient par des contrats judicieux à reduire son déficit, cela est parfaitement compatible et j'espère que cela se fera. C'est ce que je peux vous dire.\
QUESTION.- Je voudrais savoir de quelle façon le gouvernement français recevrait une révolution des pays du tiers-monde au détriment des intérêts de la dette extérieure ?
- LE PRESIDENT.- Je ne pense pas d'ailleurs que cela se produira, donc c'est une hypothèse qui est, si j'ose dire, gratuite. Il y a des positions tout à fait diverses. Il y a ceux qui ont dit, un pays d'Amérique du Sud en effet, "il faudrait mieux ne pas payer la dette, ne pas reconnaître la dette". Il y en a d'autres qui ont dit : "nous nous posons la question". Mais d'autres, dont le Brésil, se sont placés dans la situation d'avoir un règlement entre créanciers et débiteurs autour de l'idée maîtresse qu'il faut règler ses dettes. Quant aux modalités, c'est l'objet des conversations actuelles. Donc c'est une éventualité qui ne se produira pas. Je ne pense pas qu'il soit raisonnable de penser que l'ensemble des pays du tiers monde endettés pourraient décréter qu'ils ne remboursent pas. Mais à partir de là, il y a beaucoup de discussions possibles. Je sais qu'une des thèses plusieurs fois entendue, est qu'il vaudrait mieux permettre à ces pays d'investir, de développer leur croissance et que c'est sur les bénéfices de cette croissance, c'est sur cela qu'ils pourront règler capital et intérêts. Ce n'est pas moi qui suis chargé de négocier cela et je ne vais pas m'en mêler directement. Votre hypothèse, monsieur, pas de réalité, je ne vois pas pourquoi je discuterais.
- Je serais très heureux d'avoir un dialogue avec tous les journalistes de toute nationalité qui se trouvent ici, mais en particulier avec les journalistes Brésiliens, car c'est une presse vivante, bouillonnante, qui longtemps a souffert de certaines restrictions et je serais très content d'approfondir ce dialogue.
- QUESTION.- (Inaudible)
- LE PRESIDENT.- Non. La question est tout à fait pertinente, je sais que des débats de ce genre ont lieu, qu'ils ont eu lieu entre des ministres compétents et mes collaborateurs, mais je ne peux absolument pas prendre un position prématurée sur le fond de ce type de débats, c'est en cours. J'ai indiqué à la presse brésilienne les dispositions de la France à faciliter la négociation directe, le problème de la dette immédiate, mais je ne veux pas entrer dans les modalités.
- Celle dont vous me parlez, monsieur, pour que ma réponse ne soit pas entièrement négative, est en effet l'une de celles qui sont évoquées au cours des conversations.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que la France serait prête... (inaudible).
- LE PRESIDENT.- Absolument, oui. Si la France en a le moyen, elle le fera. Ce n'est pas la peine d'inviter à une conférence qui ne réussirait pas, il faut qu'une négociation réussisse. Rien n'est pire qu'une négociation qui échoue. Mais cela étant, je réponds oui. Ce n'est pas aujourd'hui un projet, mais vous m'en donnez l'idée. En tout cas la France ne répugnera absolument pas à avancer au devant de la scène pour aborder ce problème directement et franchement.
- QUESTION.- (Inaudible)
- LE PRESIDENT.- Ma mission n'est pas de m'exprimer en contre point du général de Gaulle. Donc ce sont des références que personnellement, je ne reconnais pas. Vous me le dites, je vous crois, je ne savais pas qu'il avait dit cela. Alors, après deux jours cela serait très imprudent de ma part. Mais le Brésil je n'apprends pas à le connaître aujourd'hui, ni hier matin. Je suis venu pour la première fois il y a quelques 39 ans et je continue de m'intéresser de très près à ce qui se passe dans ce pays. Je suis quand même un peu au courant. Quand je vois l'effort que ce pays fait et quand je vois la somme de ses réussites en dépit de ses difficultés présentes et du courage qu'il montre pour surmonter les crises politiques très graves qu'il a subies depuis un certain nombre d'années, je dis oui, le Brésil travaille sérieusement.\
QUESTION.- (Inaudible)
- LE PRESIDENT.- Je suis pas venu en commis-voyageur de la culture française. Nous avons bon nombre de projets notamment dans le -cadre de ce que l'on appelle "France-Brésil" qui va entrer en activité à partir de la fin de l'année 1985. Il y a en effet beaucoup de projets culturels. Ce qui est vrai c'est que la langue anglaise semble avoir fait des progrès dans l'éducation des jeunes gens. J'observe en même temps que les Etats ont pris des dispositions extrêmement sympathiques à l'égard de la France dans l'enseignement et la place du française dans cet enseignement. C'est une compétition profonde qui touche au-delà des civilisations, aux relations commerciales, aux milieux d'affaires, dans le diplomatique. C'est vrai que le français a besoin d'être défendu. Mais je ne suis pas venu pour cela. Si cela peut servir à améliorer la position de la langue française au Brésil j'en serais très heureux, mais ne me faites pas faire de constats tendant à déplorer je ne sais quelle chute du rayonnement intellectuel de la France. Ce que j'ai entendu, la façon dont j'ai pu parler avec de très nombreuses personnalités brésiliennes qui connaissent le français, qui sont très informées de notre culture, de notre littérature, qui quand elles ne le parlent pas toujours bien, le comprennent bien, qui se sentent extrêmement concernées par les sources de la culture brésilienne où l'on retrouve la marque française. Tout cela me laisse tout à fait augurer d'un très bon avenir pour la France et sa culture dans un pays comme le Brésil.
