3 novembre 1983 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à la séance solennelle du conseil régional, du conseil économique et social et des quatre conseils généraux, au Centre Beaulieu, Poitiers, jeudi 3 novembre 1983.

Monsieur le président,
- Mesdames et messieurs,
- Je suis très honoré de vous rencontrez tous, ici, vous qui représentez une région qui m'est naturellement très chère. Vous représentez dans sa diversité la région Poitou-Charentes comment pourrait-il en aller autrement ? Ce sont des règles de la démocratie qui prévalent. Elles ont cet avantage parmi d'autres de permettre le dialogue ou la confrontation des idées, des tempéraments, des tendances et aussi des expériences : les connaissances, la vie vécue par celles et ceux qui, venus de ciels et d'horizons différents, apportent leurs contributions, ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont vu, ce qu'ils souhaitent parce que, ayant vécu, ils savent où se trouve le mieux, non seulement pour eux, mais pour les autres qui sont les leurs.\
J'ai voulu les lois de décentralisation, non pas simplement pour réagir contre un -état de fait, vieux - comment va-t-on le dater ? - de deux siècles, de beaucoup plus en vérité, et qui tendait à rassembler sur la capitale, autour d'une administration centrale compétente et puissante, la réalité des pouvoirs. Et il me semblait que ce qui avait pu être un mouvement justifié en d'autres temps pour rassembler la nation, attirée et séduite par toutes les forces centrifuges - chacun d'ici connaît son histoire, l'histoire, la nôtre - ce qui pouvait être justifié sans que l'on puisse faire l'impasse sur les germes de dissociation possible, devait être examiné d'un oeil nouveau. Car ce dont souffraient les Français, parmi d'autres choses, était non plus l'existence d'Etat, mais les excès de cet Etat. Et pour avoir voulu réunir des provinces autrefois concurrentes jusqu'à avoir vécu des histoires différentes sinon même opposées, on était parvenu, en dépit des progrès de la science et des moyens de communication, surtout depuis le début du 20ème siècle, à une situation gelée où les initiatives locales avaient quelque peine à remonter au sommet puisqu'il y avait sommet et que l'Etat, sortant de son rôle, avait charge de tout. Et quelle que soit l'école de pensée à laquelle vous vous référez, vous savez bien que la tentation est toujours la même : décider de tout, et pour tout. Et les tendances bureaucratiques, qui ne sont pas toutes à dénoncer, car il y a des bureaux qui foont bien leur travail, ces tendances bureaucratiques portent des noms divers, selon les époques ou selon les majorités. Mais c'est un risque toujours présent parce qu'il est dans le tempérament de notre peuple. Alors il faut se méfier. Mais de quoi ? Eh bien d'abord de nous-mêmes.\
Et, à-partir de là, j'ai voulu des structures, des institutions. Pourquoi sont faites les institutions ? Je suis de ceux qui croient que, je l'ai souvent répété, la liberté n'existe pas à l'-état naturel. Pour qu'elle existe, il faut qu'elle soit organisée, voulue et exprimée dans des structures qui sont des institutions. Ce sont ces institutions qui, lorsqu'elles jouissent de la confiance générale, permettent à l'un et à l'autre de vivre ensemble sans que l'un presse le pas sur l'autre. Là du moins où cela serait nuisible pour l'un et l'autre.
- Et les institutions régionales - on pouvait penser à autre chose, il est certain qu'il y a en France une sorte de bousculade des pouvoirs locaux - je les ai vécues, je sais de quoi je parle. J'ai pu être à la fois et je ne m'en repends pas - maire d'une petite commune, certes, conseiller général, président de conseil général et parlementaire. Et j'appartenais à un département qui avait quelque peine à s'insérer dans une idée régionale tant ce département, à travers les siècles, face à la monarchie puis à peu près à la Révolution, avait une sorte de volonté de s'affirmer par lui-même comme irréductible aux régions qui l'entouraient. J'ai donc vu cette volonté, à la fois de refus, d'identification à une petite région d'un petit département. Et aussi ce besoin ressenti profondément d'allier les efforts d'un département à l'autre, sans remonter par Paris, pour qu'une entité, une certaine dimension, une certaine densité, pût assurer leur relais. C'est celà la région. Vous êtes aussi plusieurs présidents de conseil général, il y en a quatre dans cette région et le président régional. Mais d'autres que cela qui ont vécu auparavant cette expérience, qui ont approché la gestion des affaires publiques savent de quoi je parle. Ce n'est pas toujours très facile à harmoniser. La direction est prise. En chemin il faut savoir observer, corriger, améliorer. Mais elle est prise - monsieur le président `M. Cartraud`, vous aviez raison de le souligner - elle est prise pour de bon. Je ne pense pas, vous savez, rien n'est jamais tout à fait définitif, gardons-nous des paroles de ce genre. Mais enfin, je serais très étonné que les femmes et les hommes du siècle qui vient se défassent de cette structure, de cette institution qui leur permet tout simplement d'être plus responsables. Et y a-t-il stade plus désirable de la liberté que la responsabilité qui fait que, n'importe où, dans les quartiers les plus isolés d'une ville, à la campagne, comme dans les endroits que l'on dira tout à fait organisés, cette responsabilité, c'est celle qui permet de s'assumer entièrement ? Oui, on est responsable. On en a reçu l'instruction, on en a le savoir ou du moins on l'acquiert et par cette responsabilité, on est appelé, lorsqu'on en a le goût, à gérer la chose publique.\
Combien d'entre vous sont venus de la campagne, les agriculteurs, tous les métiers artisanaux de la campagne ? D'autres sont venus des petites villes, des villes moyennes, d'autres sont venus quand même des capitales, ce qu'on appellera les quatre capitales. Et puis il y en a d'autres de cette région qui sont venus de tous les métiers, en-particulier de l'entreprise. C'est-à-dire qu'ils ont la pratique et la connaissance de quelque chose qui vit par soi-même, d'une sorte de corps vivant, d'un organisme qui a besoin de tous ses éléments pour se développer, pour vivre, pour survivre. Et c'est tout cela qui, au-sein d'une assemblée comme la vôtre, me permet de vous parler en toute tranquillité d'esprit avec le sentiment que par-delà les barrières de la séparation, nous pouvons avoir un langage commun.
