23 octobre 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. François Mitterrand, Président de la République, à l'issue de la conférence Nord-Sud de Cancun au Mexique, vendredi 23 octobre 1981

Mesdames et messieurs,
- Je vous remercie de votre présence. Je vous prie de m'excuser pour cette heure tardive, mais ce sont les lois du genre dans une conférence internationale où il y a beaucoup de conférences de presse et beaucoup de personnes. Passons directement, si vous le voulez bien, à notre échange de vues. La conférence est maintenant terminée. Il est possible d'en tirer déjà des conclusions et je serai heureux d'en discuter avec vous. Je crois que mieux vaut commencer tout de suite. Vous êtes très nombreux, sans doute de beaucoup de nationalités différentes. Peut-être y a-t-il certaines nécessités, vous m'excuserez de vous le dire, pour la presse de mon propre pays et si vous voulez avoir la gentillesse de permettre aux journalistes français de s'exprimer d'abord, cela leur permettra de faire leur travail pour l'information en France, mais enfin évidemment tous sont les bienvenus ici. Je répondrai à toute question qui me sera posée par quelque journal que ce soit. Voilà, maintenant je vous écoute.
- QUESTION.- Monsieur le Président, quand pourra-t-on juger réellement du succès ou de l'échec de Cancun, c'est-à-dire quand saura-t-on s'il y aura vraiment des négociations globales à l'ONU et estimez-vous que le président REAGAN a modifié ses positions pendant ces deux jours de discussion ?
- LE PRESIDENT.- Je vous répondrai sur le premier point mais pas sur le second. C'est le rôle du journaliste que vous êtes et vous ne manquez pas de sens de l'analyse. C'est votre rôle à vous que d'estimer à la lecture des textes puis, à l'épreuve des faits, de quelle façon les uns, les autres ont infléchi leurs positions. D'ailleurs, une conférence internationale, c'est fait pour cela. C'est fait pour rapprocher les points de vues. Donc, il n'y a pas lieu de s'étonner si cela s'est produit. Il y a même lieu de s'en réjouir. Ensuite, à vous de compter les points si cela vous convient.\
`Réponse` Quand saura-t-on ? D'abord, tout de suite. L'analyse des textes sert à quelque chose et il est important de relever dans le texte ou disons dans les déclarations des co-présidents `José LOPEZ PORTILLO ` Pierre Elliot TRUDEAU` de cette conférence un certain nombre de points de repère qui, pour les journalistes informés de la chose et vous en êtes, monsieur, permettent, sans risque de beaucoup se tromper, de savoir s'il y a réponse positive sur les négociations globales, sur le secteur énergie de la Banque mondiale, sur les problèmes d'agriculture et d'aide alimentaire, sur les cours des matières premières, etc.. Vous avez raison de me poser la question : quand saura-t-on dans la réalité que l'on entame les négociations effectives ?
- On a déjà dû vous le dire, les vingt-deux de Cancun n'avaient pas pour mission de s'exprimer au nom de ceux qui n'y étaient pas. Ils n'avaient pas à se substituer ni au monde industriel, ni aux pays en voie de développement, ce qui rendait délicate leur mission. Il leur fallait donc faire des suggestions qui ne réservent pas la suite du processus aux vingt-deux participants de la conférence de Cancun. Quiconque souhaitera y participer le pourra.
- Vous avez pu apercevoir que les délais ont été fixés pour débrouiller cette situation et pour lancer des négociations globales dans-le-cadre des Nations unies. Cette première phase devrait se terminer avant la fin de l'année et nous sommes fin octobre.
- C'est en tout cas à-partir de là que vous pourrez mesurer si véritablement Cancun entre dans les faits. Il est déjà entré dans les textes. Un accord réel s'est déjà fait sur ces propositions. Vous pourrez dire qu'il faut toujours distinguer entre les pensées, les arrière-pensées et quand les textes sont écrits, ce qui est écrit entre les lignes.
- Si je compare le chemin parcouru, en-particulier depuis la conférence d'Ottawa, je pense, pour ce qui me concerne en ma qualité de délégué de la France dans cette conférence, que nous avons avancé.\
QUESTION.- Monsieur le Président, pensez-vous que, quoiqu'il arrive maintenant aux Nations unies, la conférence de Cancun aura pour résultat que les débats s'effectuent dans-le-cadre de la Résolution 34-138 que soutient bien sûr le Groupe des 77 ?
- LE PRESIDENT.- C'est cette Résolution qui nous autorise à dire que des négociations globales auront lieu dans-le-cadre des Nations unies. C'est parce qu'il y a cette Résolution. Je l'ai moi-même évoquée dans la déclaration liminaire qui a dû vous être communiquée hier. Il ne peut pas s'agir d'autre chose. D'ailleurs, l'expression négociation globale est issue de ce texte. C'est un texte des Nations unies adopté d'ailleurs par les participants de Cancun. Notre démarche est donc logique : elle part des Nations unies et revient aux Nations unies, mais fait la part, ce qui est quand même bien normal, des institutions spécialisées, dont certaines ne sont pas nées des Nations unies mais d'accords contractuels d'une -nature différente.
- QUESTION.- En dehors de la problématique des négociations globales qui apparait dans la déclaration des deux co-présidents, il y a également un certain nombre de mesures assez concrètes concernant les problèmes alimentaires. Je voudrais vous demander de quelle manière les décisions par consensus qui semblent avoir été adoptées sur ce sujet vont entrer dans les faits.
