16 décembre 1983 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, au Palais du Parlement fédéral, Belgrade, vendredi 16 décembre 1983.

Monsieur le président de l'assemblée,
- Monsieur le président de la présidence,
- Mesdames et messieurs les délégués,
- Par quoi commencerai-je, devant vous, représentants du peuple yougoslave, ce discours qui sera beaucoup plus dans mon esprit qu'un exposé rituel ? L'exposé rituel, c'est la célébration d'une ancienne amitié. Je ne puis y manquer en cet instant, même si je l'ai déjà dit aux responsables qui m'ont déjà reçu. Il est bon de le rappeler en toute circonstance. Nous avons été associés par l'histoire, nous avons vécu en commun les plus grands drames du siècle et nous sommes, pour certains d'entre nous, une génération issue de la résistance nationale. A travers le temps, l'écho de ce qui se déroule dans votre pays a toujours résonné d'une façon particulière aux oreilles du peuple français. Il y a je ne sais quelles relations privilégiées, une sensibilité commune, une attitude, une certaine force de refus, un amour de la patrie qui marquent nos deux peuples.
- Nous avons beaucoup admiré, en France, la façon dont la Yougoslavie a su dominer la tragédie de la dernière guerre mondiale avec son cortège de sang et de violence, la qualité des équipes qui se sont levées pour marquer la volonté de votre peuple, l'illustre figure du maréchal Tito, le rôle rempli par votre pays dans la prise de conscience par de nombreux pays sur la terre de ce qui s'appelle le non alignement. Vous avez su préserver vos amitiés fondamentales et affirmer en même temps votre destin particulier.\
L'histoire de ces quarante dernières années est jalonnée d'initiatives yougoslaves et c'est sur votre territoire que certains grands événements de la vie internationale se sont produits : les conférences, les rencontres, l'élan donné à une certaine conception du monde. Nous sommes très attentifs en France à ce qui se passe chez vous, et nous considérons votre existence, vos travaux, vos efforts, l'originalité de vos expériences et de votre action politique, économique et sociale, comme l'un des points forts de tout ce qui a été tenté au-cours des siècles pour donner un sens à la vie d'un peuple. Evoquerai-je des souvenirs ? Non cela n'est pas le moment. Tout juste rappelerai-je que pour un homme de mon âge, le compagnonnage avec les Yougoslaves, quelles que soient leurs origines, a été une constante de notre vie et de nos combats. Je rappelais, hier soir, que depuis ma jeunesse jusqu'au jour d'aujourd'hui, tous les grands moments de ma vie ont toujours été marqués par la présence yougoslave. J'ai été moi-même pendant 35 ans parlementaire, je sais que vous êtes affrontés en ce moment même aux difficiles problèmes d'un budget et d'un plan qui exigent de votre part beaucoup d'assiduité, de réflexion, de travail, tâche difficile aujourd'hui, mais tâche noble. Je ne crois pas avoir tiré plus grande fierté de ma propre existence que de la confiance populaire.\
Je voudrais traiter rapidement deux sujets primordiaux qui sont ceux de notre vie quotidienne et qui engagent notre avenir : la crise et la sécurité.
- La crise, d'autres que moi, de multiples experts, en ont analysé les causes £ mais restons-en au plus simple : après deux guerres mondiales, l'étonnant surgissement de l'esprit, les découvertes scientifiques et leurs applications techniques, ce dont le monde souffre, c'est à la fois d'une inadaptation à ses propres progrès, de son désordre et de la disparité qui va s'élargissant entre les plus riches et les plus pauvres. Inadaptation à ses propres progrès, comme si l'esprit humain était capable de percer à la fois les secrets de la matière, le mouvement des choses avec une capacité infinie d'invention, tandis que la société des hommes se refusait à suivre. Pour beaucoup de pays cette lenteur, et souvent même cette incapacité ont été dues au combat acharné des classes privilégiées habituées à vivre sur un certain -état, ayant à leur disposition la production des autres et ne désirant pas en changer. On trouverait, à propos de l'inflation et du chômage, bien des éléments qui nous ramèneraient à des explications qui nous sont familières sur les conflits de classes. Des sociétés trop lourdes, des sociétés trop lentes. La crise, en soi, peut avoir un sens positif, si elle nous incite à accélérer l'allure pour adapter notre société industrielle aux transformations qu'exigent les temps modernes. Tout ce qui ralentit cette adaptation est dangereux, tout ce qui l'accélère sagemeent est bon. Mais cependant c'est le désordre partout. Les institutions internationales n'obtiennent pas le consentement des plus puissants, il n'y a plus d'ordre monétaire international, il n'y a pas de lois communes.\
Les marchés doivent rester libres, mais la liberté n'est pas nécessairement celle de la jungle, où seule peut s'exercer la loi du plus fort, à quoi s'ajoute l'abîme dans le développement des pays riches par-rapport à celui des pays pauvres. Imaginons ce que pourrait être un plan cohérent, assumé par les pays industriels les plus avancés, qui aborderait de front les problèmes de l'endettement des pays en voie de développement, et, sans abandonner les créances, chercherait à créer de nouvelles conditions de productions et de richesses pour que se multiplient les échanges, et pour qu'en fin de compte, les uns et les autres rétablissent une activité nécessaire.
