28 septembre 1981 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de S. A. le Prince Fahd et de M. François Mitterrand, Président de la République, notamment sur les relations bilatérales, la proposition saoudienne pour le conflit israélo-arabe, le Moyen-Orient, Taif, lundi 28 septembre 1981.

LE PRESIDENT.- Mesdames et messieurs, nous allons commencer cet entretien. Je commencerai à vous exposer essentiellement les questions traitées au-cours de ces quelques heures passées soit avec Sa Majesté le roi KHALED soit le prince FAHD, soit les principaux responsables d'Arabie Saoudite. Le prince FAHD vous dira lui-même comment, à ses yeux, se posent les questions traitées. Et ensuite, nous répondrons à vos questions.
- Comme vous le savez, nous n'avons pas faitde communiqué, ce qui est une habitude que commence à prendre la France, ni à Bonn, ni à Londres £ et nous n'avons pas davantage l'intention, dans ce qu'on appelle les conférences au sommet, de nous appliquer à ce genre d'exercice. Parcontre la présence commune du prince FAHD et de moi-même à cette table montre que nous sommes prêts à confronter avec la presse nos propres interprétations, ce qui me paraît être la meilleure façon de faire si l'on veut parler sérieusement de problèmes traités sérieusement.
- Nous avons eu essentiellement trois types de rencontres, indépendamment des moments intéressants, agréables et utiles que nous avons passés dans ce pays.
- Déjà, depuis quelques temps, nous avions prévu ce voyage qui est le premier que je fasse dans-le-cadre de mes fonctions dans ce que l'on appelle des relations d'Etat à Etat. Certes je me suis rendu dans d'autres pays d'Europe ou au Canada mais c'était dans-le-cadre de conférences internationales. C'est donc le premier voyage, de même que j'avais pu recevoir à Paris le roi KHALED dès les premières semaines de mon mandat. C'est dire l'importance que j'attache et que nous attachons à ce type de relations entre nos deux pays.
- Ce qu'a été le contenu de ce voyage, vous le savez mesdames et messieurs les journalistes puisqu'il m'est arrivé de vous apercevoir ici et là. En deux jours et demi il est difficile de faire le tour des choses. Cependant nous avons été gâtés, pour ce qui nous concerne, nous la délégation française, en-raison de la qualité de la réception, de la chaleur de l'accueil et de l'intérêt des conversations.\
Essentiellement, disais-je, nous avons eu trois types de conversations :
- - L'une, qui a réuni autour du roi KHALED et de moi-même les membres de la délégation proprement dite. Et pendant plusieurs heures ont été examinés les principaux sujets qui peuvent naturellement préoccuper les responsables de la politique dans le monde.
- - J'ai eu également hier soir un entretien de près de deux heures et demi avec le prince FAHD, entretien que nous avons voulu tenir en tête-à-tête. Et s'il a eu lieu hier soir c'est parce que c'était le seul moment où nous disposions de tout le temps que nous voulions à mon retour de voyage à Darriah et à Ryad.
- - Pendant ce temps, les membres du Gouvernement qui m'accompagnent ont, chacun de son côté, engagé des conversations politiques et techniques avec leurs homologues arabes ou bien avec des personnalités qu'ils ont eu l'occasion de rencontrer.
- De ce fait nous avons pu procéder à un tour d'horizon très complet, qui ne sera pas exempt de mille et une autres rencontres au-niveau gouvernemental ou au-niveau administratif, sans oublier bien entendu la relation constante par nos ambassadeurs. Déjà sont prévus une série de voyages et de rencontres entre ministres spécialisés au-cours des semaines et des mois prochains.
- Voilà pour ce qu'on pourrait appeler le décor. Le reste, c'est le contenu, quelles ont été ces conversations ? C'est là que s'appliqueront vos questions. Je n'ai pas à les imaginer même si je m'en doute un peu. C'est vous qui prendrez la responsabilité de l'interrogation et je m'efforcerai, le prince FAHD également si vous le sollicitez, de répondre à votre légitime curiosité, en-tout-cas à votre besoin d'informations.
- On peut dire que nos conversations ont eu ceci de caractéristique qu'elles n'ont jamais été bornées, comme certains le pensaient, aux seuls problèmes de la région où nous sommes. Certes nous en avons beaucoup parlé, mais c'était un point de vue partagé aussi bien par le roi KHALED, le prince FAHD et moi-même que de considérer que nos pays et ceux qui ont en charge un Etat avaient à examiner ensemble les problèmes principaux quitouchent à ceux de la paix, de la guerre, de l'équilibre, de la coopération et du développement quel que soit le continent où ce raisonnement s'applique. C'est ce qui a rendu, je le crois, très intéressant - c'est en- tout-cas ainsi personnellement que je l'ai ressenti - le contact avec les principaux responsables de ce pays.
- Si l'on s'en tient aux problèmes de la région, c'est d'abord bien entendu nos relations bilatérales. Qu'en est-il des relations entre l'ArabieSaoudite et la France ? De ce point de vue, guère de difficultés £ tout au plus savoir par quelchemin passer pour avancer, afin de multiplier et d'approfondir nos relations.\
Ensuite, les problèmes de la paix au Proche et au Moyen-Orient. La relation pays arabes et Israel, les palestiniens et leur devenir, le Liban dont nous avons beaucoup parlé hier soir encore, la guerre entre l'Irak et l'Iran, l'occupation de l'Afghanistan qui a été examinée dans-le-cadre des stratégies dont l'Afghanistan n'est qu'un aspect, stratégies dans les relations entre les super-puissances ou plus particulièrement la stratégie soviétique.
