25 novembre 1983 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue du sommet franco-allemand, Bonn, vendredi 25 novembre 1983.

LE PRESIDENT.- S'il s'agit d'ajouter une note d'ambiance avant que des questions précises ne nous soient posées ou que M. le Chancelier `Helmut Kohl`, qui nous invite ici, précise certains points, je dois dire que j'approuve en tout point ce qui vient d'être dit par le Chancelier de l'Allemagne fédérale `RFA`. Les points qui ont été traités ont vu sur le -plan bilatéral de très réelles avances. Sur le -plan de la préparation du sommet d'Athènes - préparation qui impliquait que deux pays, les nôtres, n'étaient pas en droit de se substituer à la discussion collective avec les huit autres - la disposition actuellement établie montre que nous sommes l'un et l'autre décidés à faire en sorte - dans la mesure du possible, nous n'avons pas toutes les données - qu'un résultat utile soit obtenu la semaine prochaine lors du Conseil européen. Quant au climat des relations, ce 42ème sommet montre que nous restons au diapason sur les problèmes les plus importants.
- QUESTION.- (inaudible).
- LE PRESIDENT.- J'ai simplement voulu dire que l'Espagne et le Portugal étaient en droit d'attendre qu'il soit répondu de façon claire à leur demande d'adhésion, et ce, dans un délai relativement court. Sans préjuger ce que sera cette réponse, car elle dépendra de l'examen qui sera fait, avec ces deux pays, de questions déterminantes, comme le marché des fruits et légumes, la viticulture, la pêche, et des dispositions internes prises par la Communauté `CEE` des Dix en vue de l'élargissement éventuel du Marché commun. Ce que je peux vous dire ou ajouter ce matin, c'est que la France prendra position pour que ce délai soit fixé à Athènes.\
QUESTION.- (inaudible).
- LE PRESIDENT.- J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet à de multiples reprises et particulièrement il y a peu, simplement un peu plus d'une semaine, en France, m'adressant aux téléspectateurs français. Il n'était pas difficile de prévoir, malheureusement, que les négociations de Genève en leur point actuel échoueraient. Il était également aisé de prévoir, puisque les autorités soviétiques s'étaient exprimées là-dessus, que M. Andropov interviendrait dans le sens que l'on sait, c'est-à-dire le retrait de la délégation soviétique. Le reste est du domaine de la prévision, moins certaine, mais probable. L'intérêt de tous, de l'Union soviétique comme des autres, c'est qu'une négociation soit engagée, en tout cas sur ce même sujet, celui des euromissiles, de même que n'ont pas été interrompues, vous le savez, les négociations sur les armements conventionnels `MBFR` et sur les forces stratégiques `START`.
- Les déclarations de M. Andropov sont très récentes, laissez-nous le temps de les méditer. En tout cas, si les réactions allemande et française sont très semblables, dans ce premier temps, nous n'avons pas décidé des démarches communes. Disons seulement qu'on peut penser que ces démarches, qui auront lieu de part et d'autre, en tout cas, seront concordantes, et, je l'espère, convergentes.
- QUESTION.- (inaudible).
- LE PRESIDENT.- C'est une curiosité tout à fait légitime. Mais, n'allons pas plus vite que la musique.\
QUESTION.- (inaudible).
- LE PRESIDENT.- J'ai beaucoup de respect pour les formations social-démocrates ou travaillistes, avec lesquelles j'entretiens des relations cordiales, et ce respect est particulièrement sensible lorsqu'il s'agit de l'examen des problèmes de défense nationale, de la sécurité de leur propre pays. Jamais l'Internationale socialiste - au nom de laquelle je ne m'exprime pas, dans ma fonction présente, je n'ai pas à me préoccuper de ces choses - jamais cette Internationale n'a prétendu définir d'une façon générale les droits et les devoirs de chacun des pays ou des délégations qui la composent, selon les pays auxquels ils appartiennent. Ce n'est donc pas une novation que ma prise de position actuelle par-rapport à beaucoup d'événements dans le passé. Ceci pour que les obligations morales, qui ne sont pas des obligations politiques, apparaissent clairement.
