27 mars 2017 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-singapouriennes, à Singapour le 27 mars 2017.


Mesdames, Messieurs, chers compatriotes,
Je remercie d'abord l'ambassadeur d'avoir bien voulu organiser cette rencontre entre vous et moi. Mais je ne suis pas seul, je suis venu avec une délégation composée de parlementaires, députés, sénateurs et également de nombreux chefs d'entreprise, représentants des grandes sociétés ou quelques fois des plus petites, qui ont déjà un pied à Singapour ou qui veulent s'introduire grâce à ce voyage présidentiel £ et aussi beaucoup de chercheurs, beaucoup d'universitaires qui ont fait également le voyage.
C'est un voyage que je fais en Asie du Sud-Est, commençant par Singapour, ensuite me rendant en Malaisie tout à l'heure, puis enfin en Indonésie. Après, je rentrerai parce qu'on m'attend en France avec impatience, donc je ne voudrais manquer vraiment à aucune sollicitation, répondre à toutes les questions et éventuellement apporter des réponses.
J'ai pris grand plaisir d'abord à être ici, à Singapour, parce que c'est un pays avec lequel depuis longtemps nous sommes en relation. Nous avons été un des premiers pays à reconnaître l'indépendance de Singapour et puis ensuite à établir des relations privilégiées, notamment à partir de 2012 avec un partenariat stratégique que nous avons noué avec cette cité Etat.
Nous avons depuis longtemps des implantations grâce à des entreprises que vous êtes beaucoup à représenter, grâce aussi à des instituts de recherche, mais aussi grâce à une présence de la culture, de la langue française, j'y reviendrai.
Je voulais vous saluer parce que vous êtes une communauté particulièrement dynamique, on dit 15.000. 15.000 pour vous rendre compte, c'est l'équivalent de la ville de Tulle, c'est dire l'importance de ce que vous êtes. Mais on me dit qu'il en y a 15.000, peut-être davantage qui ne sont pas déclarés ou qui viennent occasionnellement, quelques fois plus durablement. C'est dire si cela représente la deuxième communauté française en Asie.
Votre nombre a triplé en 12 ans et on me dit que pour les deux dernières années, c'est 10 % par an, ce qui fait 20 %, ce qui est quand même considérable et qui signifie bien qu'il y a une vitalité ici, une attractivité mais aussi un dynamisme des établissements français, des entreprises françaises et de la culture française.
J'ai évoqué le partenariat stratégique entre Singapour et la France, ces mots signifient que nous avons d'abord des principes politiques que nous partageons, qui sont ceux de l'indépendance, du respect du droit, de la volonté de faire prévaloir le multilatéralisme par rapport à l'isolationnisme, que nous avons aussi une conception élevée de ce que doit être la stabilité, la sécurité.
Dans ce partenariat stratégique, il y a une dimension de défense. Nous avons ici une coopération qui est élevée, avec non seulement des matériels - c'est la partie commerciale, mais aussi la partie stratégique, on ne vend pas à n'importe qui et on ne vend pas n'importe quoi,- mais aussi un aspect de formation. Ce qui fait que notamment en France à Cazaux, il y a un centre d'entraînement des pilotes singapouriens, qui est particulièrement apprécié, d'abord par nos propres aux armées mais aussi par les autorités de Singapour.
Puis il y a une autre dimension de partenariat stratégique, c'est de faire de l'innovation une priorité. C'est ce que j'ai eu une fois encore à constater ici, d'abord parce que c'est l'élément fondateur de l'économie de Singapour et c'est aussi la place que nous avons su prendre à travers la French Tech notamment, puisque nous avons développé cette promotion des entreprises françaises. J'ai eu l'occasion de me rendre dans une école de commerce, l'ESSEC ici présente, qui n'est pas la seule mais qui est une de celles qui fait en sorte que la technologie, ce que nous pouvons apporter, les start-up, puissent ici trouver toute leur place.
L'année prochaine il y aura une année en « France Singapour » autour de l'innovation. L'innovation c'est aussi ce que nous devons promouvoir dans les contrats commerciaux ou dans les projets économiques que nous pouvons nouer avec Singapour, notamment autour de la ville durable, autour des transports, autour de l'environnement, autour de l'énergie et même de la santé, tout est fondé sur la technologie et l'innovation. C'est ce qui fait que nos deux pays se sont considérablement rapprochés et que Singapour est devenu pour nous, la France, un hub particulièrement stratégique, parce que de Singapour nous pouvons partir à la conquête de l'Asie du Sud-est.
