13 septembre 1983 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, lors de la réception à la représentation permanente de la France auprès de l'Office des Nations unies, notamment sur le rôle et les problèmes particuliers aux fonctionnaires internationaux, Genève, mardi 13 septembre 1983.

Mes chers compatriotes,
- Notre rencontre d'aujourd'hui revêt une double signification : il est normal que le Président de la République française salue ses concitoyens qui servent le renom de la France à l'étranger, dans les organisations internationales. Bien que votre mission soit de servir, à travers l'organisation où vous travaillez, la communauté des peuples et non un Etat particulier - fût-il le vôtre - c'est une certaine image de la France que vous donnez et que vous servez par votre travail, votre conviction, vos initiatives. En même temps, je souhaite témoigner, par ma venue à Genève et ici-même, par notre réunion, de l'attachement de la France aux organisations internationales elles-mêmes. Il est arrivé et il arrive encore que certains se laissent aller à un réel scepticisme à cet égard. Les organisations internationales et le système des Nations unies `ONU` n'ont certes ni garanti notre monde des menaces de la guerre, ni assuré le succès du dialogue Nord-Sud, ni imposé toujours le respect des droits de l'homme. Et pourtant, c'est ici, bien souvent, que les dialogues s'amorcent, que les prises de conscience s'ébauchent, que les normes s'élaborent, que des programmes concrets de sauvetage sont mis sur pied. Il y faut certes le consentement et la collaboration active des Etats, dont le Secrétaire général `Javier Perez de Cuellar` des Nations unies, dans son dernier rapport annuel soulignait à juste -titre l'importance. Mais il y faut aussi la compétence et le savoir-faire de tous les fonctionnaires internationaux grâce à qui l'Organisation peut assumer ses tâches.\
Au sein de ces organismes, la France agit en fonction des principes qui fondent sa politique extérieure, défense de la paix, des indépendances contre les agressions, les hégémonies £ poursuite du dialogue et particulièrement du dialogue Nord-Sud £ attention permanente portée aux droits de l'homme. C'est également la défense active, ouverte de notre langue, car le Français n'est pas seulement une langue officielle et une langue de travail, elle est aussi le lien et le lieu vivant d'échanges entre pays multiples. Sacrifier l'usage de notre langue, c'est faire tort, non seulement à la France, mais à tous les pays qui recourent à elle pour s'exprimer, que ce soit par tradition ou par choix.\
J'apprécie hautement, mesdames et messieurs, la conscience avec laquelle vous défendez, dans l'exercice de vos fonctions, l'usage de ce bien précieux pour tant de peuples et de communautés. Il ne faut pas sacrifier à la légère ces moyens si puissants de notre pérennité.
- Votre travail ne s'effectue pas, j'imagine, toujours sans difficultés. Et il faut pourtant que les problèmes qui vous sont posés soient résolus, du moins progressivement. Sans doute avez-vous eu connaissance des orientations qui ont été prises récemment, des mesures décidées en Conseil des ministres, au mois de juillet dernier. Leur mise en oeuvre ne tardera pas : décision de principe, en vue de faciliter la réinsertion professionnelle des fonctionnaires rentrant en France £ création de passerelles entre la fonction publique internationale et notre fonction publique nationale.
- D'autres problèmes, comme le régime des pensions ou la protection sociale, doivent être traités dans-le-cadre des structures auxquelles nous travaillons. Et comme il a été annoncé le 20 juillet, un délégué aux fonctionnaires internationaux doit être institué auprès du Premier ministre. De même, le gouvernement a décidé que les associations représentatives des Français fonctionnaires internationaux seraient invitées à participer aux travaux d'une nouvelle instance, le "Comité des fonctionnaires internationaux", qu'animera désormais le délégué en question. C'est dans un même souci d'efficacité et de concertation que le gouvernement a recherché les solutions à quelques problèmes concrets et parfois quotidiens sur lesquels vous avez appelé son attention. Citerais-je les difficultés que vous rencontrez dans-le-cadre de vos activités en Suisse et résidant en France, du fait de la réglementation actuelle en-matière de contrôle des changes. A cet égard, le ministre de l'économie et des finances `Jacques Delors` a reçu instruction de prendre les mesures nécessaires pour harmoniser votre situation avec celle des fonctionnaires internationaux de nationalité étrangère qui résident en France. Dans les efforts que nous menons pour servir notre pays, vous avez votre place, quel que soit votre statut. Et la France ne peut pas être indifférente à ceux qui, au sein des institutions universelles, remplissent le rôle que l'on sait.\
Chaque fois qu'il m'arrive d'aller à l'étranger, fût-ce dans un pays ami et proche, je tiens à rencontrer les Français. Vous êtes venus cet après-midi nombreux et je vous en remercie. C'est pour moi très utile. Ne croyez pas qu'il s'agisse d'un monologue. Je vais encore rester avec vous quelques instants, une fois que je serai descendu de cette tribune dont l'effet principal est de m'éloigner de vous.
- Vous êtes originaires de toutes les régions de France, bien entendu, et sans doute de bien des milieux sociaux également différents. Vos opinions politiques, philosophiques, etc., doivent connaître la même diversité et je ne puis, à l'avance, décider que ces opinions soient toujours conformes aux miennes. Mais c'est tout à fait secondaire, du moins dans la circonstance. C'est secondaire, car il est très important que nous sentions, par cette belle journée, qu'il existe entre nous une communauté.
- Vous avez choisi de servir dans des organismes internationaux où votre devoir est particulier. Mais peut-être avez-vous ou ressentez-vous le besoin, comme moi-même, précisément à cause de cela, de retrouver de temps à autre ce qui fait notre réalité nationale, à nous. Et moi, lorsque je vous rencontre, j'en éprouve le sentiment. Je me réjouis de pouvoir vous rencontrer, de vous voir pendant quelques moments, quelques quart-d'heure, parler avec vous. Et si vous le voulez bien, après avoir remercié les organisateurs de cette réunion et particulièrement M. l'ambassadeur de Souza, après avoir salué les personnalités de la Confédération Helvétique qui sont venues parmi nous, répondant à notre invitation - je ne saurai trop souligner, à l'heure actuelle, la qualité des relations qui unissent nos deux pays, la Suisse et la France -, nous allons très simplement entendre la Marseillaise. Je vous remercie.\