22 novembre 1984 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'hôtel de ville de Mulhouse, lors de son voyage en Alsace, jeudi 22 novembre 1984.

Monsieur le maire,
- Mesdames et messieurs,
- Je répondrai, bien entendu dans le domaine qui est le mien, aux questions qui m'ont été posées, à l'instant, par M. le maire de Mulhouse `Joseph Klifa`. Mais je remarquerai d'abord, parce qu'il ne faut pas l'oublier non plus, que nous sommes ici, en ce jour, pour célébrer le 40ème anniversaire de la Libération de Mulhouse. Ce n'est pas indifférent. Et vous-même, monsieur le maire, et nombreux, sans doute, étiez-vous ici, qui, comme moi, avez participé à la cérémonie qui a célébré ce grand souvenir. C'est d'ailleurs l'objet initial de ma démarche. C'est afin de me trouver avec les Alsaciens, pour que nous rappelions ensemble les grands événements de 1944, que j'ai voulu jalonner cette visite en Alsace de rencontres avec les acteurs, avec les témoins, avec ceux qui se souviennent et qui savent bien que l'Alsace au travers des temps, après deux guerres mondiales, s'identifie aux plus grands événements de l'histoire de la France.
- S'en souvenir davantage au moment où l'on entend surtout le cliquetis des polémiques ne serait pas tout à fait inutile. Après tout, la France et l'Alsace ont quelquefois fait quelque chose l'une pour l'autre. Et l'on aurait tendance à l'oublier. Pas moi en tout cas. Je me réjouis d'être en Alsace. Je me réjouis d'être à Mulhouse pour me trouver aux côtés de ceux qui marqueront l'inaltérable mémoire du courage, de la dignité, du sacrifice aussi et de la liberté.\
Puis voilà que nous rentrons dans le domaine de la vie quotidienne, naturellement plus difficile. Je veux dire plus difficile à commenter, mais plus facile à vivre finalement que lorsqu'il s'agissait de la vie, de la mort, de la liberté ou bien de l'oppression. Mais il faudrait savoir qui était de quel côté lorsqu'était à décider le destin du pays. On distinguerait mieux sans doute alors la continuité des choix pour certains d'entre nous. Je sais bien, monsieur le maire, qu'il y a des divisions. Entendons-nous, vous avez bien voulu le rappeler à la fin de votre exposé, dans une démocratie c'est ainsi et c'est bien. Imaginons une situation politique dans laquelle on n'entendrait qu'un seul son, l'expression d'une seule pensée. Ce serait, d'abord, un peu monotone. A cet égard, je suis, je le crois, à l'abri de cet inconvénient. Ce serait ensuite dangereux, dangereux pour tous, et, en tout cas, dangereux pour le pays. Il est donc excellent qu'il y ait débat démocratique en toute circonstance et particulièrement dans un hôtel de ville, ce qui est le cas ce matin.
- Je vous remercie, monsieur le maire, de m'avoir, ici, invité dans cet hôtel de ville pour approfondir le dialogue que vous avez vous-même commencé.
- Je connais bien ces divisions. J'ai dit que leur expression était légitime. Elle devrait même devenir naturelle et personne n'a à s'en offusquer. La question est de savoir à-partir de quel moment commence le risque, l'atteinte à quelques valeurs sacrées, peu nombreuses, mais essentielles, à ce que vous avez appelé l'unité nationale, dont je suis le garant.\
Puisqu'il y a suffrage universel, un Président de la République ne peut être élu que par une majorité qui suppose une minorité, et dans un pays évolué comme le nôtre, où le choc des idées et des projets est constant, on sait bien que maintenant depuis deux décennies, majorité et minorité sont assez proches l'une de l'autre, je veux dire par le nombre.
