24 mars 1982 - Seul le prononcé fait foi

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Discours de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'occasion de l'inauguration de l'aéroport Roissy II, Paris, mercredi 24 mars 1982

Monsieur le président de l'Aéroport de Paris,
- Monsieur le président de la compagnie nationale Air France,
- Mesdames et messieurs,
- A cet instant, Roissy II prend place dans notre patrimoine aéronautique ! Je suis heureux de saluer sa mise en service ! Heureux de saluer ceux qui ont contribué à sa réalisation ! Heureux de féliciter nos ingénieurs, techniciens, ouvriers, entreprises qui ont ajouté cette construction à celle commencée voici déjà longtemps, avec la naissance de l'aviation, et qui restera toujours à parachever, un peu comme la conquête des airs dont les progrès constants semblent n'avoir pas de limite !
- Mesdames, messieurs,
- Le monde moderne, celui du commerce international, celui des affaires, celui des échanges, impose aux grandes capitales une vaste plate-forme aéroportuaire moderne et fonctionnelle.
- A Paris, nous avons procédé en plusieurs étapes et tout autour, ses communes et ses départements entremêlés au-point qu'on risque un peu de s'égarer dans la géographie, s'y reconnaissent les praticiens, et après l'époque un peu héroique du Bourget, l'expansion des années 60-70 `1960 - 1970`, tout cela nous conduits d'abord à Orly Sud puis Ouest, ensuite à Roissy. Nous y sommes pour la deuxième fois. Cela démontre la rapidité avec laquelle l'Aéroport de Paris a dû s'adapter au trafic, rapidité telle que lorsque Roissy I a été ouvert, il a précédé de plusieurs années le moment de la mise en oeuvre de la desserte ferroviaire avec Paris. Si bien que les gains de temps permis par les installations propres de Roissy compensaient à peine le temps perdu pour aller et venir entre Paris et l'aéroport.
- Aujourd'hui, je suis précisément venu jusqu'ici par le transport en commun. Je me réjouis de voir que la coordination entre la RATP et la SNCF ait enfin permis (il paraît que cela ne s'est pas fait tout seul) de relier Paris et Roissy. Je me réjouis de voir que l'aéroport permettra ainsi d'améliorer les transports en commun dans l'agglomération parisienne et rapprochera quelque peu l'avion de la grande ville dans laquelle il s'insère.
- Je puis dire que, jusqu'à présent, les installations aéronautiques n'ont pas toujours été conçues en-fonction de l'agglomération et de la nécessité de préserver les habitants des nuisances, bref de la nécessité de faire accepter l'avion y compris par ceux qui ne le prennent pas. Si j'en crois les associations et les élus que je salue ici, il reste beaucoup à faire en-matière de protection de l'environnement, et un groupe de travail comportant toutes les parties concernées sera bientôt, m'a-t-on dit, mis en place pour examiner la manière d'éviter que Roissy ne s'en prennent plus qu'il ne convient à la vie quotidienne de ceux je le répète, qui, eux, ne peuvent prendre l'avion tous les jours !
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Mais Paris, c'est aussi - d'abord avec sa région, ses départements suburbains - la capitale de la France - et si la plate-forme aéroportuaire doit assurer l'indispensable liaison entre les nations, elle ne saurait méconnaître les liaisons nécessaires à la France et aux Français.
- Roissy II répond aujourd'hui à cet objectif. Avec un peu de retard, on le remarquera à l'instant, mais quand on considère le travail accompli et sa réussite, le soin mis à le mener à bien, il faut bien dire que notre grande compagnie nationale, l'une des premières du monde `Air France`, a su parfaitement collaborer avec une autre grande entreprise publique - l'Aéroport de Paris - pour pouvoir disposer d'installations propres dans le principal aéroport civil français. Cette réalisation, entièrement publique, va permettre à Air France, Air Inter, de répondre à l'attente de nos concitoyens : avec des installations modernes, des correspondances plus rapides, Paris et les régions seront mieux reliées, tandis que les régions seront directement, via Roissy II, reliées avec l'ensemble des grands pays industriels avec lesquels nous commerçons £ en outre, c'est ici que s'établiront les relations aériennes entre la France et ceux qui sont ses enfants, souvent lointains, je veux parler de nos départements et territoires d'Outre-Mer, sans oublier, bien entendu, les départements métropolitains lointains, ceux de la région de Corse.\
Outil du développement économique, élément de l'aménagement urbain, instrument du développement régional, l'aéroport de Roissy ne serait pas à la hauteur de nos espérances s'il n'était aussi l'indispensable infrastructure du développement de notre industrie aéronautique.
- Mesdames et messieurs, l'année 1981, dans sa deuxième partie, a été celle de la relance. Je souhaite que 1982 soit celle de l'investissement. L'Etat a donné l'exemple, directement ou par le biais de bon nombre d'aides, je pense en-particulier aux aides au logement.
