28 mars 1983 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion des Assises nationales des retraités et personnes âgées, Paris, Palais des Congrès, lundi 28 mars 1983.

Madame la présidente,
- Mesdames, messieurs,
- Il y a un an, ici même, je m'adressais à vous et nous parlions, je vous entendais parler, d'ajouter de la vie aux années, d'organiser sans contraintes et dans la liberté, ce temps que l'homme a su conquérir et ravir au destin.
- Vous êtes des centaines de milliers, qui, depuis mon appel, vous êtes réunis dans la France tout entière, pour examiner, critiquer, proposer. Vos assises locales, départementales, régionales, ont constitué un remarquable travail préparatoire, et, je le crois, la plus large consultation populaire qui ait précédé l'élaboration d'un plan en-matière sociale.
- Vous avez fait fonction de pionniers dans l'approche que les Français doivent avoir, en relation avec les pouvoirs publics, de la construction nationale et du dévelopopement social. Lorsque je vous dis, on ne peut rien faire sans vous, vous, vous en avez déjà administré la preuve.
- Voici le moment difficile d'un choix, car c'est toujours difficile un choix. Dans cette foule d'idées, originales et constructives, vous devez maintenant retenir des priorités pour préparer l'action du pays pendant ces prochaines années. Et soyez sûrs que j'examinerai vos recommandations - pendant ces quelques jours, vous allez vous consacrer à cet examen - avec la plus grande attention. Tel est, en tout cas, le sens de ma présence ici, parmi vous, dès le début de vos travaux.\
Pour contribuer à votre réflexion, je voudrais tout d'abord situer ces assises nationales dans le grand mouvement de l'histoire, qui aura fait émerger un groupe social nouveau : celui du temps libéré, pour toujours plus d'hommes et de femmes, et toujours plus haut dans l'échelle des âges. Je situerai aussi ces assises dans la politique nationale où elle a bien sa place : qu'avons-nous fait, mesdames et messieurs, pour mieux donner à chacun les moyens de sa liberté ? Et quelles perspectives retenir pour les impulsions actuelles et prochaines ? Ce n'est pas le -fruit du hasard si vos consultations ont, à travers la France, mobilisé des centaines de milliers de personnes. La prolongation de la durée de la vie, le droit à la retraite pas à pas étendu, ont créé un groupe, une force sociale nouvelle. Eh oui, je parle des retraités et des personnes âgées qui, en raison de ces deux dénominations paraissaient jusqu'alors retirés, parfois même exclus et qui aspirent, qui commencent de remplir leurs fonctions sociales, humaines et personnelles pleinement.
- Avec une exceptionnelle richesse, votre assemblée en incarne les multiples courants. Grande est votre diversité : les aspirations, les besoins, les besoins des plus jeunes d'entre vous, on peut le dire, sont souvent différents des demandes des plus âgés. Et il faut tenir -compte de cette diversité, comme des inégalités, souvent plus accentuées entre les retraités qu'entre les actifs.\
L'ouverture de vos travaux concrétise ce matin une nouvelle étape dans la reconnaissance par l'Etat de la force que vous représentez. Ce fut l'une de mes premières décisions, en tant que chef de l'Etat, que d'instituer un secrétariat d'Etat chargé des personnes âgées, afin de mieux coordonner l'ensemble des actions nécessaires en ce domaine.
- Puis nous avons créé un Comité national et des comités départementaux des retraités et personnes âgées, qui assurent un dialogue plus constant, entre vos représentants et les pouvoirs publics nationaux et locaux. D'autres instances ouvrent leurs portes et demain des sièges d'administrateurs étendront votre participation aux caisses de Sécurité sociale. Vous êtes plus de 4000 qui désormais concourez à l'élaboration, la mise en oeuvre, l'évaluation de notre politique. C'est à vous, membres de ces comités, que reviendra la charge de faire valoir, sur le terrain, le poids des usagers. Et c'est de vous que dépendra l'entrée dans la réalité des recommandations qui seront le résultat de vos travaux de la semaine.