- Vous savez, tout est lutte en permanence. Il y a des moments où une langue recule, d'autres moments où elle prend de l'avance. C'est intéressant de constater qu'il existe un groupe parlementaire, par exemple au Brésil, dans lequel on débat de la langue française, on soutient la langue française. C'est tout à fait sympathique lorsqu'on constate que le Président du Brésil, le président Sarney, appartient à ce groupe, car il y a des éléments importants, sympathiques, productifs, féconds.
- Je souhaite en effet, que nos professeurs, nos enseignants, nos diplomates, nos hommes d'affaires contribuent au rayonnement de la France. C'est tout ce que je peux vous dire, mais je ne fais pas du tout de constat. Est-ce que c'est parce que la France a perdu du terrain ? Après tout il est tout à fait possible qu'avec le retour à la démocratie elle soit en train d'en gagner.\
QUESTION.- (Inaudible)
- LE PRESIDENT.- Sur le -plan international j'en attends beaucoup. Sur le -plan intérieur français, c'est un peu différent. Sur le -plan international, une bonne relation entre la France et les principaux pays que l'on dit en voie de développement, bien que le Brésil ait des réussites technologiques tout à fait remarquables qui le situe aussi comme un pays industriel. Par exemple, lorsque l'on débat d'une future réunion commerciale autour du GATT et que la France et l'Inde reconnaissent qu'ils ont beaucoup de points en commun dans cette conversation, c'est un aspect très positif.
- La France et le Brésil ont quelque chose à faire ensemble. Lorsque l'on se rencontre pour trouver toujours des terrains d'entente au sein des Nations-unies ou dans les organismes spécialisés, comme le Fonds monétaire international, lorsque l'on épouse et propose les mêmes thèses pour tenter de sortir du désordre monétaire international, de la crise des échanges, je considère que le soutien du Brésil à des thèses de ce genre est un appoint considérable.
- C'est un très grand pays, en plus c'est un très grand pays avec lequel nous avons beaucoup d'affinités, donc je réponds oui. J'attends beaucoup de la correspondance franco-brésilienne sur le -plan international et j'y ferai appel dans des circonstances futures et prochaines.
- Sur le -plan intérieur il y a un certain nombre de Brésiliens qui connaissent bien la France, qui y viennent. Les répercussions ne sont pas directes sur la politique intérieure française. Mais enfin revenons au chapitre précédent sur le -plan culturel, c'est vrai que nous avons à développer notre connaissance de la langue française et de la culture proprement brésilienne. L'un des enseignements de ce voyage c'est que nous allons en France y travailler. Voilà, est-ce que l'on a dit le principal ?
- QUESTION.- (Inaudible)
- LE PRESIDENT.- J'espère de meilleures affaires. Mais vous savez mon intervention dans ce domaine est assez lointaine, si j'ai bien été saisi d'un certain nombre de dossiers particuliers. Moi je fais confiance d'abord à la capacité des états-majors de ces sociétés et aux relations généralement préférentielles qu'elles ont avec les autorités du Brésil pour qu'ils règlent leurs affaires ensemble, sans faire intervenir la France en tant que puissance.