- LE PRESIDENT.- Par le même processus, Cancun n'est pas un organe. D'abord, ce n'est pas une institution. Ensuite, ce n'est pas un organe d'exécution. Ces vingt-deux pays représentés par vingt-deux personnes de bonne volonté, à l'initiative de deux chefs d'Etats, celui du Mexique et celui de l'Autriche, inspirée par les conclusions de la commission Brandt, elle-même d'ailleurs issue de l'assemblée des Nations unies. Vous faites bien le circuit.\
`Réponse` J'ai été très intéressé par la discussion qui s'est déroulée hier sur les problèmes alimentaires car le débat portait sur la question suivante : quelle est la part de l'aide qui doit venir de l'extérieur et quelle droit être la part qui doit être consacrée à la production agricole de chaque pays, de telle sorte que chacun parvienne à l'auto-suffisance ? N'y a-t-il pas une certaine contradiction entre les deux formes d'aide, certains pays se reposant sur l'aide extérieure et ne songeant pas à créer les conditions de leur production, puis de leur productivité ? C'est une des discussions à mon avis les plus intéressantes de cette conférence.
- Sur ce point, j'ai constaté, je ne dirai pas à ma surprise mais plus que je ne l'attendais, un consentement général dans lequel ont été mêlés les problèmes de formation, les problèmes de technologie, mais aussi la nécessité des investissements dans les infrastructures, et avec un prolongement qui, à mon avis, lui n'a pas été poussé assez loin. C'est le point faible, non pas de cette conférence parce que ce n'était pas véritablement son objet, mais dans l'ensemble des discussions internationales, c'est-à-dire les garanties des cours des matières premières qui ont besoin d'être soutenues, car il en est qui n'en n'ont pas besoin. Je pense en-particulier au pétrole.
- C'est le point sur lequel il me semble que l'on devrait centrer les conversations futures entre les pays qui s'intéressent à la chose. C'est en tous cas une revendication fondamentale de la France.\
`Réponseù` La première question est celle-ci, est-ce que je suis satisfait de la conférence. La deuxième, quels sont les enseignements ?
- J'en suis satisfait. Je connais la mesure que peut atteindre une réunion de ce genre et on peut souvent craindre une succession de discours qui se rencontrent ou ne se rencontrent pas. Grace-à la façon dont les débats ont été conduits par MM. PORTILLO et TRUDEAU, enfin j'ai vu et entendu et j'ai participé à un dialogue avec les délégués qui s'interrompaient poliment, mais qui s'interrompaient quand même lorsque la passion de la discussion les emportait, les emportait jamais jusqu'à la vivacité mais jusqu'à l'envie de s'exprimer. Et, cela, je vous assure, vous pouvez finalement l'imaginer, c'est un progrès, au lieu de cette espèce d'organisation froide qui fait en réalité que les gens sont ensemble et ne se rencontrent pas.
- La conférence de Cancun était parfaitement organisée et ce dialogue a été à tout moment possible. Quand on parle et que personne n'a d'intention particulièrement agressive, on arrive à un point commun. Je suis satisfait des résultats de la conférence de Cancun dans la définition du processus des négociations globales. J'en suis satisfait quant aux éléments de définition d'une politique alimentaire £ j'en suis satisfait quant à la façon d'aborder le problème de l'énergie pour le tiers monde et je pense que la conférence n'est pas allée aussi loin qu'il l'aurait fallu sur-le-plan des garanties à apporter au cours des matières premières des pays pauvres ou des pays dont l'économie repose sur la vente ou l'exportation d'une seule matière première. Voilà, ce que j'en pense et il n'y a donc pas de ma part déception, il y a satisfaction avec un point réservé. Je me pose la même question que vous maintenant, il s'agit que cela entre dans les faits.\
QUESTION.- J'ai entendu dans le communiqué de presse que l'on regrettait l'absence d'une grande puissance, l'URSS. Je n'ai pas entendu faire mention d'un petit pays d'Amérique latine - un pays des Caraibes - Cuba qui avait souhaité participer à ce sommet de Cancun.
- J'aimerais connaître l'opinion du président MITTERRAND concernant cette absence de Cuba et si dans un esprit d'harmonie, il apparait normal qu'un grand pays du Nord puisse s'opposer à la participation d'un petit pays du Sud qui de plus en ce moment se trouve à la tête des non-alignés ?
- LE PRESIDENT.- Je n'ai pas participé à l'organisation de cette conférence dont l'idée a précédé ma propre arrivée aux responsabilités. Je n'ai pas non plus eu à m'exprimer sur la liste des Etats invités. Il s'agit donc là d'une discussion purement formelle à laquelle vous m'invitez sur des affaires passées sur lesquelles je n'ai pas eu d'opinion à exprimer au moment voulu.
- En tout cas, je crois savoir que l'invitation a été faite à l'Union soviétique qui dans les circonstances de cette invitation, n'a pas jugé bon d'y participer. On peut très bien comprendre les raisons. On pourrait en discuter longtemps. C'est ainsi, et M. le président PORTILLO m'avait parlé de la situation de Cuba lorsque nous étions à Mexico et j'ai bien en effet mon idée des conditions dans lesquelles cela s'est produit, ou plutôt ne s'est pas produit à savoir la venue de Cuba à cette conférence.
- Il y en avait vingt-deux. Il en manquait, je crois cent-trente-cinq. Vous avez mis le doigt précisément sur deux des cent trente-cinq qui n'étaient pas là. Ce qui montre bien que Cancun n'avait pas à se substituer ni aux soixante dix-sept, ni à l'assemblée générale `ONU`, et la sagesse des participants de Cancun, c'est qu'ils sont restés strictement dans leur rôle.
- Quant à mon opinion, je vous dis tout de suite que je souhaite que les futures rencontres de ce type puissent se dérouler en présence de tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, comptent dans l'équilibre mondial.\
QUESTION.- Quelle initiative allez-vous prendre personnellement pour prolonger ce qui a été engagé à Cancun ?
