9 juin 1984 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du sommet des pays industrialisés, Londres, samedi 9 juin 1984 sur l'aide aux Pays en voie de développement, la situation dans le Golfe persique, les relations Est-Ouest.

LE PRESIDENT.- Mme le Premier ministre de Grande-Bretagne, qui recevait la conférence économique, a fait une déclaration dont vous avez sans doute connaissance, et je viens compléter, s'il le faut, votre information, en m'adressant surtout à la presse française. Il ne m'appartient pas de débattre de toute chose £ les explications, c'est à la puissance invitante de les donner. Cependant il y a bien des aspects qui intéressent spécialement la presse de France, et je suis à sa disposition pour y répondre.
- QUESTION.- (...) On a l'impression que ce sommet a peut-être été moins spectaculaire que les précédents mais qu'un début de solution a été apporté à certains problèmes notamment à ceux posés par la France, en ce qui concerne notamment les dettes des pays en voie de développement. Est-ce votre opinion, et est-ce que d'une façon générale, vous êtes satisfait des conclusions de ce sommet ?
- LE PRESIDENT.- C'est tout à fait mon opinion : moins spectaculaire, et c'est ce que je demandais. Je n'étais pas le seul, mais je pensais que peu à peu ces réunions dites "au sommet" s'étaient exagérément extériorisées. Donc, on a bien travaillé : certaines des thèses de la France ont fait des très réels progrès £ il en reste à faire, mais ce grand débat politique est situé maintenant sur une route qui s'élargit et qui va dans la bonne direction.\
QUESTION.- Est-ce que, en ce qui concerne notamment les aides que l'on prévoit pour les pays en voie de développement, c'est-à-dire un rapprochement du FMI et de la Banque mondiale, l'ouverture de nouveaux droits de tirage spéciaux, on n'a pas parlé des taux américains ? En ce qui concerne les deux premiers points, est-ce qu'il vous semble véritablement que l'on va, comme vous venez de le dire, dans la bonne direction ?
- LE PRESIDENT.- Oui, on a beaucoup parlé des taux d'intérêt, trop élevés, de l'argent. On n'a pas montré du doigt les Etats-Unis d'Amérique, ce n'était pas notre rôle, mais quand on parle de taux d'intérêt élevés de l'argent, comment ne pas penser à la monnaie principale ? Quand vous aurez en main la déclaration, vous verrez que l'on revient à plusieurs reprises sur cette nécessité de les voir baisser.
- Il a été enregistré que les aides nationales et multilatérales, les aides publiques aux pays en voie de développement devaient s'accroître. Il y a aussi, comme vous le savez, pour ceux surtout d'entre vous qui ont suivi - j'en vois beaucoup ici - de près l'affaire des DTS, des nouveaux droits de tirages spéciaux, le fait d'admettre que l'on va s'appliquer à la création de nouveaux droits de tirages spéciaux. Quand on arrive à décrypter ce langage, on voit en effet que, par rapport aux années précédentes, c'est une très nette avancée. De son côté, la Banque mondiale peut désormais se préoccuper du long terme pour les pays endettés, c'est une extension de sa charge qui va, une fois de plus, dans le sens souhaité.
- Vous savez aussi qu'il y aura une réunion du comité intérimaire du Fonds Monétaire International à Paris - en tout cas, je l'ai invité à Paris pour le printemps 1985 - et on y parlera de la réforme monétaire internationale, cela parait-être l'instance la mieux désignée, la plus qualifiée. Cela correspond en tous cas à la demande de plusieurs pays, dont le mien, parce que le comité intérimaire rassemble non seulement les pays industrialisés mais aussi un certain nombre de pays particulièrement représentatifs du monde en développement.
- Vous savez qu'a été retenu un programme spécial d'action pour l'Afrique, et c'est la Banque mondiale qui est chargée de la mise en oeuvre.
