7 février 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à la mairie de Méru, jeudi 7 février 1985.

Monsieur le maire,
- Mesdames et messieurs,
- Je ne répondrai qu'en quelques mots en raison de l'heure, du retard pris à cause du temps et des obligations de la journée.
- Laissez-moi vous dire que j'ai été très sensible, que je suis très sensible à votre présence, ici dans cette ancienne halle aux grains, dans cette mairie si bien aménagée et, à l'extérieur, à celle de ceux qui ont bien voulu m'accueillir. Je quitterai votre département après le déjeuner et je me rendrai dans la Somme. Auparavant j'aurai pu successivement visiter la capitale du département, la ville historique de Compiègne, et la grande industrie de Creil-Montataire. Je pourrai avant de revenir à Paris demain soir rencontrer les représentants de l'agriculture de cette région de Picardie qui apporte tant au pays. Ainsi, après avoir ce soir rencontré les élus régionaux, aurai-je pu préciser les idées que je me fais de la capacité de la Picardie à affronter les problèmes du moment et à préparer l'avenir. Ce qui est typique ici à Méru, c'est que cette localité qui a connu un accroîssement rapide et soudain a su résister à un environnement difficile, non point que vos problèmes soient résolus, non qu'il n'y ait ici encore 10 % de chômeurs, ce qui représente une proportion ou un pourcentage d'un ordre national, inférieur cependant à l'ordre du département. Mais enfin, en raison de cette mutation extrême et accélérée, il est assez remarquable que les élus et les différentes personnalités qui participent à la vie économique du pays aient su, au travers de l'entreprise développer une série de mutations, de renouvellements, qui ont pratiquement permis à Méru et à sa région directe de montrer qu'avec du courage, de l'énergie et de l'intelligence, la France non seulement pouvait résister à la crise mais encore la dominer.\
Nous ne sommes pas au point où nous pourrons établir le bilan, sinon un bilan provisoire de 3 ans et demi de travail. Je répète partout et je le redirai ici, qu'aucun discours, ni aucun engagement ne pourra se substituer à cette réalité, à savoir que le chômage d'aujourd'hui c'est tout simplement l'absence de modernisation d'hier, absence de modernisation dans l'instrument économique, industriel, absence de modernisation dans la formation des hommes. Tant que nous n'aurons pas réuni ces deux éléments, il sera impensable de dominer la crise ! Mais nous sommes en train de le faire et l'on constate les résultats puisque sur tous les paramètres économiques, je dis bien tous les paramètres économiques, on a pu constater, sans que je sois démenti, que la France était sur le bon chemin, qu'elle se redressait et obtenait des résultats jamais obtenus depuis des années qu'il s'agisse de l'inflation, de l'investissement industriel, ou de l'épargne populaire enfin bénéficiaire en face l'inflation depuis bientôt 20 ans. On assiste à un redressement national. Il ne sera possible que si les Français et les Françaises, dominant leurs légitimes contradictions, d'intérêts, de mentalités, d'opinions et c'est l'exercice de la démocratie, comprennent que c'est par le courage, l'effort, la continuité et la persévérance dans cette bonne direction que nous parviendrons à réduire ce mal qui continue de ronger la société française et qui s'appelle le chômage. Mais le chômage ou bien l'emploi, sa forme positive, c'est la résultante de tous les autres efforts ! Si tous les autres paramètres économiques ne sont pas en place, nous ne résoudrons pas le problème du travail. Nous sommes en train de le faire, voilà ce que je peux vous répéter à Méru.\
Vous avez bien voulu, monsieur le maire `Guy Vadepied`, aborder certains aspects de la politique internationale. Je ne pourrai pas m'y attarder, je vous remercie de ce que vous avez dit.
- La France qui gagne : elle le fait, à l'intérieur, par sa modernisation, par son effort de recherche, de formation, de culture, par le développement de ses technologies, par l'adaptation de son niveau de vie, par la réduction de l'inflation. Tout cela signifie en même temps la capacité de la France à produire des marchandises qu'elle vend, c'est-à-dire que nous en sommes arrivés quasiment à l'équilibre de notre balance des paiements, ce qui ne s'était pas vu non plus depuis longtemps. Tout cela crée le terrain à partir duquel nous pourrons en finir avec la crise du chômage. On peut prévoir que dès cette année, nous stabiliserons un mouvement qui s'était accru très gravement entre 1974 et 1981, avec 300 % d'augmentation du chômage. Le chômage a continué de s'accroître entre 1981 et 1984 avec, encore, 35 % d'augmentation, c'est-à-dire que ce sont les travailleurs qui ont continué de faire les frais de la crise. Eh bien, cela ne peut durer, c'est à quoi je m'attache avec le gouvernement. Et tous les responsables quelles que soient leurs opinions politiques qui ont pris en main les responsabilités locales, régionales, départementales, communales, pourront, il faut le dire, parce qu'ils ont travaillé, et bien travaillé, constater que 1985 amorce l'inversion de la courbe afin de réduire la crise et ses effets.\
D'ailleurs la crise, on peut l'analyser : c'est dans le monde entier, dans le monde entier occidental, qu'on me comprenne bien, que l'absence de modernisation a commis ses dégâts car les pays du Pacifique vivent largement avec des croissances qui atteignent pour nous des taux astronomiques puisqu'il s'agit de 6, 7 ou 8 % par an. Mais nous sommes en train de nous reprendre. Le chômage c'est une maladie européenne aujourd'hui, mais les pays qui ont réalisé leur modernisation avant nous, Japon, Etats-Unis d'Amérique, mettent aussi un terme à la progression du chômage et même, ont déjà entamé un redressement sensible. Je veux parler surtout des Etats-Unis d'Amérique car le Japon avait su, à travers ces dernières décennies, maintenir le cap sur une industrie et une économie prospères.
- Comparons notre situation à nos principaux partenaires de l'Europe, de l'Europe des Dix, et nous verrons que la situation de la France à beaucoup de points de vue, représente le meilleur effort et souvent la meilleure réussite. Prenons modèle sur nos voisins lorsqu'ils ont abouti dans des efforts où nous-mêmes avons pris quelque retard. Mais dans l'ensemble, la situation de la France, y compris sur le -plan de l'emploi, peut encore permettre, doit permettre les réussites de demain car notre instrument est désormais dans les mains, dans les mains d'entreprises qui prospèrent qui sont capables de supporter la compétition et dcans les mains de travailleurs qui sont de plus en plus parfaitement aptes à dominer l'instrument qu'ils ont en mains.
- Monsieur le maire, mesdames et messieurs, il est l'heure de se séparer, enfin pas tout à fait, puisque je vais rester avec quelques jeunes gens au cours du déjeuner à Méru. Après quoi, je vous quitterai, en même temps que le département de l'Oise.
- Laissez-moi vous remercier pour ces heures enrichissantes pour moi en capacité d'observation, d'étude, d'écoute, je vous remercie £ il me sera aisé de conclure comme l'a fait M. le maire : vive Méru, vive la République, vive la France.\