2 mai 1983 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, notamment sur l'aide au développement et la situation politique dans le monde, Katmandou, lundi 2 mai 1983.

Mesdames et messieurs,
- En ce bel endroit qui devrait nous donner des idées pour d'autres conférences de presse futures, première rencontre que j'ai avec les représentants de la presse au départ de France et avant de poursuivre mon voyage en Chine. Si vous jugez bon de poser quelques questions sur cette première journée, je serai heureux de vous répondre.
- QUESTION.- Est-ce que vous pouvez résumer les impressions que vous avez, les entretiens que vous avez eus avec nos dirigeants ?
- LE PRESIDENT.- Les conversations avec Sa Majesté, le Roi du Népal `Birendra Bir Bikram Shah Deva`, avec le Premier ministre `Surya Bahadur Thapa`, le ministre des affaires étrangères `Padma Bahadur Khatri`, les autres personnalités que j'ai rencontrées, cette conversation a été orientée essentiellement sur trois objets : l'un, la politique du développement dans le monde £ l'autre, les relations bilatérales, Népal et France et le troisième, sur la politique extérieure et particulièrement le plan du Népal au sujet d'une zone de paix. C'est essentiellement autour de ces trois thèmes que notre conversation s'est tenue. Elle continuera d'ailleurs ce soir puisque je rencontre de nouveau Sa Majesté le Roi au dîner qu'il m'offre ainsi qu'à la délégation française.
- QUESTION.- (non communiquée)
- LE PRESIDENT.- Comme vous le savez, je me trouve aujourd'hui au Népal en réponse à l'invitation qui m'a été faite, il y a déjà dix-huit mois, par Sa Majesté le Roi du Népal lors d'un passage en France. J'avais déjà rencontré le souverain de ce pays à l'occasion de la Conférence des pays les moins avancés qui s'était tenue à Paris en 1981. C'est donc un rendez-vous tenu à distance et je tiens à remercier le Roi du Népal de cette initiative qui lui revient et qui me permet ce passage au Népal pendant mon voyage en Extrême-Orient.\
QUESTION.- (non communiquée)
- LE PRESIDENT.- L'un des grands axes de la politique extérieure française, c'est la politique de développement et de co-développement dans le monde et nous sommes particulièrement intéressés par ce débat autour de la relation pays industriels et pays en voie de développement. Là me paraît se trouver l'une des clés, l'une des réponses à la crise économique mondiale, indépendamment du fait que la solidarité humaine doit particulièrement s'exercer dans ce domaine. C'est pourquoi la France a des relations particulières avec les pays les moins avancés `PMA`. C'est d'ailleurs l'un des pays, la France, qui va vers la recommandation des Nations unies : celle qui voudrait que chaque pays consacrât 0,15 % de son produit intérieur brut à l'aide aux pays les moins avancés, dont fait partie le Népal. Ainsi le Roi du Népal m'a-t-il à diverses reprises écrit entre nos rencontres pour m'inciter à connaître son pays qui figure parmi les plus pauvres en dépit du peuple du Népal qui est travailleur et qui, surtout par sa population paysanne, a su domestiquer la terre disponible et cette terre disponible reste rare par-rapport à la zone montagneuse. Il était important que, sur-place, avant de rejoindre demain la Chine, je puisse non seulement rencontrer les dirigeants de ce pays mais éprouver par moi-même l'exigence d'un peuple qui a besoin de la solidarité internationale.\
QUESTION.- Cet après-midi la zone de paix, vous en avez parlé déjà un peu, mais est-ce que vous pourriez développer vos réponses à la zone de paix ? ... veut dire la position française, est-ce que vous avez accepté de soutenir cette idée de zone de paix ?
- LE PRESIDENT.- J'en parlerai tout à l'heure au dîner qui nous est offert par le Roi du Népal. Mais je peux indiquer dès maintenant que la France a toujours défendu l'idée de zone de paix ou de neutralité. Ce qui n'est pas exactement la même chose dans plusieurs régions du monde.
- QUESTION.- Est-ce que vous verrez les dirigeants indiens lorsque vous reviendrez de Chine ?
- LE PRESIDENT.- Non.
- QUESTION.- Quel est votre sentiment de la situation politique dans le monde ?
- LE PRESIDENT.- Je verrai les dirigeants indiens, je l'espère, d'ici peu, mais je n'ai pas de rendez-vous fixé au retour de Chine. Une autre occasion sera trouvée d'ici peu. Nous avons de bonne relations avec l'Inde et je peux dire que les discussions et les conversations entre responsables sont continues.
- Mais je voulais répondre tout à l'heure que sur la zone de paix, le principe de ces zones dans le monde ici sur le continent indien, l'océan tout autour, la zone de péninsule indochinoise, d'autres endroits dans le monde encore, chaque fois que cela est apparu possible ou raisonnable, la France a pris position dans ce sens. Pressenties à cet effet en Europe, je crois, la Belgique, la Grande-Bretagne et la France. Nous souhaitons qu'une zone de paix comme celle-ci puisse s'établir dans un consentement régional. De toute façon, cette direction est la bonne et nous aurons l'occasion d'en reparler.