- Enfin, il est quand même important de parler de la future conférence du GATT dont la date n'a pas été fixée : nous étions quelques-uns à y tenir, d'abord parce que nous considérions qu'il fallait réaliser les discussions engagées en 1982 pour faire au moins la preuve que ce qui était déjà décidé sera appliqué avant de passer à la suite, et ensuite et surtout parce que nous pensions qu'il n'appartenait pas à cette conférence au sommet de décider d'inviter pour tous, car le GATT, c'est beaucoup d'autres pays. Ceci a été consenti, vous savez que certains pays tenaient à précipiter les choses et avaient déjà pratiquement fixé une date, cela n'a pas été retenu. Voilà pour l'essentiel.\
QUESTION.- Est-ce que les deux déclarations sur les valeurs démocratiques et sur les relations Est-Ouest vous aident pour votre prochain voyage à Moscou ? Autrement dit, est-ce qu'il y a convergence entre votre propre démarche et la démarche des pays qui étaient rassemblées aujourd'hui ?
- LE PRESIDENT.- Au début de votre question "est-ce que cela vous aide", j'allais vous dire : ce n'est pas le sujet, ce n'est pas fait pour cela £ mais en écoutant la suite de votre question, je dis oui, c'est convergent, indéniablement. Quand vous aurez le temps d'analyser ces textes, vous le constaterez, puisque la note principale, c'est celle du dialogue, la nécessité du dialogue, et cette notion sur lesquelles la résolution insiste plusieurs fois, qui me parait très intéressante, le fait qu'il s'agit bien d'une sécurité mutuelle, que cela doit intéresser l'Est autant que l'Ouest. Donc, comme tel est mon état d'esprit, en allant en Union soviétique, je ne peux que m'estimer, comment dirais-je, en capacité d'exprimer une disposition d'esprit commune.
- QUESTION.- M. le Président, est-ce que, au-delà de l'économie, à un moment ou à un autre, vous avez eu la sensation ici qu'on cherchait à vous enfermer dans des textes un peu trop politiquement contraignants, surtout avant ce voyage en Union soviétique ?
- LE PRESIDENT.- Je ne pense pas qu'on ait cherché à m'enfermer. Ce qui est certain, c'est que je m'en serais aperçu et que je suis très libre de mon action. J'ai souscrit aux textes qui ont été adoptés à la suite d'une longue discussion, et je me sens tout à fait en accord avec leur tonalité et leur contenu. Je me sens, comment dirais-je, riche d'une très grande liberté, conforme évidemment à la fois à mes convictions, à l'intérêt de mon pays, à l'intérêt de ses alliés. Il n'y a donc pas contradiction.
- QUESTION.- Monsieur le Président, je voudrais maintenant poursuivre sur la question du voyage à Moscou. Vous ne nous avez pas encore dit pourquoi vous avez choisi cette date et, apparemment, vous teniez à cette date ?
- LE PRESIDENT.- C'est une date qui avait été délibérée par les deux parties il y a déjà longtemps. Les Soviétiques nous avaient fait savoir que leur usage impliquait qu'aucune date ne pouvait être publiée plus d'un mois avant celle du voyage, étant entendu que l'on pouvait l'annoncer dans un délai plus court, ce qui s'est produit.
- Mais la date qui avait été retenue, il y a je ne sais pas combien de temps, trois mois peut-être - je ne vous dis pas cela en termes rigoureux - était bien celle-là : 20, 23 juin. Je n'y tenais pas spécialement, il fallait choisir une date .. C'était assez difficile à choisir pour ce qui me concernait, parce que le mois de juin, comme vous pouvez le constater, est un moi assez occupé. Après cela, c'était juillet-août : ce ne sont pas des mois où l'on aime tellement voyager pour des conférences internationales et, ensuite, cela reportait à septembre-octobre. L'invitation était déjà ancienne, puisqu'elle datait de l'époque de M. Andropov. Alors, la question que vous posez, vous auriez pu la poser pour toute autre date. C'est, en effet, du 20 au soir - disons du 21 - au 23 qu'aura lieu ce voyage. Je n'y tenais pas spécialement, mais c'est comme cela que nous nous étions entendu. Cela aurait pu être une semaine plus tard, une semaine plus tôt, un mois plus tard, un mois plus tôt £ c'est comme ça. Cela n'a pas une signification politique aussi profonde que vous voulez bien, d'ailleurs très obligeamment, me prêter.\
QUESTION.- Monsieur le Président, les passages du communiqué concernant l'endettement sont assez généraux. Croyez-vous qu'ils sont de nature à rassurer suffisamment les pays en voie de développement qui ont adressé aux dirigeants présents à ce sommet des messages pressants, et pensez-vous qu'ils sont de nature à calmer le jeu - si je peux dire - en Amérique latine et dans les autres zones du monde touchées par la dette ?