- Ce langage commun, c'est celui de la patrie qui nous est commune mais aussi des cheminements qui doivent nous permettre, par la région, par l'affirmation des pouvoirs locaux, celui du maire, du conseil municipal, du conseil général, des conseillers généraux, de la région, d'appréhender la réalité française d'une autre façon que celle qui pendant trop longtemps a prévalu jusqu'à installer, c'est vrai, un pouvoir permanent. Un pouvoir plus permanent que le pouvoir politique, qui lui, a pour vocation d'être changeant, tandis que ce pouvoir permanent finissait par se substituer tout naturellement, simplement parce qu'il en avait le plus grand besoin, parce qu'il ne pouvait y avoir de vide. Je ne dis pas que c'était par intention d'installer un pouvoir abusif : c'est comme cela.
- Désormais, 22 régions peuvent examiner sur -place, dans la capitale désignée, au-cours de réunions rituelles et régulières, dans des commissions de travail qui sont, je le sais pour les avoir aussi connues dans le -cadre de ma région d'adoption, la région Bourgogne, qui apportent beaucoup de sciences, beaucoup de bonne volonté, et aussi, finalement une capacité de dessiner une volonté commune.\
Donc, cette affirmation régionale, prend un sens dans mon esprit qui dépasse de loin les discours d'usage qu'un invité, comme je le suis, se doit de faire devant une assemblée comme la vôtre. C'est un choix qui a été fait, un parti-pris dans le bon sens du terme, une orientation fixée à la société française, sachant fort bien que, quand on dispose du pouvoir central comme c'est le cas de quelques-uns dont je suis, s'en défaire, pour partie, au bénéfice d'élus locaux, cela pourrait paraître imprudent. Il faut pourtant bien que quelqu'un le fasse parce que c'est une nécessité historique correspondant à l'-état d'évolution de la nation française. Elle est assez solide pour surmonter d'éventuelles contradictions et en même temps pour découvrir qu'elle possède plus de richesse qu'elle ne le savait.
- Eh bien, des problèmes se posent ici, naturellement, et je les aborderai tout à l'heure. Il me serait difficile de l'éviter après avoir entendu l'exposé de M. le président de région, bien que je n'entende pas le suivre sur tous les points qu'il a évoqués. Ce n'est pas non plus mon rôle. Disons que je transmettrai. Mais c'est le rôle du chef du gouvernement `Premier ministre` ou des ministres compétents qui assurent l'exécutif gouvernemental, que de s'engager dans les domaines que vous avez souhaité traiter à cette tribune.
- Mais, je ne me défausserai pas pour autant : il est intéressant de discuter. Après tout, pourquoi est-ce que je ne ferais pas connaître mon opinion qui, étant une opinion personnelle, a quelque chance d'être considérée, le cas échéant, comme une opinion, disons, un peu plus générale.\
Je vous ai dit tout à l'heure que j'avais des raisons particulières et choisies de me trouver bien parmi vous. Je ne vais pas raconter mon passé, cela suffit comme ça. Je ne vais pas évoquer, chacun d'entre nous pourrait le faire à ma place, la jeunesse ou l'adolescence. Cela compte dans la vie d'un homme et, naturellement, la Charente et Poitiers, d'autres régions encore, ont compté dans ma vie, ont pris part à ma formation. Vous invitez des jeunes Français à se former. Moi, j'ai été formé aux disciplines familiales, sociales et aux disciplines universitaires de cette région. J'ai encore le souvenir - je l'évoquais encore tout à l'heure à l'hôtel de ville de Poitiers - des heures tremblantes qui précédaient l'audition du collègien que j'étais afin d'accéder à ce palier qui me paraissait insurmontable, qui s'appelle le baccalauréat. Or, je me sens tout à fait bien chez vous, chez nous, chez moi parce qu'il y a comme un air qui nous fait ressembler entre tous ceux que j'ai là devant moi, dont je connais - inutile de dessiner - la géographie politique de l'Assemblée en question, dont je vois parfaitement où se trouvent les contours. Et pourtant je n'ai pas envie de me distinguer particulièrement de celui-ci, plutôt que de celui-là. Peut-être ne sera-ce j'allais dire que l'-état de grâce d'une heure ? Peut-être ne sera-ce que l'avantage vécu d'un moment comme cela ? Mais, puisque nous sommes en assemblée solennelle, et que bien d'autres que nous écouterons au-delà de ces murs, il est bon qu'on sache que cette séance m'aura valu, j'espère vous aura valu, de prendre part à un dialogue utile.