- LE PRESIDENT.- Je n'ai pas l'intention de prendre d'initiative particulière. Si ce processus s'exerce normalement c'est-à-dire comme il est prévu, je n'ai pas à me substituer soudain aux vingt et un autres participants de la conférence à laquelle je participais. Si j'apercevais qu'avant la fin de l'année certaines lenteurs se mettaient à faire gripper la machine, alors je prendrais l'initiative de rappeler à chacun ses devoirs car il faut, je ne dis pas que Cancun aboutisse, il faut que les suggestions soient transmises, et il faut que ces suggestions soient mises en oeuvre, notamment par une institution internationale qui nous y avait elle-même incité par sa Résolution que nous évoquions il y a un moment `ONU`.
- QUESTION.- Ma question visait aussi les initiatives propres à la diplomatie française dans ses relations bilatérales et pas seulement multilatérales.
- LE PRESIDENT.- Alors vous voulez dire dans ses relations bilatérales avec des pays en voie de développement en-particulier. Nous avons en France une vocation particulière. Nous ne pouvons pas prétendre engager une politique d'aide bilatérale au tiers monde dans son ensemble. Nous n'en avons pas les moyens économiques. C'est d'ailleurs pourquoi une politique Nord-Sud ne peut se concevoir qu'avec la présence, le soutien et le -concours des plus fortes puissances économiques du monde. Vous avez pu vous en apercevoir dans un certain nombre de transactions ou de compromis, la présence de chacun est nécessaire, ou bien il ne se passe rien, il ne se passerait rien.\
`Réponse ` Relations bilatérales France - tiers monde` La France, si elle devait être déçue de telle ou telle absence de démarche, ne pourrait pas prétendre se substituer à l'ensemble des pays qui ont vocation parmi les pays industrialisés à contribuer au développement des pays du Sud. Notre domaine à nous, il a été davantage fixé par entendu, du côté de l'Afrique. Nous avons, comme vous le savez, beaucoup d'accords de coopération. Nous cherchons à multiplier les accords de co-développement avec des pays qui sont au nombre de vingt, vingt-cinq, trente. La difficulté des accords de co-développement vous le savez, tient au fait, et je reviens sur le même sujet avec obstination, au fait que la spéculation dirige le rythme des cours de quelques matières premières. Je pense au cacao, au café, au sucre, au jute véritable de ce que l'on appelle le marché libre ou qui en est la déformation, permet à-partir de trois bureaux, à Londres, à Chicago ou à New York, de déterminer du jour au lendemain d'extraordinaires variations des cours, des chutes brutales qui interdisent au pays producteur de pouvoir rémunérer ses paysans et de pouvoir disposer de moyens budgétaires dont il a besoin et des moyens d'équipement. A cet égard, j'ai constamment alerté la conférence, comme j'ai l'intention d'alerter tous les milieux internationaux que je rencontrerai. Alors vous voyez la difficulté même pour la France. Alors tant qu'il n'y aura pas d'accord international sérieux, la France elle-même, quel que soit son désir de contribuer au développement d'un certain nombre de pays, se trouve embarrassée par le fait qu'un plan de co-développement doit porter sur 2 ans, 3 ans, 5 ans, parfois 10 ans et qu'il est vraiment très difficile de signer un accord de co-développement quand on ne sait même pas ce que pourrait être le prix, même pas la marge dans laquelle pourrait varier, fluctuer le prix de la matière première du pays avec lequel on traite. Voilà un problème. Nous pouvons l'aborder en tant que France, nous ne pouvons pas en tant que France régler tous les problèmes.\
QUESTION.- Il me semble qu'il y a un grand fossé entre vos suggestions pour résoudre le problème du développement des pays en voie de développement et les idées du président REAGAN. Ai-je raison ? Est-ce correct ?
- LE PRESIDENT.- Moi je vous demande de juger sur les faits. Avant la conférence, je m'étais permis d'émettre un certain nombre d'idées et de propositions. Je les ai même transcrites, ce qui était fort imprudent de ma part dans un mémorandum distribué que la presse peut connaître `in "Document de travail remis par M. François MITTERRAND, à l'ouverture de la conférence de Cancun"`. Par-rapport aux objectifs qui étaient ceux de la France, je vous le répète, sur quatre points j'ai tout lieu de penser que Cancun a été positif. Sur un autre, les matières premières, je pense que c'est resté en dessous du niveau qu'il aurait fallu obtenir. Alors c'est tout. Alors ne demandez pas ce que pensait M. REAGAN, ce que pensait Mme THATCHER, ce que pensait M. CHADLI, ce que pensait Mme GANDHI, vous poserez la question.
- Et comme vous êtes un journaliste sérieux, vous mettrez vos lunettes si vous avez besoin d'en porter. Vous comparerez les textes, puis c'est vous qui ferez les conclusions. Ce n'est pas à moi de les faire. Je ne suis l'antagoniste ni l'adversaire de personne. J'ajoute que pour défendre les intérêts des pays en voie de développement il y avait des représentants tout à fait qualifiés dans cette conférence. Pour défendre les intérêts des pays industriels, il y avait des gens fort conséquents. Je ne me pose pas en arbitre, j'ai parlé au nom de la France.\
QUESTION.- M. REAGAN a fait une déclaration à Philadelphie il y a un peu plus d'une semaine qui expliquait le programme qu'il allait examiner à Cancun et hier matin il a fait à peu près le même discours ici devant vous. Ma question est la suivante : je me demande si dans les conversations que vous avez eues ces deux derniers jours il y a une modification à ce que M. REAGAN avait tout d'abord déclaré dans ses deux discours, et qu'elles sont les réactions auxquelles elles auraient pu donner lieu, et est-ce que dans la position du Président des Etats-Unis il y avait une certaine flexibilité ?
