3 mai 1982 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'Hôtel de ville de Guérêt, notamment sur la solidarité, la sécurité et l'unité nationale, lundi 3 mai 1982.

Monsieur le maire,
- Mesdames,
- Messieurs,
- Je reviens avec joie dans le département de la Creuse et dans cette ville de Guérêt. C'est un itinéraire que je connais depuis ma jeunesse, je me souviens des jours vécus pendant la guerre et la Résistance dans ce département et aussi de l'une des premières manifestations officielles auxquelles j'ai participé lors de l'inauguration du lycée Pierre BOURDAN qui porte le nom de l'un de mes amis les plus proches. Et, depuis cette époque, m'y ont ramené de loin en loin, ou bien les responsabilités politiques, ou bien les relations amicales, le goût aussi de m'arrêter dans ce département que j'ai toujours trouvé si beau dans sa mesure, sa discrétion mais aussi sa qualité. Et voilà que j'y effectue le deuxième voyage dans une région de France au-titre de ma qualité de Président de la République française.
- Ce n'est pas tout à fait par hasard si je suis venu dans le Limousin, peu après la Lorraine £ je viens d'évoquer certains des liens qui m'y attachent. J'y ajouterai la qualité de vos élus, quelle que soit leur origine politique, très attachés à la -défense de leur région, de leur petit pays, attachement si souvent contrarié £ je me souviens de mes années d'études où je lisais les aventure de Martin NADAUD, significatif de l'exportation par la Creuse de ses hommes, des maçons qui, partout, ont participé aux entreprises de France et qui cependant n'avaient pas les moyens matériels de rester dans le pays qu'ils aimaient, pour le construire ou bien le reconstruire £ j'ai cité Martin NADAUD parce qu'il reste une valeur symbolique, ce député de 1849 qui s'est exilé sous le Second Empire, ce premier responsable, nommé par GAMBETTA, au nom de la République et qui reste un exemple pour tous les travailleurs de France.\
Ainsi, la Creuse a-t-elle jalonné ma propre existence, souvenir, évocations, vie personnelle, vie politique, c'est vous dire à nouveau, avec quelle joie je pourrais pendant quelques heures me trouver parmi vous. Mais je pense que la réunion de ce matin, qui sera en somme la seule réunion dite publique - bien qu'après tout, tout ce qui sera fait sera quand même public - permettant une relation directe avec les habitants de cette région, me conduira tout naturellement à évoquer quelques problèmes qui paraîtront plus politiques que d'autres.
- L'un des derniers mots de l'allocution qui vient d'être prononcée par le maire de Guérêt, mon ami, M. LEJEUNE, était celui de solidarité : la Creuse en appelait à la solidarité du pays, à la solidarité des pouvoirs publics, et c'est précisément le mot qui me venait d'abord à l'esprit. La solidarité c'est un mot qui dépasse, et de loin, les attributions cependant nécessaires et nouvelles qui ont été conférées à un ministre, le ministre de la solidarité nationale `Nicole QUESTIAUX`. Car la solidarité doit non seulement comprendre l'unité des couches sociales du pays, pour réparer les injustices accumulées pendant trop longtemps, mais elle doit également viser une meilleure unité économique de la nation, elle doit s'attacher à tous les actes, toutes les fonctions d'un gouvernement de progrès £ enfin, la solidarité doit, bien entendu, dans la sécurité des citoyens, être appliquée pour que nous marchions, autant que possible, du même pas et que l'inégalité entre les région n'aille pas s'accroissant, les riches devenant plus riches et les pauvres plus pauvres.\
C'était, je dois le dire, la direction prise avant nous. L'inégalité s'accroissait, oui les riches devenaient plus riches, oui les pauvres devenaient plus pauvres. Il était temps de mettre un terme à cette imposition, à ce règne de l'injustice £ assurément, ce n'est pas en quelques mois qu'il est et qu'il sera possible de réparer les dommages qui, pendant plusieurs décennies, ont empêché la France d'avancer dans une plus grande harmonie de son corps économique, social et politique. Mais le gouvernement de la République, que j'ai formé et qui a ma confiance, travaille dans ce sens : solidarité économique et sociale, c'est presque une gageure au moment où se développent les fâcheux effets de la crise économique qui frappe aujourd'hui l'ensemble du monde, et particulièrement le monde occidental, par une sorte de réduction de la société fondée sur le système capitaliste qui se retourne contre elle-même, sans avoir véritablement préparé les conséquences des mutations technologiques. Imaginez ce qu'est