- Pour souligner plus encore votre participation aux processus de décision, j'invite les assises, je vous invite, à examiner l'opportunité d'ouvrir dans la capitale, en-particulier, la Maison du comité national des personnes âgées. Il faut que vous ayez, si j'ose dire, "pignon sur rue". Cette maison, ce serait la vôtre, le lieu d'information, de rencontre, d'échange, pour les courants qui enrichissent vos actions collectives. Il ne s'agit pas d'établir entre jeunes et moins jeunes - c'est l'objet même de notre démarche - actifs d'hier et d'aujourd'hui, une ségrégation. Mais vos recommandations et votre action doivent être pleinement intégrées à la vie de la cité.\
Vous le savez, il serait illusoire de parler de la retraite comme d'une période de liberté si n'étaient donnés aux retraités et aux personnes âgées les moyens mêmes de cette liberté. Il en va ainsi dans tous les domaines. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a entrepris des réformes fondamentales dans trois secteurs que je me permettrai de vous rappeler : les ressources, l'âge de la retraite, les services offerts.
- En moins de deux ans, le minimum vieillesse a progressé de 56 %, ce qui représente un gain de pouvoir d'achat de 26 % pour les personnes seules et de 14 % pour les couples. Pour les pensions du régime général, une revalorisation forte a été assurée. Des mesures supplémentaires pour les retraites d'avant 1975 - rappelez-vous ce problème - et les pensions de reversion ont porté jusqu'à 11,3 % cet accroissement du pouvoir d'achat pour certains d'entre vous. Un minimum de retraite, dès 60 ans, de 2200 F par mois pour le seul régime général sera très prochainement garanti aux nouveaux retraités ayant effectué une carrière complète. Avec les régimes complémentaires, ce minimum atteindra, notez-le bien, 3000 F. C'est une suggestion que m'avait faite certains de vos représentants £ parce qu'elle répondait à un besoin réel, nous avons en très peu de temps accédé à votre demande. Et bien d'autres mesures ont été prises, d'autres engagements tenus, notamment pour l'allocation logement, majorée de 50 % ainsi que pour les exonérations fiscales.\
Voilà pour les ressources. Nous avons je crois fait ce qui était nécessaire. Il reste à faire. Dans le souhaitable, nous avons choisi le plus urgent £ il y a aussi le moins urgent. Cela se déroule sous nos pas, à mesure que nous avançons £ assurer des moyens substantiels à tous, mieux prendre en-compte l'effort de cotisations, rendre justice à certaines catégories.
- De l'esprit qui a gouverné nos choix, je souhaite que vous teniez -compte. Il faut comprendre que de telles décisions ne sont pas prises dans la facilité. Car nous avons l'obligation d'assurer l'équilibre financier de la Sécurité sociale. Les retraités doivent d'ailleurs participer comme tous les autres citoyens à notre lutte contre l'inflation. Ils en bénéficieront comme les autres. Ainsi vos retraites sont désormais revalorisées, non comme les salaires de l'année passée, mais comme ceux de l'année en-cours. Cet effort, votre effort, ne remet pas en cause le lien entre les salaires et les retraites. Mais il l'adapte à une politique nationale de lutte sans complaisance contre l'inflation, pour l'emploi et pour la croissance.
- Le contexte économique international est difficile, faut-il le rappeler. Mais je n'en tire pas la conclusion que la politique sociale doit être figée par ce contexte et on l'apercevra d'une façon très vaste au-cours des semaines à venir. J'ai par exemple noté le souhait exprimé par certains, ici-même, de délais fiscaux lorsque le passage des ressources d'activité à celles de la retraite est rendu difficile. Assouplissement à étudier et même retenir. Je désire également que soient examinées avec beaucoup d'attention les adaptations qui permettraient aux régimes de retraite de mieux appréhender la situation particulière des femmes.