Dans les atouts que nous pouvons présenter, il y a bien sûr la qualité de nos entreprises, il y a le talent des créateurs, des start-up, des écoles d'ingénieurs ou des écoles de commerce, mais aussi des centres de recherche que nous avons ici. Ici, il y a une grande coopération entre le CNRS et son équivalent singapourien. Mais il y a ce que vous apportez. Il m'a été dit que la communauté française ici à Singapour était particulièrement jeune, je le constate, avait une vitalité particulièrement grande, je verrai, une démographie particulièrement élevée, un nombre de mariages, de naissances particulièrement remarquable, vous me le direz.
Mais ce qui est tout à fait décisif c'est ce que vous, vous apportez et à l'économie de Singapour et à l'économie française, à travers ce lien qui s'est établi et cette confiance mutuelle. Ce qui m'a saisi depuis que je suis là, c'est que la France est regardée comme un pays en qui on peut avoir confiance. Confiance sur le plan de la sécurité et de la défense, confiance sur les matériels que nous pouvons mettre à disposition, confiance dans notre technologie, confiance aussi dans les femmes et les hommes que vous êtes pour les promouvoir et pour les mettre en uvre.
J'ai également eu conscience qu'il y avait un lien culturel qui s'était établi, d'ailleurs au cours des décennies, la langue y contribue et je veux ici saluer les alliances françaises qui contribuent avec beaucoup de talent à promouvoir, non seulement la langue mais la culture française, le lycée français qui connaît un grand succès, je crois qu'il y a 2.500 élèves, à la fin tout le monde a le baccalauréat. On dirait que tout le monde pense que tout le monde a le baccalauréat mais ce n'est pas vrai, ici vous avez 100 % de réussite, 100 % c'est quand même beaucoup.
Cela fait rêver ou plutôt non, cela ne fait pas rêver si on regarde sur le plan politique ceux qui font 100 %. Mais il y a cette culture française, cette langue française et j'ai eu encore l'occasion de m'en rendre compte avec la visite du Musée des Arts contemporains asiatiques, ici à Singapour, tout simplement remarquable et avec un architecte français qui a réhabilité, reconstruit même le bâtiment.
Voilà pourquoi je voulais venir à votre rencontre pour vous témoigner bien sûr de notre gratitude, de notre confiance, de notre solidarité. Je sais qu'ici il y a tout ce que l'on peut regarder comme étant la France en avance, mais vous avez aussi l'idée en venant ici que la France pourrait faire encore davantage. Quand voyez l'économie singapourienne, vous vous dites : est-ce qu'on ne pourrait pas faire plus, faire mieux avec moins de rigidité, plus de souplesse, plus de facilité ? Mais vous pouvez vous dire aussi que la France est un modèle social, c'est un mode de vie, c'est une culture qui est regardée par les Singapouriens comme étant un exemple. Donc nous avons beaucoup à apprendre des deux, de ce que les Singapouriens nous montrent comme possibilités, de ce que nous leur offrons comme exemple, de ce que peut être un équilibre dans une société : une compréhension mutuelle, une façon de donner une cohésion, une confiance dans l'avenir.
Je voulais aussi insister sur la situation mondiale, parce qu'ici vous êtes au cur du monde, non pas parce que simplement être près d'un des 3 fait qu'on a une responsabilité particulière, on voit transiter le monde à travers un port qui est l'un des plus grands ports du monde et avec là aussi une satisfaction de savoir qu'il y a une joint-venture qui a été conclue entre CMA CGM et PSA, ce groupe singapourien pour faire de ce port un port ultramoderne.
Mais vous êtes dans le monde et un monde qui est à la fois en plein dynamisme, notamment dans cette zone avec une croissance très forte et un monde qui est en même temps saisi par le doute, l'incertitude et les risques. Le risque nous le connaissons, nous Français, nous Européens, nous le connaissons à travers le terrorisme, mais ce terrorisme ne vient pas de nulle part, il vient aussi du Moyen-Orient, là où nous agissons aussi dans le cadre d'une coalition internationale dans laquelle, Singapour est également partie prenante.
Ce risque est à la fois celui que nous avons mesuré à travers les souffrances que nous avons endurées avec les attentats, mais ce risque est permanent, il est partout. Ici, vous êtes aussi confrontés à cet enjeu global de la lutte contre le terrorisme et de ce que nous devons apporter comme sécurité sans mettre en cause nos libertés. C'est un enjeu majeur qui va durer pendant sans doute des années, je n'ose pas dire des décennies.
Il y a un autre enjeu qui est celui de la résurgence des empires, que vous voyez aussi ici, que l'on voit à côté de l'Europe, près de l'Europe, avec cette volonté de peser, d'influencer et de faire en sorte de provoquer quelques mouvements dans le monde pour changer la donne. Face à cette résurgence des empires, il faut une Europe forte, mais il faut aussi une Asie qui s'organise.
