21 mars 2017 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur la politique de la ville, à Vaulx-en-Velin le 21 mars 2017.
Mesdames les ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires élus,
Monsieur le Maire de Vaulx-en-Velin,
Mesdames, Messieurs,
Il est vrai qu'il y a un peu plus de 5 ans, j'étais déjà à Vaulx-en-Velin comme candidat et j'avais promis d'y revenir comme Président, c'est fait. Mais ce n'était pas simplement pour respecter cet engagement que j'avais décidé, il y a déjà plusieurs semaines, de venir ici dans votre ville, Monsieur le Maire. C'est parce que je considère qu'ici ce n'est pas un territoire tout à fait comme les autres. C'est un territoire qui a une histoire qui est intimement liée à celle de la politique de la ville, qui a aujourd'hui 40 ans.
40 ans de politique urbaine, de politique sociale, de politique au service des quartiers et des habitants. C'est une politique qui a pu avoir des succès, mais aussi des insuffisances, parfois des ratés, mais qui a néanmoins changé profondément l'environnement, la manière de vivre et d'habiter ici dans ces villes.
Ce n'est d'ailleurs pas loin de Vaulx-en-Velin, à Bron précisément en décembre 1990 que François MITTERRAND avait annoncé la création du premier ministère de la ville. Donc il y a comme une forme de continuité.
Ce qui se joue ici, c'est bien plus que le cadre de vie, c'est une politique d'égalité, 6 millions de nos concitoyens dont vous. Vous vivez dans ce qu'on appelle les quartiers prioritaires, cette population est plus jeune que celle de la moyenne du pays et elle est plus concernée par les difficultés, par les inégalités, par le chômage, par l'insécurité et également par les discriminations.
La France, la République, ne peut réussir que si tous ses habitants sont mobilisés pour porter sa promesse et donc nous avons un devoir vis-à-vis de ces quartiers, de ces villes et nous avons voulu profondément rénover cette politique.
Mais je reviens à Vaulx-en-Velin, parce que c'est une ville riche de son histoire, de l'histoire de ses habitants venus au cours des générations. D'abord l'exode rurale, même si ici vous avez gardé des productions agricoles, j'en ai eu la démonstration avec un légume particulièrement apprécié, le Cardon et qui aujourd'hui peut être mis en culture. Compte tenu des démolitions qui ont eu lieu puisqu'on m'a fait voir des barres d'immeubles qui s'étaient effondrées, -mais qui avaient été évacuées- et je n'ai vu que des terrains qui étaient presque labourés, ceux qui ne connaissaient pas l'objet de mon déplacement pensaient que ce n'était pas un déplacement sur la politique de la ville, mais sur la reconquête de l'espace rural, près de Lyon.
Donc il y a sans doute en ces champs et dans ces espaces verts qui ont toujours été préservés ici, le rappel que beaucoup de ceux ou celles qui sont venus vivre à Vaulx-en-Velin, c'est parce qu'au départ ils étaient contraints d'abandonner les campagnes et de venir travailler dans les villes. Après, cela a été l'histoire des ouvriers parce qu'ici c'est une culture ouvrière, laborieuse. Celles et ceux qui sont venus habiter là parce qu'ils ne travaillaient pas loin, dans un certain nombre d'usines qui n'ont pas toujours eu un grand destin.
Cette ville, c'est aussi l'histoire de l'immigration ou des immigrations, de ces populations venues de loin pour travailler, pour vivre et qui ont été logées ici, peut-être aussi parce qu'on ne savait pas les loger ailleurs. C'est l'histoire de nombreuses villes françaises, de nombreuses banlieues, mais non, c'est l'histoire spécifique de Vaulx-en-Velin. Chaque ville a son identité, sa singularité et il est très important d'apprendre aux enfants d'où ils viennent, quelle est l'origine de cette ville et ce pourquoi maintenant ils sont destinés à pouvoir la changer et la faire vivre à leur tour.
C'est une ville qui a aussi traversé des épreuves, qui a connu des crises, qui a vécu des violences et puis une ville qui s'est redressée, qui s'est rénovée, qui s'est repensée et qui aujourd'hui s'expose à travers ma visite, comme une ville qui est fière d'elle, fière de sa population, fière des réalisations qui, année après année, ont été menées à bien ici. S'il y a quelques lumières que les médias peuvent porter sur cette ville, ce ne sont pas celles sur les incidents, sur les polémiques, ou sur les querelles, non, c'est une ville qui doit être regardée pour ce qu'elle est, une ville en mouvement, une ville pleine de richesses et une ville qui a pleins d'atouts et d'abord sa jeunesse. Jeunesse que nous avons voulu aussi célébrer d'une certaine façon, à travers la pose de la première pierre de l'école René Beauverie qui est d'ailleurs déjà bien avancée.