- Voilà donc cet aspect personnel et purement sentimental, oublions-le. Mais on ajoutera le fait que, ayant vécu parmi vous, j'ai pu connaître l'évolution de l'ordre social, économique, considérable, depuis que né pendant la première guerre mondiale, j'ai pu arriver à l'âge d'homme, au moment où, avec vous, je me trouvais précipité dans la deuxième guerre mondiale. Et encore avec vous, du moins nombreux parmi vous, participer pendant les années d'après-guerre à la construction de la France, d'un pays dramatiquement éprouvé, et qui devait connaître à la fois des mutations politiques importantes, des changements d'institutions, l'effort de tout un peuple pour rebâtir, pour reconstruire et, à peine cela était-il accompli, un pays assailli par une crise venue de loin et qui risquait d'emporter toutes les défenses tant la tourmente était violente. Chacun s'est appliqué à sa manière et selon ses conceptions à réduire les effets de cette crise. C'est ce que je fais, c'est ce que fait le gouvernement. Je ne suis pas venu ici pour développer l'ensemble de cette politique mais pour faire valoir ce que seront les effets heureux et salvateurs de cette politique. Je suis venu pour traiter avec vous des problèmes tels qu'ils sont dans leur difficulté.\
Vos dossiers, je les ai examinés cette fois-ci sur le papier. Ah, ils sont bien faits ! Mais ils n'ont rien à voir avec ce que représente simplement une journée comme celle-ci, le passage dans une usine, un bureau, un hôtel de ville, les gens que l'on rencontre - vous êtes de ceux-là - et le fait d'entendre l'écho de la parole d'un maire qui ne résonne pas toujours au même son. Cela a pour moi l'avantage de me replonger dans la réalité, réalité qui ne me fuit pas mais vers laquelle je dois toujours me rendre pour être bien sûr d'exprimer la volonté générale.
- J'ai donc connu la réalité industrielle et agricole en Poitou-Charentes, et particulièrement naturellement de la Charente tout court. J'ai pu constater à quel point ont disparu des industries qui paraissaient enracinées, inébranlables.
- Je me souviens de quelle façon nous examinions, comme cela, en passant, petits garçons, des entreprises fameuses, connues de toute la France. Et puis voilà que l'on revient, on ne retrouve plus les mêmes choses, les mêmes noms, les mêmes sociétés, les mêmes entreprises. Oh, il en reste, heureusement, mais quels bouleversements !
- Quand je pense à Angoulême ou à Cognac, ou à ma ville natale de Jarnac, déjà, quelle évolution, quelle entrée sur le monde et quelle pénétration du monde extérieur chez nous ! Quels sont les moyens dont nous disposons pour faire que la France et que la région Poitou-Charentes soient mises en mesure de s'organiser, de dominer non seulement la crise, qui ne sera que de passage, mais la concurrence internationale dans le monde rénové, après la mutation technologique qui nous attend ?\
Vous avez, monsieur le Président, énuméré un certain nombre de problèmes touchant à l'industrialisation ou à l'équipement. Industrialisation avec ses tares ou ses échecs. Pour peu d'entreprises aujourd'hui menacées, quand elles n'ont pas fermé, pour quelques entreprises qui font la démonstration, dans plusieurs de vos départements que la qualité d'initiative, la hauteur de la conception, la capacité du développement social existent, combien d'entreprises ont quand même apporté la preuve contraire, celle de la réussite, de l'audace et de la conquête. Il n'empêche que par pans, notre économie française et donc par voie de conséquence, celle d'ici, s'est abattue. Je pense en-particulier à des grandes industries traditionnelles. Voyez les difficultés que nous avons depuis longtemps, que nous avons toujours, pour la sidérurgie, la métallurgie, celle que nous connaissons dans les mines, celles que nous avons dans le textile, dant la chimie - en bref dans les industries traditionnelles qui sont souvent des industries lourdes.