- LE PRESIDENT.- Flexibilité sans aucun doute, c'est le devoir de quiconque participe à une conférence. On ne peut pas arriver en disant à l'avance je n'écouterai pas les autres et M. REAGAN a eu la sagesse d'écouter les autres et les autres étaient vingt et un. Sans quoi d'ailleurs à mon avis M. REAGAN ne serait pas venu personnellement à cette conférence s'il n'avait eu l'intention d'obéir à une certaine loi de flexibilité comme vous dites. Il est venu pour discuter c'est ce que j'ai fait moi aussi. Vous êtes le troisième à me poser la question comme si j'étais celui qui devait mesurer exactement le fait de la politique, de la théorie de M. REAGAN et de la pratique de Cancun. Ce n'est pas mon rôle du tout, c'est le vôtre. Ce que je constate en tout cas, c'est que l'exposé des co-présidents me convient. Il est la reproduction fidèle de ce qui a été décidé. Je viens de vous dire de la façon la plus claire possible ce en quoi ce résultat me convenait et ce en quoi je pouvais encore être aussi exigeant. Voilà c'est tout, j'ai tout dit pour ce qui me concerne. Mais vous n'allez tout de même pas me demander toute la soirée quelles pouvaient être les intentions initiales de chacun des participants du président yougoslave, du président algérien, du président du Bengladesh, du ministre autrichien, du Premier ministre indien par-rapport à leurs déclarations préalables. Je n'en sais rien et je ne veux pas le savoir.\
QUESTION.- Si je ne me trompe pas, parce que je n'ai pas encore lu la déclaration écrite, dans le texte exposé par le co-président, on mentionne une filiale énergétique c'est tout. Ensuite dans la conférence de presse de M. TRUDEAU on nous a parlé d'une adhésion de la France à un Fonds commun. J'aimerais comprendre.
- LE PRESIDENT.- Il ne s'agissait pas là de l'énergie, il s'agit de la discussion sur les problèmes alimentaires. Il y a une confusion. Sur-le-plan de l'énergie, j'avais reçu une lettre de M. CLAUSEN, gouverneur de la Banque mondiale après qu'il fût venu me voir à Paris. Je lui ai posé un certain nombre de questions. Il m'a, avec beaucoup de diligence, répondu par écrit et évoqué cinq hypothèses possibles sur la mise en oeuvre d'un secteur énergétique de la Banque mondiale. Ces cinq propositions allant du plus au moins et j'ai le sentiment que l'orientation de la conférence allait vers un et demi. C'est-à-dire que depuis la définition initiale du secteur énergie tel que cela avait été défini jusqu'à la notion de l'enveloppe financière telle qu'elle avait été définie par M. CLAUSEN vous les spécialistes vous y trouverez très aisément que l'on est allé vers la solution haute plutôt que vers la solution faible. Par exemple, l'ouverture d'une ligne de crédit à la Banque qui n'aurait pas été suffisante. Donc cela a été une discussion fructueuse, et je dois dire que l'un des événements qui a développé ce débat c'était la position de l'Arabie saoudite.\
QUESTION.- Nous apprenons maintenant qu'il y a seulement un texte de compromis qui pourrait être adopté à cause de très fortes différences dans les prochaines démarches qui devront être -entreprises par le cercle des négociateurs et c'est pourquoi je me demande dans quel sens un élan ou une impulsion a été donné au club des négociateurs par cette conférence ?
- LE PRESIDENT.- Mais, écoutez, je vous répète c'est à vous d'apprécier. Vous n'avez qu'à vous faire communiquer les textes et vous jugerez. Ensuite, comme l'a dit mon premier interlocuteur bien entendu les textes ne suffisent pas. Il faudra juger dans les faits. Cela, c'est dans les deux mois qui viennent.
- Mais, monsieur, je n'ai pas très bien compris votre question. Est-ce que vous connaissez une conférence qui réussit en dehors d'un compromis ? S'il n'y a pas de compromis, c'est qu'elle ne réussit pas.
- QUESTION.- Est-ce que c'était un compromis ou un désaccord ?
- LE PRESIDENT.- C'est à vous de juger. Moi, personnellement, je pense qu'il n'y a pas de désaccord sur la démarche. Il peut y avoir des différences dans les intentions. Mais, ce qui est important, c'est ce qui a été décidé. Ensuite, bien entendu, chacun jouera le jeu qu'il veut, voudra jouer mais la ligne est tracée. C'est cela qui est essentiel.
- Quant à la question qui m'a été posée par monsieur le journaliste italien, à mesure que nous parlions j'ai fixé sa première question. Il s'agissait du Fonds commun des matières premières. Voyez ce n'est donc pas le problème de l'énergie, c'est le problème des matières premières. Ce Fonds commun est encore très peu fourni financièrement. On a donc demandé qu'il devienne véritablement capable de répondre à davantage de besoins. Je crois que sur le grand nombre de pays qui ont été invités à ratifier l'accord sur l'existence de ce Fonds commun, cinquantre-quatre pays seulement ont procédé à cette ratification, et la France ne l'avait pas fait.
- J'ai donc annoncé que la France ratifierait ce traité commun pour un Fonds commun des matières premières.
- Voilà exactement les questions que vous m'avez posées.\
QUESTION.- En tant que Mexicain, cela m'intéresse de savoir si après la rencontre de Cancun, il y aura plus d'échanges entre le Mexique et la France ? Si la France achètera plus de pétrole au Mexique ? Et si le Mexique et la France se verront affectés par le traité commercial entre le Mexique et l'Angleterre, conclu par Mme THATCHER et concernant l'implantation d'usines sidérurgiques au Mexique ? Et si la France a l'intention de participer à cette relation pour obtenir ce contrat avec le Mexique ?