- LE PRESIDENT.- Je ne pense pas que ces textes répondent autant qu'il le faudrait à l'attente des pays endettés. Je pense que, entre ce qui a été décidé ce matin et ce qui existait avant, le progrès est assez sensible pour que ces pays trouvent un relais dans leur impatience.
- Il faut bien se rendre compte que la discussion n'était pas une discussion théorique quand elle portait, comme vous le savez, sur la question de savoir s'il s'agit d'une aide au coup par coup ou d'une aide globale ? Le problème ne se pose pas comme cela. Le problème se présente et on ne peut le régler que coup par coup, cas par cas. Mais c'est là que la discussion devient plus serrée. La position française, pas simplement la position française, bien entendu, est que ces cas par cas doivent être compris comme relevant d'une analyse commune. Il y a des causes communes dont l'examen peut être différencié. Finalement, quatre ou cinq principes se sont dégagés qui nous permettent de considérer que ces causes sont bien soutenues, notamment les taux d'intérêt trop élevés, et le "cas par cas" est, désormais, éclairé par cette vue prospective.
- Mais, je n'ai aucune peine à vous dire que je souhaiterais qu'on aille plus loin sur les thèmes que j'ai évoqués, qui sont connus de vous, et les propositions tout à fait précises et concrètes que j'ai faites - plusieurs sont incluses dans la résolution, d'autres ne le sont pas d'une façon précise. Je continuerai mon action dans ce sens.\
QUESTION.- A propos de la reprise économique aux Etats-Unis, vous aviez exprimé vos inquiétudes. Est-ce que vous estimez que le communiqué final reprend ces inquiétudes et va dans le sens de vos premières déclarations ?
- LE PRESIDENT.- Quelles inquiétudes ?
- QUESTION.- Vous aviez notamment précisé que la reprise américaine était trop tirée par la consommation et pas assez par les investissements, et qu'elle pouvait être fragile. Est-ce que vous estimez que ...
- LE PRESIDENT.- Je l'ai peut-être pensé, mais je ne me souviens pas de l'avoir écrit. Enfin, vous avez un don de divination (...) Je pense que cette reprise court le risque d'être fragile si des événements extérieurs devaient intervenir qui ne seraient maîtrisés. Mais mes voeux sont pour que cette reprise soit solide, c'est tout ce que je puis vous dire. Il y a tous les jours des événements graves qui se passent sur la surface de la terre, quand ce ne seraient que les événements du Golfe persique et quelques autres. Les positions prises, par exemple, à propos du Golfe persique afin d'assurer tous les pays consommateurs que, quoi qu'il advienne une stratégie sera élaborée qui permettra de tenir suffisamment longtemps pour ne pas être étranglés par les gênes intervenant sur le Golfe, c'est déjà quelque chose qui va tout à fait dans le sens des chances de la reprise. En sens contraire, c'eût été un risque. Je vous donne cet exemple.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que la conversation que vous avez eue ce matin avec Mme Thatcher laisse bien augurer des résultats du sommet de Fontainebleau ?
- LE PRESIDENT.- Tout dépend de quel sujet on parle, parce que la dernière conférence `Conseil européen` de Bruxelles a été quelque fois jugée sévèrement, pas tellement par les journalistes qui participaient au sommet et qui ont bien voulu assister à ma conférence de presse. Ils ont bien vu qu'il y avait un large éventail d'accords sur beaucoup de questions tenues en l'état par la question principale de la contribution britannique. A l'époque de Bruxelles, d'ailleurs, se posait aussi le problème du lait irlandais qui a été réglé dans les jours qui ont suivi.
- Aujourd'hui, on peut estimer que l'ensemble de ces contentieux est réglé. Il en est resté un - principal - le même, celui de la contritubion britannique, et ce problème pendant continue de tenir en l'état deux questions sur lesquelles l'accord a été fait, sur lesquelles on s'est prononcé favorablement à Bruxelles : l'augmentation des ressources propres et, par voie de conséquence, l'élargissement. Mais ces deux questions dépendent naturellement de la discipline budgétaire et celle-ci a besoin d'être encore ajustée au gré de la restitution sur la contribution britannique. Donc, il reste ces trois questions. Les deux dernières, je le répète, non pas dans leur principe, mais dans leur pratique puisqu'il faut le vote de 10 sur 10 pour l'obtenir.