- Qui s'en plaindra ? Et cependant, il y a quelqu'un en France qui doit parler au nom de l'une et de l'autre lorsqu'il parle pour la France. Ce n'est pas si aisé qu'il y parait à la lecture des ouvrages scolaires sur l'histoire de France, histoire cependant parsemée d'événements dramatiques où l'on vit des Français affronter des Français. On n'inaugure rien de ce point de vue là, ici en Alsace, et n'ayez pas le sentiment de vivre un moment exceptionnel : il faut bien qu'il y ait quelqu'un pour dire que s'il est normal que notre peuple se divise sur ses choix politiques, économiques, sociaux, culturels, il n'en reste pas moins que le Président de la République incarne la Nation, l'Etat, la République, et dans les circonstances que j'ai dites, le pays tout entier. Et chacun devrait s'en souvenir davantage, en tout cas moi je ne l'oublie pas, ni pour tendre la main à ceux qui comprennent ni pour marquer chaque fois qu'il en est besoin, que de mon côté je ne renoncerai à rien. Alors, on me dit, venez, ne venez pas en Alsace... Eh bien j'ai dit que je venais ! Et je suis là, et rien n'eût pu m'empêcher d'être là, aujourd'hui à Mulhouse et dans d'autres communes, ce soir, et demain à Strasbourg, et dans d'autres communes du Bas-Rhin. Est-ce que c'est clair ?
- Alors, j'ai à m'assurer des besoins de la population exprimés par ses élus, quand ses élus sont là, des besoins de la vie pratique de chaque jour, par où se forme le présent et se prépare l'avenir. J'ai dit quand les élus sont là, mais c'est le cas ici. Là où ils ne sont pas là, je ne peux pas parler tout seul. Mais il y a assez de Français, ceux qui travaillent, ceux qui produisent, dans les usines, dans les champs et dans les ateliers, il y en a assez pour exprimer aussi à leur façon, qui n'est pas la plus fâcheuse, ce que c'est que la France, ce que c'est que leur vie, ce que sont leurs inquiétudes, et ce que sont leurs espérances. Et ceux là, je les verrai.\
Vous avez affirmé, monsieur le maire - j'en n'attendais pas autrement - votre solidarité et celle de beaucoup d'autres avec l'inquiétude de l'Alsace ou même sa colère, au regard de l'affaire de ce qu'on appelle le synchrotron dont beaucoup des protestataires ont surtout entendu parler depuis que j'ai annoncé ma visite.
- Il ne faut pas confondre £ le rôle du Président de la République n'est pas de distribuer entre les régions les départements et les communes ce qui peut être réparti, que cela vienne de l'Etat, ou que cela vienne des organisations internationales. Ce n'est pas mon rôle. Je suis intervenu sur le -plan européen pour que la France pût bénéficier d'investissements utiles, d'implantations d'avenir. A compter d'un moment où il serait possible, - je parle encore au conditionnel car les partenaires européens sont nombreux - où il serait possible d'implanter ceci ou cela, et en tout cas le synchrotron ce n'est plus mon affaire, c'est celle du gouvernement et celle des régions.
- On fait appel à moi, après coup, je trouve cela normal, je ne m'en indigne pas. Je dis simplement qu'il est dommage de faire précéder cette demande par la menace, et que ce n'est pas la bonne façon de faire, en tout cas avec moi.
- Que le gouvernement, d'une part se soit engagé sur un contrat de plan régional, très fourni dans lequel le synchrotron figure, je m'en suis informé depuis, comment ne l'aurais-je pas fait ? Mais on me dira "vous auriez dû vous informer avant" ! J'ai l'impression même qu'en Alsace, nombreux sont ceux qui, comme moi, se sont informés depuis .. Et ce texte figure en 45ème page du contrat de plan mais ce n'est pas parce que c'est la 45ème qu'elle serait moins importante que la 1ère car c'est en effet une implantation importante, de grande valeur scientifique, technique et génératrice d'emplois. Il ne s'agit pas d'en discuter. Le choix a été fait dans des conditions dont je ne suis pas juge, mais je n'ai pas l'habitude d'arbitrer contre le gouvernement.\
Je sais bien qu'il existe une grande controverse actuellement sur le rôle exact du chef de l'Etat, et je crois même avoir participé pendant 25 ans à cette controverse. Je suis assez bien informé et je sais très bien de quelle façon on pourrait craindre d'un Président de la République qu'il eût trop de pouvoirs. L'ai-je assez crié, sans être entendu des Français ? Encore, si l'on voulait une juste répartition ou plus juste répartition de ces pouvoirs, faudrait-il en avoir le moyen constitutionnel : il ne semble pas qu'il y ait, ici ou là, un grand entrain à faciliter au chef de l'Etat des réformes constitutionnelles qu'il jugerait utiles.