- LE PRESIDENT.- Vous me permettrez de ne pas répondre à cette question. J'ai rencontré M. le président PORTILLO. Nous avons organisé toute une série de contacts qui nous permettent de dire publiquement que, aussi bien sur le problème du pétrole que sur-le-plan d'un certain nombre d'échanges et d'accords de caractère technologique - je pense en-particulier à l'installation et au développement de Renault, je pense à d'autres secteurs qui me viennent à l'esprit - nous avons resserré considérablement la relation commerciale franco - mexicaine. Mais, vous me permettrez de ne pas entrer dans le détail d'un contrat déterminé.\
QUESTION.- Monsieur le Président, pouvez-vous nous parler du rôle de la France dans ces deux jours de négociations et avez-vous le sentiment, comme on vous l'a dit, que la France ait été le catalyseur des pays les plus dynamiques de ces deux jours de sommet ?
- LE PRESIDENT.- Je n'aurai pas cette prétention. La France est un pays qui dispose d'un certain crédit dans ce genre d'assemblée. Elle a pour elle sans doute son histoire, sa réputation. Il m'incombait de soutenir cette réputation, ce rayonnement en développant des thèses auxquelles je crois. C'est ce que j'ai fait en deux ou trois circonstances le long de cette conférence. Quant à savoir si ces thèses ont catalysé, je n'aurai pas cette prétention. Je pense qu'elles ont contribué au compromis, lequel compromis ne serait pas pour moi un compromis s'il avait été un renoncement.
- QUESTION.- Hier au même endroit, votre ministre du commerce extérieur `Michel JOBERT` a parlé du "petit miracle de Cancun". Aujourd'hui vous semblez très prudent après votre visite aux Etats-Unis et ici à Cancun. Est-ce parce que vous êtes déçu ?
- LE PRESIDENT.- Je ne suis pas déçu du tout. Ce n'est pas mon genre d'être déçu. Si je l'étais, cela se verrait d'ailleurs. Non, le miracle de Cancun, c'est une très belle expression et les miracles cela arrive rarement, il faut le reconnaître. Mais, je trouve que c'est plutôt sympathique, Cancun. Il y a eu un très bon climat politique entre les participants, des sujets de discussion sérieux et difficiles. Les principaux ont été résolus, il en reste, pas les principaux. Les deux-tiers, les trois-quarts, tout dépend de la liste, ont été résolus. Il reste encore quelques problèmes à la traîne. C'est une conférence qui a fait avancer les choses. C'est tout ce que je peux dire.\
QUESTION.- Monsieur le Président, si, comme le dit le texte, le pouvoir de décision doit rester dans les agences spécialisées et que beaucoup d'autres pays souhaitent que l'organe de décision reste l'ONU, comment pouvez-vous dire que vous considérez qu'il n'y a pas de différence dans l'approche du sujet ?
- LE PRESIDENT.- Si, mais peut-être me suis-je vraiment mal exprimé. C'est sans doute le cas, parce que qui peut prétendre que j'aurai imaginé qu'il n'y avait pas de différence de points de vue ? Je vous répète que s'il n'y avait pas de différence de points de vue, il n'y aurait pas besoin de venir à Cancun. Il y a des différences de points de vue, et puis on discute, et puis on arrive à fixer un poids moyen. Si on est en désaccord avec ce poids moyen on refuse de s'engager, on proteste. Ce n'est pas mon cas. J'approuve ce qui a été fait. J'aimerais que l'on en fasse encore plus. Voilà, c'est tout.
- Sur-le-plan de la prise de décision, c'est un des points sur lesquels précisément, il y a débat, même quand ce n'est pas exprimé. Vous avez tout à fait raison de le dire. Il y a au fond ceux qui souhaitent - c'est davantage les pays en voie de développement - que ce soit l'assemblée générale des Nations unies `ONU` qui soit totalement maîtresse de la décision finale dans l'esprit de la Résolution sur les négociations globales. Puis, il y a l'existence des institutions spécialisées, et là, un certain nombre de pays industriels tiennent à préserver ces institutions de telle sorte qu'elles puissent bien fonctionner, qu'elles ne puissent pas être simplement soumises à d'autres critères que ceux de la gestion et de la rentabilité. Il fallait rapprocher ces deux points de vue autant que possible. J'ai le sentiment que le texte - j'ai l'impression que vous ne l'avez pas encore reçu, c'est bien normal il a été publié tardivement - vous donnera une réponse. Ce n'est pas la peine que je m'atttarde sur ce sujet.\
QUESTION.- On a beaucoup parlé de la qualité du dialogue qui a été établi à Cancun et on l'a comparé aux discours un peu vides aux Nations unies. Est-ce qu'il n'y a pas danger que l'esprit ou le dialogue de Cancun se perde une fois qu'on retournera aux Nations unies pour négocier véritablement ?
- LE PRESIDENT.- Il y a toujours danger de ce genre. Les froides réalités viennent souvent déranger les projets les meilleurs. D'où la nécessité d'être très vigilant. Il faudra qu'il y ait des nations vigilantes : la France sera de celles-là.
- QUESTION.- Dans quelques jours, vous allez vous rendre en Algérie. Vous venez de rencontrer le président CHADLI deux fois. Peut-on savoir dans quelles dispositions se présentent les relations algéro - françaises et en ce qui concerne le prix du gaz ?