- Mais nous nous sommes intéressés aussi aux desseins des Etats-Unis d'Amérique. Un certain nombre d'observations ont été faites, surtout de la part de nos partenaires, sur le développement de la coopération parmi les Etats du golfe. Et nous sommes passés à d'autres sujets, pour certains d'entre eux liés au premier : je pense à la politique africaine, surtout à-partir de la corne de l'Afrique, la situation de la Libye, et puisque la France se trouve elle sur un terrain qui est encore davantage le sien, ensemble de la politique africaine.
- Nous n'avons pas évité de parler de l'Europe et nous avons informé nos amis de certaines de nos vues dans le domaine de la Communauté européenne `CEE`, comme par-rapport à la situation de la Pologne et ce que cela pouvait impliquer : une dialectique difficile à soutenir entre les pays de l'Europe qu'ils soient de l'Est ou de l'Ouest.
- Enfin, toute une série de questions ont été traitées autour de la prochaine conférence de Cancun où nous nous retrouverons. Et que ce soient les problèmes institutionnels touchant à la Banque mondiale, au Fonds monétaire international `FMI`, au développement d'une politique énergétique au regard du Tiers monde, comme dans l'ensemble des problèmes qui touchent aux relations Nord-Sud, des pays industriels et des pays en voie de développement, vous imaginez bien que beaucoup de choses étaient à dire et ont été dites, d'autant plus que c'est un terrain sur lequel le pays qui nous reçoit et d'autres, je pense, ont beaucoup à faire, beaucoup à dire sans doute mais surtout beaucoup à faire, et sur bien des -plans en bon accord, avec des conceptions communes.\
Je ne voudrais pas cesser cette présentation sans vous dire l'intérêt que j'ai pris, que notre délégation a pris à tout ce qui nous a été expliqué, exposé, montré, que nous avons beaucoup apprécié la qualité de l'accueil, de la courtoisie, le souci mis par le roi KHALED et le prince FAHD et des principaux responsables d'Arabie Saoudite à faire que nous soyons bien chez eux, que nous soyons à l'aise et contents d'approcher cette civilisation, cette histoire, ce pays. Je crois que nous avons répondu du mieux possible pour montrer que la France attachait la plus grande importance à ce que s'établissent entre nous des relations solides et confiantes. Nos deux pays ne sont pas faits automatiquement pouravoir, sur chaque problème dans le monde, instinctivement et d'emblée, une position semblable £ ce serait bien surprenant, nous habitons loin les uns des autres, nous obéissons à des histoires différentes, nous n'appartenons pas au même courant d'échanges. Et cependant je crois qu'on peut dire que véritablement, compte-tenu sans doute d'un long passé d'amitié, il semble que le présent et l'avenir puissent être bâtis avec optimisme. Nous sentons bien qu'il y a dansnos conversations et dans nos projets un très grand nombre d'éléments positifs et que nous pouvons nous parler avec amitié et confiance pour tenter de régler ou de contribuer à régler les problèmes qui ne dépendent pas de nous, mais surlesquels notre opinion et notre concert peuvent, le cas échéant, peser dans le sens de la paix et de l'harmonie entre les peuples. Je terminerai donc cette présentation par ces mots qui seront l'expression d'un remerciement, l'expression de gratitude. Nos hôtes, nous le savons bien, c'est une grande réputation qu'ils ont, savent recevoir ceux qui viennent les voir. Il faut qu'ils sachent que ceux qui viennent les voir ont eu grand plaisir à les connaître mieux et davantage.
- Si vous le voulez bien, vous pouvez demander au prince FAHD lui-même la présentation qu'il entend donner à cette conférence de presse. Après quoi nous serons et je serai à votre disposition pour les questions de votre choix.\
LE PRINCE FAHD.-
- Excellence, monsieur le Président, Excellences, messieurs les membres de la délégation française, je voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue, mesdames et messieurs également, et ceci au nom de Sa Majesté le roi, du gouvernement du royaume d'Arabie Saoudite et du peuple de notre pays.
- Si vous me le permettez, monsieur le Président, je vais faire quelques commentaires pour dire d'abord que les discussions que nous avons eues avec vous ainsi qu'avec les autres membres de la délégation française au-cours de la journée d'hier, de celle d'avant-hier et d'hier soir, ont été extrêmement constructives et utiles non seulement pour nos deux pays mais également pour l'ensemble du monde libre. Ainsi nous avons pu évoquer plusieurs problèmes qui sont extrêmement importants pour nous, les problèmes du Moyen-Orient, mais d'autres problèmes à l'échelle internationale qui intéressent d'autres régions du monde.
- Je voudrais tout d'abord dire combien le niveau de ces débats, de ces discussions et de ce dialogue a été excellent, combien nous sommes reconnaissants à votre Excellence monsieur le Président pour l'esprit de compréhension et de coopération dont vous avez fait montre à l'égard de la politique du gouvernement de notre royaume, qui est une politique constructive et modérée et qui a pour seul objectif l'intérêt de l'ensemble de l'humanité.