- Voilà le lot des contentieux dont j'avais dit qu'ils étaient au nombre de seize, je crois. Mais il y a bien d'autres choses : je voudrais que l'on débouche enfin sur certaines perspectives politiques, sur une union plus ferme, plus resserrée de la Communauté européenne. J'avais considéré mon rôle comme ayant pour objet, dans la première phase, de régler les contentieux : il reste ceux que je viens de dire, un seul reste à discuter, les autres restent à ajuster £ et, dans la seconde phase de ces six mois - c'est assez court six mois - de déboucher, si l'on parvenait à réduire ces contentieux, de déboucher sur des vues politiques dans le vrai sens du terme. C'est ce qui va se produire, en tout cas sur le plan de la proposition. Je ne peux pas préjuger de ce que mes partenaires décideront, mais il y a de la bonne volonté, et certains d'entre eux ont une très ferme volonté, celle de savoir si, décidément, la Communauté est décidée à se doter d'institutions, de procédures et d'usages qui lui permettront de régler plus rapidement ses problèmes et d'élargir ses compétences. Vous connaîtrez dans une dizaine de jours les propositions de la France.\
QUESTION.- Monsieur le Président, dans le texte sur le terrorisme, il est dit qu'il y a des propositions qui ont rencontré du soutien, ce qui semble impliquer que ce n'était pas un soutien général et, parmi celles-ci, figure une coopération plus étroite des services de police. Est-ce qu'il y a là-dessus une position française et pouvez-vous nous dire laquelle ?
- LE PRESIDENT.- Je ne vois pas très bien à quoi vous faites allusion. J'ai suivi cette discussion personnellement de très près. Est-ce une erreur de frappe ? Mais il n'y a pas de divergence entre les délégations sur ce point. On me met le texte sous les yeux, c'est au paragraphe six : "qui ont rencontré du soutien" est une mauvaise traduction de l'anglais, ce n'est pas du français très élégant. Disons...
- QUESTION.- L'anglais dit la même chose (...)
- LE PRESIDENT.- (...) Il ne dit pas la même chose. Il exprime la même idée, mais autrement sans doute.
- LE PRESIDENT.- En tout cas, cela n'a pas été matière à débat politique. Pour certains éléments du contenu, cela a exigé quand même, d'abord, la discussion entre les responsables compétents et ensuite, pendant la réunion plénière, une bonne demi-heure, trois-quarts d'heure. Mais l'ajustement que vous avez sous les yeux n'implique pas, en raison de cette formule du début dont je ne comprends pas très bien le sens, qu'il y ait des différends dans l'interprétation à apporter de cette résolution.\
QUESTION (TF1).- A l'issue du sommet de Williamsburg, il y a tout juste un an, vous étiez un petit peu hésitant à venir au suivant. Alors, fort de l'expérience de celui-ci, peut-on vous demander si vous êtes enthousiaste pour aller l'année prochaine en Allemagne de l'Ouest ?
- LE PRESIDENT.- Mme Thatcher a bien voulu tenir compte des observations qui avaient été faites sur le danger d'une évolution, qui s'était produite depuis trois ou quatre ans, de ces sommets qui apparaissaient comme des combats entre antagonistes, alors qu'il s'agit de prises de contact, de débats entre partenaires alliés ou amis. Je pense que le sommet de Londres a en effet donné juste ce qu'il fallait, qui permet de penser qu'on est de nouveau sur la bonne voie. En ce qui concerne l'enthousiasme, je perçois bien que parfois certains rêveraient de voir les sommets devenir l'instance suprême de toute la politique mondiale. Cela ne rencontrerait pas mon approbation. Finalement, chacun y a mis beaucoup de bonne volonté, puisqu'on est arrivé à un accord sur toutes les résolutions, et dans des conditions qui n'ont pas du tout été celles des boxeurs sur le ring. Alors, j'irai donc avec grand intérêt à Bonn, enfin si c'est Bonn, en Allemagne fédérale, l'année prochaine.