- LE PRESIDENT.- Vous allez un peu vite là, c'est un sujet que nous sommes en train de traiter, que nous n'avons pas résolu. Vous avez bien fait de rappeler que fin novembre début décembre je me rendrai à Alger. Et vous êtes informé, mais je le dirai aux autres journalistes qui pourraient ne pas le savoir, j'ai rencontré à deux reprises le président CHADLI. Hier et aujourd'hui. Je l'ai d'ailleurs quitté avant le rapide repas qui a précédé ma venue ici et nous avons en plus dîné ensemble puisque nous étions voisins. Donc nous avons beaucoup parlé. Les relations franco - algérienne sont bonnes, il y a des problèmes économiques et financiers difficile à régler. Nous le faisons avec la volonté politique de les régler. C'est tout ce que je peux vous dire pour l'instant.\
QUESTION.- On peut peut-être schématiser les résultats de cette conférence en disant qu'il s'agit d'un petit pas, et je dois demander si vous n'avez pas l'impression qu'il faudrait se mettre au mieux à aller petit pas par petit pas se mettre à jour, et rapidement, à courir quand on sait que chaque année actuellement sur terre trente millions d'hommes meurent de faim ?
- LE PRESIDENT.- Sur-le-plan alimentaire et de la production agricole, il ne faut pas faire de petits pas. Et le pas accompli à Cancun - qui, je le répète, n'est pas une conférence de décision, qui n'est pas une conférence qui se substituerait aux assemblées internationales - est allé plus vite que dans les autres domaines. Il répond à la question que vous venez de vous poser, que vous avez eu raison de me poser. L'urgence de ce point de vue est extrême et chacun s'est accordé à le reconnaître. Je pense que des mesures énergétiques seront prises si les autres nations suivent l'élan de Cancun. Dans les autres domaines, les choses sont plus difficiles. Je veux dire que les petits pas me paraissent assez bien correspondre à la physiologie des assemblées internationales. C'est comme cela, il faut être réaliste. Bien souvent il m'arrive de penser comme vous que nous n'allons pas plus vite ! Mais je pense que le vieux proverbe un peu usé "qui n'avance pas recule" reste vrai. L'essentiel c'est quand même d'avancer. Tel est le cas, à mon avis, ce soir.
- QUESTION.- Vous nous avez invité, monsieur le Président, à analyser les textes. Je cite un exemple, un paragraphe de la déclaration conjointe portant sur le problème en gros de la filiale énergétique de la Banque mondiale. J'y constate trois phrases : on a souligné la nécessité de plus grands investissements pour l'énergie, que beaucoup de participants se sont manifestés pour que les prêts de la Banque mondiale soient plus importants £ et enfin que certains pays ont défendu l'établissement d'une filiale énergétique de la Banque mondiale. Je ne vois pas là personnellement trace d'accords, sinon la justaposition d'un certain nombre de positions jamais unanimes. Alors je vous demande, monsieur le Président, si vous permettez, si le sommet de Cancun n'est pas un peu victime des talents de persuasion de votre ministre des affaires étrangères `Claude CHEYSSON`, qui a dit plusieurs fois que si Cancun était un échec se sera un succès pour les absents.
- LE PRESIDENT.- Cette dernière remarque me paraît judicieuse, ce qui ne m'étonne pas de celui qui l'a émise. Mais pour votre première analyse, ou bien je me suis trompé moi-même ayant participé à cette conférence, mais il me paraît évident que les participants de Cancun recommandent à la Banque mondiale de mettre en place un secteur énergie. Je vous donne mon avis, je suis en désaccord avec vous sur ce point.\
QUESTION.- Les membres de votre gouvernement ont eu beaucoup de réunions avec les membres du gouvernement mexicain récemment, au travers de la déclaration franco - mexicaine sur le Salvador, de votre visite officielle au Mexique et ici à Cancun. Voyez-vous le rôle politique croissant du Mexique comme un bon développement et pensez-vous que la position mexicaine dans le monde a été accrue par la conférence de Cancun ?
- LE PRESIDENT.- Cela me paraît évident. Le Mexique est un pays dont vous connaissez sans doute autant que d'autres, autant que moi peut-être mieux même, les capacités de développement, la qualité de son peuple. C'est un pays qui aujourd'hui dispose de formidables potentialités et l'autorité de son Président et de ses dirigeants s'est renforcée avec cette conférence, qui a été, je le répète, bien organisée et bien menée. Le Mexique n'était pas maître du contenu des discussions, mais a beaucoup contribué à permettre un résultat que je continue de croire positif. Oui, le Mexique sera certainement un bénéficiaire sur-le-plan de son autorité dans le monde et de son audience d'avoir permis par ses bons offices la confrontation des vingt et un autres participants.
- QUESTION.- Monsieur le Président, je souhaiterais vous demander à propos de ce qui s'est conclu sur les négociations globales, le Groupe des 77 a dit en diverses occasions qu'ils sont disposés à attendre, mais pas à attendre un temps indéfini. De ce qu'il apparaît dans le communiqué, le processus pour aboutir aux négociations globales va recommencer aux Nations unies. La France ne pense-t-elle pas que cela prendra très longtemps avant d'aboutir ?