- En ce qui concerne les relations entre nos deux pays, aucune difficulté comme vous l'avez dit, monsieur le Président. Nous avons simplement essayé de trouver les moyens et les voies de renforcer ces relations, de les développer, de les consolider. Bien sûr, nous avons débattu de questions économiques, technologiques. Ce débat continuera, ces discussions se développeront et s'intensifieront.
- Le royaume d'Arabie Saoudite a toujours trouvé dans le peuple français, dans les dirigeants de la France un esprit de coopération. Des facilités nous ont toujours été offertes pour nous aider à nous développer aussi bien dans le domaine militaire que dans le domaine civil. Nous avons trouvé auprès des dirigeants français et du peuple français beaucoupde compréhension jusqu'à présent, et le peuple du royaume en est parfaitement conscient et vous en est pleinement reconnaissant.\
`LE PRINCE FAHD` Nous avons débattu, comme vous l'avez dit monsieur le Président, d'un certain nombre de problèmes internationaux, régionaux, intéressant d'autres régions. Et mon appréciation est que ce dialogue a été extrêmement constructif car, à aucun moment de ces discussions, je n'ai senti qu'il manquait de la compréhension. Nous nous sommes, je crois, tout à fait compris à propos de toutes les questions évoquées. Bien sûr, comme vous l'avez dit, Excellence, sur certaines questions pas très nombreuses, nos points de vue n'ont pas été tout à fait convergents, ce qui est d'ailleurs tout naturel, mais nous nous efforçons grâce-à ce dialogue, grâce-à ces discussions, de rapprocher les points de vue dans l'intérêt des deux pays et dans l'intérêt de l'ensemble du monde.
- Je voudrais dire, au nom de Sa Majesté le roi, du gouvernement et du peuple du royaume combien cette visite nous honore, combien elle nous fait plaisir. Ceci n'est pas surprenant d'ailleurs de votre part, monsieur le Président, vous qui représentez un peuple auquel nous sommes liés par une amitié de longue date, une amitié qui s'est toujours renforcée surtout depuis quelques années, et que votre visite contribue très certainement à renforcer et à consolider. Nous allons poursuivre les contacts, entreprendre de nouvelles consultations à chaque fois que cela sera nécessaire pour rapprocher nos points de vue, pour servir lesintérêts du monde arabe, servir les intérêts bilatéraux de nos pays et servir ceux du monde libre.\
`LE PRINCE FAHD` Nous avons évoqué, comme vous l'avez dit monsieur le Président, les problèmes de l'Afghanistan, du conflit irako - iranien, les relations dans le monde arabe, le problème du conflit israélo - arabe. Ces discussions se sont déroulées dans un esprit constructif et utile et ainsi j'ai été extrêmement heureux de constater qu'hier soir, au-cours de ce dialogue qui a duré plus de deux heures entre vous et moi, monsieur le Président, combien la compréhension était grande, si ce n'est quelques rares détails qui susciteront de notre part une plus grande réflexion pour la -recherche d'une plus grande convergence, pour la -recherche des meilleures voies et des meilleurs moyens pour aboutir à des solutions positives. Ainsi le royaume poursuivra-t-il son effort pour consolider ses relations d'ailleurs excellentes avec la France, et des contacts se feront de nouveau à chaque fois qu'une nouvelle idée pourra nous faire avancer et évoluer dans un esprit constructif et dans une atmosphère d'amitié chaleureuse.
- Je vous remercie, je vous suis grandement reconnaissant, monsieur le Président, au nom de Sa Majesté le roi, au nom du gouvernement et du peuple du royaume pour cette visite qui vous fera, je l'espère, sentir que vous êtes ici chez vous, que vous êtes dans un pays ami. J'espère également que votre séjour sera et continuera d'être agréable. Nous espérons que ce sera là la première étape d'un certain nombre de visites similaires que le roi pourrait faire en France ou que vous, Excellence, ferez de nouveau dans le royaume ainsi qu'un échange de visites entre les principaux responsables de nos deux pays. Je vous souhaite, Excellence, ainsi qu'aux membres de la délégation vous accompagnant, un excellent séjour. Je remercie mesdames et messieurs les journalistes ici présents et je voudrais leur suggérer, dans un esprit de construction, de bien vouloir nous adresser des questions dans un esprit constructif, des questions utiles dans la brièveté, si je peux le suggérer modestement. Je vous remercie mesdames et messieurs. Merci monsieur le Président.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez déclaré dans votre dernière conférence de presse à Paris que le plan du prince FAHD était très important. Je voudrais savoir ... (inaudible) .. Je voudrais savoir aussi si vous êtes décidé à défendre ce plan au-niveau européen et peut-être aussi des pays occidentaux ?