- Aux entreprises qu'il faut aider, comprendre, dans leurs démarches publiques et privées, de montrer qu'elles ont la capacité d'affronter la concurrence internationale. Parmi elles les entreprises nationalisées, plus nombreuses qu'hier, doivent exercer un effet d'entraînement. Et c'est pourquoi les grands groupes publics sont invités à accélérer leurs programmes pour que les premières manifestations concrètes de ce changement d'orientation vers plus de dynamisme, encore, et donc d'emplois, se traduisent sur le terrain avant l'été.
- Et j'adresse le même appel confiant aux entreprises privées qui représentent la plus grande partie du tissu industriel, artisanal de la France, dans un effort conjugué et qui sera si on le veut - et je le veux - harmonieuse. Nous ressentirons, à-partir de ce bel édifice, que cette réalisation dont nous sommes légitimement fiers le sentiment d'avoir contribué à l'effort national. L'effort national, par définition, ne pouvant exclure personne.\
Mais puisque nous parlons d'aéronautique, comment ne pas souligner la vocation de la France, celle de l'aéronautique, bien sûr, mais aussi spatiale dont les Français sont fiers, à-juste-titre, qui n'est pas le fait d'un gouvernement, qui ne peut être le fait d'un Président de la République, qui ne peut être que la résultante des générations, qui selon leurs vues et leurs façons de réagir, naturellement différentes, sont les éléments constants de la grandeur, de l'indépendance, et de la pérennité de la France. Assurément, le gouvernement d'aujourd'hui soutiendra de toutes ses forces l'-entreprise que nous célébrons. Nos missiles, nos hélicoptères qui se vendent plutôt bien, au-point que la production a parfois mal à suivre, tout cela marque des réalisations de pointe qui, ajoutées à l'effort accompli dans d'autres domaines et particulièrement dans le domaine de l'électronique, assureront - j'en suis sûr - à la France la place qui lui revient dans les années prochaines, c'est-à-dire parmi les tout premiers, quand ce ne sera pas dans certains domaines au premier rang. Telle est en tout cas mon ambition, ce qui veut dire ma volonté.
- L'aéronautique est aussi une occasion admirable de faire progresser la construction de l'Europe et c'est bien le moment d'en parler. L'industrie européenne se bâtira autour de projets communs ou concrêts. C'est ainsi que l'ATR 42, dont nous venons d'autoriser le lancement en accord avec l'Italie, témoignage nouveau de cette volonté politique assis sur des réalités économiques.
- En évoquant la -famille Airbus, je noterai que A 300 totalise plus d'un million d'heures de vol au service de vingt-cinq compagnies, que l'Airbus A 310 est à la veille de son vol inaugural, que pour la première fois un avion européen a été commandé, avec ou sans option à deux cents exemplaires avant d'entrer en service, signe de la confiance des transporteurs internationaux dans l'industrie européenne. La France est, vous le savez, un élément indispensable.
- La question aujourd'hui est de savoir s'il faut aller plus loin. Le consortium Airbus a un projet d'avion de cent cinquante places. Air France, et cela illustre l'impact de cette compagnie, l'impact sur l'industrie, a décidé, vous le savez, de participer à son lancement en commandant dès maintenant cinquante exemplaires.\
Je remercie M. le ministre d'Etat chargé des transports `Charles FITERMAN`, je remercie, sans vouloir entrer davantage dans une liste de fonctions très justement et correctement remplie avec le sens du devoir, je tiens à ce que chacun sache ici combien le chef de l'Etat peut éprouver de force et d'orgueil national à constater ce dont, ensemble, vous êtes capables.
- Et je suis sûr que les élus locaux ou parlementaires qui se trouvent ici rassemblés, éprouvent en cet instant aussi fortement que moi, cette communauté qui a fait et qui continuera de faire notre force.
- Voici, mesdames et messieurs, pourquoi le Président de la République est heureux d'être parmi vous aujourd'hui afin de témoigner, au nom de la France, des espérances de notre peuple dans l'avenir et le développement du pays.
- Il me reste à souhaiter bonne chance à Roissy II, bonne chance à nos industries aéronautiques, bonne chance à nos entreprises publiques - Air France et Aéroport de Paris - puisque j'en reviens, SNCF, RATP, ce lieu, cette jonction doit être faite de plus en plus, que s'éloigne, comme il convient, l'esprit qui tendrait chacun à se refermer sur soi. Nous avons la preuve ici, avec ce qui reste à accomplir, que, je vous le disais, tous ensemble la France ne s'en trouvera que mieux.
- Bonne chance à ceux qui font vivre notre pays ! Et il me reste pour finir, à souhaiter que Roissy, souvent vous le disiez, la première image de la France pour ceux qui débarquent ici, pour que Roissy sache être comme une sorte de vitrine que notre pays présente à tous nos partenaires, à tous nos visiteurs, et qu'après tout on sache, dans cette petite France d'origine jusqu'à la plus grande où nous sommes, que l'accueil du pays est capable à la fois d'allier les plus vieilles et les plus fortes traditions à cette image de vie moderne ouverte sur le futur.\