- LE PRESIDENT.- Ecoutez, de quoi se plaint-on ? Il n'y a pas si longtemps beaucoup estimaient qu'il ne fallait pas de négociations globales. En somme la décision des Nations unies de 1979, je crois que c'était le 8 février, apparaissait soudain comme arrachée à la surprise, au rêve ou à l'inattention de ceux qui avaient voté. On en parlait plus. C'est à Ottawa qu'on a commencé entre pays industriels à réactualiser cette expression. Vous avez relevé beaucoup de déclarations qui tendaient à dire qu'il n'y aurait pas de négociations globales, que cela n'était pas souhaitable. Et puis finalement la conférence de Cancun demande aux Nations unies de les engager, hâte le pas. Que la France pense qu'on aurait dû aller plus vite, sans aucun doute. Mais je ne vais pas le plaindre au moment même où ce qui pouvait paraître mort-né démontre sa vitalité. C'est tout ce que je peux dire là-dessus. Nous sommes ce soir dans une situation où l'on peut penser que le processus est en marche qui aboutira à ces négociations globales.\
QUESTION.- De ce que nous avons pu entendre et lire, il apparaît que l'on soit arrivé à de nombreuses convergences dans la volonté politique d'apporter des solutions à beaucoup de problèmes soulevés au-cours de cette réunion. Cependant, il en est un, au moment où nous arrivons aux conclusions, dont il a été beaucoup moins question, et je pense qu'il est très important. On en a d'ailleurs peu parlé avant la réunion et c'est celui des financements. Pourriez-vous me donner une indication des montants auxquels on est arrivé ?
- LE PRESIDENT.- Je vous remercie de cette question mais c'est ce que nous faisons déjà depuis trois-quarts d'heure, j'essaie de vous donner mon opinion sur les conclusions de la conférence de Cancun. Alors je voudrais éviter de me répéter pour ne pas vous lasser. Moi je suis venu à cette conférence, j'ai exprimé un certain nombre de volontés de la France ou de souhaits de la France. Je peux parfaitement établir une graduation dans laquelle je marque les points sur lesquels j'ai plus ou moins de satisfaction. Ce n'était pas un combat entre la France ou tel ou tel. Nous étions l'un des vingt-deux à discuter. Ce n'est pas un combat de boxe .
- Sur le processus des négociations globales, je pense qu'on a choisi la bonne voie. Sur la politique alimentaire je pense qu'on a accéléré heureusement l'allure. Pour ce qui concerne le secteur énergie, je crois que ce secteur sera organisé. Et la différence d'appréciation que j'ai avec M. PISANI, ou plutôt que j'ai avec moi-même, c'est que la marge entre les différentes positions du Gouverneur de la Banque n'ont pas été exactement précisées. C'est dire qu'entre le plus et le moins - le moins étant quelque chose - entre le plus et le moins cela reste à définir. Et sur le problème des garanties à apporter au cours des matières premières des pays pauvres, je pense, je le répète, que nous sommes restés au-dessous du niveau souhaitable. Mais il faut dire que, dans un domaine de ce genre, même si cela surprend certains, les pays en voie de développement ne sont pas unanimes. Il en est qui mettent l'accent en priorité, comme nous le faisons nous-mêmes, sur ce problème. Je pense à la Côte d'Ivoire, je pense à bien d'autres. Il y en a d'autres qui ne considèrent pas que ce problème soit primordial, je pense à l'Inde. Donc c'est vrai que dans cette situation là je ne vois pas comment on pourra véritablement contribuer au développement de la production agricole si l'on n'apporte pas cette garantie. A-partir de là, on entre dans le maquis des bases idéologiques qui recouvrent très souvent des intérêts très pratiques. Est-ce qu'en effet on peut garantir les cours des matières premières sans avoir fondé un système monétaire stable. Comment peut-on fonder ce système monétaire après lequel on court depuis 1971 etc .. Voyez qu'à-partir de ce débat commence un autre dont l'ampleur sortait visiblement de la compétence de la conférence de Cancun.\
QUESTION.- A présent que le vote populaire a porté un gouvernement socialiste à la tête du pays, comment matériellement proposez-vous d'aider les pays en voie de développement à combattre la faim, la pauvreté et la maladie ?
- LE PRESIDENT.- J'apporterai ma contribution en essayant de faire participer la France davantage à cette -entreprise nécessaire. La France a déjà pris l'engagement à-partir des 0,3 % qu'elle consacre aux pays en voie de développement, 0,3 % de son produit national brut - c'est 0,6 théoriquement, mais nous consacrons la moitié de cette somme à nos propres territoires et départements d'outre-mer. Nous avons déjà dit que nous entendions atteindre le pourcentage qui nous était demandé de 0,7 % étant entendu que pour les pays les moins avancés `PMA` ce pourcentage doit être de 0,15. Nous nous y sommes engagés, c'est-à-dire que nous organiserons notre budget annuel de telle sorte que cet objectif puisse être atteint. Cela, c'est pour la contribution brute sur-le-plan financier. Et nous sommes déjà engagés dans un certain nombre de mécanismes qui nous permettent de contribuer dans toute la région nord-saharienne, sud-saharienne, de l'Afrique voire même jusqu'à Madagascar, jusqu'au Congo. J'ai eu des conversations, la semaine dernière encore, avec le Président du Gouvernement de la République populaire de l'Angola qui venait me demander la signature d'accords de co-développement. Donc, de ce point de vue, la France veut en effet se situer parmi les pays qui font un effort important et surtout un effort organisé. C'est peut-être l'apport le plus significatif d'un gouvernement socialiste que de ne pas se contenter de distribuer un maigre argent, mais de préférer des structures qui permettraient de donner à cette aide une signification durable.\
QUESTION.- Sans en revenir aux questions sur les négociations globales, je souhaiterais vous interroger sur une déclaration que vous avez faite il y a quelques temps. Parmi les discussions que vous avez eues sur les problèmes d'énergie, quelle a été la position de l'Arabie saoudite et quelle a été l'avancée faite au travers de ses positions ?