- En même temps, on aperçoit ici et là des projections très remarquables de l'intelligence et de la technique dans les secteurs dits de pointe, bien qu'il ne faille pas confondre et que l'on doive estimer que dans tous les secteurs, y compris les secteurs traditionnels, et surtout eux, il est possible de sauvegarder, que dis-je, de magnifier, de multiplier dès lors qu'ils se doteront des moyens technologiques indispensables, et je pense en-particulier à l'automobile.\
Mais enfin, ce que l'on appelle les techniques, technologies de pointe bien qu'il faille dire tout simplement techniques de pointe, c'est celles par lesquelles il faut passer nécessairement si l'on veut que dans les tous prochains mois, en tout cas les très prochaines années, la France ne soit pas distancée par des pays comme le Japon ou les Etats-Unis d'Amérique. Et élargissons notre propos, qu'à son tour l'Europe occidentale soit dépassée, éliminée de la course, elle qui était, qui est encore virtuellement, la première puissance commerciale du monde et qui risque tout simplement de se vendre, si j'ose dire, par appartement aux grandes puissances industrielles plus audacieuses que nous. Pourtant lorsque l'on pense à l'électronique on doit savoir que si nous ne sommes pas encore en-mesure, sauf sur certains points, de fabriquer l'objet, l'objet concurrent, nous sommes en-mesure de lui donner un contenu. Nous sommes aujourd'hui le pays le plus recherché pour les programmes d'informatique, pour ce que l'on appelle le logiciel. Je faisais remarquer dans une autre enceinte `la MAIF, à Niort` aujourd'hui même, que l'on avait observé dans plusieurs universités américaines que si l'on comparait les capacités des jeunes gens aptes à apprendre, par une formation appropriée ce qu'est l'application de l'électronique - l'informatique - c'était les jeunes Français qui se trouvaient les mieux placés. Jusqu'à 20 ans environ, ils ont la meilleure formation mathématique et de physique par -rapport au Japon, par exemple ou à l'Allemagne `RFA`. Mais ils perdent du terrain entre 20 et 30 ans parce que nous n'assurons pas suffisamment le passage entre la scolarité et l'emploi. Si l'on ne veille pas à combler ce fossé, on y a veillé avant ces gouvernements, on y veille aujourd'hui avec un grand scrupule, si l'on n'arrive pas à assurer un meilleur passage, alors ces jeunes gens si doués, si bien formés sur le -plan des connaissances théoriques perdront pied, alors qu'il s'agira de devenir chef d'entreprise ou tout simplement cadre et ouvriers qualifiés, ouvriers qualifiés de ces technologies de pointe. Cela représente un niveau qui bientôt dépassera bien des licences d'enseignement. Je sais que dans votre région, j'allais dire dans notre région, il y a beaucoup d'initiatives de ce genre. J'ai été très frappé par ce que j'ai vu à la MAIF en-particulier, mais bien d'autrs choses, marquent que l'on n'a pas les yeux fermés sur ce progrès.\
Cependant vous m'avez parlé des liaisons, des communications, alors sur un mode plus simple, les communications routières par exemple, ou ferroviaires, ou maritimes pour remarquer que la région Poitou-Charentes n'était peut-être pas au niveau qui devrait être le sien. Et c'est vrai que la décision prise, par exemple, pour le TGV, qui est une décision difficile à prendre en-raison des multiples charges de l'Etat, des collectivités publiques, m'est apparue comme une nécessité, d'abord en-raison de son heureuse finalité économique. Mais entre temps, il faut pouvoir assumer la charge, surtout parce que ouvrant sur toutes les régions de l'ouest, sur les mouvements de l'économie et des économies européennes, assurant la transmission et la communication des populations en même temps que des marchandises, notre région enfin sortira du point où elle s'est trouvée pendant si longtemps : l'autoroute a commencé, là où elle passe, de la délivrer de son enfermement.
- Mais c'est vrai que le rassemblement sur Paris, la concentration, les lignes Nord - Sud et cette absence de liaison entre l'Est et l'Ouest finissaient par être dommageables. A cet égard, vous savez que les décisions ont été engagées et que les contrats de plan nous permettront de pallier cette situation. Pour ces grands équipements, j'ajouterai qu'une première tranche de modernisation du port de la Rochelle sera inaugurée demain. Plus de 200 millions de francs seront investis pour offrir des services adaotés aux navires modernes. En outre, l'extension du quai céréalier sera engagée dès 1984 et intégrée dans le contrat de plan que vous avez précisément débattu.
- J'ai dit un mot du TGV atlantique. Je l'imagine assez bien capable d'irriguer des régions qui ont été parfois écartées du parcours de l'autoroute. L'électrification de la ligne Poitiers - Niort - La Rochelle viendra en temps utile, croyez-moi, permettre à certaines villes, dont les deux dernières que je viens de citer, de profiter de cette modernisation. Et je vous assure que les travaux seront engagés de façon qu'il n'y ait pas un décallage dans le temps trop important avec la mise en service de la ligne nouvelle, en tout -état de cause, avant la fin du IXème Plan.\
Les équipements routiers, c'est là que l'on peut débattre des relations avec l'Etat et la région ou les collectivités locales, comme le département. Je me souviens d'une époque, elle n'est pas si lointaine, où président d'un conseil général, j'avais reçu, comme cela, soudainement, avec brutalité, l'annonce qu'une grande partie des routes nationales étaient passée à la charge du département. Et comme nous avions déjà, comme la plupart des départements, beaucoup de retard dans la gestion du réseau départemental, nous nous sommes retrouvés avec quelques centaines de millions, sinon quelques milliards d'anciens francs de retard. Il faut éviter ce genre de chose et le partage des compétences doit être clairement compris par la population. On ne peut pas à la fois demander à l'Etat de se défaire d'un certain nombre de compétences et lorsque cela est fait lui demander de financer ce qui est de l'ordre de la région ou du département. On ne peut pas demander les deux choses à la fois. Et si on demande les deux choses à la fois, c'est parce que l'on ne sait pas. C'est parce que cela ne parait pas encore très clair, le partage des compétences et des moyens de financement entre l'Etat et les collectivités régionales et locales. Bon, il faudra mettre tout cela au clair, M. le ministre de l'intérieur et de la décentralisation `Gaston Defferre` est ici, il entend ce que je dis. Il faut que cela soit clair. L'Etat est responsable, mais pas responsable de tout. Désormais vous avez l'envers, en somme, de la médaille, c'est-à-dire, la charge d'apparaître aux populations comme responsables de certaines gestions courantes sur lesquelles vous avez le devoir d'appliquer votre concertation et de mettre en ordre vos décisions.