- Quant à la politique dans le monde, c'est un sujet assez vaste. Je dirais simplement que la situation me paraît être dominée dans-le-cadre des relations Est - Ouest par le problème de l'équilibre des forces militaires entre les blocs et dans les relations Nord - Sud un peu négligées à l'heure actuelle malgré la France, par la nécessité d'ouvrir un champ très vaste à l'utilisation des ressources et donc à la production des richesses du tiers monde, à la garantie des cours des matières premières et au développement des échanges, façon de mettre un terme parmi d'autres à la crise mondiale dont souffre notamment le monde industriel. Voilà selon moi, les deux thèmes qui dominent aujourd'hui la situation internationale. Sans oublier bien entendu les points chauds : Vietnam et Cambodge, Irak et Iran, Afghanistan. Problèmes du Proche-Orient : Israel, la Palestine, sans oublier l'Amérique centrale et j'en passe qui requiert certainement l'attention des responsables de la paix dans le monde. J'aurais pu évoquer la Namibie, j'aurais pu évoquer la situation de la Pologne. Malheureusement, les points de conflits se multiplient. Cela exige beaucoup de sagesse de la part des principaux responsables de l'équilibre dans le monde.\
QUESTION.- ... que vous visitez le Népal parce que vous avez ... la vraie volonté d'indépendance au Népal ... développer cette idée ?
- LE PRESIDENT.- Je crois que je vais vous préciser que je ne visite pas le Népal. Je fais une visite aux dirigeants du Népal. Ce n'est pas en une journée que l'on peut visiter ce grand et beau pays. J'ai dit tout à l'heure pourquoi j'étais venu ici. Je n'ai pas besoin d'y revenir, mais si vous voulez une précision supplémentaire, il s'agit bien d'un pays souverain que le Président de la République française vient voir afin d'y rencontrer ses dirigeants.
- QUESTION.- Qu'est-ce qui vous a poussé à venir en Asie cette fois-ci, parce que vous avez quand même une crise économique ...
- LE PRESIDENT.- Pourquoi est-ce que je viens en Asie et pourquoi est-ce que vous me posez cette question ? L'Asie est un continent plutôt intéressant où habitent de nombreux peuples, où il y a la plus grande densité humaine, où il y a de grandes civilisations, où il y a de puissants pays. Il n'y a pas de réponse à la crise, y compris celle dont souffre la France, il n'y a pas de réponse autrement qu'une réponse universelle. Même si chaque pays doit faire ce qu'il a à faire chez lui, bien entendu.
- QUESTION.- Est-ce que vous avez invité Sa Majesté à ... visite ?
- LE PRESIDENT.- J'ai déjà rencontré à Paris Sa Majesté mais le Roi sera le bien venu s'il veut revenir dans une visite encore plus officielle, c'est-à-dire d'Etat à Etat.
- QUESTION.- Pourquoi est-ce que vous avez choisi de jumeler cette visite avec la visite de la Chine, alors que vous êtes déjà allé en Inde ...
- LE PRESIDENT.- Il se trouve que c'est comme cela.
- QUESTION.- ... joue un nouveau rôle ... pour essayer de briser et sortir de l'impasse du Cambodge. Est-ce que le prestige de l'Indochine, est-ce que vous allez l'utiliser pour essayer de ... sortir des problèmes cambodgiens ?
- LE PRESIDENT.- J'en parlerai, si vous le voulez bien, un peu plus tard. On ne peut pas traiter aujourd'hui tous les problèes. Mais la France, en effet, prendra ou s'associera à toutes les initiatives qui permettront de contribuer à la réponse urgente de ce problème. J'ai rencontré, il y a quelques jours à Paris, le Prince Norodom Sihanouk et nous avons parlé de ces sujets. Mais j'aurai l'occasion d'en reparler ...\
QUESTION.- Vous avez parlé de ressources hydrauliques considérables ... Est-ce que la France peut arriver ... le Népal à exploiter ces ressources hydrauliques ?
- LE PRESIDENT.- Dans la délégation française, se trouvent à la fois le ministre des relations extérieures et le ministre de l'industrie, qui a regard sur la politique de l'énergie en France. C'est naturellement un sujet qui a été abordé et plus qu'abordé, traité. Vous avez raison d'observer que ce sont là des richesses inemployées et nous avons déjà saisi, nous la France, la Banque mondiale d'avoir à presser le mouvement pour définir une politique du développement ... énergétique dans le monde autre que le pétrole et cela s'applique particulièrement au Népal. Sont en-train aujourd'hui un certain nombre de projets, auxquels participe la France. Récemment le Président de la Communauté européenne, la Commission européenne, est venue à Katmandou et l'ensemble de la communauté `CEE` s'intéresse à l'un des barrages afin de contribuer à son édification. La France apportera sa part dans cet effort collectif et est prête à apporter sa part sur-le-plan bilatéral.\
QUESTION.- ... un fonds spécial avec les pays pauvres et pourtant ... semblent contraire à vos intérêts, par exemple le contrôle des changes. Parce que le contrôle des changes finalement ..., est-ce que vous ne pourriez pas faire une sorte d'exception pour les pays particulièrement pauvres ?
- LE PRESIDENT.- D'une façon générale, les Français contribuent beaucoup au tourisme international. Je crois savoir que quelques 20000 Français viennent chaque année en moyenne naturellement, au Népal. Les mesures que nous avons prises sont applicables pour cette année en-raison de la nécessité où se trouve la France de veiller à son propre ou à ses propres équilibres. C'est vrai que le Népal est loin de la France et représente du grand tourisme et que les sommes autorisées pour une famille par exemple de quatre personnes, les parents et deux enfants, dépassent la valeur de 10000 francs. Ce qui est important pour un tourisme assez proche et disons en effet plus difficile pour un tourisme lointain. J'espère que l'année prochaine, nous n'aurons plus à parler de cela.\