- Ce raisonnement ne doit pas découler d'une seule analyse sentimentale ou charitable. Lorsque je me suis adressé aux pays en voie de développement, à Cancun par exemple, on m'a dit : "Voilà une bonne disposition d'esprit, mais on n'a pas les moyens de la politique que vous préconisez". Je dis que c'est une affaire d'utilité pour les pays industriels eux-mêmes qui sont capables de produire beaucoup, mais qui, bientôt, ne trouveront plus à vendre parce que personne ne pourra acheter leurs produits. Et comme chacun de ces pays cherche, et c'est bien normal, c'est le cas de la France, à valoriser ses propres productions, donc à trouver ses consommateurs chez lui, chacun devant tenir ce raisonnement, on se demande comment le commerce international pourra se développer. Il n'y a pas aujourd'hui de conscience commune des conditions du développement. La France a fait certaines propositions pour l'activité de la Banque mondiale, pour celle du Fond monétaire international, pour un nouvel ordre monétaire international. Elle reste disponible, elle continuera de présenter ses idées, et, pour ce qui la concerne, elle continue sa route sachant fort bien qu'elle ne peut par ses propres moyens répondre à l'ensemble des questions posées.\
Mais enfin, il sera intéressant de noter que devant la fuite de nombreux responsables, devant la responsabilité internationale que requiert le développement, la France a accru au coeur de sa propre crise son aide directe, bilatérale et multilatérale, à l'ensemble des institutions en cause. Je l'exprimais, madame le ministre, tout à l'heure. Au moment même où notre budget national connait un rythme inférieur à celui de notre propre inflation - ce qui souligne les sacrifices nécessaires, et vous les connaissez puisque vous-mêmes avez entrepris une action très courageuse sur ce -plan - au moment même où les dépenses de notre budget connaissent un accroissement de 6,5 %, l'ensemble de nos crédits consacrés au développement atteint dans certains cas une pointe de 19 à 20 %, dans d'autres moins, pour une moyenne générale de 12 à 13 %. Et les Français, je dois le dire, ont accepté de recevoir moins pour leur propre production par le sentiment qu'ils ont d'un devoir international. Je ne dis pas cela pour flatter la politique de la France, je dis seulement que si la société internationale des pays industriels prenait davantage conscience que l'un des problèmes fondamentaux de ce moment c'est de parvenir à réduire les différences qui séparent les pays les plus riches des pays les moins développés, nous aurions l'une des clefs qui nous permettrait de résoudre la crise.\
Et puis les industries nouvelles dites industries de pointe, les technologies avancées, parmi lesquelles il ne faut jamais oublier les technologies agro-alimentaires, sont-elles directement en concurrence avec les anciennes industries, les industries lourdes, celles qui rassemblent de grandes masses de forces productives, des centaines de milliers de travailleurs ? Les unes doivent-elles céder la place aux autres ? C'est un faux raisonnement. Il n'y a pas de domaine en crise, il y a des entreprises qui n'ont pas su s'adapter aux conditions nouvelles. Et il y a quelquefois des carences, ou des insuffisances de la puissance publique, n'osant pas - il faut reconnaître que c'est bien difficile, tant sont graves les problèmes humains - aborder de front les vraies et nécessaires mutations. La France, à cet égard, a connu des échecs, elle compte de très réelles réussites, et entend bien développer avec les pays amis, les pays voisins, comme au sein de la Communauté économique européenne `CEE`, amis comme vous l'êtes, une série de relations économiques et commerciales, culturelles qui devraient nous permettre une entraide productive et utile qui servira de chaînon, avant que ne soit forgée la chaîne internationale que j'attends de mes voeux.\
La crise assurément aggrave les risques de l'insécurité. Chaque pays frappé par la crise a tendance à se refermer sur lui-même. Par une sorte d'étonnant paradoxe, au moment même ou chacun parle de développement, la course aux armements rend infernal ce couple armement - développement.
