4 janvier 1984 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de la présentation des voeux des forces vives de la nation, Paris, Palais de l'Élysée, mercredi 4 janvier 1984.

Mesdames et messieurs,
- Nous avons, il y a deux ans, inauguré cette façon de faire, nouvelle dans nos usages. Celle qui consiste à réunir pour quelques instants, à l'occasion des voeux de bonne année, cérémonie très familiale et très traditionnelle, ce que l'on appelle d'un terme qui mériterait quelques précisions "les forces vives de la nation".
- On ne peut pas dire que toutes les forces vives sont ici représentées, mais ce qui est également certain, c'est que ce sont des forces vives ici présentés, puisque vous êtes les représentants et les élus des organisations des associations, qui en réalité, pratiquent dans la vie quotidienne la -défense de nos concitoyens, qui exposent des intérêts dont le fondement est légitime, qui expriment la variété économique, sociale ou culturelle du pays.
- Vous êtes les bienvenus ici. Je tenais a vous le dire, non point pour énoncer un certain nombre de conseils ou de directives. Telle n'est pas la -nature de nos -rapports. Une certaine déviation s'opére, semble-t-il, qui veut qu'à l'occasion de ces voeux, qui sont tout simplement une occasion de se rencontrer pour échanger des propos que je crois utiles et marquer en même temps la vie de la nation, une certaine déviation vers telle propension à traduire les propos tenus par les uns et les autres et particulièrement le Président de la République. Comme s'il s'agissait d'un lieu ou d'une circonstance ou l'on édicte que le Président de la République s'exprime de la sorte. Dans ses relations avec la fonction publique c'est normal, en cette occasion ou dans d'autres, mais pour ceux qui lui font le plaisir de venir le visiter dans les alentours du Premier janvier de chaque année, il en va autrement. J'en profite même, généralement pour apprendre, pour connaître de ceux que je reçois une certaine façon de penser ou de réagir qui m'est utile pour m'informer, pour ressentir et pour transmettre ce qui me paraît juste de transmettre au gouvernement.
- Cette occasion sera brève. Vous êtes trop nombreux par la grandeur de vos tâches, la multitude des adhérents. Vous êtes trop nombreux par la diversité de vos obligations pour que je puisse prétendre enfermer dans quelques formules synthèses ce que vous pouvez signifier. Disons au moins que nous sommes d'accord pour constater que nous sommes dans un début d'année, c'est assez facile. Et après tout cela fait déjà longtemps, bien avant nous que l'humanité éprouve le besoin, de temps à autre, de s'arrêter pour réfléchir, méditer, prévoir. C'est ce qui se passe.\
Au 1er janvier, on a devant soi douze mois. On a un cycle que la nature nous a fixé, que les savants ont mis au point. On sait combien de temps cela dure. On sait que cela représente un effort à la fois très bref dans la durée du temps et assez long pour la conduite des affaires, qui permet en tout cas de faire un bilan. Et c'est ce bilan que chacun d'entre nous fait, dans sa conscience d'abord, puis dans le -cadre des organisations ou nous exerçons nos capacités en commun, d'une façon collective.
- J'espère pouvoir, dans les semaines qui viennent, débattre avec ceux qui le voudront des intérêts de la France, vus au travers du prisme exprimé par cette diversité que je relevais tout à l'heure. Chacun d'entre nous a son devoir au regard de la nation et ce devoir est différent dès lors que nous avons a appliquer notre travail, notre pensée et nos débats à des domaines bien précis.
- La tradition voulait que beaucoup d'institutions ou de corps constitués, c'est l'expression consacrée, vinssent ici à heure fixe. Pourquoi pas celles et ceux qui chaque jour, et dans des conditions que je sais difficiles, consacrent leurs vies, on peut dire consacrent leur temps, au point quelques fois de le distraire à ce qui serait pourtant bien nécessaire, c'est-à-dire la vie familiale, ou simplement de voisinage. Arrachés que vous êtes, arrachés que nous sommes aux occupations ordinaires d'un métier ou de la vie telle que je la décrivais, celle des cellules naturelles, familiales ou sociales. Voici qu'il vous faut courir les grandes routes. Voici qu'il vous faut consacrer des heures et des heures à la discussion collective. Voici qu'il vous faut exposer d'une part à vos mandants et d'autre part, à l'Etat, ce qui vous paraît être bon pour la nation et en particulier pour ceux que vous représentez.
- C'est une vie que l'on expose souvent comme désirable. Elle l'est. C'est une façon de servir, mais aussi que de difficultés, que de charges, parfois que d'anxiétés. Savoir si ce que l'on fait correspond à l'intérêt public.\
Alors, moi, je ne vous dirai rien d'autre cet aprés-midi, sinon les choses les plus simples. Bonne année, mesdames et messieurs, pour vous, pour vos organisations. Pour les milliers et les milliers, parfois les centaines de milliers, et parfois même les millions de femmes et d'hommes que vous représentez ici.
- Bonne année pour que l'ensemble des intérêts qu'il est bon de défendre, puisse s'harmoniser assez pour que notre corps social ne se divise pas, n'aille pas vers la désagrégation ou les affrontements, mais ne craigne pas la saine émulation, la saine confrontation, le débat, le dialogue, la dialectique, parfois même, la contradition des lors que cela marque bien que l'on est très vivant. Mais que peuvent faire les forces vives, sinon de montrer qu'elles le sont ? Que cela ne soit pas non plus au détriment de l'Etat, dans lequel se rassemblent vos institutions, pour une large part et du pays dont nous sommes en tant que citoyens, tous les serviteurs. Mais je connais assez le plus grand nombre d'entre vous pour savoir que ce souci n'est jamais absent et que lorsque l'on a combattu et lutte pour ce que l'on croit être nécessaire et utile à ceux dont à la charge, on ait aussi dans l'esprit cette autre dimension qui est la nôtre à tous, celle du pays dans un monde contraste, souffrant, inquiet dans cette fin de siècle si troublée que nombre de femmes et d'hommes sont contraints d'en revenir au-dedans d'eux-mêmes à s'interroger sur le sens du monde et le sens de la vie.
- Mesdames et messieurs, merci d'être venus, je vais maintenant vous saluer, passer parmi vous et vous dire, cela c'est l'affaire de vos organisations : "A l'année prochaine". Votre pérennité, c'est celle-là. Chacune, chacun d'entre nous sait quel est le temps qui lui est donné. Vous disposez, puisque vous êtes là, de la confiance d'autres Français, j'allais m'appliquer le même raisonnement. Voici donc réunis dans la même salle, des Françaises et des Français qui ont le sentiment, et moi le premier, permettez-moi de vous le dire sans qualité particulière, mais telle est ma charge, sentiment de représenter la France dans sa réalité de tous les jours et aussi dans sa pérennité. C'est assez pour que nous ayons beaucoup de choses à nous dire.\