- Il y a un certain nombre de perspectives qui nous sont offertes, il y a quelques grands groupes nationalisés français qui ont un rôle à jouer dans ce pays. Je pense à Rhône-Poulenc, à Thomson et autres mais ce ne sont pas les seuls. Tout ce que je puis leur dire, c'est bon courage £ mais je ne suis pas venu ici, je le répête, comme représentant de ces intérêts-là, même si je souhaite qu'ils réussissent de tout mon coeur.\
QUESTION.- (Inaudible)
- LE PRESIDENT.- Mais nous n'avons jamais dit les choses comme cela. Nous connaissons bien le Mexique, nous avons avec lui des fortes relations. C'est le premier pays d'Amérique latine où je me suis rendu après mon élection à l'occasion de la conférence de Cancun.
- Maintenant mon deuxième voyage c'est au Brésil. La chronologie n'y fait pas grand chose sinon qu'en 1981 il était moins évident que je devais commencer mes visites par le Brésil. On va les mettre à égalité si vous voulez. Le Brésil ne remplace pas le Mexique, le Mexique n'avait pas à remplacer le Brésil. Dans ces affaires de coeur et d'intérêt, disons que je les place sur le même -plan. Maintenant c'est vrai que c'est l'Amérique latine dans les deux cas mais enfin dans un cas c'est un peu plus Espagnol, dans l'autre c'est un peu plus Portugais, dans l'autre c'est dans le Nord, dans l'autre c'est dans le Sud, alors on peut faire des comparaisons autant qu'on le voudra. Si la France a la chance d'entretenir une amitié féconde avec le Mexique et avec le Brésil, personne n'aura à remplacer personne et je n'y prétends pas.\
La deuxième question touchait aux expériences nucléaires françaises. La France est une des cinq puissances nucléaires dans le monde avec l'Union soviétique, les Etats-Unis d'Amérique, la Grande-Bretagne et la Chine. Quand on compare la puissance nucléaire de ces cinq pays on voit que deux se détachent largement, on les appelle super-puissances : les Etats-Unis d'Amérique et l'Union soviétique. Elles possèdent quelques 10000 charges nucléaires, qu'elles soient stratégiques, intermédiaires ou simplement tactiques. L'équilibre stratégique ou à peu près existe aujourd'hui entre les Etats-Unis d'Amérique et l'Union soviétique. La France dispose aujourd'hui entre 150 et 200 charges nucléaires, la Grande-Bretagne en a moins de 100, la Chine vraisemblablement la même ampleur. Il suffit d'énoncer ces chiffres pour comprendre tout de suite que poser la question à la France avant de la poser aux Etats-Unis d'Amérique et à l'Union soviétique c'est dénier à des pays comme le mien le droit d'organiser eux-mêmes leur propre sécurité. Eh bien cette sécurité je l'assume et si l'on veut disposer d'une force dissuasive qui repose sur la détention de l'arme atomique dans la connaissance qui est la nôtre aujourd'hui des moyens d'armement, cela comporte nécessairement des essais. On ne peut pas avoir d'armes dont on ne connaisse, dont on ne puisse apprécier par des expériences l'efficacité éventuelle bien entendu. Les cinq pays que j'ai cités font des expériences. La France en fait en Océanie, les Etats-Unis d'Amérique en font sur leur territoire dans des régions un peu désertiques du Névada, l'Union soviétique agit de même. L'Angleterre après avoir fait des expériences atmosphériques en Australie avec l'autorisation du gouvernement australien, le fait maintenant sur le territoire américain, sur les sites d'expérimentation américains. La Chine, je sais également à peu près où cela se situe. Dans le champ d'expérimentation en Océanie française, dans un rayon de 100 Kms, la population va de 2500 à 5000 personnes. Aux Etats-Unis d'Amérique, expériences américaines et expériences anglaises. On va parler d'abord de l'Union soviétique. Il y a environ dans le même rayon, 500 à 1500 kilomètres environ, 17 millions de personnes. Environ 17 à 20 millions de personnes en Union soviétique. Aux Etats-Unis d'Amérique 500 et 1000 kilomètres concernent de 35 à 42 millions d'habitants. Et c'est à la France que l'on pose la question, alors qu'en France les essais français n'ont jusqu'ici provoqué par l'effet de la radio-activité aucun effet sur la santé de quiconque.\
`suite sur les expériences nucléaires`
- Quand il y avait des expériences atmosphériques, sur les atolls en question de Mururoa et Fangataufa on avait évacué les habitants. Depuis que les expériences sont souterraines vivent là 3000 personnes. Quelques 600 à 700 polynésiens sont venus s'installer. Je les ai reçus au cours d'un voyage récent. Ils s'y trouvent fort bien et demandent instamment que nous y restions. Le lagon, nous en avons fait l'expérience avec le ministre des relations extérieures, il y a quelques semaines est un lieu où s'exercent tous les sports nautiques : natation, etc... personne n'a été atteint par un accroissement de la radio-activité qui après essais et contrôles est légèrement inférieure au taux de radio-activité de Paris.