- Qu'est-ce qui caractérise des pays comme les nôtres ? L'attachement profond à la Patrie, au territoire national, à son indépendance, à son intégrité, à sa souveraineté ?
- Aucune politique internationale n'est concevable, pour des pays comme les nôtres, qui n'ait pour commencer sa propre indépendance. Cela explique certaines attitudes, certains refus, certaines intransigeances qui ne doivent pas être considérés comme les effets d'un nationalisme égoïste mais tout simplement par le sentiment que l'on a d'être soi-même les héritiers de générations et de générations qui ont su bâtir le domaine où nous sommes et la responsabilité qui nous engage à l'égard de nos générations futures. Il est normal que nous soyons fiers de notre histoire, de notre culture, que nous soyons fiers de notre capacité à traverser les temps. C'est un sentiment très fort chez vous, il est très fort chez nous, nous ne sommes pas les seuls à le connaître, c'est un sentiment respectable. Il ne peut pas servir de seule ligne de conduite à une politique internationale.\
On a le droit de renoncer à certains aspects de sa souveraineté à condition que ces renoncements soient faits souverainement. C'est pourquoi la France, depuis toujours, a recherché la mise en place d'institutions internationales capables d'organiser le monde, de préserver la paix, de réaliser le désarmement, la sécurité collective, de pratiquer les arbitrages : société des Nations `SDN`, Organisation des Nations unies `ONU` et l'ensemble des institutions dérivées que vous connaissez comme moi. La France a renoncé à certains des aspects de sa propre souveraineté pour remettre la décision à ces institutions dans certains domaines consentis pour que se développe la communauté internationale.
- Nous avons agi de même en Europe en adhérant et même en suscitant la Communauté économique européenne `CEE` où certains aspects de notre souveraineté ont été souverainement remis à la délibération collective. Aujourd'hui dix pays débattent plus ou moins bien mais débattent quand même de leurs propres affaires. Vaste construction dont nous souhaitons ardemment la réussite ! Cette pratique de rapprochement entre des peuples et des nations longtemps concurrentes et parfois ennemies, c'est une marche assurée vers un avenir qui exigera de la société internationale qu'elle soit plus fraternelle et qu'elle domine ses contradictions.
- Nous estimons ne pas nuire à notre indépendance, au contraire, en établissant des liens organiques avec d'autres pays que le nôtre et en remettant certaines décisions à la délibération commune.\
Mais la sécurité ? Nous avons besoin, comme chacun, de pouvoir garantir notre indépendance, le libre choix de nos décisions et notre intégrité. Les choix que vous avez faits au-cours de ce dernier demi siècle, après d'autres sont marqués d'une extraordinaire capacité de courage et de présence d'esprit. Soyez sûrs que les Français partagent cette disposition. Nous nous sommes dotés d'un armement nucléaire autonome. Nous sommes l'un des cinq pays dans le monde à disposer d'une arme nucléaire cohérente, et suffisante. Nous avons déclaré, et cela a posé beaucoup de questions auxquelles nous avons longuement réfléchi, que notre sécurité reposait essentiellement sur la capacité de résistance d'un peuple qui n'a pas attendu aujourd'hui pour le démontrer, mais aussi sur un armement capable de dissuader tout agresseur éventuel £ de dissuader, c'est-à-dire que cette force défensive est suffisante pour que son emploi éventuel puisse provoquer de tels dommages qu'aucune tentative agressive contre nous ne puisse finalement trouver sa justification et même sa justification matérielle. Et cette force est bien entendu autonome.
- Nous appartenons à une alliance `Alliance atlantique` et nous lui sommes fidèles mais à l'intérieur de cette alliance la France dispose d'un statut particulier, notamment sur le -plan de son arme nucléaire. La France n'appartient pas au commandement intégré de l'OTAN. Sa force principale, sa force nucléaire, dépend de la seule décision du Chef de l'Etat et ne peut à aucun moment relever d'une décision collective dont on imagine bien qu'elle ne le serait pas, s'il le fallait.