- En tout -état de cause, nul n'a jamais écrit dans le -cadre des institutions que j'ai pour charge de préserver jusqu'à ce que le peuple légitimement, par le suffrage universel, les change, ou bien par les procédures parlementaires qui ont été reconnues par la Constitution elle-même, nul n'a jamais écrit donc, peut-être des usages mais alors ils sont déplorables, que le chef de l'Etat pût être considéré comme devant trancher l'ensemble des problèmes qui me sont aujourd'hui soumis. Il y a un gouvernement, il y a un Parlement, il y a maintenant des régions responsables, des départements responsables, des communes plus responsables qu'elles n'étaient. Chacun à sa place, et cependant, je ne refuse évidemment pas, monsieur le maire, de répondre lorsque je me suis fait communique les dossiers aux différentes questions que vous m'avez posées. Considérez que ce n'est pas de ma fonction, mais considérez qu'après tout nous sommes ici entre citoyens, et que je vois pas pourquoi je viendrai à Mulhouse, rencontrant le premier magistrat de la ville - et quelle ville, ville importante de plus de cent mille habitants - et un maire sans m'entretenir avec lui des problèmes de sa commune.\
Alors, j'ai là un papier dans lequel il a été relevé rapidement les quelques revendications, protestations, projets, suggestions qui figurent dans votre exposé que je n'ai pas eu le loisir, et c'était bien normal, de connaître avant qu'il ne fût écrit, et mieux encore, avant de l'avoir entendu.
- Il est un certain nombre de points sur lesquels j'entends insister. Par exemple, le problème posé par la Société alsacienne de constructions mécaniques, et je sais combien nombreux sont les travailleurs et leurs familles, et leurs voisins, et le département, peut-être même la région qui s'inquiètent et souffrent.
- Je tiendrai tout de même à vous rappeler qu'il s'agit là d'une société privée £ cela ne veut pas dire qu'il ne faille pas s'y intéresser, mais c'est une société privée. Et il est tout à fait intéressant de noter que ce sont principalement les tenants d'une économie strictement libérale qui dès lors que le jeu de l'économie libérale marque ici et là ses défaillances, ou révèle ses drames, qu'on se tourne vers qui ? Vers l'Etat ! Vers l'Etat précisément jugé insupportable, omni présent, omnipotent.. Partout s'élève en France le cri : "moins d'Etat" et chaque fois que moi j'arrive quelque part, on me dit "plus d'Etat". Est-ce que le rôle de la collectivité nationale, de l'Etat, est de se substituer aux responsables privés et même de compenser, ou bien leur échec objectif qu'ils n'ont pas pu compenser en-raison de la crise internationale, ou leur échec subjectif parce qu'ils n'en ont pas été capables ?
- Il n'y a pas de mystère lorsqu'on veut compenser un milliard, deux milliards par an, on s'adresse à qui ? Aux contribuables, et est-ce que le rôle des contribuables est d'assurer l'équilibre de la masse des sociétés privées, étant entendu que les bénéfices, lorsqu'il y en a, des sociétés privées ne retournent pas à la masse des contribuables ? Je tiens à dire cela parce que c'est un abus de pensée et de mots que je constate partout et il n'empêche qu'il y a pourtant un devoir de la collectivité nationale lorsque les forces du travail, leurs compétences, comprenant tous les éléments qui contribuent à la vie de l'entreprise, et les formes du capital lorsqu'il est intelligemment géré. Il est normal que la collectivité nationale s'y intéresse lorsqu'il y a une chance de s'en tirer et d'atteindre l'autre rivage, là de l'autre côté, à-partir du moment où la technologie ayant été modernisée, on va redevenir compétitifs simplement. Ou bien, on a manqué le -train du progrès, ou bien tel ou tel événement a fait qu'on a perdu le contact, c'est sans doute ce qui est arrivé à cette société, et son problème, le problème est de faire que surtout par une étonnante maîtrise d'une machine, on essaye à tout -prix d'atteindre cet autre rivage le jour où l'on pourra moderniser, et bien concurrencer le commerce international. Mais passer son temps à demander au gouvernement de soutenir sans véritablement moderniser les entreprises privées qui se sont abandonnées et qui ont perdu la bataille de l'économie, c'est une façon d'épuiser le pays à laquelle je me refuse.\
Donc, le problème est de savoir si l'on a le moyen, et si les chances sérieusement étudiées de reprise, de redressement et finalement de réussite permettent d'apporter une réponse économique, industrielle et internationale à un problème qui autrement relève du domaine social et de la solidarité nationale.