- QUESTION (Libération).- La France insistait d'habitude sur le caractère à la fois très informel de ces sommets et sur leur dominante économique. Or, du côté informel, nous voilà aussi ce soir avec cinq déclarations, dont une de douze pages du côté économique, et quatre de ces cinq déclarations portent sur les sujets de politiques. Ma question est : est-ce que vous estimez qu'il y a un dérapage de l'institution des sommets ou une simple évolution ?
- LE PRESIDENT.- Il y a un risque de dérapage, mais quand même bien contenu, car la principale résolution c'est quand même la résolution économique, et je pense que je ferais bien la prochaine fois de vous envoyer à ma place, puisque vous parlez exactement comme moi, ce qui me ravit d'ailleurs. Au moment où l'accumulation des textes politiques, dont certains n'ont pas été retenus, sans quoi on en aurait eu trop, est arrivée là, j'avais devant moi un emblême de cette conférence sur lequel il est marqué "London Economic Summit", oui, sommet économique, alors il ne faut qu'il n'y ait de déviation excessive. On m'a fait observer, avec raison, qu'il y avait quelques problèmes immédiats qui exigeaient une réponse, j'en avais noté trois : terrorisme, Golfe persique, relations Est-Ouest, ça m'a paru de bon sens, j'ai accepté. Mais la dérive est un danger permanent de ce genre de sommet.\
QUESTION (TF1).- Vous nous avez dit tout à l'heure que la date du voyage à Moscou aurait pu très bien se situer il y a un mois ou dans un mois. Est-ce que c'est tout à fait un hasard que ce voyage survienne au lendemain de ce sommet où il est dit dans la déclaration qu'il est bon que chacun saisisse toutes les occasions utiles du dialogue avec Moscou. D'autre part, est-ce que vous seriez dans une disposition d'esprit différente à Moscou si vous y alliez plus tard, quand vous ne seriez plus Président du conseil de la Communauté européenne, et troisième question subsidiaire : est-ce que vous avez eu des assurances formelles de la part des autorités soviétiques sur l'état de santé de M. Sakharov ?
- LE PRESIDENT.- Pour la date, on peut débattre à l'infini. Est-ce qu'il y a une bonne date, est-ce une mauvaise date ? Je pense qu'il est bien que ce voyage se situe après le sommet £ il se situera également, mais cela n'a pas de relations directe, juste avant la rencontre de Fontainebleau, il se situera encore pendant ma présidence de la Communauté européenne. De ce point de vue, à cet égard, c'était la meilleure date.
- Par rapport à la situation de M. Sakharov, par rapport à la situation de toutes les personnes qui souffrent dans leur liberté, dans leur santé et qui sont l'objet de mesures discriminatoires, il n'y a pas de bonne date. Il y en avait et il y en aura, chacun le sait, mais mon effort, comme celui de bien d'autres, est de réduire autant qu'il est possible la marge d'incertitude et d'obtenir autant qu'il est possible que Helsinki entre enfin un peu dans les faits. Quand aux assurances formelles, je crois que c'est un terme qui paraîtrait excessif.\
QUESTION.- Avez-vous l'impression cette fois d'avoir été un peu plus entendu et compris lorsque vous dites au Président Reagan et à ses collaborateurs américains qu'il y a un lien entre le déficit américain trop élevé et les taux d'intérêt trop élevés ?
- LE PRESIDENT.- Oui, oui, c'est-à-dire que maintenant, comme je ne suis plus le seul à le dire, j'écoute plutôt les autres. C'est agréable de voir que le relais est assuré. Maintenant, c'est vrai, je suis d'une certaine façon plus à l'aise dans chacun de ces sommets. On s'habitue, je veux dire que l'on s'habitue à moi.
- QUESTION (Libération).- Dans l'exposé de la Présidence sur le conflit Irak-Iran, il semble que les deux belligérants soient mis sur le même plan et on affirme (inaudible). Est-ce que vous pensez que ce texte va plus loin que la dernière résolution du Conseil de sécurité qui condamnait (...inaudible) .