Une ville qui en plus voyage dans l'espace et nous avons ce planétarium à côté de cette grande école. Je remercie l'université de nous y accueillir. Ce planétarium est véritablement une joie pour ses concepteurs, pour ses créateurs et un plaisir partagé pour tous ces jeunes qui sont devenus des savants. J'ai vu des jeunes garçons et des jeunes filles nous en apprendre sur les animaux qui voyagent dans l'espace, combien de temps, comment on les traite, sur les étoiles, sur tout ce qui fait finalement notre curiosité.
Voilà pourquoi la ville de Vaulx-en-Velin est déjà dans le ciel et Thomas PESQUET, nous a fait grand honneur, je remercie le président du CNES, d'avoir permis cette liaison. Vous vous rendez compte nous étions de Vaulx-en-Velin avec Thomas PESQUET ? Lui-même qui était sur cette station à des centaines de kilomètres au dessus de nous et qui nous a dit, -peut-être y avait-il un peu de flatteries à notre égard, à votre égard,- : « je vois Vaulx-en-Velin ». Il voyait ses cultures sans doute légumineuses qui lui donnaient de l'appétit.
Je reviens à la politique de la ville. Elle a été longtemps éclatée, dispersée avec de trop nombreux quartiers, avec de trop nombreux dispositifs et nous avons voulu lui redonner une cohérence. C'était essentiel pour qu'il y ait de vraies priorités, que nous puissions aussi y ajouter à tout ce qui est réhabilitation du bâti et que le président de l'ANRU ici présent fait en sorte de continuer à porter. Parce que voyez-vous, c'est l'élu le plus aimé de France, notamment dans les quartiers. Pourquoi ? Parce que les maires ont parfaitement compris que maintenant la caisse était à l'ANRU, c'est pour cela que la maire de Bron n'hésite pas à le caresser dans le sens du poil, bien sûr. Il est vrai que l'ANRU, avec ce que vous apportez, ce sont des milliards mais, qui ne veulent dire rien à personne, quand on dit des millions ou des milliards qui sont ainsi investis, ce qui compte c'est d'y ajouter de l'humain et c'est ce que nous avons voulu porter à travers cette politique avec l'accès à l'école, la ministre y tenait, l'accès aux loisirs, à la culture, à l'insertion professionnelle et aussi à la démocratie participative avec des conseils citoyens.
Tout cela a été rendu possible par une loi, qui a été votée le 21 février 2014, qu'on a appelé la loi « Lamy », qui a donc rendu plus sélectifs les choix en matière d'intervention de la politique de la ville, plus massives encore les interventions que nous devions faire et qui a permis d'avoir de nouveaux dispositifs et de nouvelles procédures. 1.500 quartiers ont été reconnus prioritaires, avec un critère que chacun pouvait comprendre, qui n'était discuté par personne, qui est le critère du revenu des habitants.
On ne juge pas à l'état d'un bâti, on ne juge pas à la capacité d'un maire de se faire reconnaître comme prioritaire. Ce sont les revenus des habitants, quand ils sont faibles, il est légitime que l'Etat fasse plus pour les populations qui sont moins favorisées. Nous avons également concentré dans ces lieux des politiques spécifiques pour l'emploi. Vous avez rappelé la Garantie jeunes, les emplois d'avenir et un certain nombre de moyens qui ont été donnés au service public de l'emploi pour amener ces jeunes des quartiers vers le marché du travail.
Nous y avons mis aussi plus de ressources pour les maisons de santé. Nous avons fait en sorte que l'éducation puisse être prioritaire. Tout à l'heure, nous étions avec les élèves d'une classe qui nous disaient à la fois leur bonheur, même s'ils attendaient l'ouverture de René Beauverie parce que c'est comme cela qu'ils s'exprimeront à l'avenir. Mais ils nous disaient et leurs enseignants nous disaient l'importance du dispositif « plus de maîtres que de classes », c'est-à-dire qu'on met deux enseignants pour une classe qui a comme effectif 22 élèves avec deux niveaux, CE1 et CE2.
Alors quand on nous dit : « Mais vous n'avez pas donné la priorité à l'éducation », si on l'a donnée : 60 000 postes. Il ne suffisait pas de créer des postes, il fallait les disposer au mieux pour les populations qui avaient besoin du concours de l'école, parce qu'il n'y a pas d'avenir possible sans l'école. Tous ces jeunes qui nous regardaient, ils étaient pleins d'espérance à l'égard de ce que l'on pouvait leur apporter comme savoirs, comme connaissances. Ils étaient fiers de nous dire déjà ce qu'ils avaient acquis comme élément de citoyenneté ou éléments de connaissances du monde, voire même de la planète, voire de notre espace céleste.
