3 octobre 1984 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du dîner en l'honneur de Son Excellence M. le Président de la République gabonaise et de Mme Omar Bongo, Paris, Palais de l'Élysée, mercredi 3 octobre 1984.

Monsieur le président,
- Madame,
- Mesdames et messieurs,
- Nous recevons ce soir et nous nous en réjouissons, le chef de l'Etat d'un pays, président d'un peuple qui sont de vrais amis de la France.
- Je me réjouis particulièrement de pouvoir aujourd'hui, demain, après-demain engager, poursuivre, approfondir de multiples échanges qui se situeront dans une tradition qui n'a pas connu de rupture, celle qui veut que, depuis toujours allais-je dire, le peuple gabonais et le peuple français ont vécu et vivent en harmonie, mais cela n'est pas le seul -fruit du hasard, cela est dû aussi à la qualité et aux décisions de ceux et de celui qui assurent les affaires publiques et le gouvernement du Gabon.
- Soyez donc reçus comme vous l'êtes, vous madame, vous monsieur le président, comme les amis de mon pays à quoi j'ajoute que les relations personnelles engagées depuis longtemps entre nous donnent à cette réception un caractère privilégié.
- Oui, je souhaitais marquer le caractère des relations qui existent entre les peuples et les chefs d'Etats dans le monde si difficile qui nous est proposé, face aux problèmes qui se lèvent chaque jour, aux rivalités, aux compétitions, les ambitions concurrentes, toutes ces forces centrifuges qui tendent à séparer les uns des autres.
- Voilà qu'en Afrique, il existe un Etat et le responsable de cet Etat, qui ont le sens de la continuité, qui recherchent les voies de l'unité et particulièrement avec le pays plus lointain par la distrance géographique et si proche par le coeur, les sentiments, l'histoire. Ainsi, avons-nous en toute circonstance donné à cet accord un contenu nouveau. Nous allons en parler.\
Dans ce continent africain, où les aspirations ou progrès dans tous les sens, particulièrement économiques sont contrecarrés par la crise, l'incohérence des fluctuations des monnaies, des cours des matières premières autant que par les différends et les conflits armés, vous continuez monsieur le président avec succès à faire prévaloir le dialogue et la concertation, à faire jouer les solidarités régionales tout en développant vos relations avec le reste du monde. Cela est sans doute le _fruit de l'expérience puisque depuis 17 ans vous assumez les responsabalités du pouvoir mais c'est aussi je le pense, le résultat d'une heureuse conjonction d'expérience, la sensibilité, la sagesse.
- Votre pays est en paix avec ses voisins, il est stable, il est prospère, enfin autant qu'il est possible dans les remous que je viens de décrire. Il tire intelligemment parti de ses ressources naturelles. Vous avez créé les bases du développement, préparé l'avenir par une politique d'investissement solide, imaginative qui modernise le pays, qui l'engage déjà dans l'après-pétrole et j'en veux seulement pour pour preuve le premier tronçon du Transgabonais que j'inaugurais récemment avec vous à la gare de Boué. Gigantesque ouvrage qui témoigne symboliquement en traversant la grande forêt équatoriale de votre volonté d'unir les hommes dans le Gabon, d'ouvrir le Gabon sur les autres. Ce rôle et ce rayonnement croissants en Afrique mais aussi sur la scène internationale tiennent à beaucoup d'éléments mais ce dynamisme insufflé à une politique, animé par une conviction profonde de l'ouverture dont je parlais, ce sont, je crois, les clefs de ce succès. Vous entendez monsieur le président fortifier les liens inter-africains que ce soit au sein de l'union douanière des Etats d'Afrique centrale ou de la Banque des cinq Etats d'Afrique centrale dans le -cadre de la zone franc qui par ses avantages et son fonctionnement régulier constitue aujourd'hui un pôle de stabilisation pour nombre de pays africains. Cette solidarité nationale vous avez voulu la renforçer en l'élargissant à d'autres pays qu'il s'agisse de l'entrée de la Guinée