19 janvier 1985 - Seul le prononcé fait foi

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Entretien avec la presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue de la séance de travail à la sous-préfecture, Poindimie (Nouvelle-Calédonie), samedi 19 janvier 1985.

LE PRESIDENT.- A Nouméa, il y a les représentants, les dirigeants de toutes les grandes organisations de tous ordres : politiques, syndicalistes, professionnelles, religieuses etc... Et j'ai donc entendu pendant six heures consécutives les opinions les plus différentes. Tous, acceptant et beaucoup souhaitant, recommandant le dialogue. Alors un premier enseignement. Rares sont ceux qui s'y refusent et même, je n'en ai pas rencontré. Voilà un premier progrès. Autour des propositions qui ont été faites par le représentant de la France, cela intéresse, cela accroche, cela fait choc, parce que cela sort des sentiers battus. Comme on sait bien que le reste n'a été qu'une impasse, il y a au moins de l'avenir et cela est ressenti par beaucoup comme tel.
- QUESTION.- Cet après-midi vous êtes allé voir les Mélanésiens mais ce matin, vous n'êtes pas allé voir les Européens de Nouméa ? Pour quelle raison ?
- LE PRESIDENT.- J'ai vu beaucoup d'Européens de Nouméa, tous ceux qui sont venus me faire une visite, c'est-à-dire tous les dirigeants de toutes les organisations.
- QUESTION.- Aujourd'hui, vous avez entendu à Nouméa des réflexions dans la rue : "le Président est venu, il va voir les Mélanésiens cet après-midi..."
- LE PRESIDENT.- Je vous rappelle que je suis venu voir tous les responsables de toutes les organisations. C'était à Nouméa et parmi eux, je pense que le plus grand nombre était de Nouméa £ c'est donc tout à fait inexact. Vous vouliez que je fasse un meeting peut-être ! Ce n'était pas au programme en tout cas. Vous savez, les meetings, je ne les redoute pas. Ce n'était pas au programme. Quand on passe treize ou quatorze heures dans un endroit comme celui-ci et que l'on représente la France dans son ensemble, on va à l'essentiel. Je suis allé à l'essentiel. S'il faut participer à des réunions publiques, eh bien, je reviendrai pour cela.
- QUESTION.- Est-ce que vous pensez que les douze heures passées ici après tant d'heures de voyage ont porté le choc que vous espériez ?
- LE PRESIDENT.- Je vous répète que c'est ce que je souhaite. La suite le montrera. Ce qui me paraît évident, c'est que là où l'on pouvait craidre que le fil ne fût rompu, celui du dialogue, eh bien cela me paraît renoué. Jusqu'à quand ? Dans quelle condition ? Nous ne sommes pas maîtres du temps et puis moi, je pars, restent sur place des responsables. Ce sont eux qui vont finir cet ouvrage, mais je leur fais confiance, plus particulièrement au délégué de la France.
- QUESTION.- Est-ce que vous êtes plus optimiste qu'à votre arrivée ?
- LE PRESIDENT.- Ce que je viens de dire le montre puisque je n'en ai pas connu qui aient décidé de s'enfermer, de refuser de parler et donc d'une certaine façon de comprendre les autres. Vu de Paris avec tout ce qui s'est passé, les incidents, les drames aussi, on pouvait avoir le sentiment qu'il faudrait encore beaucoup de temps pour que les uns et les autres, avec des convictions diverses et parfois antagonistes, puissent de nouveau retrouver un langage. Ce matin et cet après-midi, ce langage, je l'ai entendu, celui du dialogue. Sera-t-il celui de la concorde ? Il y a encore tout ce chemin à faire, mais seul le dialogue permettra d'aller au terme que nous nous sommes fixé.\