- C'est le travail auquel nous sommes appliqués, je parle de cette société `Société alsacienne de constructions mécaniques`, mais mon propos peut être étendu à bien d'autres, c'est à cela que nous travaillons. Monsieur le maire, vous savez bien que dans l'-état actuel des choses, avant même toute novation et toute nouvelle étude, le CIRI, je passe sur les explications, c'est un organisme public dans lequel l'Etat tient effectivement les cordons de la bourse, vous savez bien que le CIRI est déjà intervenu, qu'il a déjà apporté son aide. Pas assez ? Il faut davantage ! Eh bien c'est ce qu'on va tenter de faire, c'est ce qu'on a déjà commencé de faire car vis-à-vis de je ne sais combien de travailleurs, mais enfin ils sont plus de mille, onze cents je crois. Quatre cents emplois sauvés, ce n'est pas assez, il faut penser qu'entre quatre cents et onze cents, la collectivité nationale par sa solidarité doit pouvoir compenser un certain nombre des défaillances dont j'ai dit qu'elle n'en avait pas l'obligation et que simplement elle devait considérer l'intérêt de la région, des travailleurs et par là même de notre industrie. On ne comprendrait rien à l'effort du gouvernement si l'on oubliait ce terme essentiel de la modernisation pour recréer l'emploi, le plein emploi.\
L'emploi il est perdu, parce que trop nombreuses sont les entreprises qui ne sont plus dans la course. Est-ce que vous croyez que cela fait trois ans qu'elles ne sont pas dans la course ? Est-ce que vous croyez qu'il n'aurait pas fallu depuis vingt ans préparer le terreau industriel de la fin de ce siècle ? Vous croyez que cela se fait en quatre jours, en six mois, en trois ans et demi ? C'est une oeuvre de longue haleine et c'est parce qu'elle est de longue haleine que depuis le début nous nous y sommes attaqués en sachant fort bien que tombaient ici et là des pans immenses de notre industrie.
- Vous connaissez ici le drame des vallées des Vosges. Vous avez la déperdition du textile. Le textile cela a une réalité en Alsace. C'est une affaire, c'est une histoire qu'on connaît sur le bout du doigt. Mais dites-moi pourquoi le textile en 1981 était-il sur la liste rouge des secteurs industriels perdus pour la France. Pourquoi ? Pourquoi a-t-il fallu un plan de M. Pierre Dreyfus, ancien président de Renault et ministre à l'époque, et qui a sauvé ce qui pouvait l'être, et qui fait qu'aujourd'hui nous avons encore une puissante industrie textile ? Mais la condition était bien entendu, d'accélérer le mouvement vers la compétition internationale, et là vous souffrez des retombées de cette situation générale du textile en France. Comme on souffre ailleurs de la destruction de la sidérurgie par manque de rapidité dans l'adaptation des moyens technologiques. Par manque d'adaptation, comme ailleurs on a vu disparaître l'industrie du bois alors que nous avons la plus grande forêt d'Europe. Comme ailleurs on a vu disparaître l'industrie du cuir, alors que trop timidement on s'est dirigé vers la reconstruction du secteur de la machine outil nécessaire si on ne veut pas acheter à l'étranger toute machine à forte valeur ajoutée.\
C'est d'ailleurs ce qui me ramène à la société en question `Société alsacienne de constructions mécaniques`, que je prends un peu ici comme symbole car je ne peux pas m'attarder sur chaque point aussi longtemps que je souhaiterais, mais que précisément il y a une nouvelle machine - je vais aller la voir - qui pourrait assurer, me dit-on, je n'ai pas de compétences particulières pour en juger, assurer la relève et donc le sursaut, donc le retour à l'emploi. Ce n'est pas en soutenant "artificiellement", retenez bien cet adverbe, artificiellement, les industries qui ne sont plus dans la compétition internationale. Et je ne fermerai pas les frontières : il faut qu'elles restent ouvertes, il faut que les Français soient capables de gagner cette bataille-là. Ils en ont bien gagné d'autres, à Mulhouse, on vient de le célébrer ce matin. Il faut qu'ils soient capables de gagner cette bataille-là. Nul ne pourra le faire à leur place. Quand j'entends la somme de doléances et parfois de gémissements qui m'entourent, je dis : eh bien regardez-vous ! Qu'avez-vous vous-mêmes ? Comment agissez-vous ? Qu'avez-vous apporté à l'édifice national ? Qui donc baisse les bras ? Et moi je vous dis : ce ne sont pas les travailleurs de France. Ils ne demandent que cela. Du travail et de la réussite. Il s'agit donc d'une défaillance de ceux qui, responsables, de la marche générale de cette économie, l'ont laissée tomber, ou bien ont vendu à l'étranger, bout par bout, certaines de nos industries les plus nécessaires. Voilà la vérité et j'attends qu'on la démente. Et ce ne sont pas à travers les voyages, celui-ci et les autres ce ne sont pas les contradictions simplement passionnelles, politiques ou partisanes qui m'arrêteront sur la route où je me suis engagé. Qu'on le sache aussi.\