C'est ce que nous avons promu tout au long de cette visite, l'Europe venait de fêter le 60ème anniversaire du Traité de Rome et j'étais à Rome donc il y a 2 jours. En même temps, l'ASEAN fêtait le 50ème anniversaire de sa Constitution, de sa formation. Il y a là, deux parties du monde qui doivent se rencontrer, qui doivent travailler ensemble parce que l'Europe a besoin de l'Asie et l'Asie a besoin de l'Europe, surtout avec cette nouvelle configuration des Etats-Unis qui sont tentés par le protectionnisme, par l'isolationnisme, c'est une vieille histoire aux Etats-Unis, même si elle ressurgit de façon un peu personnelle, pour ne pas dire davantage. On voit bien qu'il y a là un nouveau risque qui est devant nous, qui est celui du repli, de la tentation du protectionnisme et de la fin de l'échange du commerce comme élément de la croissance.
Nous, nous n'avons jamais pensé que le commerce devait se faire dans n'importe quelles conditions, en oubliant les normes sociales, culturelles et faire que ce soit les pays à bas coût de main d'uvre qui imposent leurs règles. Nous avons toujours fixé des limites au commerce, nous avons toujours voulu qu'il soit juste, équitable. Mais là, il ne s'agit plus de commerce qui pourrait être régulé, il s'agit de barrières qu'il faudrait de nouveau ériger, de murs qu'il faudrait élever, de taxes qu'il faudrait prélever sur les produits qui viennent de l'étranger.
On sait bien comment cela commence, comment cela a frappé les biens, les marchandises, puis après les personnes. Parfois même on peut commencer par les personnes pour ensuite aller vers les marchandises, puis après les idées, puis après les systèmes politiques. Donc on est devant ce risque aussi et il est très important que on puisse le conjurer avec d'autres. L'Europe d'abord, parce qu'elle aura à assurer encore davantage sa cohésion, à faire que certains pays puissent aller plus vite et s'intégrer davantage, surtout avec le départ du Royaume-Uni.
Mais l'Europe ne pourra pas être seule, elle devra trouver des alliés partout dans le monde et elle est attendue, elle est attendue ici, en particulier à Singapour, puisqu'il y a un accord commercial qui a été signé entre Singapour et l'Union européenne et nous l'avons appuyé. Singapour comme les pays de l'ASEAN, attendent beaucoup de l'Europe et nous devrons être là. Dans l'Europe, il y a la France et la France c'est vous, la France c'est bien sûr son Hexagone avec ses millions de Français et de Françaises qui vont bientôt faire un choix, mais c'est aussi vous partout dans le monde, avec peut-être ici davantage encore une conscience de ce qu'est la France.
Parfois, il faut sortir de chez soi pour mieux voir la maison, la maison commune, à la fois pour en voir sans doute les imperfections, les défauts et ils existent, mais pour on voir aussi la qualité, pour en voir la beauté, pour en voir aussi l'harmonie. La France quand on se déplace et quand elle se déplace à travers vous, qu'est-ce qu'elle entend ? Elle entend plutôt des hommages à ce qu'elle représente, pas simplement par son histoire, pas simplement par la gloire qui a pu être la nôtre dans certaines périodes de notre passé collectif. Non, la France est attendue pour bien plus que cela, pour les principes politiques qu'elle défend, pour l'idéal qu'elle porte mais aussi pour l'économie qu'elle a voulu promouvoir, pour la technologie, pour l'innovation, pour la création, pour la culture. Il faut que vous puissiez en porter témoignage, parce que vous entendez beaucoup parler de la France. C'est que c'est sûrement une forme d'éducation civique qu'il faut donner à nos compatriotes, non pas qu'ils ne seraient pas forcément conscients, mais ils n'en ont pas forcément la vérification. Vous, vous pouvez la leur donner, vous pouvez leur dire qu'ils peuvent aimer la France parce qu'elle le mérite.
La France, ce n'est pas simplement une géographie, des paysages, du patrimoine, la France c'est les femmes et les hommes qui la font vivre. Donc je voulais vous remercier pour être la France ici à Singapour, pour être la France partout à l'étranger et pour défendre les valeurs bien sûr qui sont les nôtres, les principes d'ouverture. Ici, vous savez mieux que d'autres ce que signifie l'ouverture, la liberté, la confiance dans le monde, la réalité de l'Europe et la force que peut avoir un idéal quand il est porté par un pays qui est sûr de lui.
Voilà pourquoi je voulais, au terme de ce trop bref déplacement, cette visite d'Etat ici à Singapour vous dire toute ma reconnaissance et ma gratitude d'être des Françaises et des Français ici, non pas à l'étranger mais à Singapour.
Merci.