- LE PRESIDENT.- Je ne pense pas qu'aucune institution internationale ait choisi entre les belligérants. Je crois que les différentes résolutions internationales sont intervenues sur des faits précis donnant tort ou raison à l'un ou à l'autre, mais notre rôle n'est pas de nous comporter comme ayant choisi un camp. Donc, je ne pense pas qu'il y ait d'évolution réelle. En tout cas, il n'y a pas, ici à ce sommet, de position qui puisse diverger de la résolution du Conseil de sécurité. Pour l'instant, le fait particulier est qu'il y a des bateaux qui sont coulés. Il y a en a eu, je crois, ce matin ou cette nuit. Alors c'est à celui qui coule que l'on s'adresse, c'est naturel, mais on se prémunit dans ce document, et j'espère dans les faits, contre les différentes actions guerrières qui pourraient interdire la libre circulation dans le Golfe, et on se prémunit en même temps contre une éventuelle pénurie de pétrole.\
QUESTION.- Monsieur le Président, est-ce que vous pouvez dire si vous pensiez, vous personnellement, qu'il était nécessaire d'ajouter une déclaration Est-Ouest à la déclaration sur les valeurs communes qui avait déjà été publiée ?
- LE PRESIDENT.- Dans le principe, non. Dans la pratique, quand j'ai lu la proposition et surtout quand j'ai vue la façon dont elle pouvait être modifiée, je me suis rendu compte que la résolution Est-Ouest représentait un pas très sérieux qui allait dans le sens de mes préoccupations, car je ne me souviens pas qu'on ait, depuis longtemps, parlé avec autant de clarté du dialogue, de la sécurité mutuelle, de l'intérêt égal qu'il y avait pour l'un et l'autre bloc ou groupe, à parvenir à la sécurité ou au niveau d'équilibre le plus bas. Vous pouvez considérer cela comme un matériau utile dans les discussions à venir.
- QUESTION.- A propos de cette déclaration Est-Ouest, il y a une inversion ou presque des valeurs par -rapport à la déclaration politique de l'année dernière à Williamsburg, on insiste sur la notion de dialogue. Est-ce que vous pensez que l'équilibre des forces est vraiment rétabli, et qu'on entre vraiment dans une nouvelle ère des rapports Est-Ouest ?
- LE PRESIDENT.- Dire que l'équilibre des forces est rétabli est peut-être un peu hâtif. Ce qui est évident, c'est qu'entre Williamsburg et Londres, il y a eu le mois de novembre et le mois de décembre 1983, et que cet élément, ce facteur de la mise en application de la résolution de l'automne 1979 crée un fait nouveau. Il est donc normal que le thème axial soit différent. En tout cas, il est certain qu'entre le texte très tendu de Williamsburg et celui plus ouvert de Londres, il existe une différence appréciable qui va exactement dans le sens que, personnellement, je souhaitais. Mais je le répète, je ne suis pas le seul à penser ainsi, et ce n'est pas moi qui ait fait cette résolution. J'ai été satisfait de constater que de ce point de vue, qui était le mien, était partagé par beaucoup.\
QUESTION.- Dans la déclaration sur le terrorisme, les sept s'engagent à examiner leurs ventes d'armes aux pays qui soutiennent le terrorisme. Avez-vous dressé une liste de ces pays ?
- LE PRESIDENT.- Non, Non. Je pense que si elle devait un jour s'établir, on trouverait, on devrait trouver cela. Ce n'est pas mystérieux.
- QUESTION.- Monsieur le Président, est-il vrai que la plupart des désaccords dans ce sommet étaient entre vous d'une part et les Anglait et les Américains d'autre part ?
- LE PRESIDENT.- C'est une vue un peu trop simple quand même... Nous avons de très bonnes relations avec les Anglais, les Américains. Non, il n'y avait pas deux camps, et je ne tenais pas le fanion de l'un des deux, Mme Thatcher, ou M. Reagan - vous n'avez pas choisi vous-même - tenant l'autre fanion. Par -rapport à certains de ces problèmes, il est certain qu'il y a des clivages, et vous avez assez bien défini quelques contours. Ce n'est pas uniforme, ce n'est pas constant, ce n'est pas deux groupes. Je récuse l'impression, qui pourrait ressortir de vos paroles, de "groupes de combat" s'affrontant.
- Je me suis trouvé sur la même longueur d'onde que tous les autres partenaires sur plusieurs points - nombreux - et puis, de temps en temps en effet, je pense à l'endettement, je pense à la résolution Est-Ouest, certains aspects de la résolution économique, je pense aux DTS en particulier, il y a des différences. On s'est arrangé, puisque les résolutions sont communes, unanimes.