- La liaison de la RN 10, itinéraire que j'ai beaucoup parcouru, doit, comme vous le savez passer, progressivement à deux fois deux voies. C'est un investissement extrêmement couteux. Mais l'Etat précisément, dans ce domaine, a des responsabilités. Elles seront remplies par l'intermédiaire du budget, monsieur le Président, ou plus précisément en utilisant les différentes tranches du Fonds spécial de grands travaux que j'ai fait décider, déjà à deuxreprises. Une troisième tranche de grands travaux sera -entreprise rapidement, cette année. La moitié, vous le savez de ces crédits sont affectés aux économies d'énergie, mais l'autre moitié sert à diverses entreprises ou investissements dont je suis en-train de vous parler. En ce qui concerne la RN 10 donc, la part prise en charge par l'Etat représentera 70 %. On peut quand même appeler cela un réel effort.
- Autre réalisation, c'est là que j'abandonne alors au gouvernement le soin de répondre aux questions, mais enfin on m'a parlé de la déviation de Cognac. L'effort total de l'Etat en 1984 dépassera 75 millions de francs, mais à plus long terme, il faudra développer les infrastructures routières, je vous l'ai dit tout à l'heure. De même, la façade littorale - mais j'en parlerai surtout en Charente-Maritime - devra faire l'objet d'études et de travaux sérieux.\
Vous m'avez parlé aussi de Civaux, me semble-t-il ? Enfin, je crois avoir entendu depuis ce matin, assez souvent, ce nom revenir dans les conversations. Je connais Civaux, je ne connais pas de centrale nucléaire à Civaux, puisqu'elle n'y est pas encore. Mais le problème que vous posez, c'est de savoir si elle y sera jamais, c'est bien ce que je crois avoir compris.
- Vous avez, mesdames et messieurs, connu l'histoire de cette centrale. Elle fut d'abord adaptée peu à peu aux réalités de votre région. Elle n'est pas entrée dans les faits à la fois parce que le programme a été révisé et que d'autre part, les études qui nous ont été fournies montrent qu'il faut agir avec prudence dans le domaine de la production d'une électricité dont la consommation n'est plus aussi forte et dense qu'elle l'a été. Nous recherchons aujourd'hui, les marchés étrangers avec quelques chances de succès dans les pays voisins, et de ce fait il y a retard. Mais ce n'est qu'un retard parce que la centrale de Civaux continue d'être programmée. Je le faisais remarquer au-cours de cette journée : pour une fois qu'une région - ce n'est pas la seule, il faut le dire, mais enfin elles sont peu nombreuses - demande à cor et à cris une centrale nucléaire, tandis que les autres nous disent qu'elles n'en veulent pas, il serait quand même bien dommage de ne pas répondre aux voeux de ceux qui hardiment se lancent dans cette direction. Voilà pourquoi je vous dis, et je m'exprime en ma qualité de Président de la République : la centrale de Civaux sera construite. Il ne doit pas y avoir d'incertitude sur ce point et cette affirmation n'est pas faite pour que la deuxième question soit obscurcie, c'est-à-dire quand ? Naturellement, vous dire la centrale de Civaux sera construite et puis mes successeurs examineront avec vous dans quelles conditions, cela risquerait d'ôter quelque intérêt à ma première déclaration. Remarquez, je ne serais pas le premier à agir de cette façon, mais ce qui sera fait pour commencer, ce sera que la déclaration d'utilité publique sera décrétée dès le début - le début, c'est janvier, février, mars - dès le début de 1984.\
J'ai demandé au gouvernement, puisque vous m'aviez saisi de cette affaire de s'assurer qu'Electricité de France `EDF` sera en mesure de commencer les travaux. Bon, je vais dire le plus vite possible, ce n'est pas très précis, le plus vite possible, après la décision d'engagement, bien entendu. Il existe déjà des études d'adaptation du site, et dès 1984, j'entends que des travaux préliminaires d'accompagnement soient engagés, d'abord sur la périphérie, ensuite sur le site lui-même. Qu'un travail de ce genre puisse représenter une bouffée d'oxygène pour de très nombreuses entreprises, c'est évident, c'est sûr. Le frein qui existe à cette décision, si importante pour votre région, je comprends très bien votre revendication elle repose sur une donnée exacte, vue avec précision de vos intérêts. Il n'empêche que je dois aussi considérer le problème de la production de l'électricité dans son ensemble et qu'il ne convient pas d'engorger la France dans ce domaine, de centrales nucléaires, du moins tant que nous n'aurons pas découvert un certain nombre de techniques qui nous permettront de stocker nos ressources énergétiques aussi commodément qu'on le fait avec d'autres matières. Il faudra quand même dès le point de départ prendre des précautions quant à l'environnement, mais enfin je sais que vous en avez parlé, monsieur le président, que c'est un souci qui parait reconnu d'une façon générale.\
Mais ce n'est pas le seul projet qui mérite cet examen quant à l'environnement. J'ai ici sous les yeux quelques projets d'aménagement hydraulique du bassin de la Charente mis en place par l'institution inter-départementale du bassin de la Charente et des affluents. Je puis vous indiquer que le fonds interministériel de la qualité de la vie y contribuera pour encourager ce projet. La Charente, pour ceux qui l'ont vu couler, sous leurs yeux, pour ceux qui, comme moi, sur des bateaux à fond plat ont passé des heures à taquiner le goujon, sans grand succès d'ailleurs, je dois le dire, je me représente très bien combien il était difficile de se dégager des roseaux. Ah ! nos anciennes gabares ! mais maintenant, on voit quand même passer des navires de plaisance, on voit circuler, cela recommence, la vie a repris. C'est à l'honneur de cette génération. Disons que celle de nos parents, de ce point de vue-là, s'était quand même un peu endormie, et l'on pouvait croire que le fleuve - car c'est un fleuve, prenons-en pleinement conscience - que le fleuve lui-même dormait de son dernier sommeil.