le monde aujourd'hui, tandis que, de plus en plus, des machines - et il faut faire confiance au génie de l'homme - permettent de produire davantage, plus vite, à meilleur -compte, sauf sur le -compte essentiel qui s'appelle le travail des hommes £ rien ne doit être fait qui puisse ralentir les progrès de la technologie, tout doit être fait pour permettre l'adaptation du monde du travail et l'adaptation de la vie humaine aux nouvelles conditions de la vie technologique et c'est parce que cela n'a pas été prévu que l'on assiste dans le monde où nous sommes au développement du chômage £ il faut aujourd'hui mobiliser tous les efforts en France pour tenter de guérir cette plaie. Je disais : développer la solidarité tandis que partout ailleurs ce sont les inégalités qui s'accroissent, cela n'est pas facile, car nous entendons bien rester dans la communauté des nations et accepter les conséquences de la libre concurrence, tout en faisant jouer quand ce sera nécessaire les clauses de sauvegarde auxquelles nous autorisent les traités internationaux.\
Solidarité ... Il a d'abord fallu parer au plus pressé, veiller à, comment dirais-je, maintenir la tête hors de l'eau, d'une série de couches sociales en voie de perdition £ oui, les plus pauvres devenaient plus pauvres encore, voilà pourquoi nous avons veillé en priorité à réduire ces inégalités. Et réduisant ces inégalités, nous avons, pardonnez la barbarie des mots, procédé à ce que l'on appelle une relance par la consommation, c'est-à-dire que nous avons donné plus de moyens à plus de gens, de pouvoir subvenir à leurs besoins les plus immédiats et les plus essentiels : personnes âgées handicapées, travailleurs qui se trouvaient réduits à un salaire minimum pratiquement insupportable, familles, tous ceux-là ont été aidés considérablement, même si cela est loin d'être suffisant tant il y avait de retard à rattraper. Nous continuerons dans cette voie, tout en devant faire attention à ce que ce pas-là soit assuré et mesuré, de telle sorte que nous ne détruisions pas les équilibres sur lesquels repose toute économie nationale. Naturellement, cela suppose davantage de sacrifices pour ceux qui possèdent le plus et, renversant la tendance des anciens privilèges, il faut faire jouer davantage la solidarité nationale au bénéfice de ceux qui reçoivent le moins et qui sont souvent ceux qui produisent le plus.\
Cela ne serait pas suffisant, ou bien nous risquerions d'être aspirés par le mouvement général qui porte à l'inflation ce qui en fin de -compte peut démultiplier le chômage. J'observe cependant qu'au-cours de ces derniers mois nous sommes devenus le seul pays industriel où la courbe de l'accroissement du chômage s'est tassée, tandis que l'inflation diminuait. Il y a des pays dans lesquels l'inflation diminue plus vite que chez nous mais le chômage s'accroît. Il y a des pays où l'on a voulu lutter plus vigoureusement encore contre la montée du chômage mais l'inflation demeure inquiétante. Il nous reste assurément à réduire le chômage et c'est l'objectif premier fixé au Gouvernement de la République. Encore faut-il pouvoir demeurer dans la course, dans la compétition. Nous avons hérité l'an dernier d'une inflation, c'est-à-dire d'une hausse des prix annuelle de 14 %, nous avons réduit ce mouvement aux alentours de 12 %, il faut faire mieux dans les mois qui viendront ou bien il y aura de nouvelles menaces sur les équilibres extérieurs. Nous avons voulu mobiliser la France, et nous comptons sur vous, amis qui m'entendez, pour que se réalise l'effort national indispensable. Rien ne serait possible cependant si nous ne nous attachions à d'autres secteurs, car la relance par la consommation, c'est-à-dire le fait de pouvoir consommer davantage, suppose que l'on produise davantage aussi, ou bien l'on ira chercher les biens à l'étranger pour pouvoir consommer. Il faut donc réorganiser les circuits de la production, il faut reconquérir le marché français, le marché intérieur, il faut donc pouvoir développer des industries, pas n'importe lesquelles, il faut pouvoir restructurer l'industrie et l'adapter aux besoins nouveaux de notre population. C'est ce que nous faisons, c'est ce que nous avons déjà commencé d'accomplir en élargissant le secteur public, c'est-à-dire en nationalisant un certain nombre d'industries qui détermineront l'avenir des pays et en nationalisant le crédit, je veux dire les banques, ce qui nous permettra de disposer du moyen de forger l'instrument avec lequel nous remporterons la guerre économique qui, de toute part, nous est livrée.\
