21 mars 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le rôle de la gastronomie dans le rayonnement culturel de la France, à Dijon le 21 mars 2017.


Monsieur le Maire, Cher François REBSAMEN,
Madame la Présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté,
Mesdames et Messieurs les Elus, les Parlementaires,
Monsieur le président d'EIFFAGE,
Mesdames et Messieurs.
Ma venue ici à Dijon qui est maintenant un rite mais, je vous rassure, il va bientôt s'arrêter ou se renouveler, nous verrons bien, mais ma venue ici à Dijon tient à la fois de l'amitié pour le maire, également pour la ville du plaisir, car c'est le repas gastronomique français qui est ici célébré et du devoir. Oui, du devoir parce que lancer une Cité gastronomique internationale est une responsabilité éminente que nous partageons, puisque c'est à la fois une volonté de l'Etat de promouvoir l'excellence française et une démarche que vous avez voulu accompagner ou plutôt dont vous avez voulu être partie prenante pour faire en sorte que Dijon et plus largement la Bourgogne-Franche-Comté puissent être pleinement dans ce mouvement qui vient consacrer la gastronomie française. Comme le disait Eric PRAS c'est vrai que les Français ne se rendent pas compte à quel point ils sont aimés, aimés pour ce qu'ils sont, sans doute, pour ce qu'ils produisent, sûrement et pour ce qu'ils conçoivent sur le plan gastronomique.
Partout où je me déplace il est célébré, la technologie française, la tradition française, la langue française, la culture française, parfois la diplomatie française, -je vous l'affirme,- mais aussi et surtout un mode de vie, une façon d'être ensemble, de partager des bonheurs simples, parfois plus élaborés et la gastronomie en fait partie. C'est la raison pour laquelle -comme il a été rappelé- le repas gastronomique français a été inscrit au patrimoine de l'Humanité, au patrimoine de l'UNESCO, ici nous avons une chaire qui rappelle cette reconnaissance, mais aussi des climats de Bourgogne ont pu être également reconnus au patrimoine de l'UNESCO. Ce qui veut dire que ce que cette région par son histoire, par ses productions, par le travail humain a été capable de produire et de faire, est aussi au service de la planète toute entière.
Je voulais souligner que nous sommes dans une pré-inauguration, c'est vrai qu'à Dijon rien n'est comme ailleurs, ici vous faites des pré-inaugurations. EIFFAGE d'ailleurs contribue à cette présentation puisqu'il n'est plus besoin de construire, nous avons sous les yeux ce que sera la Cité. Mais j'ai bien compris que c'était pour annoncer que les premières pierres allaient être posées dès la fin de l'année et les travaux commencés au début de l'année prochaine pour se conclure au plus tard fin 2018. Il y a des dates importantes et il était très important aussi que je puisse regarder avec vous ce qu'allait être cette Cité.
Elle s'inscrit aussi dans une ambition commune puisque d'autres villes, je dois le reconnaître ici, sont également dans cette perspective de la Cité gastronomique internationale puisqu'il y a à la fois Lyon, Tours et Rungis. Mais bien sûr c'est à Dijon que tout commence. Ces cités participeront donc à cette belle idée de donner à voir ce qu'il y a de mieux en France et de façon multiple puisqu'elles développeront des activités pédagogiques, artistiques, des ressources documentaires, feront la promotion des métiers, des filières, des savoir-faire, appuieront la formation des jeunes, solliciteront la recherche et donc l'université, l'innovation et auront comme vocation de stimuler l'éducation au goût. Elles développeront chacune une spécialité, à Lyon le lien entre alimentation et santé, à Paris Rungis, la participation des expressions artistiques à la gastronomie, à Tours, les sciences et les cultures de l'alimentation. Ici à Dijon c'était plus simple, c'était la valorisation et la promotion de la culture de la vigne et du vin en liaison avec la chaire UNESCO « Culture et Traditions du vin » et aussi avec l'Institut de la Vigne. Il faut dire que vous aviez été déjà récompensés par les « Climats vignoble de Bourgogne » et que le Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO voulait ainsi souligner ce qu'est une tradition, un territoire, une culture et une excellence à travers la viticulture. Avec la Cité internationale de la gastronomie et du vin Dijon va devenir une grande destination européenne et mondiale et c'est là que mon devoir m'est rappelé.