- C'est une donnée capitale. Nul ne peut douter de ces engagements.\
Comment pourrait-on imaginer que la force nucléaire française pourrait avoir d'autres objectifs que la défense, donc la dissuasion, quand on connait le -rapport des forces. Les Etats-Unis d'Amérique disposent de quelques 9000 charges nucléaires, l'Union soviétique dispose de quelques 9000 charges nucléaires, la France de 98, la Grande-Bretagne de 64. Comment peut-on comparer ce qui n'est pas comparable ? Encore la force française est-elle pour 80 de ces 98 charges sous-marines. Nous nous sommes réjouis de voir les deux plus grandes puissances dans le monde engager des négociations pour le désarmement, aussi bien à Vienne pour les armements dits classiques `MBFR`, qu'à Genève pour les armements stratégiques `START` et pour les armements dits intermédiaires `FNI`, ce qui veut dire pratiquement, en termes vulgaires, internes à l'Europe. Nous nous en sommes réjouis dans nos déclarations publiques. Nous continuerons d'encourager et de proposer la reprise de négociations récemment rompues et nous répéterons sans arrêt que nul ne peut avoir d'un côté ou de l'autre le monopole d'une force capable de détruire l'autre et que le refus doit s'accompagner d'une volonté d'équilibre entre les forces au niveau le plus bas possible.
- Que de fois ai-je entendu caricaturer la position française ! Nous n'avons jamais flatté le surarmement. Nous avons toujours commencé par dire : désarmez ! Et lorsque les premières fusées SS 20 ont été installées en Europe j'ai dit à la tribune du Parlement français : arrêtez là ! Ni Pershing II, ni SS 20. Il existe déjà un équilibre stratégique capable, s'il se rompt, de détruire l'un ou l'autre. Cela est suffisant, et dès lors qu'un type d'armement propre à l'Europe se développe,comment n'y en aurait-il pas un autre qui veuille l'équilibrer ? C'est donc à la racine qu'il faut extirper cette tentation dont on est assuré qu'elle se perpétuera par une course folle à des armements dangereux par -nature pour la paix et ruineux pour les économies. La crise et la sécurité, cela est lié.\
Il appartient aux seuls négociateurs d'en décider et non pas aux autres puisqu'il s'agit des armemens soviétiques et américains. A eux de le dire, et de prendre conscience de leur responsabilité mondiale. Je ne sais pourquoi on a mêlé la France à ce débat. Le chiffre que j'ai cité tout à l'heure se suffit à lui-même et je le dis ici à des représentants étrangers : Que feriez-vous, accepteriez-vous de remettre à une conférence à deux, à laquelle donc vous n'appartenez pas, à la décision de deux puissances étrangères, votre armement, votre sécurité, alors que vous disposez pour l'essentiel d'un type d'armement dont les deux puissances en question ne discutent pas elles-mêmes ? C'est tout le sens de notre refus immédiat qui n'a pas besoin d'autre explication pour refuser de remettre aux Soviétiques et aux Américains l'arme nucléaire française.
- Mais il n'est pas dit que la raison ne l'emportera pas. Les décisions prises à Madrid `CSCE` permettent de se rencontrer bientôt à Stockholm. Je n'ignore pas le rôle éminent rempli dans cette décision par les pays neutres et non alignés. Cela constitue une espérance tangible, réelle, une possibilité pour les pays des deux blocs, mais pour les autres plus encore, de faire valoir leurs arguments, de maintenir le dialogue, de parvenir à la définition de mesures de confiance et de sécurité, d'amorcer des désarmements, de parler tout simplement et, si possible au travers de ces paroles d'avancer vers les actes indispensables pour la sécurité du monde.\
La France ne ménagera aucun effort pour contribuer, à sa mesure, à la reprise de ce dialogue partout où il doit être repris. La France n'est l'ennemie de personne, elle connaît son histoire, elle sait ce qu'elle doit au grand peuple russe `URSS`. Elle sait qu'à travers les siècles qui nous précèdent, rares furent les circonstances où nos armes s'opposèrent, que ce fut souvent par malentendu, que cela aurait pu être évité, que nous n'avions pas d'intérêts directement contradictoires. Et ce que nous avons vécu alors que nous avions 20 ans, comme notre liberté d'aujourd'hui, nous savons à qui nous le devons. Parmi ceux là, auprès du peuple russe au premier chef, la France dispose d'une amitié traditionnelle. Elle pense que cette amitié ne sera sauvegardée que par la franchise et par la fierté. Il y a ce que nous devons accepter, maintenir, développer pour la paix dans le monde, et notamment pour l'harmonie en Europe, par le dialogue entre l'Union soviétique et la France. Nous savons ce que nous devons refuser dans l'intérêt même de l'Europe. Nous restons disponibles, membre de l'Alliance atlantique, mais maîtres de notre seule décision pour notre arme nucléaire, fidèles à notre histoire et à nos alliances sur le continent de l'Europe, engagés dans la Communauté économique européenne `CEE` : nous savons et nous saurons relier ces éléments différents pour en faire un tout qui serve à la fois notre sécurité commune et notre victoire sur la crise.\
Je voudrais dire aux délégués membres de l'Assemblée de la République socialiste fédérative de Yougoslavie que rien de ce qu'ils font ne nous est indifférent. Cependant, il convient de multiplier les échanges, les communications pour que la distance, l'éloignement, les différences des langues, les graves préoccupations qui occupent chacun de nos peuples ne finissent pas par créer une sorte d'ignorance mutuelle, d'incompréhension. Multiplier les échanges, les relations directes personnelles, c'est le sens que je voudrais donner à ce voyage, à cette visite du Président de la République française en Yougoslavie.