Aux nationalisations, il convenait d'ajouter d'autres réformes de structures, qui s'appellent toujours un peu du nom barbare, décentralisation, planification £ décentralisation cela veut dire tout simplement qu'à compter du moment où nous avons décidé cet effort nous voulons que tout le monde l'accomplisse et qu'il ne soit pas réservé à quelques-uns. Il ne faut pas que les pouvoirs publics se détachent du peuple, il faut que le peuple lui-même comprenne cette nécessité et la prenne en charge : En décentralisant nous démultiplions les responsabilités. Il y a de vastes secteurs où désormais ce ne sera plus le ministre à Paris ou l'Administration centrale qui décidera, mais vous, au niveau de vos régions, de vos départements, de vos communes, de vos organisations associatives, de vos syndicats. Décentraliser, cela veut dire que les Françaises et les Français qui vont comme ici vivre et travailler au pays seront mis davantage en mesure d'agir par eux-mêmes, après avoir délibéré, discuté, décidé sans être toujours obligé de remonter à Paris ou au pouvoir central. C'est une démarche cohérente. Organiser la solidarité nationale autour des problèmes sociaux, autour des restructurations économiques, c'est aussi contraindre le pouvoir à s'attaquer directement aux structures traditionnelles qui empêchaient le développement et la réussite de cet effort £ c'est aussi libérer les forces productrices, leur donner davantage de chance, c'est non pas parier, on ne fait pas de pari dans ce domaine, mais c'est compter sur l'adhésion populaire, sur les forces populaires qui ont toujours fait de la France ce qu'elle a pu devenir dans les grands moments de son histoire. Or, l'adhésion est le mouvement des Français dans leur profondeur. Qui pourraient prétendre affronter les périls, vaincre les difficultés, préparer l'avenir ?\
Cette solidarité, elle doit jouer à l'égard d'une région comme celle du Limousin, c'est pourquoi il y a l'autre terme, dit planification, plan intérimaire qui sera suivi d'un plan de cinq ans, et qui doit permettre de savoir, tout simplement en faisant jouer l'intelligence, la compétence et la négociation, si l'on doit ici ou là pousser l'industrie ou bien l'agriculture, l'artisanat ou le commerce, quel type d'industrie, quel type d'agriculture £ et comme cela en réalisant la concertation de toutes les forces économiques, de toutes les forces de production que nous parviendrons à harmoniser d'une région à l'autre, la Creuse et le Limousin s'ouvriront davantage aux grands courants qui traversent la France, aux grands courants qui traversent le monde. J'ai pu constater cet effort tout à l'heure, dès mon arrivée dans la Creuse, à l'endroit où l'avion a atterri, en constatant que deux régions s'étaient unies, ce qui n'est pas si commun, Auvergne et Limousin, deux départements proches, représentés par leurs élus que je tiens à saluer de nouveau ici, ceux notamment de l'Allier, ceux de la Creuse, autour d'un aéroport `Lépaud` qui permettra d'ouvrir sur l'extérieur, ce que ne permettent pas encore les différents systèmes routiers auxquels cependant il faudra s'attaquer £ j'en parlerai demain à Limoges devant les représentants de la région Limousin.\
Solidarité... Mais il est un aspect, mesdames, messieurs que je ne puis oublier en cet instant, c'est que la solidarité doit jouer pour la sécurité des Français. Je ne sais si vous ressentez ici à Guéret ou dans la Creuse la somme de menaces, non qu'elles s'accumulent, mais les conditions dans lesquelles se développe le monde actuel et particulièrement le monde industrialisé, conditions qui créent de nouvelles obligations pour la collectivité nationale. Nous avons assisté à une sérieuse diminution des tensions au niveau national, telle révolte de telle ou telle région voulant affirmer son droit à l'expression, à sa culture, à son langage. A cet égard, à l'heure où je m'exprime, les violences qui s'annonçaient au-cours de ces dernières années se sont atténuées au-point, dans certaines régions, de disparaître complètement. Et il n'est pas, Dieu soit loué, de différends assez profonds entre les couches sociales du pays pour que nous soyons allés dans cette triste direction. J'observe, au contraire, que le développement de nos actions a permis, sur-le-plan du monde du travail, au-delà des inévitables conflits multiples qui se développent ici et là et qui ne peuvent être réglés que par le dialogue, j'observe que d'une façon générale les travailleurs font confiance à la politique menée par le gouvernement qui représente les Français et particulièrement ceux qui ont permis sa mise en place.