Le tourisme en France fait vivre 8 % de la population active et en termes de production c'est à peu près l'équivalent. Nous sommes la première destination touristique au monde, nous recevons près de 80 millions de visiteurs, malgré ce qui s'est produit en 2015 et en 2016 nous avons su maintenir le niveau quantitatif du nombre de touristes. En revanche, nous avons sans doute perdu en durée de séjour et en consommation durant le séjour. Mais heureusement grâce aux efforts que nous avons déployés et pour la sécurité et pour l'accompagnement, la mise en valeur, l'accueil des touristes, le premier trimestre de cette année est particulièrement dynamique en termes touristique. Nous avons l'ambition d'accueillir d'ici moins de cinq ans 100 millions de touristes, ce qui veut dire une progression considérable. Il est vrai que les pays émergents, la Chine, l'Inde ou d'autres encore partout dans le monde, veulent que les classes moyennes qui accèdent à un niveau de consommation relativement élevé puissent participer de l'échange, de la circulation et donc du tourisme. Nous devons donc assurer là-dessus la préparation de cette nouvelle phase de tourisme à l'échelle internationale. Il faut non seulement accueillir, c'est déjà très important et avoir les équipements touristiques correspondants. De ce point de vue nous avons la chance d'avoir des structures hôtelières qui se sont considérablement rénovées avec des opérateurs, mais nous devons proposer des produits, proposer des circuits, proposer des parcours, retenir les touristes plus longtemps, en avoir davantage et qu'ils séjournent également plus longtemps que quelques jours. Alors il est très important que des régions, des territoires, des villes qui ont déjà une réputation internationale, -c'est le cas de Dijon,- puissent encore se donner plus de prestige, plus de conditions, plus d'infrastructures pour accueillir ces touristes. C'est un enjeu culturel, c'est un enjeu touristique, c'est un enjeu économique majeur.
Vous avez déjà engagé ce processus depuis plusieurs années puisque Dijon a été labellisée en 2008 « Ville d'art et d'histoire ». Vous avez un secteur protégé exceptionnel, vous êtes un centre économique majeur pour l'est de la France, vous êtes la seule métropole puisque vous êtes métropole, il a fallu d'ailleurs déroger à toutes les règles pour que vous soyez métropole. Ne croyez pas car ce serait faux, qu'il a suffi de l'amitié entre François REBSAMEN et moi-même pour que je décide seul par un décret Présidentiel que Dijon puisse être reconnue métropole. Il a fallu que le Parlement lui-même en décide et donc l'ensemble d'ailleurs de la représentation nationale s'est mobilisé -et tant mieux,- avec une belle unanimité pour que Dijon et d'autres, -d'ailleurs pour que Dijon puisse l'être il a fallu que d'autres puissent y accéder,- aient le statut de métropole. Mais ce n'est pas simplement pour mettre Dijon métropole, c'est parce que cela donnera à ce qu'était l'agglomération des moyens financiers, des capacités pour agir, une gouvernance particulière et ainsi d'avoir la force de frappe indispensable sans que ce soit au préjudice de la Grande région, car la Grande région et Marie-Guite DUFAY le sait bien, n'a rien à craindre de sa métropole puisqu'elle contribuera à l'attractivité de l'ensemble du territoire à la condition, et c'est bien légitime, que toutes les autres communes, que tous les autres départements puissent avoir un partage de la ressource et eux aussi attirer une population.
Donc Dijon c'est déjà 200.000 visiteurs, un pôle de compétitivité Vitagora dédié au goût et à la santé, 150 entreprises, des laboratoires, des universités, des grandes écoles. Voilà ce qu'était déjà la base de départ, mais là vous allez avoir un cadre d'exception, puisque vous allez vous installer -et j'ai tout vu,- dans les terrains, les bâtiments de l'hôpital général de Dijon, au cur de la ville et qu'EIFFAGE va transformer et va habiter. Habiter à tous les sens du terme. Il y aura un musée vivant, une école des sommeliers, un centre de formation, la prestigieuse école Ferrandi qui a accepté de venir à Dijon, il y a des commerces, des ateliers, un patrimoine, des cinémas, un hôtel, des résidences pour étudiants, de la place pour les chercheurs, les artistes et donc un éco-quartier qui va s'ajouter de plus de 600 logements qui viendra confirmer la position de pointe de la métropole en matière de développement durable. C'est aussi et je veux insister là-dessus, un rassemblement entre acteurs publics et partenaires privés et c'est ce double investissement public et privé qui permet de rassembler les fonds nécessaires et qui donne des garanties pour la suite, c'est-à-dire pour le succès de la Cité.
Chaque année, ce sera un million de personnes qui seront attendues tout cela dans mon objectif de 100 millions, vous ne ferez que 1 % finalement mais vous pourrez faire peut-être plus avant. Un million de personnes chaque année qui viendront profiter des animations et des services et ce sera au moins 2.000 emplois qui seront créés grâce à cette initiative. Enfin, il faut savoir qu'un tiers des touristes qui viennent en France font ce choix pour découvrir la cuisine et les vins et c'est pourquoi j'ai voulu que cette capacité qu'avait la France à pouvoir proposer ce type de tourisme nologique, tourisme gastronomique puisse être reconnu sans tomber sous le coup de lois qui jusqu'à présent en faisaient interdiction. Il était très important de garder cet esprit qui est celui de la santé de nos compatriotes comme d'ailleurs de nos visiteurs et en même temps d'avoir cette capacité à faire la promotion de ce qu'est le tourisme nologique.