- LE PRESIDENT.- On peut dire que depuis déjà longtemps toutes les tentatives de rapprochement des points de vue dans le Proche-Orient (conflit israélo - arabe), tout cela est pratiquement gelé. On peut même penser qu'un certain nombre d'initiatives prises de part et d'autre ont fait que les perspectives de paix ont paru s'éloigner. Bref tout s'est aggravé et sur le terrain militaire et sur le terrain politique. Mais voilà qu'intervient une déclaration £ je répète sans hésiter qu'elle m'apparaît comme l'élément le plus important de ces dernières années £ voilà qu'apparaît une déclaration, celle dont le prince FAHD a assumé la responsabilité au nom de son pays et qui relance la discussion pacifique. Donc, côté importance c'est indéniable. Quel intérêt maintenant la France porte-t-elle au contenu de cette déclaration ?
- D'abord, la déclaration rappelle un certain nombre de principes de droit reconnus par l'Organisation des Nations unies `ONU`, les rappelle alors qu'on aurait plutôt tendance à les oublier. Elle part du point de vue qu'il existe une réalité dans le Proche-Orient, que cette réalité est appuyée sur le droit international et qu'à-partir du moment où chaque peuple a le droit fondamental de disposer d'une patrie et que sur cette patrie il dispose du droit de matières et structures de son choix, dans une garantie réciproque et une garantie supportée par la société internationale, il y a là non seulement un rappel de positions qu'il était utile de moderniser, mais encore une volonté réaliste qui doit permettre à chacun de vivre comme il doit vivre dans cette partie du monde si disputée.
- La France n'a pas, dans l'-état actuel des choses, à considérer que chacun des huit points de la déclaration du prince FAHD constitue déjà la base certaine de la négociation. Nous-mêmes, nous avons une opinion à approfondir et à faire connaître selon le point en question. Mais, globalement, il nous semble que c'est un point de départ utile pour la négociation, pour le respect du droit et finalement l'établissement de relations pacifiques. "Droit", j'emploie le mot souvent mais il faut bien toujours y revenir, s'appliquant aussi bien aux peuples qu'aux Etats.
- QUESTION.- (Inaudible).
- LE PRESIDENT.- Vous voulez dire : quelle sera notre position ? Je n'ai pas à me poser en défenseur de la déclaration du Prince FAHD. Son auteur et ses auteurs en seront les meilleurs avocats. Mais je puis dire d'emblée que la France reconnaîtra dans cette déclaration le point de départ de nouvelles tentatives pour rapprocher les points de vue. Donc je crois avoir été clair £ je ne prends pas en compte la totalité des points contenus dans la déclaration, cela doit être discuté tout simplement et je suis convaincu qu'une négocciation serrée permettrait d'aboutir à un accord, mais c'est certainement le moyen d'aborder de façon positive le retour à la paix.\
QUESTION.- Monsieur le Président, je vais poser une question à Son Altesse royale l'Emir FAHD, qui a dit dans sa présentation tout à l'heure que, au-cours de ses discussions avec vous, monsieur le Président, il est apparu un certain nombre de divergences de détails sur peut-être un point ou deux points du plan. S'agit-il des Lieux saints ? S'agit-il de Jérusalem capitale de l'Etat palestinien indépendant au futur ? Est-ce que vous avez senti, Altesse royale, chez le Président une disposition de la France à accepter la création d'un Etat palestinien, ce qui serait une attitude nettement avancée par-rapport aux attitudes précédentes du Gouvernement français ?
- Est-ce que le plan FAHD pourrait devenir un document franco - arabe et européen virtuellement ?
- Deuxième question : est-ce que les palestiniens ont été consultés par le Prince FAHD lorsqu'il a mis au-point son plan ? Est-ce que les palestiniens sont d'accord ?
- Vous avez également dit que vous aviez parlé de la Libye : est-ce que c'est en relation avec le problème du Tchad ? Ou bien s'agit-il de la situation interne propre à la Libye ?
- Avez-vous également évoqué les problèmes de l'Afrique du Nord ?
- LE PRINCE FAHD.- Je vais essayer de répondre à vos trois questions essentielles.
- Tout d'abord en ce qui concerne le plan FAHD. Le plan FAHD a été présenté au nom du royaume de l'Arabie Saoudite pour avancer la conception du royaume sur les principes fondamentaux, les principes utiles, ce qui ne veut pas dire que ces principes soient acceptés ou acceptables pour tout le monde immédiatement, pour chaque Etat, chacun des Etats ayant ses propres considérations, ses propres opinions qui relèvent de sa souveraineté. Mais ce que j'ai dit et ce qu'a rappelé monsieur le Président, c'est que cet énoncé de principes avance des principes sains qui peuvent servir de bonne base de départ pour les négociations éventuelles, ceci dans un esprit de -recherche des bases permettant le dialogue, permettant au royaume, aux Etats arabes ainsi qu'aux autres Etats intéressés, de s'en servir comme base de négociations.
- J'ai eu personnellement beaucoup de contacts directs et personnels avec un certain nombre de dirigeants dans le monde. Nous avons reçu un certain nombre d'appuis qui sont parvenus au royaume à propos de ce plan, de même que nous avons pris connaissance des communiqués de presse des divers organes d'information dans le monde arabe, dans les pays occidentaux, aux Etats-Unis, en Afrique et en Asie à propos de ce plan. Et il se dégage de cet ensemble de réactions que les principes sont en général acceptables. Ils sont à discuter bien sûr dans l'esprit d'une -recherche de l'intérêt commun qui est celui de la -recherche de la paix. Ces principes, à mon avis, sont utiles parce qu'ils sont clairs, ils sont francs et ils ont déjà reçu l'appui des dirigeants de plusieurs parties intéressées. Ainsi le royaume les a adoptés et les a présentés et va s'efforcer bien sûr de convaincre les dirigeants du monde arabe ainsi que d'autres dirigeants intéressés du bien-fondé de ces principes, notre attitude dépendant toutefois de la décision des autres parties intéressées dans ce domaine.