- C'est là qu'intervient une notion sur laquelle je terminerai cette allocution, non sans avoir réfléchi devant vous sur les conditions de la sécurité. C'est vrai que nous sommes atteints par les développements des antagonismes internationaux qui viennent régler leurs comptes chez nous. Ils ne le font pas plus qu'ils ne le faisaient naguère, mais ils le font de plus en plus au-cours des dernières semaines et comme s'il était imaginable que le pouvoir d'Etat ne soit pas désormais en mesure sinon de mettre un terme du moins de juguler la montée de l'insécurité.\
Sur-le-plan du développement de nos villes, si l'on songe qu'en l'espace de quelques années la population française délaissant ses campagnes, est allée grossir les agglomérations urbaines au-point qu'on peut penser que huit Français sur dix vivront bientôt dans des villes, quel effort a été accompli au-cours des temps passés pour organiser la ville autrement que comme une fourmilière où nul ne se reconnaît, je veux dire une fourmillière mal organisée où la société humaine n'a même pas été capable de se doter des structures que des êtres dit inférieurs ont été en mesure de mettre en place ? Bien entendu, la société que je veux et que nous ferons ensemble, en fin de -compte, ne ressemblera pas aux mécanismes animaux. J'ai moi-même cité dans un ouvrage que j'ai écrit la phrase d'un penseur célèbre disant que ce qui différenciait la ruche de l'architecture, c'est que la ruche était conduite à jamais par une forme de structure sur laquelle l'intelligence indviduelle n'avait pas de prise, tandis que l'architecte est toujours en mesure par l'imagination, la poésie, le souci du bonheur des autres, d'imaginer d'autres structures.
- Mais tout a été laissé à l'abandon, à l'abandon du profit pour le profit. Dans des villes immenses où l'on s'entasse et où l'individu devient plus seul qu'il ne l'était jamais dans la foule, et dans des quartiers suburbains où rien de ce qui peut permettre la communication, l'échange ou le dialogue n'a été préservé. Et l'on s'étonne après cela de la délinquance, avec une jeunesse abandonnée dans les faubourgs, sans possibilité de toujours trouver l'école dont elle aurait besoin, laissée je le répète à l'abandon ! Et l'on s'étonne que l'issue soit de rechercher en dehors de la société, comment dirais-je, soit la satisfaction de besoins immédiats, soit tout simplement le besoin de vivre.\
`Insécurité dans les villes` C'est un problème très difficile. Nous nous sommes attaqués à cette difficulté dès le départ £ à peine le gouvernement était-il en place qu'il décidait le recrutement de mille policiers nouveaux, surtout gardiens de la paix, et dans le dernier budget, six mille emplois du même ordre étaient créés. C'est donc qu'ils manquaient. Tandis que deux mille gendarmes du côté de l'Armée étaient à leur tour recrutés £ ce qui veut dire qu'entre 1981 et 1982 c'est neuf mille personnes qui ont été engagées et qui le sont actuellement, après la formation nécessaire, pour contribuer à l'ordre de nos cités ou bien de nos campagnes.