- Nous considérons que nous avons dominé cette question et que si du côté de la Nouvelle-Zélande ou de l'Australie on s'en plaint, nous disons simplement que nous en France nous sommes plus proches des champs d'expérimentations atomiques soviétiques que ces deux pays ne le sont des essais nucléaires français d'Océanie et pourtant nous ne vivons pas en France, ni en Allemagne, ni dans les autres pays, dans l'obsession de ces expériences. La même observation pourrait être faite sur la quasi totalité du territoire des Etats-Unis d'Amérique et du Nord du Mexique. Ils sont dans un champ d'action plus proche. Alors, cette campagne contre la France me parait vraiment très partiale et très intéressée ou bien c'est parce que l'on pense que la France est un partenaire plus aimable et plus souple qui n'arrête pas les personnes avec brutalité ? Enfin, je ne sais pas ce que pensent ceux qui s'attaquent comme cela à la France ? En tout cas peu importe leur opinion, moi je vous donne la mienne, nous continuerons.\
QUESTION.- (Inaudible)
- LE PRESIDENT.- Je reconnais que le problème de l'endettement est un problème très lourd pour un pays comme le Brésil, mais je pensais qu'il y aurait peut-être une question de politique étrangère qui pourrait nous intéresser, notamment sur les conflits d'Amérique centrale. Bon... la question n'est pas posée, je n'y répondrai pas mais j'ai déjà dit à un autre journaliste qui s'est exprimé tout à l'heure que je ne veux pas, moi, comme Président de la République française, entrer dans la discussion des modalités qui permettraient de réaménager, ou d'échelonner la dette des pays en voie de développement. Ce sont des sujets dont on discute actuellement, non seulement entre experts, mais aussi entre responsables des gouvernements, je n'ai pas moi à me substituer à eux surtout dans une discussion qui n'est pas achevée. Donc je me refuse absolument à répondre à ces questions. Je connaissais en effet ces propositions, y compris celles de M. Fidel Castro. On peut tout demander, ou tout dire, on peut tout prévoir.
- Les débiteurs, surtout dans un pays comme le Brésil, n'ont pas vocation à être toujours des débiteurs, ils traversent un moment difficile. Un jour viendra et je le souhaite au Brésil et je sais qu'il en est capable par son travail et son intelligence, où c'est lui qui sera créancier. C'est un pays qui doit retrouver sa prospérité, c'est un des plus grands pays du monde. Donc pour l'instant il y a un problème spécifique qui se pose pour une période donnée, la créance existe, donc la dette. Entre honnêtes gens quand on a une dette, on la règle. Mais lorsque l'on ne peut pas la régler selon les modalités prévues initialement, quand on ne veut pas condamner - et on a le droit de refuser de condamner un peuple à travailler plus encore mais dans la misère - la considération politique n'est pas absente de mon esprit, la révolte des plus démunis, le danger pour la démocratie d'une situation de ce genre, tout cela incite à adopter les dispositions que j'ai recommandées hier soir et aujourd'hui : accepter le débat, accepter de ne pas s'en tenir aux engagements initiaux et aux modalités prévues c'est déjà beaucoup. Cela prouve que le champ est ouvert, cela montre une disposition d'esprit qui cherche la conciliation dans le respect du droit. Voilà ce que je peux vous dire. Puis vous interrogerez, un peu plus tard, lorsque la discussion aura pris encore un peu plus de réalités concrètes, vous interrogerez les négociateurs. Je ne suis pas l'un de ces négociateurs mais vous aurez certainement, dans les semaines qui viennent, un certain nombre d'informations nouvelles qui vous intéresseront. On a parlé de ces choses à Séoul il y a quelques jours.
- On observe déjà certaines évolutions chez les pays industriels riches. Je souhaite que cela continue et je le répète, le gouvernement de la France cherchera à la fois à défendre ses justes intérêts ou les intérêts français mais il ne cherchera pas à nuire aux intérêts brésiliens.
- Voilà ce que je voulais dire à la presse brésilienne que je remercie pour la qualité de son accueil et qui m'a moi-même beaucoup intéressé car j'ai pris connaissance de ces articles et j'avoue que j'ai aimé cette façon vivante et forte de poser les questions.\