- Voyez-vous, les progrès indispensables ne seront assurés que par une gestion stricte, sérieuse. Voilà qui invite à des propositions constructives non seulement pour des progrès indispensables, mais aussi pour une meilleure distribution, utilisation des ressources.\
Mais à quoi, mesdames et messieurs, servirait-il d'améliorer la situation matérielle de ceux dont je vous parle, de vous-mêmes, si, finalement ils n'ont pas le temps d'en profiter ?
- Nous ne sommes pas égaux devant la mort, du moins dans le temps de vie et le moment de la mort. Un manoeuvre, usé par des conditions de travail et de vie déficientes, meurt, en moyenne, plus tôt que ceux qui ont plus de chance dans la conduite de leur vie personnelle, matérielle et professionnelle.
- L'abaissement à 60 ans du droit à partir en retraite - c'est un droit, ce n'est pas une obligation - sera effectif le 1er avril prochain, sous peu de jours. C'est une conquête fondamentale pour des générations qui souvent ont commencé de travailler dès l'âge de 16 ans, parfois même avant.
- C'est une réforme qui marquera notre époque, qui représente pour le temps de vie un considérable progrès puisque, pendant des décennies et des décennies, peut-être plus d'un siècle, l'heure de la retraite à 65 ans coincidait avec la moyenne de vie. Il y a là donc une avancée sociale que je ne saurai trop souligner. C'est aussi l'aboutissement d'une vieille revendication qui a traversé les années, parce qu'elle s'ancre dans une réalité fondamentale, notamment du monde ouvrier.\
Par l'ordonnance du 26 mars 1982, le gouvernement a pris les mesures qui relevaient de sa responsabilité. En accord avec lui, les partenaires sociaux ont adopté un aménagement des régimes complémentaires qui permet une retraite complète. A des accords temporaires, comme c'était le cas, est maintenant substitué un système durable. Je tiens à saluer ce riche exemple de négociation contractuelle.
- D'autre tâches attendent, en ce domaine, les partenaires sociaux. Deux grandes étapes : d'abord, il faudra réviser certaines conventions collectives pour que le départ en retraite soit pour tous le droit dont je vous parle et non pas l'obligation, comme on l'a souvent bien mal interprété. Les partenaires sociaux en ont montré fermement l'intention et ils avaient raison - je les en félicite. Ensuite, nous devrons mieux harmoniser les régimes regroupés dans l'association des régimes de retraite complémentaire ouvriers. Aménagement qui n'est pas facile, mais qui répond à une aspiration de plus grande égalité, souvent et justement exprimée par vous-mêmes.
- C'est à vous tous, mesdames et messieurs, de trouver, de suggérer, les chemins individuels et collectifs qui permettront à la retraite d'apparaître à chacun, non comme une mise à l'écart, mais comme une chance de participation nouvelle à la vie sociale, une occasion exceptionnelle d'épanouissement individuel. Et c'est à vous aussi de nous aider pour mettre en oeuvre la solidarité dans la dignité.\
Pauvreté, perte d'autonomie, solitude, promiscuité des hospices, souffrance morale et corporelle, vous connaissez ce terrible refrain. Et certains d'entre vous l'ont vécu. On pourrait dire qu'une minorité seulement est concernée par ces propos : il s'agit de celles et de ceux qui par leur âge et leur -état de santé ont besoin d'un soutien spécial. C'est vrai que le vieillissement est souvent pour eux un pénible chemin, mais minorité ou pas, cela touche tant de gens dans un pays comme la France qu'il nous faut considérer comme un devoir de le placer en priorité. Beaucoup, je le répète - je dois le répéter : si je ne le fais pas quelquefois, je me demande qui le ferait à ma place - beaucoup en deux ans a été fait. L'aide ménagère grâce aux emplois créés vient d'augmenter de 70000. Les services de soins infirmiers à domicile étaient à peine naissants £ par une action vigoureuse, le nombre des places disponibles passe de 3000 en 1981 à 20000 en 1983. Il faudra continuer d'une façon plus humaine et moderne d'envisager le développement de l'aide aux personnes âgées.\
Quant à la conversion des hospices, elle est indispensable. J'ai fait plusieurs visites en province où je me suis rendu compte, plus que jamais, que cela était nécessaire. Les crédits qui sont consacrés à cette conversion ont augmenté de moitié et au total plus de 15000 emplois ont été créés pour parer au plus pressé.