Il y a toute une série de problèmes. Il y a le problème, on en a parlé de la filature, vous m'avez parlé des aides, cela se relie aux problèmes économiques et industriels. Vous savez que la carte des aides a déjà été révisée en 1982, mais vous savez aussi que la décision dépend de Bruxelles. C'est l'Europe qui décide des aides. Ce que vous êtes en droit de nous demander, c'est qu'on soit de bons avocats, dans le -cadre d'une construction européenne à laquelle je suis profondément et passionnément attaché. Ces dérogations sont possibles. Il faut les demander, elles le sont déjà. Il faut convaincre Bruxelles et je ne veux vous faire aucune promesse, avouez que ce n'est pas le jour. Mais moi personnellement, je me battrai pour que l'Europe comprenne mieux l'intérêt de l'Alsace.\
Pour les pôles de recherche, il y a déjà un pôle à Strasbourg. Il y aura un pôle à Mulhouse. J'ajoute qu'on m'a beaucoup parlé de ce qui ne se faisait pas, de ce qui ne se ferait pas, de ce que l'on espère sans trop y croire, et l'on oublie de me dire ce qui a été fait ! Et pas mal de choses, j'en ai la liste ici, je vous l'épargnerai, ont été faites en Alsace en 3 ans et demi. Ce n'est pas par hasard qu'en 1984, 40 % des crédits du Centre national de la recherche scientifique, 40 % du total ont été consacrés à l'Alsace et si dans le budget 85, cela passe à 50 %, 50 % du total, pour cette seule région composée de deux départements ! C'est donc qu'on n'a pas abandonné la destination ou le message scientifique de l'Alsace. Il serait un peu excessif ou même malhonnête de le prétendre. Et s'il y a progrès pour l'université, ici à Mulhouse, à qui est-ce dû ? A vous, en-particulier et à la contribution des Alsaciens. Là, je vous ai rendu justice, faites-en autant. Grâce aussi, je dirai même pour l'élan, grâce surtout à la décision de l'Etat et cela est en marche, et cela se fait. Je veux dire que lorsque je parle après vous du pôle de recherche, du pôle scientifique, ici, à Mulhouse, cela en ferait donc deux pour l'Alsace, c'est déjà commencé et si vous aviez besoin du sacre des paroles ou du verbe pour vous en assurer publiquement, c'est fait.
- Vous m'avez parlé du bassin potassique - j'y vais d'ailleurs -, vous voyez mon itinéraire est bien fait. Je vais partout où l'on ne veut pas, et je vais partout où on a des choses plutôt fâcheuses à me dire. Je n'ai pas cherché les compliments. Et pourtant il est des endroits où le compliment existe, figurez-vous, monsieur le maire. Je ne sais pas d'ailleurs si je devrais me rendre à Toulouse, parce qu'à Toulouse, on me dirait "parce que vous avez accepté le synchrotron, vous n'aurez pas, nous n'aurons pas la soufflerie cryogénique". Parce que la France a le synchrotron, l'Allemagne l'a ramassée ... et c'était promis pour Toulouse ! Vous voyez qu'on peut aller un peu partout et rencontrer des difficultés liées, les choses ne sont pas indifférentes. Je dois dire qu'à Toulouse on m'a reçu. Peut-être ce que l'on pourrait appeler le terreau politique n'était-il pas identique ...\
Quant à la potasse, monsieur le maire, vous et moi nous sommes dans une dialectique compliquée. Vous me dites : "vous n'avez pas tenu votre engagement" - "Vous, l'Etat, et non pas le gouvernement ... vous êtes bien obligé de généraliser car c'est moi qui suis visé en la circonstance. Vous n'avez pas tenu votre engagement par -rapport au synchrotron, c'est honteux". Vous avez même parlé de déshonneur, ce qui m'a choqué, de ce point de vue, pas de leçon à recevoir. Mais, malgré tout, un mot qui a peut-être dépassé le sens de l'expression, - enfin manquer d'honneur, cela ressemble à déshonneur - mais en conclusion, ce qui a été dit compensait sur le -plan de la courtoisie et du sens patriotique, ce n'est pas bien grave. Tout découle de l'intention qu'on a, naturellement.