- En ce qui concerne le problème palestinien, le peuple palestinien, tout naturellement, et cela le Président lui-même vient de le déclarer, le peuple palestinien a des droits, des droits légitimes £ il a le droit en-particulier de constituer son Etat. Quant à mon attitude personnelle, que peut-elle être autre que le fait que je sois moi-même arabe et donc membre de cepeuple et que je suis convaincu de la nécessité que ce peuple retrouve ses droits, que ce peuple ait droit à une patrie, à s'autodéterminer. Ce sont donc là les principes essentiels du plan, les principes de base, les principes fondamentaux.\
`LE PRINCE FAHD` J'en viens à votre question à propos de la Libye pour dire qu'il s'agit là d'un pays arabe qui est dirigé par un président arabe. Et nous avons évoqué la Libye non pas pour intervenir dans des affaires intérieures de la Libye, mais la Libye est un pays africain, fait partie du continent africain. Et nous avons évoqué des questions relatives à l'Afrique dans un esprit constructif, dans un esprit de -recherche de la paix. Comme vous le savez, il y a des conflits sur ce continent et la position géographique de la Libye a fait en sorte que nous en avons parlé. Ceci ne signifie nullement que nous ayons évoqué des problèmes de-nature à intervenir dans les problèmes libyens. Nous sommestout simplement partis d'une discussion qui vise à chercher des solutions constructives pour la paix dans l'ensemble de toutes les régions.\
QUESTION.- (Inaudible) Le Liban ?
- LE PRESIDENT.- Essentiellement, il faut que tout soit mis en oeuvre pour que ce pays retrouve son unité. Les moyens de cette unité passent, selon moi, par le renforcement du pouvoir central, l'existence si possible d'une force proprement libanaise aux ordres de ce gouvernement central, et par l'intervention des Nations unies `FINUL` pouvant élargir, le cas échéant, leur mandat pour créer un tampon moins perméable entre les forces antagonistes dans le Sud du Liban, un effort de réconciliation auquel la France pourrait contribuer comme elle est prête à contribuer d'ailleurs à tous les moyens qui nous seraient demandés soit par les Nations unies, soit par le gouvernement libanais, le gouvernement libanais étant toujours maître de la décision. Mais le Gouvernement de la France est prêt, en toute circonstance, si on le lui demande, à multiplier les bons offices pour hâter la réconciliation entre les groupes qui se déchirent.
- Le problème du Liban nous paraît être un problème primordial. C'est un peuple pour lequel nous avons une longue amitié, des devoirs et des obligations. C'est dans ce sens que nous agirons.
- J'ajoute que, ayant exposé la position française, c'est avec beaucoup d'intérêt que nous avons suivi les initiatives de la commission quadripartite, et nous souhaitons que cette commission puisse poursuivre sa tâche. Nous n'y avons pas de part directe mais nous approuvons.
- QUSTION.- Ma question s'adressait également à Son Altesse.
- LE PRINCE FAHD.- A propos de votre question, monsieur, je pourrais me suffire de la réponse apportée par Son Excellence, monsieur le Président. Je voudrais simplement faire un commentaire de détail pour dire que les initiatives israéliennes empoisonnent souvent l'atmosphère au Liban. Les agressions que subissent les peuples libanais et palestinien par Israel rompent l'atmosphère de tranquilité et de calme qui apparaît de temps en temps. Si Israel se tenait dans les limites de ses frontières et n'intervenait plus au Liban, si Israel s'abstenait, imaginait qu'elle a un mandat sur le peuple libanais et sur le peuplepalestinien, je crois que les choses iraient naturellement beaucoup plus facilement vers la tranquilité. C'est là une des raisons essentielles du problème auquel est confronté aujourd'hui le Liban, puisque Israel pénètre sur le territoire libanais, ceci n'est un secret pour personne, les agressions que subit le peuple libanais sans qu'Israel montre qu'il soit conscient des effets désastreux de ces pénétrations, des enfants, des femmes qui sont tués, des maisons qui sont détruites. Je crois qu'Israel est le premier responsable du déséquilibre, de l'instabilité de la situation. Et si Israel s'abstenait de ce genre d'activités, de ce genre d'initiatives, je crois à ce moment-là que ce qu'à dit monsieur\
QUESTION.- Excellence, monsieur le Président, vous avez dit de l'initiative du plan du prince FAHD que celui-ci comportait des éléments positifs, ce plan qui a eu d'ailleurs un écho retentissant sur la scène internationale. Je voudraissavoir, monsieur le Président, quel rôle la France pourrait-elle jouer surtout au vu du poids qu'a la France sur la scène européenne à l'égard de ce plan ?