équatoriale dans la zone franc que vous avez largement plaidée, encouragée, ou de la mise sur pied à votre initiative de la Communauté économique des Etats d'Afrique centrale créée à Libreville en octobre 1983 et qui rassemble aujourd'hui 11 Etats car vous êtes comme nous persuadés que les investissements, les solidarités ne sauraient se limiter au seul domaine économique. Nous sommes donc également à vos côtés lorsqu'il s'agit sur le -plan culturel de favoriser la création du Centre international d'études des civilisations Bantoues car il n'est pas de politique qui ne doive faire appel pour durer et inspirer les hommes à la mise en valeur des richesses et des spécificités culturelles. Vous en possédez particulièrement de vivantes, tirées de vos traditions ancestrales et constamment renouvelées par l'approche des arts venus du reste du monde et au sein de l'Organisation de l'unité africaine `OUA` vers laquelle se portent nos voeux, dont nous souhaitons qu'elle sache résister aux commotions et aux difficultés qui comme toute -entreprise humaine l'assaillent. Et puis, quelle ambition de pouvoir réunir au sein d'un même organisme, dans une institution tous les pays d'un continent. Nous savons le rôle que vous y jouez de telle sorte que dans bien des cas, dans de très nombreux cas, lorsqu'il s'agit de rechercher arbitrage ou conseil, on se tourne vers vous.\
S'agissant de nos relations bilatérales et sans revenir sur le contenu de nos premiers entretiens ni anticiper sur ceux qui nous réunirons ainsi que nos deux délégations, je veux souligner le caractère exemplaire de cette coopération. Qu'il me soit permis de citer simplement quelques grands domaines où, d'une volonté commune, nous entendons poursuivre et développer l'agriculture, forêts, ressources énergétiques, pétrole et nucléaire, richesses minières, fer et manganèse, transports ferroviaires, aériens, culture, communication et la liste serait si longue que je vais l'arrêter. Mais c'est dire à quel point deux pays ont saisi pleinement tous les appels qui viennent d'une façon tout à fait contemporaine solliciter notre attention. Diversité, qualité, je crois qu'on peut en porter témoignage, nos liens sont solides, ils doivent dominer toutes discussions indispensables, nécessaires entre deux Etats souverains, dialogue, volonté cela est notre vie quotidienne, votre voyage en fournit un témoignage nouveau.
- Voilà pour moi l'essentiel. C'est toute une histoire dont nous sommes comptables, nous en avons assuré la pérennité, nous la laisserons intacte quant il le faudra à d'autres, nous aurons servi nos pays mais en servant nos pays trait d'union entre deux continents, la France membre de la Communauté européenne `CEE`, vous-mêmes membres des vastes organisations dont on vient de parler voilà qu'au-delà de nos propres dimensions, avec le génie particulier de nos peuples, nous retrouvons la dimension mondiale propre au génie de nos peuples.
- Comme je vous le disais monsieur le président à Libreville en janvier 1983, je veux porter publiquement témoignage de notre communauté de destin. J'ai pu chez vous auprès de votre famille passer des heures dont le souvenir m'est resté très vivant. J'ai connu la valeur de l'hospitalité telle que vous savez la dispenser à vos amis mais j'aimerais qu'en France vous puissiez éprouver de la même façon par notre accueil, qui sera différent, assurément, qui sera conforme à notre propre tempérament, mais qui viendra aussi du coeur. J'aimerais que madame et vous-même monsieur le président vous sentiez ici que la France vous accueille de grand coeur.
- Je n'ajouterai rien pour ce soir. Nous aurons l'occasion demain et après-demain d'évoquer l'ensemble des problèmes qui touchent à la vie du monde mais dès ce soir j'aurai dit beaucoup lorsque j'aurai exprimé le voeu que je forme pour vos personnes, pour vos familles, le voeu que je forme pour le peuple gabonais. Cela est une expression très simple et très constante, j'y attache une grande valeur, Vive le Gabon, et Vive la France.\