- Vous savez, mesdames et messieurs, je n'invite personne à l'auto-satisfaction. Chacun d'entre nous doit rechercher au contrairre - de ce point de vue, nous ne nous en sommes pas privés - les éléments critiques qui nous permettent de mieux comprendre où se trouve notre devoir et de corriger les erreurs quand il s'en trouve. Nombreux sont les besoins qui restent en suspens et nous ne disposons pas dans le budget social de la nation de je ne sais quelle ligne budgétaire qui permettrait sans limite et sans risque d'aller plus vite encore. Réfléchissez, réfléchissons ensemble. Je connais vos préoccupations dans ce domaine - il faut que l'effort national soit mieux réparti. Votre conseil est nécessaire parce que vous vivez cette difficulté.
- Avant tout mieux coordonner nos actions. La gestion des services et leur distribution peuvent être améliorées. On pourrait éviter à des personnes qui ne le souhaitent pas un placement - comme on dit - un placement en institution. J'ai vécu cela moi-même tout le temps que j'étais un élu d'un département de province, dans une région très belle, mais souvent difficile où beaucoup de personnes âgées vivaient dans la solitude. Et cependant malgré la solitude, elles tiennent et elles tenaient à rester à l'intérieur, intégrées dans la petite collectivité villageoise, du bourg ou du hameau, qu'elles avaient toujours connue £ partir loin, c'est aussi un terrible déchirement £ loin de sa maison, quand on en a une et loin de ses meubles, loin de ses voisins, loin de ses amis. Grave problème sur lequel je compte me pencher de plus en plus car cela me tient à coeur.
- Le danger, vous le connaissez : tranformer l'aide nécessaire en une assistance pesante et parfois superflue. A la tentation d'institutionnaliser toujours plus la vieillesse, à la logique de l'assistance, il faut aussi résister pour parvenir à individualiser autant que possible les responsabilités.\
Face à de nouvelles aspirations, les modes d'action doivent évoluer et je voudrais un instant vous parler comme si j'étais - après tout, pourquoi pas ? - un délégué parmi d'autres puisque je suis moi-même parvenu à l'âge où nous pouvons discuter, vous et moi, de ces choses. Et comment n'aurais-je pas réfléchi pour moi-même à la conception que nous devons avoir de l'action quotidienne de la vie dans la cité, la grande ville, la petite, la campagne. Car les ressources, l'âge de la retraite, l'aide de l'Etat, c'est nécessaire, mais ce n'est qu'une partie du progrès.
- La décentralisation que nous avons menée hardiment, a, vous le savez, comme premier objectif d'accroître le pouvoir d'initiative et la liberté de décision des collectivités locales dans les mairies en-particulier. Qui mieux qu'un élu peut susciter, stimuler l'action locale au service des personnes âgées ? Des conseils régionaux, généraux, municipaux, il faut attendre une créativité renouvelée. Je disais que j'étais moi-même un ancien maire et un ancien conseiller municipal, et après tout, il n'y a guère qu'une dizaine de jours que je ne le suis plus. Et j'ai pu voir, comme ça, examiner sur place à quel point les responsabilités étaient assumées par beaucoup, beaucoup de gens volontaires pour remplir cet office de solidarité. C'est pourquoi l'action des élus peut être enrichie, amplifiée par le -concours de tous. Voilà pourquoi les assises locales, départementales et régionales que vous avez tenues, nous ont fourni une moisson immense d'exemples concrets dont nous avions le plus grand besoin.\
Avant de venir vous rencontrer ce matin, j'ai consulté le recueil des propositions dont vous êtes les messagers. Nombreuses sont les mesures toutes simples qui pourraient faciliter la vie, contribuer à l'épanouissement de tous. Voilà, vous les avez vécues, vous nous en informer, il faudra que nous en tirions la leçon.