- Voilà un premier effort, effort qui coûte cher auquel nous avons consenti parce que c'était normal et même parce que c'était nécessaire, mais que nous n'aurions pas eu besoin d'accomplir s'il avait été fait avant nous. Comment irait-on se plaindre alors que nous avons presque tout à faire, mais je sais bien qu'il ne faut pas non plus se laisser aller aux campagnes d'affolement. C'est par la solidarité de la nation que nous parviendrons en nous serrant les coudes à mettre un terme au développement de cette délinquance, quand ce ne sera pas le moyen décisif pour arrêter le terrorisme. Il s'agit d'une tout autre affaire, le terrorisme c'est en effet davantage aux pouvoirs publics d'y veiller £ j'ai déjà dit que c'était pour l'essentiel un article importé, c'est-à-dire un article fabriqué à l'extérieur, que l'on a tendance à diffuser dans notre corps social. Je dis tout de suite, ayant pris la responsabilité d'en assurer moi-même la conduite, que la lutte contre toutes les formes de terrorisme sera menée de façon implacable, sans arrêter jamais à la fois la surveillance et sans relâcher non plus les moyens qui permettront de justement sévir, dans le respect des libertés fondamentales auquel le Gouvernement de la République s'est attaché, vous le savez, avec tant de constance depuis le premier jour.\
Et je voudrais, après en avoir appelé à la solidarité nationale sur tous les -plans, après en avoir appelé au-delà de cette place et de cette ville, à tous les Français qui m'entendent, après en avoir appelé à la solidarité pour que d'une ville à l'autre, d'un village à l'autre, d'une région à l'autre, ce soit la France tout entière, qui ressente les bienfaits de la politique de progrès, la France dans toutes ses composantes, toutes les couches sociales, tous les groupes socio-professionnels, oui, je voudrais les appeler à l'oeuvre commune.
- Là, dans une région comme celle-ci, ce sont les paysans £ ces paysans, depuis huit ans, voient leur pouvoir d'achat diminuer. 1982 sera la première année, depuis huit ans, où l'on verra dans des proportions importantes s'infléchir cette courbe mortelle au-point que pour de nombreuses professions agricoles on verra le pouvoir d'achat se maintenir et sans doute s'accroître £ ce sera, je le répète, la première fois depuis huit ans, et le résultat obtenu dans la négociation communautaire, `prix agricoles` résultat très supérieur à ce qu'on en disait un peu partout sur la base de 13 %, ça c'est l'accord récemment obtenu dans les heures qui viennent de s'écouler, grâce-à l'acharnement, la ténacité et à la compétence de Mme le ministre de l'agriculture et de M. le ministre des affaires européennes, je veux dire d'Edith CRESSON et d'André CHANDERNAGOR. 13 % à Bruxelles, mais l'on doit ajouter les résultats du réajustement monétaire `dévaluation`, intervenu depuis les derniers calculs du pouvoir d'achat. Nous en sommes aujourd'hui au-niveau de l'inflation dont nous avions hérité l'an dernier, c'est-à-dire au-niveau des 14 % et bien entendu le gouvernement français ne se privera pas de prendre les dispositions qui paraîtraient indispensables pour que, par-rapport à telle ou telle catégorie de la population agricole, l'on n'assiste pas à la perpétuation des déficits ou des diminutions du pouvoir d'achat. Je veux dire par là que la politique nationale de l'agriculture permettra de donner un nouvel élan au résultat de l'accord international survenu ces temps-ci.\
Il y a je crois beaucoup d'éleveurs ici, peut-être pas sur cette place mais dans le département de la Creuse. J'ai moi-même connu ces problèmes pendant trente cinq ans comme député ou parlementaire d'un département d'élevage, celui de la Nièvre, qui d'ailleurs produit pour une large part le même type de bovins que celui de la Creuse, dans la Creuse non pas dans l'ensemble du Limousin. C'est aujourd'hui l'un des plus beaux fleurons de la production agricole. Et je peux dire que les dispositions prises sur-le-plan de l'élevage bovin ont déjà donné des résultats très positifs, vous le savez bien. Et ce dont nous avons à nous préoccuper davantage aujourd'hui c'est de l'élevage porcin et de l'élevage ovin, de même que nous avons encore à assurer la protection des petits producteurs de lait auxquels je signale que les dernières dispositions communautaires ont fait qu'ils bénéficiaient d'une réduction de la taxe de coresponsabilité pour les petits producteurs, de 2,5 à 2, et de 2 à 1 %, ce qui comparativement à leur production jusqu'à quelques 60000 litres de lait, doit permettre, je le crois, une redistribution équitable.\
Je voudrais m'adresser aussi aux artisans, et les PMI, et les PME, que l'on habitue un peu trop souvent à considérer les décisions du gouvernement à direction socialiste, comme leur étant hostiles, alors que précisément nous avons créé l'instrument qui permettra de diffuser mieux le crédit, alors qu'avec la décentralisation on pourra réaliser davantage les implantations là où il le faut, alors qu'avec la restructuration industrielle et la reconquête du marché intérieur nous pourrons développer le marché de toutes ces entreprises vaillantes, intelligentes, actives qui, dans les départements, y compris celui de la Creuse, ont ici et là conquis le droit à la compétitivité, c'est-à-dire qu'elles sont capables de supporter la concurrence internationale dans les secteurs les plus sophistiqués puisqu'on cite même une industrie de la Creuse qui a éminemment participé à la mise en place et à la mise en oeuvre de la conquête spatiale.