- LE PRESIDENT.- Les principes qui sont contenus dans ce plan qui rappelle en termes simples un certain nombre de décisions prises par la société internationale au-sein de l'Organisation des Nations unies `ONU`, de ce point de vue la France n'a jamais changé d'avis. Elle a elle-même adopté ces résolutions je penseen-particulier à la résolution ... un peu oubliée et cependant toujours actuelle. Et dans la mesure où la déclaration de l'Arabie saoudite et du prince FAHD rappelle en les résumant en termes simples et clairs l'ensemble des dispositions internationales qui avaient reçu l'aval de la plupart des antagonistes, c'est déjà un point très important.
- Qu'est-ce que la France peut faire pour cela ? Du seul fait que nous soyons ici, que nous disions ce que nous disons, comme je l'ai fait il y a très peu de jours à Paris même, marque que, si sur-le-plan international d'autres que nous intervenaient auprès des différents partenaires, adversaires dans cette région du monde pour qu'une négociation s'engageât sur ces bases, sans que l'on pût préjuger que ces bases soient au point d'arriver absolument semblables à ce qu'elles sont au point de départ, bref donnaient l'élan de la négociation, nous serions partie prenante et nous dirions : "Cette proposition, nous sommes prêts à nous y associer" sur-le-plan, je le répète, de la proposition, étant donné que ce qui compte c'est de savoir comment les antagonistes peuvent réagir, dire leur mot £ engager ce que tout peuple, tout Etat, désireux de passer du stade de la guerre au stade de la paix, doit engager, dire son avis et accepter l'avis des autres.
- Reconnaître le droit à l'existence dans une patrie libre d'y agir à chacun des peuples de ce Proche-Orient, c'est un progrès.\
QUESTION.- C'est une question qui s'adresse au prince FAHD. Il semble qu'il y ait plusieurs années les responsables saoudiens aient été assez inquiets d'une éventuelle arrivée de la gauche au pouvoir en France. C'est fait maintenant et il semble qu'au-moins sur-le-plan bilatéral, votre présence commune en témoigne, cela se passe plutôt très bien. Je voudrais savoir : est-ce que ces craintes existaient ? Et si oui, est-ce que vous n'aviez pas fait au fond une erreurd'analyse ?
- LE PRINCE FAHD.- Je vous remercie. Excellente question, et j'en suis très heureux, je suis très heureux que vous l'ayez posée. Tout d'abord, je voudrais dire que le Royaume ne s'octroie nullement le droit d'intervenir dans les affaires de quelque Etat que ce soit, dans les affaires internes de quelque Etat que ce soit. Nous n'avons pas le droit de déterminer le choix politique d'un peuple, et en-particulier le peuple français, nous respectons beaucoup trop ce peuple pour intervenir dans ses affaires. Nous avons le sentiment vis-à-vis de ce peuple que c'est un peuple ami pour le peuple du royaume et sous aucun prétexte nous n'interviendrons dans ses affaires propres.
- Votre question porte d'ailleurs en elle sa propre réponse : l'atmosphère que vous constatez, la présence de Son Excellence monsieur le Président de la République française dans le royaume, ceci dépasse le -cadre des partis politiques, ceci dépasse le -cadre des considérations et ceci apporte la preuve que l'amitié entre les peuples du royaume et de la République française n'est pas basée sur des personnes, des préférences de personnes ou de partis, mais plutôt cette amitié est une amitié entre les deux peuples, et vous voyez la meilleure preuve de cette amitié dans la visite qu'a rendue le roi en France, dans celle que fait actuellement le Président français dans notre royaume. Je vous remercie.\
QUESTION.- Monsieur le Président, nous avons pris connaissance par la presse d'une déclaration dans laquelle vous évoquiez vos relations personnelles avec Israel, avec les dirigeants israéliens. Après la visite effectuée par le roi à Paris, après celle du prince héritier, après votre visite aujourd'hui dans le royaume et après cette atmosphère d'entente et ce dialogue, pouvez-vous nous dire d'abord si les informations que la presse avait communiquées sur vos relationspersonnelles avec Israel étaient des informations précises et justes et si, par ailleurs, si c'est le cas, si ces relations aujourd'hui ont été modifiées de par les événements que je viens de citer ?
- LE PRESIDENT.- Disons, monsieur, que j'ai ici élargi le champs de mes amitiés et je m'en réjouis. Depuis déjà longtemps, en-particulier depuis les tragiques événements de la deuxième guerre mondiale que j'ai connus, que j'ai vécus en France, on ne peut pas être insensibles à la situation d'un peuple qui a été un peuple sacrifié, mais j'ai pris les positions que vous connaissez. Les positions que j'ai, qui sont celles de mes relations avec les différents peuples du Proche-Orient, en-particulier avec lepeuple d'Israel, ne doivent jamais aller contre le droit, elles doivent servir le droit mais pas aller contre lui. Et en ce sens les conversations que j'ai eues avec les dirigeants de l'Arabie Saoudite m'ont permis de voir avec plus d'acuité de quelle façon se posent les problèmes de droit pour le peuple palestinien, telle que sa cause a été exposée par le Roi KHALED ou par le prince FAHD.