- Pourquoi, par exemple, ne pas développer autant qu'il est possible la solidarité de voisinage, l'entraide systématique, non pas ordonnée, commandée, mais pratiquée. Il existe assez, je le disais à l'instant, de bonnes volontés et de dévouement. Ainsi, certaines personnes pourraient se charger, dans une rue, dans un hameau de veiller aux relations avec les plus isolés, ceux qui restent des jours entiers, des semaines sans visite. Cela se fait, j'ai pu le constater. Il faut simplement étendre ce grand mouvement de générosité, de solidarité, multiplier les possibilités de garde ou de parrainage : garde d'enfants par des personnes âgées, gardes de malades âgés, famille adoptant - si j'ose dire - un voisin, une voisine.
- Et puis, je lis aussi, dans votre recueil cette revendication fondamentale : que l'animation du temps libre des personnes âgées soit avant tout faite par elles-mêmes. En un mot, le volontariat permet de répondre à des besoins réels, que ne satisfont pas les institutions. Ce volontariat est d'une très grande efficacité et aux côtés des professionnels on trouve ceux que tout à l'heure j'appelais à l'aide pour la grande oeuvre que nous avons entrepris, la solidarité active. D'ailleurs si vous êtes là, mesdames et messieurs, vous qui représentez ce grand mouvement, c'est bien parce que vous avez une conscience plus aigue que n'importe qui de l'étendue de ce problème.
- Je tiens à vous dire à quel point je suis heureux d'être parmi vous, ce matin, précisément parce que à un moment, à une heure où il convient de resserrer l'harmonie des Français, qu'ils aient une conscience collective des tâches nationales à mener, vous êtes l'exemple vivant, dans le domaine que vous avez choisi, que c'est possible. Je vous en remercie, c'est un exemple qu'il faudra répandre dans le pays.
- Je note aussi le désir de services collectifs mieux adaptés, même sur des détails - qui paraissent des détails à ceux qui n'auraient pas vécu votre expérience - par exemple le souhait d'esthéticienne, de coiffeur itinérant, l'intérêt pour le bricolage, pour les travaux manuels propres à freiner les handicaps.
- Je note aussi le bilan positif de l'action de facteurs polyvalents des PTT, vous savez ceux qui, grâce à des courriers périodiques, visitent les personnes âgées, qui s'occupent de leurs médicaments. Il est possible d'étendre cette expérience, d'autant plus que j'ai reçu de ces agents, eux-mêmes, des demandes très significatives dans ce sens. Il y a beaucoup de braves gens en France, beaucoup plus qu'on ne le dit lorsque l'on met toujours en exergue l'égoisme des Français £ bien entendu cela existe, mais il y a aussi une très profonde volonté d'améliorer la France. Et qui peut mieux le faire que les Français eux-mêmes ?\
J'aimerais vous dire aussi que l'entreprise en tant que telle, l'entreprise là où travaille une communauté d'hommes responsables, travailleurs, employés, ouvriers, est également intéressée par vos propositions. Pourquoi ne pas généraliser les périodes de transition qui permettront aux futurs retraités de travailler un certain temps avec le jeune ouvrier ou employé qui lui succèdera ? Vous connaissez le problème posé par les retraites prématurées mis en valeur au-cours de ces dernières années, où l'ancien partait avant que le jeune ne fût arrivé £ que de chefs d'entreprises ai-je entendu déplorer cette situation car la transmission du savoir est indispensable avec la cohabitation de celui qui doit partir bientôt et de celui qui arrive. Pourquoi aussi ne pas ouvrir les centres de loisirs de l'entreprise aux retraités comme aux actifs sans discrimination ?