- Il faut de même un projet de contrat de la rivière Sèvre-Niortaise, tout un projet de lutte contre le bruit, à la suite de l'inventaire régional des points noirs. Certains établissements industriels ont fait des efforts considérables dans le secteur de la chimie, de la métallurgie pour lutter contre la pollution.
- Eh bien, il faut que vous mettiez, monsieur le président, et vous, mesdames et messieurs, tout cela dans une brassée et que vous traitiez tous ces problèmes à la fois et que vous voyiez de quelle façon le développement de votre industrie ne puisse pas être freiné par la nécessité de protéger l'environnement, mais que cependant, l'environnement soit protégé. Sans quoi vous allez susciter d'une part une protestation fondée, et puis aussi, vous auriez, nous aurions altéré l'équilibre d'un pays dont vous avez plusieurs fois répété, je le dirai après vous parce que c'est vrai, que si quelque chose le distingue, c'est bien cette vertu de raison, d'équilibre, ce qui est une forme de la sagesse.\
L'environnement, c'est aussi le tourisme. Cette région, je me permets de vous le rappeler, a été la première à se doter d'un schéma régional de développement du tourisme et des loisirs. Cela a donc été fait, monsieur le Président, avant vous. On va répartir les mérites sur ceux qui ont eu la charge que vous occupez, et qui n'ont pas oublié l'essentiel. Ce qui prouve qu'il est possible de trouver, quelle que soit la majorité du moment, les hommes capables de traiter l'avenir. Vous savez que le contrat de plan, monsieur le président, prévoit d'accentuer le développement du tourisme rural autour des cinq pays d'accueil et de mieux équilibrer le tourisme du littoral par ce que vous appelez les contrats de station.\
Tout à l'heure, j'ai visité plusieurs entreprises. C'est à elles que je pensais lorsque je disais que l'exemple était donné dans cette région de réussites rares, de conquête des marchés extérieurs ou de reconquête sur soi-même des entreprises. Je ne veux pas citer les noms, mais ils sont dans votre esprit. Ces entreprises après avoir été puissantes, ont été assaillies par la concurrence internationale faute de disposer des objets et des biens capables de supporter cette concurrence. Malgré tout, elles ont su se reconvertir sur-place pour redevenir de puissantes industries.
- Je pourrais parler de cela notamment à Angoulême, où je serai demain car cette zone industrielle montre que des entrepreneurs sont en-train d'investir, de créer des emplois et que se trouve ainsi établi le lien entre le nouveau et l'ancien, l'ancien n'étant d'ailleurs pas plus démuni d'imagination que le nouveau. Ainsi, la charnière des générations s'établit-elle pour le mieux de tous.\
Je ne vais pas faire le tour de toutes les questions car ce serait trop long mais comment voulez-vous que je ne parle pas de l'agriculture ? Si je vous ai ouvert un volet modeste sur ma propre existence, j'ajouterai que les quinze ou seize premières années de cette existence se sont déroulées en pleine campagne. J'allais dire en pleine brousse ! En pleine campagne, c'est-à-dire loin du premier village, sans l'électricité, sans l'eau à la maison, bien entendu, et avec comme mode de transport un cheval qui était fourbu avant même d'être attelé.
- J'ai donc pu connaître, visiter l'autre face de la terre, c'est-à-dire de l'autre côté de la rivière, une façon de vivre qui a été relayée par la fusée moderne de ma jeunesse qui s'appelait la bicyclette. J'ai donc pu grâce à ces moyens - c'est ce que l'on appellera mon archaïsme - avant de pénétrer dans la vie tout à fait moderne, apprendre qu'il pouvait y avoir Ariane, que l'on pouvait conquérir la lune etc ... C'est comme cela que j'ai appréhendé ce petit bout de région Poitou-Charentes, ce petit bout qui était le mien. Et j'ai vu l'agriculture puisqu'il s'agissait d'agriculteurs. Mon grand-père dirigeait une entreprise agricole, il était exploitant agricole. Je retourne encore voir mon frère qui est exploitant agricole. Autrefois, c'était la polyculture. Maintenant, on s'est davantage fixé dans la région où nous sommes sur le Cognac et le mouton.\
Et j'ai observé en me rendant à Montmorillon tout à l'heure, quelque chose apparemment d'imperceptible, comme on dit selon l'expression connue "dans le silence j'entends quelque chose". Dans le silence fait généralement sur les problèmes du mouton, sur les problèmes de l'agriculture de cette région assez exposée, comme personne n'en parlait, j'ai pensé que s'il y avait quelque chose à dire qui eût été désagréable, on me l'aurait dit.