- Je n'ai pas, avais-je dit à Paris, à échanger une amitié pour une autre. J'ai- je viens de le dire à l'instant - à élargir le champs des relations de la France telle qu'elle est dirigée aujourd'hui et j'ai en effet beaucoup appris de mes interlocuteurs au-cours de ces quarante huit dernières heures, en-particulie\
`Réponse`ù Quant à M. ARAFAT, vous me parlez d'une rencontre : elle vient d'avoir lieu. M. ARAFAT a rencontré un représentant éminent de la France qui a engagé la France dans cette initiative £ je veux parler du ministre des Relations extérieures `Claude CHEYSSON`. Est-ce que d'autres projets sont en-cours ? Je ne les connais pas. De toute façon, notre position est simple : nous savons bien que l'OLP est une organisation très représentative des palestiniens. Au-niveau du droit international, cette organisation n'est pas reconnue en tant que telle comme la patrie palestinienne en tant que telle. Il y a peut-être encore des démarches à faire dans ce sens, il y a peut-être une affirmation à obtenir. Telle est la situation de l'OLP par-rapport à la plupart des pays de l'Europe, ce qui n'implique aucun mouvement de dédain à l'égard d'une organisation qui s'est formée dans le combat. Mais le problème des palestiniens doit être résolu par les palestiniens eux-mêmes quant à leur future représentation. Voilà pour l'instant le problème. Mais quant aux contacts, aux échanges, aux relations, une rencontre qui a fait quelque bruit a eu lieu il y a peu de semaines etje pense que nous n'avons pas l'intention malgré tout de nous rencontrer chaque semaine. NOus verrons bien ce qui se passera dans les mois à venir.
- LE PRINCE FAHD.- La France n'est pas le seul pays qui ait des relations avec Israel, des relations amicales. D'autres pays du monde ont des relations amicales, des relations avec l'Etat d'Israel. Ce qui est positif dans les attitudes de la France, c'est d'abord, à notre avis, le refus par la France de l'acceptation de la reconnaissance en Jérusalem de la capitale éternelle de l'Etat d'Israel, et tous les autres éléments apportés par Son Excellence monsieur le Président nous les approuvons. Tout ce qu'il a dit dans ses déclarations précédentes, ce qu'il vient de vous répéter ici même dans cette salle à propos de ce problème confirme, que l'amitié que l'on peut porter personnellement pour un Etat ou pour un peuple ne se fait pas sur le compte du droit des autres.
- LE PRESIDENT.- Permettez-moi de vous dire un mot à ce propos. J'ai dit à Paris récemment que la France n'acceptait aucun interdit qui serait énoncé par quelque puissance au monde. Il n'y a pas d'interdit par exemple acceptable au regard des relations de la France avec Israel, et c'est ainsi que je me rendrai un jour dans ce pays. Il n'y a pas d'interdit au regard de l'OLP, de M. ARAFAT, qui représente un grand mouvement et la poussée d'un peuple qui s'affirme. Eh bien, nous agirons en conséquence, selon les circonstances et selon l'idée que nous aurons des intérêts de la paix dans cette partie du monde. Nous garderons notre entière liberté de décision en toute circonstance.\
QUESTION.- Monsieur le Président, vous avez parlé lors de votre dernière conférence de presse du relais des forces arabes au Liban par des forces onusiennes. Est-ce que ...?
- LE PRESIDENT.- Non, je crois que c'est une erreur, ou je me suis mal exprimé. J'ai tout à fait approuvé l'initiative de la commission quadripartite. L'ONU a un rôle spécifique à remplir au LIban, a un rôle qui d'ailleurs lui est reconnu par tout le monde. Je demande simplement que la zone dans laquelle, à l'heure actuelle, se trouve l'ONU soit élargie pour éviter les conflits et que les troupes soient le cas échéant renforcées, mais pas par substitution à qui que ce soit.
- Je crois même avoir précisé tout à l'heure que je souhaitais que le Liban représenté par son gouvernement légal puisse réorganiser sa propre armée, comme tout Etat dispose d'une armée nationale, je trouve cela normal pour le Liban. Donc, il ne peut pas y avoir de confusion entre nous.
-QUESTION.- Quel sera votre meilleur souvenir de ce séjour ?
- LE PRESIDENT.- La qualité de l'accueil et, d'un regard trop rapide mais l'intuition cela existe, la sensation première que vous offre immédiatement cette approche soudaine d'un pays. Je crois que ceux qui m'ont reçu m'ont apporté beaucoup. Je crois que c'est l'aspect humain qui l'a emporté, tout aussitôt relayé par l'aspect historique, une grande histoire, et, comme nous avions aussi un peu à parler politique, je ne m'en plains pas : nous avons avancé.\
QUESTION.- Je voudrais poser une question à Son Excellence le prince FAHD. Par un hasard du calendrier, la visite française coincide avec le grand débat au Sénat américain sur les Awacs. Est-ce que vous avez évoqué ce très grand problème dans vos entretiens ? Et d'une façon un peu plus générale, est-ce que vous prévoyez ou est-ce que vous avez parlé de la possibilité qu'à l'avenir, si la vente des Awacs est bloquée par le Sénat, l'Arabie Saoudite fasse de plus en plus appel aux pays européens, notamment à la France pour remplacer en quelque sorte le fournisseur américain de ...