- Eh bien, en même temps vous me dites : "vous ne manqueriez pas à l'honneur, si vous ne respectiez pas l'accord international sur la potasse". Et moi, je suis obligé de vous dire, aussi logique que vous : "Il parait qu'un engagement n'a pas été tenu sur le synchrotron et il faut tenir à tout prix l'engagement européen sur la potasse". Qui a raison et qui a tort ? Je crois qu'on dirait plutôt il vaudrait mieux tenir les engagements les deux fois. Oui, mais attention à ne pas trop vous engager, monsieur le maire, sur le deuxième. Vous m'avez approuvé en hochant de la tête, mais approuvez-moi donc en disant qu'il est important d'appliquer l'accord de Bonn sur l'injection `de sel` dans le sol alsacien. Non, vous ne l'avez pas fait et je ne vous le demande pas. Vous, M. Klifa, une fois de plus vous cultivez la rareté, et c'est très honorable, vous allez bien voir ce que l'on va me dire pour la suite de mon voyage à ce sujet, mais je m'en doute.
- C'est vrai, il y a eu un engagement signé par un des gouvernements d'avant 1981. Ah, c'est merveilleux cet engagement que l'on prend parce que l'on est à Bonn, en se disant "quand je reviendrai en rasant les murs en Alsace, bien entendu, on ne le tiendra plus". Et à-partir de là, on oublie de soumettre au parlement l'accord qui engage la parole de la France à l'étranger. Moi, j'ai tenu cette parole, cela ne fait pas plaisir à tout le monde, et cela pose des questions. Je m'en suis posées à moi-même et je reste sensible aux objections écologiques et à celles d'une partie de la population d'Alsace qui a bien le droit de s'inquiéter. C'est d'ailleurs pourquoi l'ensemble de ces mesures ne sont pas entrées dans les faits. Parce qu'encore on est en -train de discuter, pour savoir si l'on pourrait mieux faire ou bien faire autrement. Mais c'est un accord qui a été signé, c'est un traité international. Nous avons même reçu de l'argent pour l'application de cet accord. On a touché l'argent, mais on n'a pas appliqué l'accord. C'est une situation un peu délicate pour un grand pays comme le nôtre. J'ai remis les choses à l'heure. Me le reprochera-t-on ?\
Vous avez parlé des inquiétudes ou des rumeurs. Il ne faut pas trop se fier aux rumeurs autrement je n'arriverais pas à dormir de la nuit, et je dors bien, même si le reste de la journée j'ai quelques soucis et beaucoup de travail. Les rumeurs ! Je ne sais pas d'où viennent les rumeurs, sur la section du grand canal Niffer - Mulhouse. 75 millions de francs du Fonds spécial des grands travaux ont été attribués. C'est dire à quel point l'effort de l'Etat est important. Cela n'est pas menacé. Peut-être y a-t-il eu des menaces ? Alors cela, je l'ignore et si vous me l'avez dit, c'est sûrement vrai. Mais alors, mettons un terme à la rumeur, tel n'est pas le cas. Il n'y a pas de crainte à avoir sur cette section, étant entendu qu'il reste à compléter le financement du tout, qui représente selon la formule retenue, des grands travaux. Il faut des financements complémentaires au-delà des 75 millions pour ce qui reste à faire, mais les 75 millions, on les a, vous les gardez.