Je veux également souligner que notre gastronomie et ici ce sera autour d'elle que vous allez vous rassembler, est une de nos meilleures ambassadrices dans le monde. C'est pourquoi d'ailleurs le ministère des Affaires étrangères organise l'opération « Goût de France » dans 150 pays. TALLEYRAND prétendait que pour réussir une bonne négociation il fallait une bonne gastronomie et un bon cuisinier. C'est ce que nous essayons de faire chaque fois que nous recevons des hôtes étrangers. Récemment j'avais reçu Madame MERKEL, le Premier ministre italien et le Premier ministre espagnol au château de Versailles et c'était effectivement de ma part un souvenir que je voulais réanimer qui avait été celui de François MITTERRAND qui en 1982 avait organisé un G7 à Versailles. Ce n'était pas évident pour un républicain, par ailleurs socialiste, d'inviter à Versailles, au château, que disait-on, « quand même, faut-il que nous puissions élire je parle de François MITTERRAND un Président socialiste pour qu'il puisse accueillir à Versailles, est-ce que c'est bien le lieu ? Est-ce qu'il ne se prend pas pour un monarque républicain ? Est-ce qu'il n'est pas tombé dans les cadres de la Vème République ? » Heureusement qu'il y a la Vème République et heureusement qu'il y a un Président de la République qui a des responsabilités parce qu'il faut savoir les prendre dans certaines circonstances.
Mais François MITTERRAND avait raison, c'est très important pour l'image de la France que nous puissions montrer notre patrimoine dans ce qu'il a d'historique. Nous savons qu'il a toujours été plein de convulsions ce patrimoine, mais dans ce qu'il a de plus magique pour nos visiteurs, c'est exceptionnel de pouvoir rentrer dans des lieux comme celui-là, chargés de tout notre passé, avec toute cette merveille d'artisanat qui reste, d'uvres d'art. Donc nous devons absolument utiliser ce qu'est la gastronomie, ce qu'est notre patrimoine au service de l'image de la France. C'est la raison pour laquelle dans ce dîner français qui se tient ce soir, 2.000 restaurants, 71 écoles de cuisine, 150 ambassades de France à l'étranger qui se mobilisent sur les cinq continents pour servir et faire découvrir à plus de 250.000 convives, les menus valorisant toute la gastronomie française. Tous les établissements participant à cette opération s'engagent en outre à verser 5 % de leurs recettes à une ONG locale qui uvre au respect de la santé et de l'environnement, c'était le plan parfait.
Alors, Monsieur le Maire, Madame la présidente, Monsieur le président d'EIFFAGE, Mesdames, Messieurs, le repas traditionnel français est porteur de plaisirs et même chez les plus modestes parce que la gastronomie et vous y veillerez avec la librairie et avec les livres de cuisine, est à la portée des plus modestes. Ma mère avait reçu de sa propre grand-mère un livre écrit avec une calligraphie parfaite de recettes de cuisine, c'était le seul legs qu'elle avait pu recevoir parce que chez les gens modestes c'était finalement ce que l'on avait comme patrimoine, les recettes de cuisine et que l'on transmettait ainsi. Aujourd'hui, ce sont devenus des livres que les cuisiniers eux-mêmes écrivent et c'est cette idée du repas qui fait que nous sommes la France, qu'il y a du savoir-vivre et qu'il y a du savoir-faire, qu'il y a des valeurs que nous partageons avec le repas pour que le goût puisse être stimulé, pour que l'éducation puisse être transmise. Bien sûr, la France s'est enrichie avec des populations qui sont venues d'ailleurs et qui ont elles-mêmes apporté leur part à la gastronomie française, des goûts, des saveurs, des éléments, des aliments que nous ne connaissions pas qui sont venus encore parfaire le repas à la française.
Et puis, il y a ces valeurs de bienveillance, d'échange, de rassemblement qui d'ailleurs appartiennent aussi à la tradition religieuse où on laissait une place toujours à celui qui pouvait venir. Je ne suis plus sûr que cela serait forcément aussi pratiqué même pour l'asile des réfugiés, mais nous pouvons toujours avoir cette idée à l'égard du visiteur, du touriste qui vient ici. Défendre la culture culinaire française, ce n'est pas simplement nous plonger dans la tradition de la nostalgie, dans le passé, au contraire, c'est d'avoir une volonté d'ouverture, d'espérance par rapport à l'avenir. C'est bien sûr défendre des intérêts, nous en avons au plan économique, mais c'est aussi propager, promouvoir une belle idée, une idée française, une idée qui dépasse même la France qui est celle du savoir-vivre ensemble au moment où nous en avons tant besoin.
Voilà ce que vous faites aussi avec la Cité internationale de la gastronomie à Dijon, vous vous donnez les moyens de faire rayonner la France à travers l'excellence, mais aussi le savoir-vivre, la liberté, la fraternité aussi et tout simplement le partage. C'est pour toutes ces raisons que je voulais venir ici à Dijon ce soir. Merci.