7 juin 1982 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de la remise de la médaille de la famille française, Paris, Palais de l'Élysée, lundi 7 juin 1982.

Monsieur le président,
- Mesdames,
- Messieurs,
- Nous nous trouvons ici réunis par la tradition qui veut que le Président de la République remette à des mères de famille nombreuses la médaille de la famille française. La vie sociale s'organise ainsi autour de symboles et, à celui-là, j'attache personnnellement une importance particulière car il est lié à la vitalité de notre pays.
- Vous représentez ici, mesdames et messieurs, ceux qui ont consacré une grande partie de leur vie à accueillir des enfants, à les élever, ceux qui font confiance à l'enfant et qui se tournent vers l'avenir.
- Familles nombreuses vous l'êtes toutes puisque vous avez entre cinq et quatorze enfants. Mais vous êtes, au-delà de ce point commun, très diverses. Les mères de famille aujourd'hui honorées, et cela est bien normal, viennent de treize régions de France.
- Certaines d'entre vous exercent une activité professionnelle dans l'agriculture, le commerce, les services £ d'autres se sont consacrées entièrement à leur famille. Seules, vous pourriez dire si la diversité de ces activités correspond à un choix ou si vous auriez souhaité, les unes ou les autres, pouvoir agir différemment. Ce que je souhaite en tout cas c'est qu'un choix libre soit de plus en plus possible. C'est l'un des grands objectifs d'une politique familiale que de permettre à chacun des conjoints de choisir réellement une vie professionnelle continue ou non.
- Distinguer les familles nombreuses, comme j'aime aujourd'hui à le faire, n'est pas suggérer un modèle familial. Chacun doit pouvoir choisir, et s'il est normal qu'une aide particulièrement importante soit donnée aux familles nombreuses par le complément familial ou par l'octroi d'une part fiscale entière pour le troisième enfant, il est bon aussi que les allocations familiales soient distribuées moins inégalement selon le rang de l'enfant. En juillet dernier, nous avons relevé des allocations familiales de 25 % pour tout le monde £ la deuxième augmentation de 25 % cette année sera utilisée pour réformer et simplifier, dans le sens que je viens d'indiquer, les allocations familiales.
- Cette grande réforme, qui représentera un effort pour la famille sans précédent, ne saurait résumer la politique familiale qui touche à tous les domaines de la vie sociale. Avec vous, monsieur Burnel, président de l'UNAF, dans les conversations que nous avons eues depuis déjà longtemps, nous avons évoqué tous les divers aspects des problèmes dont vous avez la charge : logement, fiscalité, réduction du temps de travail ... Nous les avons à nouveau évoqués lors de l'importante manifestation que vous avez organisée le 21 novembre dernier.\
Et puisque cette journée est un peu celle des symboles, j'ai choisi d'ajouter à la remise traditionnelle des médailles celle du premier livret d'épargne populaire. C'est l'occasion pour moi de dire qu'une politique d'épargne populaire est aussi une politique familiale.
- Beaucoup de familles françaises ont de lourdes charges. C'est en pensant à elles, et aussi aux jeunes qui débutent dans la vie, à ceux des retraités qui ont des moyens limités, que j'ai créé ce livret. Chaque famille peut avoir deux livrets. Grâce à eux, l'épargne de tous les Français qui vivent dans des conditions modestes sera protégée contre l'inflation jusqu'à un million de centimes.
- La mise en oeuvre d'une protection véritable de l'épargne populaire étant un des engagements que j'avais pris solennellement, je ne suis que logique avec moi-même. Certes, on ne peut tout faire en un jour et pas même en un an, mais je tiens à ce que ces engagements soient progressivement réalisés, au rythme des possibilités offertes. Onze millions de ménages, les plus défavorisés, qui bénéficient ou qui vont bénéficier désormais du livret d'épargne populaire sauront en tout cas que les engagements pris sont tenus et je m'en réjouis pour eux.