- Je ne doute pas qu'il y ait à l'heure actuelle des tentatives d'organisation de la part des professionnels, avec des initiatives extrêmement intelligentes. J'en ai parlé là-bas à Montmorillon. Elles montrent que l'agriculteur ne date pas d'aujourd'hui £ on ne l'a pas inventé dans les années 80. Mais peu à peu, la capacité de formation des plus jeunes, les moyens donnés à l'installation des plus jeunes, le fait qu'entre les générations d'agriculteurs un grand progrès dans la connaissance du monde moderne s'est produit, tout cela permet de dire que l'on assiste à des développements agricoles qui sont quand même satisfaisants.
- L'année dernière a été la meilleure année depuis longtemps mais le soleil nous y a aidés sans aucun doute, du moins le juste équilibre du soleil et de la pluie. Quand on les a de son côté, cela vaut mieux. C'était la meilleure année depuis dix ans. Cette année sera d'une façon moyenne, moins heureuse. Il y a chez vous une concentration d'entreprises agricoles, d'exploitations familiales et il existe assez de jeunes dans un département comme la Vienne et dans une région comme le Poitou-Charentes pour penser qu'une agriculture tout à fait modernisée doit pouvoir continuer d'être le support de la structure économique et sociale de notre région. Naguère, elle était essentiellement rurale. Elle ne l'est plus ou, plutôt, elle l'est pour moitié sans que l'on établisse une proportion exacte. Mais très importante est la forme de culture non pas dans le sens de la culture du sol, mais dans le sens de la culture de l'esprit et de l'équilibre d'une société. Il faut préserver cette réalité qui nous a forgés et sans lesquels nous serions démunis.\
Seulement voilà, nous sommes dans l'Europe. On ne va pas rejeter sur l'Europe la responsabilité d'une défaillance. Il n'empêche que nous avons à tenir compte surtout pour plusieurs productions, je pense à la production laitière, de l'existence de la Communauté `CEE`. Elle est assez contraignante de ce point de vue même si nous en avons tiré de réels bénéfices.
- Aujourd'hui s'affrontent deux modes de production et d'exploitation du lait. Il y a les grandes usines que vous connaissez dans le nord de l'Europe et il y a les coopératives petites et moyennes qui marquent davantage le mode de production française.
- Mais, il se trouve qu'en plus, les accords internationaux, les accords du GATT font qu'un certain nombre de productions pour les aliments des animaux venus des Etats-Unis d'Amérique arrivent librement en Europe occidentale, dans l'Europe des Dix, sans supporter en Europe occideles taxes que supposerait l'union douanière qui préside entre les Dix pays en question. Nous nous trouvons dans une situation extraordinairement difficile pour supporter la concurrence du nord de l'Europe. Alors, il y a des excédents. De ces excédents nous ne sommes pas responsables et cependant lorsque l'on veut réglementer, c'est sur les petites et moyennes coopératives, les petits et moyens producteurs que finalement s'abat le refus de financer ces excédents.
- Alors cela doit nous obliger à prendre conscience d'une négociation internationale indispensable où il ne faut pas que l'Europe soit ainsi ouverte à des productions extérieures à elle. Il convient de trouver sur-place les produits réels et non de substitution, les productions capables de nourrir le bétail et de faire que ce bétail puisse produire un lait pouvant assurer la vie ou le complément du pouvoir d'achat de nos agriculteurs.
- Votre région à cet égard est une région qui peut permettre beaucoup d'espérances. J'ai entendu les mêmes termes dans le discours du président sur les oléoprotéagineux. On comprend tout de suite le sens de ce mot dans une assemblée comme celle-ci. Comme je le disais à Châtellerault, ce serait si simple de dire le tournesol et le colza, peut-être d'autres choses encore, qui se relient au fait que l'on peut faire de l'huile d'une part, et des tourteaux de protéines d'autre part. C'est comme cela que j'ai compris en tout cas cette expression savante. Il se trouve donc que le tournesol est là. On m'a même dit qu'il serait le plus beau d'Europe. Je veux bien le croire. Enfin il est beau et je pense que le colza va nous permettre aussi d'être moins dépendants du soja et de toutes les productions de tourteaux étrangers.\
Vous avez évoqué, et j'en aurai fini - cela dit je ne ferai pas le tour des choses - les problèmes culturels. Le problème culturel, c'est d'abord cette vieille université que j'ai précisément connue. Elle se tourne résolument vers l'avenir et je vous en fécilite.
- La mise en place d'une maîtrise de sciences et de techniques orientées vers les sciences de la mer sera décidée dans les jours qui viennent puisque ce sera avant le premier janvier prochain. L'Ecole nationale supérieure de mécanique et d'aéro-technique augmentera progressivement au-cours des prochaines années l'effectif de ses promotions. C'est aujourd'hui 80, cela devrait passer à 120. Cela devrait permettre de former plus d'ingénieurs et particulièrement pour la filière électronique. Les activités de l'institut universitaire de technologie d'Angoulême seront diversifiées et s'ouvriront sur la robotique. Je pense au lycée hôtelier de La Rochelle qui sera achevé d'ici la fin de 1985 indépendamment de la qualité architecturale de ce projet.