- Nos aînés sont la mémoire de notre société. Ils ont acquis au-cours du temps le savoir pratique qui est la source de notre vraie richesse. Ils ont assuré et à travers quels périls - songez à ceux qui ont traversé les générations précédentes, les générations représentés ici par les plus âgés d'entre nous - ils ont assuré dans la paix et dans la guerre, la cohésion et la prospérité de notre nation. Ils ont aussi assuré leur devoir contre les dangers mortels qui menaçaient. Et l'économie, puisque nous parlons d'économie, peut souffrir cruellement d'être soudain privée de la compétence acquise au fil d'une carrière professionnelle. Je dis qu'il n'est pas sain, qu'il n'est pas juste de séparer net, comme on le fait si souvent, progrès et vieillissement. L'avenir de notre société repose assurément sur la maîtrise technologique. Mais ne nous résignons pas à l'exil du travailleur vieillissant face aux mutations des techniques. N'acceptons pas que la tradition soit systématiquement dévaluée. Résistons à cette sorte de monopole irréfléchi et excessif du neuf. C'est dans la synthèse qu'existe la survie.
- Le progrès technique est une condition, en effet nécessaire à notre société. L'emploi pour tous les jeunes aussi. Sachons en tous points raison garder. Souvenez-vous d'une chose : lorsqu'on lui manque de respect, l'histoire se venge.\
Je voudrais enfin ce matin saluer la présence parmi vous des envoyés de gouvernements étrangers, de l'Organisation des nations unies `ONU`, de l'Organisation mondiale de la santé `OMS` et d'autres instances internationales, de nombreux diplomates, experts, de journalistes, venus de tous les continents. L'Assemblée mondiale sur le vieillissement aura marqué en 1982 un tournant dans la réflexion internationale. La France est intervenue avec détermination pour l'élaboration du plan international d'action de Vienne, et son adoption par l'assemblée générale de l'ONU. Il nous faut maintenant concrétiser ses recommandations, en-particulier pour le dialogue Nord-Sud. Car nous ne pouvons ignorer qu'en cette seconde moitié du XXème siècle, la population mondiale âgée de 60 ans et plus aura triplé. En 2025 et quelque, ce n'est pas si loin que cela, elle sera multipliée par six. C'est pourquoi la France a souhaité la réunion, au-cours de ces assises nationales, d'un séminaire international pour une plus grande efficacité dans la solidarité internationale. Je parlais à l'instant du capital de savoir et de savoir-faire que détiennent les retraités. Je vous invite à examiner les possibilités d'utiliser cette expérience immense au-profit des moins favorisés : cela développera aussi la coopération entre pays industrialisés et ceux qui ne le sont pas.
