4 décembre 1984 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du Conseil européen de Dublin, mardi 4 décembre 1984.

Mesdames et messieurs,
- J'ai souhaité vous rencontrer avant de regagner Paris. Vous savez qu'il appartient au Président en fonction c'est-à-dire à M. Fitzgerald, de faire le compte-rendu à la presse internationale des résultats de cette réunion de Dublin. Je ne vais donc pas me substituer à lui £ tout au plus, ai-je demandé aux journalistes français - s'il en est d'autres, je ne vois pas d'inconvénient - d'avoir ce contact pendant quelques instants pour leur dire, du point de vue français, ce qu'il en est.
- On a décrit comme obstacle principal le problème du vin. Or, le problème du vin est réglé. Je vais vous dire sur quelles bases.
- Celui des fruits et légumes l'était déjà avant l'ouverture de cette réunion.
- Celui de la pêche l'était si on peut dire dans la mesure où étaient prévus des délais allongés pour l'entrée en vigueur d'une Europe commune de la pêche élargie à l'Espagne et au Portugal.
- Il n'en reste pas moins que, sur un problème qui est celui des programmes intégrés méditerranéens, la Grèce fait dépendre son accord final de ce qui sera fait pour que le programme soit planifié, dans cinq ou six ans, et financé. Il existe déjà une estimation de la Commission, d'autres estimations ont été proposées, naturellement d'un moindre niveau, et la Grèce ne s'est pas estimée suffisamment informée pour pouvoir donner son accord.\
La négociation avec l'Espagne, pour tout ce qui touche à l'élargissement, reste ouverte. Mais à Dublin tout ce qui était à l'ordre du jour touchant à cet élargissement a été réglé entre les Dix de la Communauté. Mais, l'accord de la Grèce pour l'adhésion finale, dépendra de ce qui sera fait sur les programmes intégrés méditerranéens. On peut considérer que, par -rapport au problème posé, celui de l'élargissement, un grand pas en avant et même un pas décisif a été accompli, mais qu'il reste, cependant, une interrogation à laquelle les Dix vont s'efforcer de répondre.
- Sur les institutions, le calendrier a été établi. Le rapport intérimaire du Comité a été considéré comme de grande qualité. Il sera évoqué lors du Conseil européen de mars, qui aura sans doute à examiner par priorité le résultat de la négociation avec l'Espagne, et la session de juin sera consacrée à ce rapport sur les institutions. Cela veut dire que ce ne sera pas une question parmi d'autres, ce sera le sujet principal de l'ordre du jour.\
Peut-être souhaitez-vous avoir, sur le vin, les bases de l'accord ? Ce que la France recherchait et, cela nous paraît obtenu, c'était que le revenu des viticulteurs soit protégé. Les dispositions sont très intéressantes, elles vont dans le bon sens. Au-delà de 109 % de production, afin d'éviter la surproduction, il y aura distillation. La distillation, quel que soit le cas de figure, sera de 30 à 40 % du prix d'intervention.% Elle jouera au-delà de 109 % de production ou à partir de prix qui seraient à 82 % du prix d'orientation. Actuellement, le prix du marché en France est environ de 70 % du prix d'orientation. Il y aurait donc une remontée à 82 % et à 82 % du prix d'orientation, alors la distillation devrait produire ses effets pour rétablir des prix corrects.
- Il y a d'autres possibilités de distillation qui sont posées, qui viennent s'ajouter à ce qui existait. Par exemple, pour procéder à la distillation, il faut qu'il y ait quatre mois de stock. C'est maintenu. On peut donc penser que ces stocks et ces 109 % de production, ces 82 % du prix d'orientation et la distillation à 50 et 40 % du prix d'intervention, donnent véritablement des garanties solides à nos viticulteurs, puisque l'idée centrale - et vous l'avez comprise - était que l'arrivée de l'Espagne dans le Marché commun ne devait pas correspondre à une poussée de productions espagnoles, qui pouvait déséquilibrer complètement un marché déjà fragile en Europe.
- Il fallait donc une limitation de la production, mais en même temps des garanties. Ce sont celles que je viens de vous énoncer : garanties, limitation. Le débat le plus difficile a été avec les Italiens et pour un problème marginal, certes, mais qui n'en est pas moins important : celui de la chaptalisation des vins de Moselle avec l'Allemagne. Finalement, un accord s'est fait. Il vous sera communiqué dans son détail.
- Voilà, mesdames et messieurs, les points notables de cette réunion. On a discuté de beaucoup de choses très pratiques, qu'il vaudrait mieux voir réglées à l'avenir, soit par des conseils spécialisés, soit par des conseils des affaires générales. Mais enfin, nous nous sommes attelés à cette tâche puisqu'elle était nécessaire.
- Souhaitez-vous d'autres informations ?\
QUESTION.- (Inaudible).
- LE PRESIDENT.- Oui, par région, mais sous le contrôle à la responsabilité de chaque Etat parce que c'est finalement à l'Etat que l'on demandera des comptes pour savoir s'il s'est conformé aux dispositions générales.
- QUESTION.- Monsieur le Président, vous venez de dire que le Conseil européen de mars examinerait les résultats de la négociation de l'élargissement. Est-ce que vous pensez qu'il faudra encore que les chefs de gouvernement interviennent ...