- J'ajoute qu'il faudrait savoir aussi s'interroger pour savoir qui les a donnés. J'ai remarqué qu'on était très prolixe chaque fois qu'il s'agit de savoir qui ne donnait pas, mais que chaque fois qu'on reçoit, on oublie de savoir d'où cela vient.\
L'aéroport : pas de question. L'aéroport sera soutenu, c'est un des grands aéroports de France. Vous savez qu'il m'est arrivé assez souvent d'en user. Et j'avais le plaisir de me trouver à Mulhouse, Président de la République, mais pas dans une visite aussi officielle que celle-ci, il n'y a pas si longtemps. J'ai souvent connu votre ville et je sais de quelle façon elle peut se développer et je suis triste comme vous, lorsque je vois la déperdition qui s'opère, d'autant plus sensible que partie d'une région forte et riche, elle a à grands pas malheureusement, rattrapé les autres. Et de ce fait la progression du chômage apparait plus cruellement qu'ailleurs, puisqu'on tombe de plus haut. Bon alors il faut donc s'y mettre pour mettre à la disposition de Mulhouse et de sa région les équipements et les structures qui leur sont nécessaires.
- J'ai noté, mais vous ne m'en avez pas parlé, je vous remercie de votre discrétion, de la zone franche. Vous me l'avez dit ? Alors je vous prie de m'excuser. Vous savez, vous m'avez parlé, c'était peut-être difficile, je ne rêvais pas pendant que vous parliez, mais vous savez, tout retenir, comme cela, rapidemment ! Je n'ai pas une mauvaise mémoire, mais il ne faut pas non plus trop en demander. Donc vous en aviez parlé, j'en prends acte et je vous prie de m'excuser. Alors puisque vous m'en avez parlé, soyez satisfait, pour la zone franche, la décision est prise. Et, comme vous le dites, zone franche à domicile, on sait ce que cela veut dire, je crois à Mulhouse. Non seulement c'est une zone franche, mais à domicile, c'est-à-dire c'est chez les gens que l'on pourra faire, comment dirais-je, les opérations commerciales et en même temps faire que ces opérations soient régulières. Donc pas de question pour cela non plus.\
Pour l'aide au logement, c'est un dossier que je n'ai pas à trancher comme cela. Partout où je vais on me le demande et je vais dans beaucoup de villes de France. Je ne peux pas dire à tout le monde, vous allez en avoir, puisque cela se situe à l'intérieur de crédits qui restent les mêmes. Enfin, chaque cas mérite d'être étudié et j'en saisirai le Premier ministre et donc le ministre du logement et de l'urbanisme.
- Même chose pour l'hôpital de Mulhouse.
- Même chose pour le commissariat ou la police d'Etat à Mulhouse. Il y a là indiscutablement un partage national fort difficile pour le ministre de l'intérieur dès lors que les crédits ne sont pas augmentés ou peu. Il n'empêche que les gouvernements qui se sont succédés depuis trois ans ont été ceux qui ont réalisé le plus grand recrutement de police et de gendarmerie depuis combien de temps ? Sans doute, depuis la Libération. Il y a donc là quelque chose à noter qui mériterait de l'être.
- La Faculté des Lettres, j'en ai parlé. l'Institut de recherche polytechnique, c'est commencé, le pôle des productifs aussi, le Centre de formation du textile, pour tout cela vous pouvez être assurés du soutien de la puissance publique. Et pour que les choses suivent, je vous propose, après avoir consulté le chef du gouvernement que soit créée, comme il en existe très peu, en France, une mission interministérielle pour la modernisation industrielle et technologique de l'Alsace. Ce qui vous permettra d'avoir à la portée de la main une institution spécialisée, qui je l'espère, rendra quelques services.
- Monsieur le maire, mesdames et messieurs, je commence avec vous mon voyage en Alsace. Mais savez-vous que ce voyage va être très occupé, quoiqu'il paraisse, et de ce fait il ne faut pas que je prenne trop de retard, sans quoi, je ne verrai même pas ceux qui m'attendent. Ce serait le comble du paradoxe. Je vais donc devoir vous quitter en vous remerciant de votre attention. Je vous ai parlé aussi franchement que vous l'aviez fait, monsieur le maire. Ce n'était pas brutal, c'est le terme que vous avez employé pour vous-même et vous l'avez dit, je crois, par courtoisie, je vous parle franchement et amicalement. J'ai parlé de la France et de la République, de l'Alsace et de Mulhouse. Mon propos sera vite rassemblé en quelques formules qui ne sont pas de pure circonstance, mais qui répondent à ma pensée profonde. Oui, monsieur le maire, mesdames et messieurs,
- Vive Mulhouse,
- Vive l'Alsace,
- Vive la République,
- Vive la France.\