- Et je m'adresserai à la communauté scientifique internationale. Puisque c'est le destin de l'homme que de vieillir, appliquons notre recherche pour connaître mieux ce processus et maîtrisons, comme le font tant de savants très remarquables et de praticiens attentifs les relations entre les divers facteurs du vieillissement, génétiques, psychologiques, sociaux, écologiques. Nos politiques ont pour objectif de prévenir les événements, les accidents qui accélèrent l'âge et qui rapprochent de la mort. J'attends de la recherche qu'elle franchisse une nouvelle étape et je souhaite que nos décisions - c'est pourquoi ces recherches doivent être aidées elles aussi par priorité, ce que nous faisons - et je souhaite que nos décisions tiennent le plus grand compte des résultats de ces recherches. Là encore, la coopération internationale est indispensable £ il y va de l'intérêt du monde entier.\
Mesdames et messieurs, c'est par un appel à la solidarité que je concluerai comme j'ai commencé. Pas simplement par l'assistance, celle qui risquerait d'aggraver un peu plus les relations, les situations de dépendance, mais celle de l'imagination, celle du coeur, celle de l'ouverture aux autres. Vous repartirez je crois vendredi prochain vers vos départements respectifs, riches, plus riches de vos débats, peut-être aussi avec le sentiment pour vous d'être séparés, d'une sorte de vide. Vous allez vous manquer l'un à l'autre avant de reprendre vos tâches, là où se déroule votre vie. Votre travail ne fera que commencer. C'est en un mot une oeuvre de civilisation au sens plein du terme dont vous tous êtes les porteurs et les garants. Je vous souhaite une semaine féconde £ je vous remercie du travail accompli, j'exprime la gratitude de l'Etat aux centaines de milliers de Françaises et de Français qui hier vous entouraient pour préparer ces assises, qui demain seront les acteurs du changement que vous aurez recommandé.\
Il y a tant à faire, mesdames et messieurs. Je m'applique autant que je le puis à développer quelques thèmes, quelques thèmes bien simples à définir, plus difficiles à accomplir. J'en appelle constamment à la jeunesse, et je veux que soient mis à la disposition de la jeunesse les moyens de son affirmation, de son développement, de sa libération dans le bon sens du terme. Il faut qu'elle ait un métier, pour cela il faut la former. Il faut qu'elle ne se sente pas prisonnière de la société des adultes. Il faut en même temps que chacun ait conscience de ses devoirs, de ses obligations, car la vraie liberté c'est aussi le respect des autres autour de soi. Nous faisons un effort considérable pour que 600000 jeunes gens soient en mesure de disposer bientôt de la formation nécessaire pour aborder la vie professionnelle et s'insèrent dans la vie avec volonté et espérance. Il faut lui demander beaucoup à la jeunesse. Pour cela il faut l'aimer et il faut la comprendre.\
J'ai développé un thème du même ordre pour la famille et là encore je sais bien que l'Etat à des obligations, qu'il ne peut pas se contenter de tenir un discours. La famille doit s'élargir de plus en plus, établir une relation plus étroite entre les générations. Pour cela les conditions de logement et de vie sont indispensables à examiner. Il faut que les enfants, petits-enfants connaissent leurs grands-parents lorsqu'ils ont la chance qu'ils soient vivants. Il faut que s'établisse cette chaîne des générations rompue par les conditions insensées dans lesquelles s'est bâtie la ville moderne au-cours de ce dernier demi-siècle, on pourrait dire au-cours du siècle dernier.
- Que d'affections perdues, que de relations, que de connaissances de la vie, que d'expériences dans le futur nourries aux expériences du passé. Il faut qu'il y ait plus d'enfants £ cela tient sans doute à des données profondes qui entourent le choix, car le choix est libre assurément. Nous en avons fourni les moyens, au maximum possible £ il faut que l'élargissement de la famille, que les enfants ne soient pas simplement une charge supplémentaire, il faut que la société veille à alléger cette charge. Mais en revanche, quelle source de joie et d'épanouissement pour notre société. Le destin de la France, mesdames et messieurs en dépend.\
La jeunesse, la famille et je terminerai en disant parce que c'est de circonstance : les personnes âgées. On n'a le droit de retrancher aucune fraction de la vie. On n'a le droit de retrancher aucune partie de la population de l'oeuvre commune. Les personnes âgées qui sont appelées de plus en plus à se former, j'ai assisté à des séances, des réunions de travail dans des universités du troisième âge, comme on disait. Il y a une capacité, une alacrité, une disponibilité qui existe. Tant que l'âge le permet et la recherche, la médecine, les conditions sociales le permettent de plus en plus. Chaque être a une capacité entière de vivre, d'aimer, de comprendre, parfois même de travailler, lorsqu'on le désire. Voici un troisième objectif qui n'est pas le dernier dans l'ordre de ma pensée et que je cite pour conclure. Vous y travaillez beaucoup.
- Mesdames et messieurs, vous rendez un immense service à la France, je vous en exprime ma gratitude.\