- LE PRESIDENT.- Procurez-vous les textes vous y verrez peut-être une certaine contradiction signalée par un de vos confrères. Je vous réponds que mon interprétation est celle-ci : qu'un secteur énergie sera créé, qu'il dépendra de la Banque mondiale et entre les cinq solutions, que vous pouvez vous faire communiquer, proposées par le Gouverneur, j'espère que l'on se rapprochera de la meilleure, correspondant à la définition traditionnelle de la filiale énergie.
- Vous me posez des questions sur l'Arabie saoudite, moi vraiment je n'aime pas beaucoup répondre pour les gouvernements étrangers. Ce que je peux simplement rappeler, j'y ai fait d'ailleurs allusion tout à l'heure, c'est que lorsque ce débat a été engagé, l'intervention de l'Arabie saoudite était fort importante, puisque c'est l'un des pays qui produit l'énergie principale. Etait-il prêt à contribuer en somme à développer un secteur énergie qui a pour objet de développer d'autres formes d'énergie concurrente, notamment les énergies renouvelables ? Aurait-il ce geste de solidarité à l'égard des pays du tiers monde non producteurs de pétrole ? Il a eu ce geste de solidarité. C'est indiscutablement à-partir de l'intervention de l'Arabie saoudite que la discussion s'est davantage ouverte puisqu'il n'y avait pas ce refus de l'un de ceux dont la réponse conditionnait le système. Donc cela a été une réponse indiscutablement claire. Maintenant, quant à savoir les motivations de l'Arabie saoudite moi je n'ai pas interrogé le Prince FAHD à ce sujet.\
QUESTION.- Le paragraphe du communiqué des deux co-présidents sur les négociations globales parle si je lis bien, d'engager et non de relancer les négociations globales, parle ensuite - je ne vous lis pas le paragraphe vous le connaissez évidemment mieux que nous - de bases mutuellement acceptables, de circonstances offrant la perspective etc.. Est-ce que cela ne peut pas être interprété comme un texte qui fait table rase de la Résolution 34-138 ?
- LE PRESIDENT.- Je ne le crois vraiment pas. Si telle était l'interprétation il n'aurait jamais été accepté par l'Algérie, par la Yougoslavie, par l'Inde et par beaucoup d'autres. Or, il a été accepté par eux. Donc je crois que vous pouvez exclure cette interprétation. J'ai d'ailleurs moi-même - je ne suis pas le seul - j'ai d'ailleurs moi-même rappelé cette Résolution avec la plus grande précision. Je me permets de le rappeler que l'expression même est née de cette Résolution. Quand à l'expression "engagées" ou "lancées", c'est un problème de traduction. Le texte a été traduit en anglais je crois que c'est "launch" le verbe employé, alors on peut le traduire par lancer. Je crois que c'est la meilleure traduction. Mais peut-être y a-t-il des experts qui pourront me dire c'est une traduction plus littérale qu'engager. Reportez-vous au terme britannique et exercez votre science en cette langue pour savoir ce qu'il convient de faire. Voilà, il n'y a pas d'autres questions qui s'imposent maintenant sauf pour ceux qui lèvent la main. On termine, ce seront les dernières.\
QUESTION.- Dans le communiqué commun que nous ont donné les deux co-présidents, il est dit qu'il n'y a pas eu d'accord sur le processus de négociations globales et qu'il en sera discuté plus tard. Quels processus la France offrira-t-elle ? Quels processus concrets dans les prochains jours ?
- LE PRESIDENT.- Laissez le gouvernement français en décider. Ce qui est très important, c'est que cette procédure doit être mise au net et proposée par le groupe spécialisé d'ici la fin de l'année. Par-rapport aux propositions qui seront faites, nous verrons comment nous réagirons. Quant à savoir quelle procédure nous proposerons, et bien entendu nous le ferons connaître, pour l'instant nous sommes vendredi soir, la conférence vient de s'achever, je n'ai pas coutume d'agir sans avoir saisi le gouvernement de la France, donc vous saurez cela un peu plus tard. Mais enfin il n'y a pas de mystère, nous pensons qu'il faut d'une part que ce soient les Nations unies qui soient véritablement maîtresses de ce choix des procédures et du contenu des négociations globales, cela je peux vous le dire tout de suite.
- Pour les autres questions, notamment sur-le-plan énergie, nous reconnaissons la compétence des institutions spécialisées. C'est clair.\
QUESTION.- Premièrement à très court terme, quand voyez-vous que la balle soit relancée dans le camp de l'assemblée générale de l'ONU pour des négociations globales ? Et deuxièmement, à très long terme, comment voyez-vous un monde où les négociations globales aboutiraient ?
- LE PRESIDENT.- La dernière question est trop vaste pour que l'on puisse la traiter maintenant.
- La première, je ne peux pas faire des pronostics. Je pense simplement que les Nations unies au début de l'année prochaine devraient être en mesure de s'engager vraiment dans le débat des négociations globales, bien entendu, si les Nations unies acceptent et reconnaissent l'effort accompli à Cancun, qui est un effort parallèle. Certes, cette conférence était composée de membres de l'organisation des Nations unies. Le secrétaire général des Nations unies y siégait. Elle était composée de membres éminents des Nations unies. Plusieurs membres du Conseil de sécurité s'y trouvaient également rassemblés. Mais, malgré tout, c'est aux Nations unies elles-mêmes aujourd'hui de définir leur procédure et leur calendrier.
- Je ne peux pas parler en leur nom. Je serais étonné - étant donné le souhait des 77, l'ensemble des pays en voie de développement - je serais étonné que l'on ne saisisse pas la balle au bond et que le printemps de l'année prochaine se passe sans que rien ne se soit produit. Cela m'étonnerait, c'est tout ce que je peux dire.
- Quant à ce que serait le monde avec ou après négociations globales, ce serait certainement un monde très différent de celui d'aujourd'hui.\