- QUESTION.- Les résolutions sont assez faibles.
- LE PRESIDENT.- Ca, c'est à vous d'apprécier. En général, lorsqu'on arrive à un arrangement, ce n'est pas sur le point le plus dur.\
QUESTION.- Monsieur le Président, dans la déclaration Est-Ouest, il est indiqué : "nous espérons que l'Union Soviétique agira de manière constructive et positive". Parmi les raisons qui vous ont amené à choisir cette date pour vous rendre en Union soviétique, y a-t-il la conviction que l'URSS pourrait maintenant modifier sa position sur les négociations concernant les armements nucléaires ?
- LE PRESIDENT.- Non, non. Vous y établissez un lien artificiel entre le voyage que j'accomplirai à la fin de ce mois et cette résolution. Je vous ai déjà dit tout à l'heure, m'adressant à d'autres journalistes, que cette décision d'y aller est déjà assez ancienne. La fixation du jour avait été esquissée mais n'avait pas été retenue. Elle a été confirmée récemment, mais ça n'avait rien à voir avec le contenu des débats que j'ignorais alors, de débats qui ont eu lieu hier soir et ce matin.
- QUESTION.- (Inaudible).
- LE PRESIDENT.- Je n'en sais rien. J'ai la conviction que cette évolution se produira, mais je ne peux pas la situer dans le temps. J'espère qu'elle se produira en temps utile, c'est tout ce que je puis dire et j'essaierai d'y contribuer.\
QUESTION.- ... (position de la France sur les transferts de technologies nucléaires vers les pays en développement, en particulier le Pakistan).
- LE PRESIDENT.- Je ne répondrai pas à ce genre de question aujourd'hui. On ne va pas élargir notre discussion qui s'exerce déjà sur des terrains très vastes. Ce qui est vrai, c'est que la France accepte des transferts de technologies, dans certains cas, pas dans tous les cas et, pour ce qui concerne le nucléaire et le Pakistan, vous me posez une question à laquelle je n'apporterai pas de réponse aujourd'hui. De toute façon, nous ne passons des technologies que dans le -cadre de l'organisation internationale de contrôle, l'Agence ùù`Agence internationale de l'énergie nucléaireùù`. Nous nous conformons aux perscriptions de l'Agence. Donc, il n'y a rien d'original chaque fois que nous le faisons.
- QUESTION.- Tout à l'heure, vous avez dit que vous auriez voulu aller plus loin en parlant de l'endettement. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
- LE PRESIDENT.- Je crois que tous les journalistes qui ont l'habitude de travailler de pair avec moi - on se rencontre même souvent - savent fort bien quels sont les objectifs de la France et, hier, ont été communiqués par mon porte-parole une douzaine de points : les uns sur l'endettement, les autres sur le développement, sur lesquels j'avais appuyé mon argumentation.\
QUESTION.- Monsieur le Président, lors de l'ouverture de la conférence de Stockholm, de la CDE, la France s'était prononcée contre l'idée de négocier sur les propositions déclaratoires, en particulier sur le non-usage de la force, qui étaient présentées par le pacte de Varsovie. Or, depuis le discours de Dublin, le Président Reagan a proposé cela, et je revois ce terme dans le document de la déclaration Est-Ouest. La France aurait-elle aussi évolué sur cette question ?
- LE PRESIDENT.- Il faut entrer dans le détail. Le non-usage de la force, c'est le thème général des positions de la France. S'il s'agit d'entrer dans le détail, qui n'en est pas un, de la stratégie nucléaire de dissuasion française, vous savez que la France n'a jamais accepté - et n'acceptera pas - la formule ou la notion de celui qui s'engage à ne pas tirer le premier. Mais ce serait une notion qui serait extrapolée exagérément d'une conception à l'autre dans cette affaire. Ne pas faire usage de la force, c'est une banale affirmation que la France n'a jamais manqué de faire.
- QUESTION.- La France s'était prononcée pour qu'à Stockholm on discute sur les mesures de confiance et non pas sur une série de propositions du Pacte qui pouvait vouloir dire simplement la signature de mesures déclaratoires. Une de ces propositions était un pacte de non-recours à la force en Europe, et le Président Reagan l'a citée à Dublin. Je voulais savoir si la France avait, elle aussi, évolué sur cette question.