- Je pense que, peu à peu, votre région s'équipera de façon convenable avec les centres culturels dont vous m'avez parlé, monsieur le maire de Poitiers et ceux que je pourrai rencontrer dans ma visite de demain dans les deux départements de Charente et de Charente-Maritime.
- Déjà Poitiers représente je crois, une réalisation exemplaire à laquelle n'est pas indifférente la très remarquable modernisation de certains vieux quartiers qui présentent un nouveau type, un nouveau mode de vie souvent pour les foyers modestes. Vous le savez bien, l'habitat, l'architecture et la beauté des lieux, cela participe éminemment de la culture. Il ne faut pas toujours situer la culture sur les cimes inacessibles. La culture, c'est une façon de vivre. C'est aussi une certaine façon de traduire et je sais bien qu'une région comme la vôtre est capable au premier chef, de produire les intelligences, les curiosités de l'esprit, la capacité d'embrasser le réel pour créer un peu de rêve simplement parce que la beauté qui sort des mains et de l'esprit est à la merci de ceux de nos jeunes gens, de nos artisans et de nos artistes qui font des objets, qui imaginent les structures d'un monde futur.\
Je ne ferai pas de déclaration particulière sur ce que l'on appelle la civilisation de la vie. J'en parlerai une autre fois. C'est un sujet sur lequel je reviens souvent. Comment ne serait-on pas frappé par cette réalité qui veut que 8 Français sur 10 vont vivre en ville ? Et précisément parce que nous sommes ensemble, nous pouvons nous demander ce que cet équilibre qui est le nôtre, qui est encore le nôtre, va devenir ? Dans la société qui existe encore, qui tend à disparaître, il faut aborder avec clarté d'esprit et sérénité les choses qui viennent. Mais il y avait au moins une civilisation qui avait trouvé ses assises. Une civilisation, c'est une façon, une capacité de parler aux autres, c'est la vie en commun, c'est pouvoir parler aux autres le même langage, quelquefois avec le même accent, c'est une force. Pouvoir parler de tout ce qui importe, de la famille, des dates de naissance, des anniversaires, savoir où se trouvent les anciens, les disparus, pouvoir reconnaître le nom des familles, pouvoir reconnaître les vieux chemins, être partis au service militaire ensemble, pour des générations avoir combattu loin, d'une façon dramatique et dans les mêmes rangs. Tout cela crée une forme de civilisation que la ville non encore civilisée ne permet plus.
- Parmi tous les drames qui frappent notre société, je vois celui-ci poindre en premier car dans la foule, on ne connaît plus personne. Dans ces immenses villes (ce n'est pas encore le cas des métropoles du Poitou-Charentes) dans ces immenses villes qui se développent (Mexico où j'étais il n'y a pas si longtemps, a 25 millions d'habitants) qui parle à qui ? Qui s'intéresse au jeune qui pousse, au vieux qui va mourir ? Quel lien s'établit entre les générations ? On s'arrête à la première pour peu que la mère et le père ne soient pas dispersés avant l'âge. Plus aucun lien, plus aucune transmission d'expérience. Plus de dialogue, plus de communication, plus d'échange.
- Il faut donc que nous soyions capable de transformer nos vies, nos existences de façon à s'adapter aux nécessités de la civilisation future de la vie. A-partir de structures et d'un capital immobilier déjà bâti, ce qui rend la chose infiniment plus difficile. Il faut être capable lorsque l'on a la chance de pouvoir inventer, de créer des quartiers nouveaux, d'examiner tous les aspects culturels nécessaires au développement de l'être humain. Y compris les choses les plus simples parce que de cette culture-là, le sport fait partie. Il faut être capable de créer tout ce qui permet à un mode de culture dans un pays comme la France, qui représente tout de même l'une des pointes les plus raffinées de la civilisation dans le monde, de rester d'abord elle-même et ensuite de s'affirmer comme un pays modèle. La France en est capable. Cela fait déjà tant de siècles qu'elle le peut. Pourquoi cesserait-elle ?\
Le nombre de ses habitants ne s'accroît pas autant qu'il le faudrait, c'est vrai. Et c'est aussi un des problèmes que je me pose et que je traiterai pendant le temps qui m'est donné : celui de la démographie, le support même de toute culture. Et je me réjouis de voir que dans vos villes, vos villes principales, celles qui peuvent être atteintes par le mal, quel est le souci des édiles, des conseillers municipaux ? Veiller à ce que leur ville ne devienne jamais l'ennemi de l'homme ni l'ennemi de la société. Car l'homme démuni de sa société me fera retourner à mon raisonnement : je crois que seules les institutions garantissent la liberté.
- Voilà monsieur le président, mesdames et messieurs, quelques considérations qui seront suivies, à l'échelon du gouvernement, par un dialogue renouvelé après ce voyage entre les élus que vous êtes et les responsables du pouvoir exécutif.
- J'espère que les paroles échangées au-cours de cette journée, particulièrement pendant cette séance, permettront aux responsables du pouvoir exécutif d'être mieux éclairés. En tout cas, je dirai ce que j'ai vu et entendu et je vous remercierai pour me l'avoir permis, mesdames et messieurs, terminant à mon tour comme je dois le faire en exprimant le sentiment de tous : Vive la Région Poitou-Charentes !
- Vive la République !
- Vive la France !\