- Vous avez bien voulu citer un point sur lequel le différend est réel dans notre conception au regard de l'équilibre des euromissiles. Vous auriez pu aussi citer beaucoup de problèmes économiques, sociaux, de l'approche du droit, sur lesquels nos conceptions ne diffèrent pas. Vous auriez découvert que j'étais plus proche sur le -plan personnel des conceptions des minorités dans ces deux pays que des majorités £ mais ne me faites pas entrer dans ce domaine, ce qui serait très embarrassant.
- Enfin, je n'entends pas me substituer aux diverses autorités politiques des pays amis. Je ne leur donne pas de conseils. J'exprime ma conviction. Je ne suis pas plus près du chancelier Kohl ou de M. Thatcher, que de M. Untel ou de Mme Untel. J'ai au nom de la France à examiner des problèmes qui nous unissent avec l'Allemagne. Je suis d'abord proche, si je puis dire, de mes propres convictions. Et d'autre part, je tiens le plus grand compte de l'expression du peuple allemand que le chancelier et le gouvernement ont pour charge d'exprimer. Maintenant sur le -plan personnel, je me réjouis tout à fait d'entretenir des relations cordiales avec le chancelier Kohl.\
QUESTION.- (inaudible : médiation éventuelle entre l'Est et l'Ouest).
- LE PRESIDENT.- Je n'ai jamais proposé ma médiation. D'ailleurs, la question m'avait déjà été posée par un journaliste français ce jour-là.
- QUESTION.- (inaudible).
- LE PRESIDENT.- En tout cas, je féliciterai celui qui parviendra à les remettre là, autour de la table.
- QUESTION.- Monsieur le Président, concernant les initiatives que pourrait prendre la France pour permettre aux négociations de reprendre, sans vouloir aller plus vite que la musique, est-ce que l'orchestre va jouer presto ou moderato ?
- LE PRESIDENT.- L'essentiel est qu'il ne se trompe pas d'instrument.
- QUESTION.- (inaudible : Conférence de Stockholm).
- LE PRESIDENT.- Sans aucun doute, c'est un des bons moyens.\
QUESTION.- (inaudible : retards dans la négociation d'élargissement).
- LE PRESIDENT.- J'aperçois, bien entendu, tout ce que votre question a de sarcastique. Faites-moi cette grâce de l'avoir assez bien saisie, et je ne voudrais pas vous répondre sur le même ton, parce qu'après tout les tomates et les morues, ce n'est pas si négligeable lorsque l'on sait que ce sont des hommes qui pêchent les morues ou qui cultivent les tomates. Des hommes, des milliers d'hommes, des centaines de milliers d'hommes, de familles qui vivent parce qu'ils travaillent et produisent £ et le devoir d'un Etat c'est d'être solidaire, autant qu'il est raisonnable, de ceux qui produisent la richesse d'un pays. Je ne considère donc pas les tomates et les morues comme des productions à jeter à la poubelle.
- Mais si la question se pose ainsi sur le -plan économique et social, c'est parce que le problème politique ne se pose pas. Nous sommes tous d'accord pour considérer que l'Espagne et le Portugal ont pleinement leur place dans la Communauté `CEE`, aussi européens par la culture, l'histoire et la géographie que les autres. Un obstacle était le régime intérieur de ces pays, comme pour la Grèce. Cet obstacle est levé. Il n'y a donc aucune opposition politique. Il reste un certain nombre de problèmes économiques à incidence sociale. Et je reprendai l'expression du chancelier Kohl : il vaut mieux règler ces problèmes avant qu'après. On s'en aperçoit avec d'autres pays qui ont adhéré à l'Europe des Six, pour en faire Neuf, puis Dix. Mieux aurait valu régler les problèmes avant, ce qui nous éviterait d'avoir d'année en année à retarder l'avancement de la Communauté parce qu'il y a des tomates et des morues en retard. Voilà ce que je voulais vous dire à ce sujet.\