- J'ai déjà eu l'occasion, l'an dernier, de vous rencontrer, non pas vous-mêmes, mais de rencontrer des mères de familles nombreuses en cette journée que nous célébrons. J'avais déjà eu aussi l'occasion de rencontrer vos représentants. Je veux éviter les redites. Cependant, il faut que vous sachiez que j'ai moi-même vécu dans une famille nombreuse puisque j'avais - j'ai toujours - sept frères et soeurs, et dans un milieu financièrement modeste, ce qui me permet d'apprécier l'effort que vous faites toutes et tous dans la charge que vous avez volontairement assumée dans le sens du devoir qui est le vôtre.
- Nous travaillons de concert avec M. le président de l'UNAF et différentes associations - ici elles sont d'ailleurs présentes avec Mme Georgina Dufoix, votre ministre £ M. Jacques Delors, ministre de l'économie et des finances qui vient, à la fois par sympathie personnelle pour votre cause, mais aussi parce qu'il est à l'origine de ce livret d'épargne populaire, ainsi que M. Mexandeau, ministre des PTT. D'autres personnes qui sont de l'entourage direct, notamment M. le secrétaire général de la présidence de la République, sont aussi parmi nous. Pourquoi ? C'est parce que cela représente, une cérémonie de ce genre, une grande importance.\
Je l'ai déjà répété, il n'est pas très facile en un budget de traduire en actes cette volonté. Je veux qu'une politique de la famille, une politique de la natalité soit un des objectifs principaux des années à venir. Le développement de la France, sa capacité sur-le-plan économique, sur-le-plan de la production, la richesse de sa création, de sa capacité d'affronter les périls extérieurs, tout cela tient pour beaucoup à la densité de sa population. Les générations nombreuses sont des générations créatrices. Mais ce n'est pas le seul aspect, bien entendu, de ce souci £ c'est aussi parce que je crois que c'est au travers de ces familles que peut se développer une certaine conception de la vie en commun que l'on apprend dès l'enfance et qui nous suit à travers la vie. C'est donc aussi une signification conforme à ce que je souhaite obtenir de notre société dans la façon de vivre ensemble, dans une plus grande commodité d'échanges. Ces échanges se perdent £ on ne se parle plus dans la vie urbaine d'aujourd'hui. Ceux d'entre vous, celles d'entre vous, qui sont de la région parisienne ou des grandes villes le savent. Davantage de possibilités ailleurs, et encore, c'est bien difficile. Vous êtes l'exemple vivant qu'il est possible de vivre dans une société restreinte qui peut, elle-même, servir de respiration dans la façon de conduire sa vie dans la vie sociale tout court et dans la vie nationale.
- Je pense que cette action est de mieux en mieux comprise. Ce n'est pas toujours aisé car cela va contre de nombreuses habitudes. Mais lorsque nous développons une politique que l'on appellera de liberté pour les femmes qui, en effet, ont longtemps souffert et souffrent encore d'un certain nombre de lois qui vont contre leur épanouissement, cela ne doit pas être contradictoire avec l'affirmation de la femme dans la famille £ souvent elle anime, elle inspire, surtout dans les relations de la mère de famille avec ses enfants qui sont le premier banc d'essai, la première cellule où se forment les futurs femmes et hommes devenus citoyens, responsables dans tous les domaines de leur activité et qui tirent de votre mode d'existence les enseignements qui enrichiront toute leur existence.
- Voilà, je ne vais pas me lancer dans un discours au-delà de ces quelques paroles. Je vous remercie d'être là et je vais maintenant procéder aux distinctions nécessaires qui ne sont qu'une des raisons de votre présence ici. S'il n'y avait pas de distinction, j'espère que vous seriez quand même venues me voir. Je veux dire, vous ou d'autres, représentatives de la cause que vous servez. Mais puisque toute la France célèbre les mères, je trouve tout à fait normal de célébrer les mères de famille nombreuses et, au-delà de cette salle, que mes paroles soient connues du pays.
- Je vous remercie.\