6 décembre 1982 - Seul le prononcé fait foi

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Entretien de M. François Mitterrand, Président de la République, avec des journalistes, à l'issue de la visite de l'Institut médico-éducatif Daniele-Casanova à Argenteuil, lundi 6 décembre 1982.

QUESTION.- Monsieur le Président de la République, peut-on savoir pourquoi vous avez choisi cette école aujourd'hui ?
- LE PRESIDENT.- Le problème que traite cette école m'intéresse au premier -chef. Il s'agit pour moi d'examiner, bien entendu, en compagnie des responsables du gouvernement, l'intégration scolaire des enfants handicapés, en l'occurence mal-entendants. Il est très intéressant d'observer dans les classes voisines où les enfants sont éduqués et ici où on leur apprend à parler, de quelle façon peut réussir ce long et difficile effort. Malheureusement, on manque encore d'établissements spécialisés ou, du moins, il n'y a pas assez d'établissements dits "normaux" où l'on peut recevoir ces enfants. Je suis venu encourager cet effort. Il y a des enseignants d'un dévouement très remarquable. Les enfants sont des enfants dont le quotient intellectuel et la capacité d'apprendre sont absolument égaux aux autres £ pourtant ils sont privés d'un moyen qu'il s'agit de leur donner. Lorsque nous avons, au-niveau gouvernemental, décidé d'augmenter l'allocation aux adultes handicapés de 50 % en un an, nous savions ce que nous faisions. Bien entendu c'était difficile parce que, dans une période de crise, soutenir les plus défavorisés, les familles, les handicapés, les personnes âgées, les retraités qui se trouvent en difficulté, c'est un effort que l'on demande à la solidarité nationale. Mais la question est posée : faut-il ou ne faut-il pas le faire ? Nous, nous disons "il faut le faire". Je vois dans ce qui se passe en cette école, un exemple vivant qui justifie l'effort des Français.\
QUESTION.- Vous n'estimez donc pas que la politique sociale de la France est au-dessus de ses moyens ?
- LE PRESIDENT.- Il faut savoir choisir. Dans une période d'abondance, ce serait plus facile. De toutes façons, le devoir est le même, c'est-à-dire une meilleure redistribution du produit national. Mais, même dans une période de pénurie, peut-on laisser sans moyens de vivre, donc d'apprendre, de s'insérer dans la société, ceux qui souffrent de ces handicaps ? Ce n'est pas possible. Un gouvernement comme celui que j'ai mis en place a pour premier devoir d'aider toutes les catégories de Français qui se trouvent dans cette difficulé d'être et donc de faire appel à la solidarité nationale. Je le répète pour que les Français le comprennent - et ils le comprennent fort bien - le gouvernement gère correctement et répond à son devoir en agissant ainsi.
- QUESTION.- Un chef de l'opposition a dit hier qu'en France il y avait trop de faux chômeurs, de faux retraités et de faux malades. Qu'en pensez-vous ?
- LE PRESIDENT.- Je ne répondrai pas pour l'instant à cette question. Je vous prie de m'en excuser.
- QUESTION.- On dit aussi que le gouvernement est à la -recherche d'un langage social et qu'il ne l'a point trouvé. Quel est votre avis ?
- LE PRESIDENT.- Vous savez le langage social, il est là. Il est dans l'effort de milliers et de milliers de gens, professionnels, familles, parents, enfants qui vivent le problème social, c'est leur vie de tous les jours. Il s'agit de savoir si on leur donnera ce qui manque et ce que seule la collectivité nationale peut apporter. C'est cela, je le répète, le devoir du gouvernement.\