- Je vous le dis, la solidarité nationale, entrepreneurs des PME et des PMI jouera pour vous comme pour les autres.\
Enfin, mesdames et messieurs, je veux que vous compreniez que le Président de la République française ne peut pas avoir d'autre passion que celle de l'unité nationale et là-dessus il faut s'expliquer.
- Quoi ! on attenterait à l'unité nationale parce que les pouvoirs élus, Président de la République, parlementaires, gouvernement, appliqueraient, mettraient en oeuvre le programme pour lequel ils ont été élus ! Quoi ! tout ce que je vous disais, il y a un an, n'aurait pas de sens dès lors que j'aurais été élu ! Il aurait fallu que je déchire le contrat qui m'unissait à la majorité du peuple de France ! Quoi ! on appelle sectarisme ou intolérance ce qui est seulement le respect de la promesse solennellement affirmée à l'égard du peuple français ! Ce que je peux vous dire, c'est que, lorsqu'il y avait des gouvernements de la droite ils ne faisaient pas la politique de la gauche, et je ne vois pas pourquoi un gouvernement de la gauche ferait la politique de la droite. Ou bien la règle de la République serait-elle, on me le rappelle assez souvent, qu'il faudrait toujours faire la politique de la droite : c'est-à-dire la politique des privilèges et des intérêts dominants contre les intérêts de l'immense majorité des Français, et je le répète de l'immense majorité des producteurs. Je remplis donc mon contrat en réalisant le programme sur lequel vous m'avez élu, vous en majorité. Et je m'adresse maintenant à celles et ceux d'entre vous qui n'ont pas choisi ce programme, ils en avaient le droit, à ceux qui n'ont pas choisi ces élus, ils en avaient le droit, et ils le gardent et ils doivent le garder. Je veux dire à ceux qui participent à la vie de la minorité politique qu'ils sont aussi les bienvenus, c'est cela notre démocratie. Les lois sont faites pour tous, elles doivent protéger quiconque relève de notre communauté nationale £ il ne peut pas y avoir de victoire durable, d'une fraction de la France contre l'autre, il y a à organiser cette France, notre France, il y a à l'organiser sans doute selon l'idée que nous en avons, selon le mandat que nous en avons reçu mais il faut avec précaution, prudence, avec sagesse, j'allais dire avec amour, protéger l'unité de la nation.\
C'est pourquoi je ne manque jamais après avoir déclaré ce que j'ai déclaré, c'est-à-dire que le Président de la République, le gouvernement avaient une mission. Cette mission exécutée ou en voie de l'être, doit, autant qu'il est possible faire accepter par la persuasion et ne pas imposer par d'autres moyens ce qu'il considère comme le bien du pays. Nul n'est exclu, ni dans ma pensée, ni dans mon action, nul n'est exclu du présent, nul n'est exclu de l'avenir de la France. Nous avons tellement besoin d'être ensemble. Avez-vous fait le compte des périls, voyez-vous se lever partout les passions destructrices, auriez-vous cessé d'observer à quel point les antagonismes est-ouest, nord-sud, les rivalités nationales, les rivalités coloniales, qui devraient cesser de l'être, à quel point les oppositions d'intérêt ou d'idéologie créent partout, un peu partout sur la surface de la planète, des risques majeurs pour la paix ? Mon action, mesdames et messieurs n'a pas d'autres sens. Si je vais dans ce pays puis dans un autre, c'est parce qu'il faut constamment renouer les liens, assurer les amarres, veiller à préserver ces chances de la paix, à l'intérieur de la Communauté européenne `CEE` d'abord, dans le souci de nos intérêts légitimes mais aussi dans la volonté de bâtir et de construire l'Europe de manière que la France soit assurée de défendre elle-même sa propre sécurité par les moyens dont elle dispose £ mais ce qui doit assurer à la France, grand pays de l'Europe, de voir démultiplier les moyens d'action avec les autres pays, ce que l'histoire et la géographie ont choisi pour nous, et que nous avons commencé de choisir par la volonté de surmonter les crises au lendemain de la dernière guerre mondiale, oui cela c'est l'Europe, instrument d'équilibre dans le monde. Au-cours de ces derniers mois, je suis ainsi allé dans divers pays, sur plusieurs continents pour tenter d'exprimer les volontés françaises et aussi quelques principes fondamentaux qui s'appellent le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et la préférence toujours donnée à l'arbitrage, à la sécurité collective et au désarmement sur les antagonismes meurtriers.