- LE PRESIDENT£- Non, ce que je veux dire, c'est que, maintenant, la négociation en tant que telle avec l'Espagne est, du côté de la Communauté `CEE`, débarrasée de tous ses obstacles. Il va y avoir encore des aller retour entre la Communauté et l'Espagne. Vous avez entendu récemment M. Felipe Gonzales, vous avez senti son désir d'aboutir à l'adhésion de son pays à la condition qu'il n'y ait pas de discrimination entre son pays et les autres. Donc, de ce point de vue, on peut être très optimiste. Il reste la question posée par la Grèce, mais qui ne fait pas partie de l'élargissement, je veux dire que la question posée sur les programmes intégrés méditerranéens, n'est pas un élément de la négociation de l'adhésion avec l'Espagne, cela vient de l'extérieur. Mais puisqu'il suffit du refus d'un des Dix sur un sujet structurel aussi important que l'élargissement, le véto éventuel de la Grèce continue de peser, non pas pour l'une des raisons internes à la négociation, notamment celle du vin qui a été acceptée, mais pour une raison de politique générale, à savoir que les pays méditerranéens doivent se voir soutenus par la Communauté autant que le sont les pays du nord.
- QUESTION. (Inaudible).
- LE PRESIDENT.- Dans quel -cadre ? Il y a un Président jusqu'au 31 décembre. C'est M. Fitzgerald, ensuite ce sera M. Craxi et il y a, d'autre part, un Président de la commission qui est M. Thorn, pour quelques semaines encore, et, ensuite, à partir du 6 janvier, ce sera M. Delors. C'est à eux et aux commissaires spécialisés qu'il incombe de mener cette négociation à bien.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce qu'on peut dire que c'est la volonté politique qui, pendant ces deux jours, a pris le pas sur les contingences techniques d'experts ?
- LE PRESIDENT.- La volonté politique pour ce qui concerne l'élargissement, sans aucune doute. On ne peut pas dire qu'elle a pris le pas, puisqu'un pays sur les Dix continue de poser un problème de politique générale qui, je répète, n'est pas interne au débat sur l'élargissement, qui est externe, mais qui vient se greffer. Sur le rapport intérimaire du Comité, ce rapport disons que M. Maurice Faure a soutenu devant le comité ad hoc, cela avance puisque le rapport est fait £ il est soumis à discussion et va faire l'objet maintenant de négociations dont on devra débattre au mois de mars, dans une première approche, et définitivement en juin. Donc, on ne peut pas dire que la chose soit bloquée, au contraire, elle avance.
- Cependant, on ne peut pas dire qu'elle ait été résolue entre six ou sept des pays très acquis à cette idée et trois ou quatre - quand je dis trois ou quatre, je pense à l'Irlande pour le dernier - pays réticents pour des raisons constitutionnelles, de tradition politique, etc ... Il s'agit de réticences sur un engagement plus contraignant quant aux conditions de la marche de l'Europe occidentale vers une plus grande unité politique.
- C'est le débat qui est maintenant ouvert. Chaque sommet doit, depuis quelques temps, chaque sommet devrait en vérité régler les problèmes majeurs et ouvrir les voies à d'autres. C'est ce qui s'est produit depuis Stuttgart et particulièrement depuis Fontainebleau. Fontainebleau a réglé tous les contentieux qui traînaient souvent depuis longtemps, et ouvert la voie à la fois à l'élargissement et à un resserrement des institutions. Prenons les choses dans l'ordre. Dublin a vu la discussion sur l'élargissement aboutir et maintenant, sous la réserve que j'ai dite, c'est le débat sur les institutions qui ne prend pas le pas sur les autres, sans oublier que la négociation avec l'Espagne maintenant, et non plus entre les Dix, va aussi occuper le devant de la scène.
- A ce moment-là, à Bruxelles, le sommet prochain de mars devrait mettre les choses en place, et celui de juin aboutira, ou n'aboutira pas, ce n'est pas un problème de prédiction ou de prophétie. En tout cas, la formule que j'ai pu poser à Fontainebleau pour les institutions sera élaborée, débattue, et l'on saura mieux à ce moment-là où l'on en est.\
QUESTION.- Monsieur le Président, le comité dans lequel siège M. Maurice Faure, préconise semble-t-il un accroissement des pouvoirs du Parlement européen. Il ne semble pas ... budgétaire qui s'engage pour 1985 ... pouvoirs soient augmentés ... le sentiment inverse ?
- LE PRESIDENT.- Ce rapport sera débattu et quand il me sera soumis, je l'examinerai. Je le connais bien entendu. Il n'a pas été soumis au débat à Dublin. On a fixé simplement une procédure et un calendrier.
- QUESTION.- ... les commissaires français.
- LE PRESIDENT.- Les commissaires ont été, je ne dirai pas désignés, cela a été fait pour la plupart, mais leur désignation a été officialisée tout à l'heure, chaque délégation ayant fait connaître ses titulaires. Pour ce qui concerne la France, j'ai renouvelé le choix de M. Jacques Delors, et annoncé l'autre choix, qui est celui de M. Claude Cheysson.\
QUESTION.- Monsieur le Président, pourriez-vous nous commenter ... les conversations que vous avez eues je crois, sur le problème de la famine ?
- LE PRESIDENT.- Il y a eu en effet, une demi-heure, trois quarts d'heure qui ont été consacrés à cette importante affaire. Vous vous ferez communiquer les textes. C'est le rôle de M. Fitzgerald, qui va vous donner cette information. En tout cas, je crois que des quantités importantes de produits alimentaires seront, sont déjà, et continueront d'être livrés aux pays qui souffrent le plus.\