- LE PRINCE FAHD.- En réponse à vos deux questions, je voudrais dire que, jusqu'à présent, le gouvernement américain n'a pasinformé officiellement le gouvernement du royaume d'Arabie Saoudite d'un refus de vente des avions `avion` Awacs au royaume. Jusqu'à présent nous n'avons reçu aucune information dans ce sens et il est difficile pour nous de précéder les événements et d'analyser une situation qui ne correspond pas encore à la réalité. Il est vrai que les membres du Congrès américain doivent prendre conscience et doivent réaliser qu'il est de l'intérêt de leur pays que cette vente se fasse. Pour nous, il est utile, dans notre esprit, d'attendre les résultats concrets, et ceci n'est nullement un secret, je ne vous révèle rien d'extraordinaire, même si la presse américaine, certaines presses occidentales tendent à précipiter les événements parfois. Ceci n'est pas notre politique £ nous attendrons la réalité, nous attendrons les événements, et à ce moment-là le gouvernement du royaume prendra les décisions adéquates.
- Deuxième partie de la question : est-ce que le problème des Awacs a été évoqué avec Son Excellence monsieur le Président ? Effectivement, nous avons évoqué toutes sortes de questions, y compris celle-là.
- Je voudrais ajouter en réponse à votre question : le président des Etats-Unis, les membres du gouvernement américain consentent tous les efforts possibles pour que le royaume obtienne cette vente des avions Awacs. Nous savons par ailleurs que c'est le Congrès qui souvent décide autrement et contrairement parfois à l'avis ou à la décision du président. Mais nous faisons confiance au gouvernement et au président qui font véritablement tous les efforts pour que nous obtenions cette vente.\
QUESTION.- La question s'adresse à Son Altesse, demandant si le plan FAHD sera soumis au prochain sommet arabe ? Quelle sera votre attitude si le sommet rejette à l'unanimité ce document ?
- LE PRINCE FAHD.- Je voudrais simplement dire qu'il s'agit, dans cette déclaration de principes, de certaines propositions faites au nom du royaume d'Arabie Saoudite et qui n'engagent absolument personne. Si les dirigeants arabes voient que ces décisions, que ces propositions ne sont pas bonnes, il leur est tout à fait possible de les modifier, d'en prendre partie ou de les rejeter £ nous n'y voyons aucun inconvénient de notre part. C'est là un effort que nous avons soumis à leur appréciation, mais s'il y a un autre effort qu'ils préfèrent, nous en serions parfaitement heureux.\
QUESTION.- Monsieur le Président, la politique économique que votre gouvernement a adoptée est une politique qui se caractérise entre autres par l'aspect des nationalisations. J'aimerais savoir, étant donné que vous partez du principe de nationaliser un certain nombre de moyens de production de l'économie française, quelles seront éventuellement les limites de cet effort de nationalisation surtout dans le domaine de l'investissement ? Et, d'autre-part, en ce qui concerne le transfert de technologies, êtes-vous intéressé en une coopération plus étroite en-matière de transferts de technologies dans les domaines de l'énergie et dans les domaines des diverses autres activités économiques ?
- LE PRESIDENT.- La liste des groupes nationalisés en France est maintenant connue. Il s'agit d'un certain nombre de groupes industriels en petit nombre et il s'agit du crédit, moins d'ailleurs un certain nombre de banques, en-particulier moins les banques étrangères. Nous avons veillé à ce que les intérêts des étrangers soient protégés et ne dépendent pas de la seule décision française. C'est pourquoi une négociation sera ouverte sur chacun de ces points.
- Puisque vous parlez d'investissements et de technologies, je pense en-particulier aux grands groupes industriels que nous nationalisons £ ils donneront à la France les moyens de diriger plus utilement et de planifier leurs investissements dans des secteurs oùla France a besoin de s'affirmer. J'ai dit récemment que je n'acceptais pas la division internationale du travail et de la production telle qu'elle résultait de ce qu'on appelle la stratégie des multinationales, souvent d'origine américaine, et que j'entendais préserver pour la France la possibilité de disposer de puissantes industries, soit des industries modernes de pointe, soit des industries traditionnelles lourdes, soit des industries agro-alimentaires, pour que notre indépendance politique soit bien assise sur une indépendance économique. Et les nationalisations sont pour nous un moyen d'y parvenir, parmi d'autres raisons bien entendu.
- Quant à l'investissement, en France et à l'étranger, je ne vois pas en quoi il pourrait être gêné par les nationalisations. Nous avons déjà de grands groupes nationalisés depuis très longtemps, depuis trente ou trente cinq ans, qui ont une forte position dans le monde. Je pense en-particulier aux sociétés nationales d'aviation, de l'espace, sociétés nationales de chemin de fer, l'Electricité de France et à bien d'autres encore, y compris le secteur bancaire car le plus grand secteur bancaire français répandu à l'étranger aujourd'hui c'est un secteur qui a été nationalisé par le Général de GAULLE en 1945, ce sont les banques comme la Société Générale, la BNP et le Crédit Lyonnais qui ont le plus grand nombre de points de vente dans le monde. C'est pour dire que nous n'entendons en rien déranger nos relations avec nos amis étrangers. Les relations se passeront dans-le-cadre de la concurrence légitime, normale comme cela se passait hier, à ceci près que le droit français, lui, en France,aura changé.\