- Mesdames et messieurs, j'ai évoqué tous ces problèmes parce que je ne vois pas pourquoi j'aurais réservé aux habitants de la Creuse un exposé de caractère purement local, vous êtes des citoyennes et des citoyens français et vous avez bien le droit d'entendre de la bouche du Président de la République française l'idée qu'il se fait de quelques problèmes qui touchent à votre vie, à votre sécurité et à celle de vos enfants.\
Je voudrais dire un dernier mot : tout est affaire de volonté. Quand on en appelle à l'effort et même au sacrifice on commence par cesser de demander des sacrifices en priorité à ceux qui les accomplissent depuis le début de l'ère industrielle, c'est-à-dire depuis près de deux cents ans. On le demande d'abord à ceux qui ont la chance de profiter des avantages de la vie, mais le moment arrive aussi où l'effort national doit être l'effort de tous. Alors, il faut que vous sachiez que le premier d'entre vous, parce que vous l'avez choisi, parce que vous l'avez voulu, veut affirmer en toutes circonstances la volonté nationale, veut que cette volonté s'affirme en toutes circonstances, la volonté de l'homme capable de maîtriser l'événement, quand je dis l'homme, je ne parlais pas de moi, bien que cela me touche aussi au premier chef, je veux dire la volonté de tout homme, de toute femme, de tout être humain, dans un pays comme le nôtre. Volonté d'assurer la pérennité de la patrie, de tenir avec ses racines bien accrochées, bien enfoncées dans le sol pour tenir bon en face des tempêtes, pour résister à la puissance destructrice, pour assurer autant qu'il est possible l'harmonie. Sur cette volonté, amis qui m'entendez, vous pouvez, je vous le jure, vous pouvez compter. Jamais je ne cesserai, c'est ce que je fais de jour en jour, j'allais dire d'heure en heure, depuis le 21 mai 1981, soit quelques jours après l'élection du 10 mai, lorsque j'ai été en mesure d'assurer moi-même les responsabilités du pouvoir, pas une heure je n'ai relâché mon action, j'en connais la difficulté, je sais de quelle façon il conviendra d'agir pour surmonter tous les dangers au-cours des mois et des années prochains mais je vous dis : quand on se sent l'expression d'un pays comme le nôtre, lorsqu'on se sent soutenu par l'adhésion de notre peuple, par la confiance de ceux qui travaillent et produisent, lorsqu'on se sent porteur de l'unité de la nation, alors, il est aisé de puiser la volonté indispensable dans l'histoire de notre pays, si diverse et si contrastée, et que l'élection du 10 mai a permis de marquer d'une étape nouvelle, oui, le changement £ mais si l'on parle des vertus profondes de notre peuple et de l'idendité de son peuple, il y a aussi une continuité de l'histoire dont j'ai la charge et que je conduirai jusqu'au terme qui m'est fixé par les institutions - bien entendu cela n'est pas remis en cause et par personne - non pas comme un témoin neutre des événements qui s'imposeraient à lui, mais comme un acteur, acteur principal de la pérennité de la France. Mesdames et messieurs, vive la République, vive la France.\