- LE PRESIDENT.- On va l'examiner. J'en avais en effet entendu parler, mais vous faites bien de me le rappeler. Remarquez que le discours de Dublin est récent. Laissez-moi le temps de rencontrer mes ministres, et le Premier en particulier qui, pour l'instant, est à Paris.\
QUESTION.- Il y a quelques instants, dans la pièce à côté, le Secrétaire du Foreign Office nous expliquait, ou plutôt expliquait à un journaliste américain qui l'accusait d'avoir capitulé sur cette question, comment il fallait lire la déclaration sur le terrorisme pour y trouver les éléments de l'établissement d'une liste noire du terrorisme international. Alors, j'aimerais savoir si la France souscrit à cette analyse.
- LE PRESIDENT.- Souscrit à quoi ?
- QUESTION.- A la façon dont le texte était interprété.
- LE PRESIDENT.- A la façon dont il a été écrit. Quand à la façon dont il a été interprété, je ne sais pas comment cela l'a été dans la salle à côté.
- QUESTION.- Je peux vous le dire si vous voulez.
- LE PRESIDENT.- Oui.
- QUESTION.- Sir Geoffrey Howe a donc cité le fameux paragraphe six et, notamment, la coopération et la coordination plus étroites entre les services de police et les organes de sécurité, et la dernière proposition, la consultation et, autant que possible, la coopération sur le sujet de l'expulsion ou du refus, etc... Il a expliqué au correspondant du "New York Times" comment il fallait trouver là les éléments de l'établissement de cette liste noire que réclame Mme Thatcher.
- LE PRESIDENT.- Je n'ai jamais entendu parler de liste noire. C'est la première fois que cette expression composée de ces deux mots vient à mes oreilles. Ce qui est vrai, c'est que si un diplomate est pris quelque part comme transporteur d'explosifs ou les plaçant lui-même derrière la porte des gens, bref, pratiquant le terrorisme, il est certain que ce diplomate aura quelques difficultés à être admis dans les ambassades ou consulats de l'un des septs pays en question. Si vous estimez que c'est une liste noire, alors c'est une liste noire. Je trouve cela excellent d'ailleurs. A priori, quelqu'un qui se sert de bombes à New York, à Tokyo, à Londres, à Bonn ou ailleurs, à Rome, je n'aurais pas très envie qu'il vienne à Paris.
- QUESTION.- La coopération entre les services de police peut s'interpréter comme la création d'un grand fichier internationl aux allures un peu terrifiantes.
- LE PRESIDENT.- Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Nous ne ferons pas de fichier pour ce qui nous concerne, ce n'est pas tellement facile de découvrir les menaces de terrorisme, mais lorsque cela est suffisamment clair, nous ne voyons que des avantages à informer nos partenaires.\
QUESTION.- (Inaudible).
- LE PRESIDENT.- Ecoutez monssieur, c'est vous, à vos collègues et à voc confrères qui m'ont posé des questions pour établir des nuances sur les degrés de satisfaction de l'un à l'autre des sommets. Moi je vous réponds comme cela. Ce n'est pas moi qui ai établi ces différences. Disons que Londres s'est déroulé dans les conditions qui m'ont convenu. Suis-je assuré de l'exécution des mesures en progrès obtenues à Londres ? J'y veillerai de mon vieux. Voyons, cela s'est passé avant-hier à ce matin, et vous me demandez déjà de quelle façon on y a manqué. Je suis encore là, je ne suis pas encore parti, c'est quand même un peu pressé. En cours de route, si l'on observe des lenteurs voulues, des chemins de traverses, des non-exécutions, ne vous inquiétez pas, je vous le dirai et je le dirai à mon pays.
- QUESTION.- Dans une interview au "Times" il y a huit jours, Mme Thatcher déclarait qu'il ne fallait pas attacher trop d'importance au communiqué final d'une telle conférence, dans la mesure où ce genre de communiqué est essentiellement fait pour la presse qui, sinon, broderait à l'infini sur les divergences. Donc, il valait mieux avoir un communiqué, même vague, même général, cela plaisait aux journalistes. Qu'en pensez-vous ?
- LE PRESIDENT.- Mme Thatcher n'est pas dénuée de psychologie. Merci.\