- C'est l'intérêt que j'ai trouvé dès le premier jour aux conversations que j'ai eues avec vos principaux responsables. Je vais vous quitter demain en ayant le sentiment d'avoir renforcé notre amitié, d'avoir assuré la multiplication de nos échanges de toutes sortes, d'avoir pratiqué une assistance mutuelle dans le bon sens du terme pour que nous soyons capables de témoigner en commun dans les enceintes internationales sur les principaux problèmes qui touchent à la vie du monde et à la nôtre. Voilà pourquoi j'ai grande joie et grand honneur à me trouver ce matin parmi vous, mesdames et messieurs. Je pense en-particulier à cet élément difficilement définissable hors duquel rien n'est possible, qui éclaire chaque objet comme vient la lumière, comme apparaissent les aspects du monde chaque matin avec la lumière : la culture. L'économie, le commerce, l'armée, la sécurité, tous les aspects de la vie se trouvent rassemblés par l'approche de l'esprit, par la capacité de chaque femme ou de chaque homme à donner une couleur aux choses, à trouver une signification à leur propre vie individuelle et collective. Je voudrais, je vous le dis très simplement, qu'un grand effort soit fait de part et d'autre pour que nos échanges culturels, pour que la connaissance de nos langues, accomplissent les progrès nécessaires.\
Je m'adresse à vous en cet instant et j'ai le sentiment qu'au delà des instruments de traduction que nous devons pour certains d'entre nous employer, nous nous comprenons aisément. Permettez moi de vous dire que je me sens un peu chez moi, parmi vous. Je n'exagère rien. Je me trouve à l'aise parmi vous comme dans un pays de vieille culture. C'est sans doute parce qu'au delà de la difficulté du langage existe la patine de la culture, de la culture populaire, de ceux qui dans les générations précédentes ne connaissaient ni la lecture, ni l'écriture : culture d'un métier, culture manuelle, culture technique, connaissance de la terre. Ces éléments mais aussi tous les modes d'expression artistique, esthétique et assurément aussi la lecture, l'écriture constituent une source permanente de la science, de la philosophie ! Cela existe chez vous, cela existe chez nous, ces cultures se sont confrontées, se sont approchées à travers le temps. Je souhaite très vivement que la connaissance de nos langages et de nos moeurs nous permette de donner à ce qu'il nous convient maintenant d'accomplir une force et une intensité qui, sans la culture, seraient insuffisantes.
- Monsieur le Président de l'assemblée, je vous remercie de votre accueil, des propos avec lesquels vous avez salué le Président de la République française et la délégation qui l'accompagne. J'ai été très sensible, mesdames et messieurs à votre attention courtoise et amicale, à votre présence monsieur le Président. Nous avons encore quelques heures pendant lesquelles nous pourrons approfondir cette conversation. N'oublions jamais : l'amitié séculaire, la domination de la crise dans le salut de nos peuples, le service de nos producteurs et de nos travailleurs, l'épanouissement de nos cultures et la sécurité par l'exaltation de nos patries et par notre capacité à concevoir le monde dans sa totalité, et donc dans ses institutions. Voilà ce que je voulais vous dire ce matin.\