20 juin 1982 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de la cérémonie de Saint-Jouin-Bruneval, dimanche 20 juin 1982.

Monseigneur,
- Votre présence ici, la signification qu'elle prend dans la longue distance qui marque l'amitié de nos deux peuples, tout cela ajoute à la force du souvenir et aux exigences du présent.
- A la demande du président Haraux, que je remercie pour son invitation, j'ai accepté avec plaisir de présider cette cérémonie avec vous qui célèbre le 40ème anniversaire du premier raid allié en France.
- Mesdames et messieurs, je remercie également les représentants des trois armées britanniques qui rappellent le rôle essentiel joué par leurs anciens en cette circonstance, les combattants de la Résistance et des Forces françaises libres, et tous ceux qui, uni dans le souvenir, sont venus attester sur cette belle côte normande, en un pareil jour, en ce site d'un dénuement admirable, que les durs combats menés au nom de la liberté ne tomberont pas dans l'oubli.\
Si j'ai tenu à venir à mon tour après bien d'autres, accomplir un tel geste, c'est qu'à mon sens le raid de Bruneval, dont ce monument perpétue le souvenir, mérite à plus d'un-titre de demeurer dans nos mémoires.
- On vient de le rappeler, je dois le dire aussi, l'opération montée par les opérations combinées britanniques sous la direction de Lord Mountbatten et déclenchée en ce 28 février 1942, fût la première réaction offensive alliée sur le sol de la France. Il s'agissait de prélever sur la station de Bruneval les éléments de radar mis au-point depuis peu par les techniciens allemands `Allemagne` pour les transporter en Grande-Bretagne au bénéfice de nos armées alliées. Et pour être menée à bien, une telle opération exigeait la surprise totale et la précision des renseignements. Les opérations combinées et les parachutistes britanniques assurèrent cette surprise tandis que les résistants français, en-particulier le réseau de Notre-Dame-de-Castille dirigé par le Colonel Rémy, que je salue à mon tour la présence parmi nous, fournir les renseignements nécessaires. Ainsi les parachutistes du major John Prost, largués directement sur l'objectif, purent-ils démonter les pièces des radars avant que les servants de la station ne pussent les détruire, puis, avec un minimum de pertes, être récupérés par une force navale où, à côté de la Royal Navy, figuraient quatre bâtiments des Forces navales françaises libres.
- L'opération fut un succès complet.
- Elle avait associé les soldats britanniques des trois armées aux Forces navales libres, à la Résistance française. Cette dernière apportait par-là même la preuve qu'elle pouvait contribuer en première ligne à la lutte contre l'ennemi commun.
- Sur-le-plan technique, les résultats de ce raid furent d'une valeur inestimable. Mais son retentissement fut sans doute encore plus grand par l'espoir d'un retournement de la situation que cette première action offensive fit entrevoir au monde libre.
- Voilà pourquoi Bruneval reste donc d'abord le symbole d'une résistance courageuse et d'une certaine façon décisive.\
Ce monument célèbre l'événement que nous commémorons.
- Et je félicite tous ceux, associations d'anciens combattants, municipalités, retraités, entreprises locales, jeunes apprentis, enfants des écoles, qui ont oeuvré à sa réalisation sous l'impulsion des responsables du Musée historique itinérant du Havre, auquel les autorités locales, l'Armée de terre, la Marine nationale ont apporté leur aide.
- Dû à un élan spontané et généreux de la population, il exprime la volonté de la région et au-delà d'elle-même de la France de conserver la mémoire de ceux qui, au-cours de cette guerre, donnèrent leur vie au nom de la liberté.
- Mais je veux aussi souligner le geste des jeunes britanniques, français, allemands `RFA` qui, par leur contribution parmi d'autres à l'édification du monument, ont montré que des pays, autrefois ennemis, pouvaient se rejoindre dans les travaux et les jours de la paix.
- Bruneval, symbole de résistance et de lutte, est ainsi devenue symbole de réconciliation.
- Que la France entière médite cette leçon. Qu'elle se souvienne avec reconnaissance de ce que fut l'apport du fier peuple britannique dans la reconquête de notre liberté et de la paix du monde. Et qu'elle demeure vigilante et d'abord pour elle-même, la France fidèle aux enseignements de ceux qui, petit nombre, surent regarder en face et sans attendre et sans désespérer la multitude des périls, la longueur du temps et l'immensité du malheur.
- Monseigneur,
- Mesdames,
- Messieurs,
- Ici à Bruneval, on pourra longtemps méditer sur ces termes simples que je dirai ici : "Il faut savoir faire la guerre lorsque la guerre conduit à la liberté, nous l'avons su, il faut aussi savoir faire la paix".
- J'attends des peuples qui la connaissent qu'ils sachent, à leur tour, la conduire.\