1 juin 1984 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion du 90ème anniversaire du Comité international olympique, Paris, La Sorbonne, vendredi 1er juin 1984.

Monsieur le président,
- Mesdames et messieurs,
- Je suis heureux de me trouver aujourd'hui parmi vous afin de célébrer ce 90ème anniversaire d'un événement sportif qui aura marqué notre siècle.
- Vous avez rappelé, monsieur le Président, le rôle essentiel joué par un Français, Pierre de Coubertin, dont vous avez célébré la mémoire.
- C'était, nous l'avons dit, il y a 90 ans, à quelques jours près, dans cette même salle et dans ce même décor, la naissance du Comité international olympique et la renaissance de l'olympisme. Oeuvre de réconciliation laborieuse pour que renaisse une épopée mythique, presque oubliée au fil des siècles, oeuvre d'ambition et de générosité établie sur des principes solides. Car l'olympisme c'est d'abord un faisceau de valeurs, de valeurs sportives : le goût de l'effort, le dépassement de soi-même, le respect de l'autre et du réglement librement adopté. Mais aussi valeurs humaines, fondamentales, celles qui traversent les frontières car elles font la grandeur et la noblesse de l'homme : le sens de la fraternité, le goût de la rencontre et de la confrontation pacifique, l'amitié entre les peuples. Je l'ai dit à plusieurs reprises : le sport est partie intégrante de la culture.
- Et, de même, l'olympisme, c'est-à-dire le sport, la fête au plus haut niveau, cela appartient à notre patrimoine commun dans ce qu'il a de plus riche, de plus incontestable.
- Connaissez-vous, mesdames et messieurs, d'autres occasions qui rassemblent, au même moment, devant les mêmes images et pour les mêmes émotions,des centaines de millions de femmes et d'hommes à travers le monde entier ?\
Depuis quelques temps, vous le savez, on y a insisté, l'olympisme connaît une crise grave. Il ne faut pas se le cacher, les menaces sont nombreuses. En 1980 déjà, j'étais l'un de ceux qui se sont élevés contre la décision prise par un grand Etat de ne pas envoyer ses athlètes aux Jeux olympiques de Moscou. Mes raisons, nos raisons, vous les connaissez : les tensions politiques internationales ne doivent pas, ne peuvent pas atteindre le havre de paix que doit être le monde du sport. Et nous n'avons pas le droit, je pense de frapper les espérances des jeunes gens qui ont consenti, vous l'avez excellemment dit tout à l'heure, monsieur le président, de longues années d'effort considérables, pour se préparer à ce grand rendez-vous. Je n'ensuis que plus à l'aise aujourd'hui pour reitérer une déclaration similaire, j'allais dire tristement symétrique, car au nom de je ne sais quelle raison d'Etat, encore une fois ces jeunes sont empêchés de circuler et de s'exprimer librement.
- En 1980, j'avais - et je n'étais pas le seul - émis quelques idées pour une deuxième rénovation des Jeux olympiques afin de les mettre à l'abri de ces risques et de ces déviations. Et, parmi ces déviations,il faut le dire aussi, l'intervention grandissante d'intérêts mercantiles qui, à leur mesure, sont également dangereuses comme le sont les excès de nationalisme. Ces idées ne sont pas les miennes. Elles sont celles-là même de ceux qui se dévouent, qui se consacrent à la cause des Jeux olympiques.
- Mais il faut qu'il redevienne, au plus tôt, ce grand rassemblement de la jeunesse internationale, ce moment de paix et d'amitié, dépassant les tensions qui, partout et trop souvent, envahissent notre monde.
- Alors, on entend dire ici et là, qu'il faudrait trouver d'autres solutions, celles d'uneenclave olympique située sur les lieux-mêmes de l'essence de cette épopée. L'amitié que je porte à la Grèce et l'amour que j'ai de ce pays m'inciteraient à approuver cette initiative. Mais elle présente aussi des inconvénients, notamment de constater l'échec de l'internationalisme. Et, en même temps, combien de pays aimeraient pouvoir démontrer leur capacité d'accueil £ et les athlètes, après tout, aiment faire connaître à travers le monde la qualité de leurs efforts.
- Alors, au Comité international, dans sa sagesse, de déterminer la façon de faire !\
Vous savez qu'en France nous nourrissons l'espoir de voir notre pays devenir dans quelques années le thèâtre priviliégié d'une rencontre. C'est la candidature pour 1992. Ce projet est ambitieux et exige beaucoup du pays candidat. Je pense que la France en a la capacité et, je dois le dire, que nous respectons tout à fait la liberté de choix de ceux qui en ont la charge. Nous sommes dans la situation du candidat et non pas dans celle de l'examinateur. Bien que, après tout, la France puisse exiper qu'à travers le temps, à partir de Pierre de Coubertin et de quelques autres, elle a largement contribué au développement de l'olympisme.
- Cette candidature a été approuvée par notre Comité national olympique, tout à fait libre de ses décisions et l'Etat, à son tour, vient, par ma bouche, le confirmer suivant les termes-mêmes de la Charte olympique.
- C'est donc une ville, Paris et un Etat,la France qui, d'un commun accord et sur des bases sur lesquelles ils se sont entendus, qui demandent à nos amis du monde entier de nous faire l'honneur de venir chez nous en 1992.
- Le nouveau départ : il est urgent. La réalité : elle est là. 1980 - 1984, des jeux gravement amputés qui n'ôteront rien, quand même, à la qualité de ceux qui triompheront, même s'ils auraient préféré eux-mêmes, démontrer qu'ils étaient les plus forts dans une compétition où eûssent été présents de grands athlètes.
- Comme le disait Pierre de Coubertin, que l'on a raison de citer bien souvent : "que, cette idée, l'olympisme, qui a traversé comme un rayon de soleil tout puissant les brumes des âges revienne, qu'elle revienne vite, éclairer d'une lueur de joyeuse espérance le seuil du 21ème siècle". Après tout, il reste 16 ans, et pendant ces 16 années-là, comme il est urgent que vous rétablissiez et nousavec vous, ce grand mouvement de concorde qui, au-delà même du sport, aura la signification d'un retour au dialogue entre tous ceux dont finalement la paix dépend.\