22 novembre 1982 - Seul le prononcé fait foi

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Entretien de M. François Mitterrand, Président de la République, accordé au journal "Le Progrès égyptien", Paris, lundi 22 novembre 1982.

QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez, la semaine dernière, inauguré l'ensemble impressionnant des expositions sur "l'Orient des Provençaux" organisées par la ville de Marseille. Quelle place a pour vous cet Orient méditerranéen dans la culture française ? Dans votre culture ?
- LE PRESIDENT.- J'ai inauguré, avec l'ensemble des expositions sur "l'Orient des Provençaux, le souvenir de sept siècles d'échanges entre Marseille et le monde méditerranéen. Cet Orient méditerranéen, qui a fait rêver les hommes du siècle dernier et imprégné leur imaginaire, peut aujourd'hui rajeunir et enrichir notre patrimoine culturel. Car la culture mondiale est faite du choc que suscitent les différences. Ainsi de la cohabitation de l'Islam et de la culture européenne. De la fécondité du dialogue, des rencontres et des polémiques qu'il suscite, peut surgir aujourd'hui le vrai visage, démocratique et fraternel, du nécessaire dialogue entre le Nord et le Sud.\
QUESTION.- Quel est l'aspect de l'Egypte qui vous intéresse, qui vous touche le plus ? Etes-vous déjà venu, par simple plaisir ? Reviendrez-vous ?
- LE PRESIDENT.- L'Egypte présente une particularité parmi les pays du monde arabe et de l'Islam : c'est l'un des seuls pays où la francophonie se soit installée en dehors des circuits de la colonisation directe. Devenu ministre de l'éducation, un écrivain arabe parmi les meilleurs, Taha Hussein, a rendu le Français obligatoire dans les lycées. C'est par le Français que l'Egypte, au seuil du XIXème siècle, s'est ouverte à la modernité. C'est, je crois, le thème d'un projet de film du grand cinéaste égyptien Youssef Chahine, "Bonaparte en Egypte", qui sera réalisé en co-production avec la France. Y seront abordés les contradictions de la Révolution française et de son expansionisme militaire. Mais y seront également évoqués les premiers égyptologues, et les médecins qui luttèrent contre la peste. C'est tout cela, c'est ce prodigieux passé d'échanges et de passions, cette soif de découvertes et de rencontres, qui me touchent et m'attirent. Oui, je suis déjà venu en Egypte. J'y reviens aujourd'hui.\
QUESTION.- Quelle doit être pour vous la place de la culture française en Egypte ?
- LE PRESIDENT.- L'Egypte est un exemple, et un cas privilégié. L'action culturelle s'y organise déjà autour de l'importance des écoles françaises, des centres de coopération, d'une percée possible et souhaitable des échanges de programmes de radio et de télévision, de la présence prédominante de l'archéologie.
- La place de la culture française, c'est aussi la présence de l'Institut français d'archéologie orientale du Caire, ce pourrait être notre participation à la restauration du "Vieux Caire" islamique, et en-particulier du Palais de Bonaparte.
- La coopération scientifique et technique entre la France et l'Egypte doit également être renforcée. Car l'histoire nous montre qu'il n'y a pas d'un côté, la culture, pur royaume de l'Esprit, et de l'autre le champ des sciences et des techniques.
- Le "rêve oriental" du siècle dernier appartient aujourd'hui à l'histoire des relations entre nos deux pays. L'avenir, ce peut être l'échange et le rayonnement réciproque de nos deux cultures.\