Ils ont même envoyé des messages pour qu'on puisse les retrouver et retrouver ce qui existait ici, à Vaulx-en-Velin. C'est d'ailleurs ce sur quoi il faut insister : qu'est ce que sera la vie à Vaulx-en-Velin dans vingt ans, trente ans ? C'est ce à quoi vous êtes maintenant attelés. Je sais que c'est long pour la population qui attend un tramway, pour la population qui attend depuis trop longtemps un certain nombre d'aménagements et si je faisais ici le recensement, il y en a. Que m'ont dit les commerçants ? « Dans combien de temps cela va arriver ? Depuis le temps qu'on nous promet, c'est long. »
Mais ce que l'on fait, c'est à l'échelle d'une génération. C'est que tous ces jeunes qui sont à l'école aujourd'hui, qui seront adultes demain, auront une autre ville. La même, mais transformée. C'est ce à quoi les élus, tous ceux qui sont ici, les fonctionnaires qui y travaillent et tous les acteurs économiques, doivent contribuer à bâtir. Alors nous avons dégagé des moyens, je les ai évoqués, grâce à l'ANRU. Nous avons dégagé des moyens grâce au budget de l'Etat et j'ai voulu qu'au-delà de ces 5 milliards de l'ANRU qui avaient été programmés pour l'ensemble des quartiers de nos villes qui génèrent 20 milliards d'investissement, j'y ai ajouté un milliard supplémentaire, ce qui fait 5 milliards de plus - mais cela, c'est le produit de l'administration : vous mettez un, vous avez 5.
Ce milliard sera dédié aux équipements culturels et aux équipements éducatifs. Mais vous n'avez pas attendu ici, vous avez déjà fait le saut. Vous avez anticipé mais l'ANRU, j'en suis sûr - François PUPPONI est là saura être au rendez-vous. Vous m'avez dit votre fierté et beaucoup me l'ont répétée ici, d'habiter à Vaulx-en-Velin. J'ai vu une ville qui connaît une transformation, qui le sait, qui voit des travaux être engagés. C'est pourquoi je voulais venir dans le quartier si emblématique du Mas du Taureau, parce que c'était là qu'était partie une émeute qui avait fait grand bruit à l'époque.
Il y en a eu d'autres depuis et je m'honore qu'il n'y en ait pas eu durant le quinquennat qui a été le mien. Parce que nous y avons veillé, parce que nous avons toujours su écouter et faire en sorte que nous puissions apaiser quand il y avait des tensions. Rien n'est sûr, rien n'est jamais acquis, il faut être d'une vigilance absolue mais on ne peut pas accepter que, dans une ville où il y a eu tellement d'efforts, il y ait à un moment, parce qu'il y a une nuit d'émeutes, une nuit de colère, la dégradation de biens publics. Parce que ces biens publics, ce sont les biens de tous. C'est pourquoi il nous faut être à chaque fois à l'écoute et en capacité d'agir.
Dans ce Mas du Taureau, il y a un nouveau programme de renouvellement urbain. Il y a des citoyens qui vont s'y investir au sens qu'ils vont venir habiter là. Il y a des commerçants j'en parlais - qui vont voir leur activité complètement changée. Il y a des services de l'Etat qui seront ici installés. Il y a des bailleurs sociaux indispensables qui feront l'effort de la mixité sociale. Il y a des acteurs économiques, sociaux et il y a les associations sans lesquelles rien n'est possible, je les ai rencontrées et puis, il y a le Conseil Citoyen.
J'étais c'était le 27 octobre dernier au premier forum national des Conseils Citoyens. Je vous recommande cette modalité de participation. Vous aviez ce jour là 1 000 à 1 500 membres (qui représentaient les 20 000 conseillers citoyens de France) à qui on a donné le droit d'expression. Quand on donne le droit d'expression, c'est difficile de le canaliser, parce que chacun veut parler, chacun veut dire son mot, c'est bien qu'il en soit ainsi. Mais le Conseil Citoyen, ce n'est pas simplement un lieu d'écoute où un lieu de parole. Cela doit être un lieu de décision. C'est ce que j'ai voulu, à travers la loi : que ce Conseil Citoyen, sur tous les projets liés à un contrat de ville, puisse dire son mot, infléchir les décisions. Il n'y a pas de contrat de ville qui puisse être signé par un représentant de l'Etat sans qu'il y ait cette participation et cette intervention du Conseil Citoyen.
J'ai également voulu que le chômage des jeunes puisse être réduit autant qu'il était possible et que, lorsqu'on fait une opération de rénovation urbaine, c'est une opération économique, parce qu'il doit y avoir des créations d'activités et d'emplois. Là encore, après trois ans de politique de la ville, le chômage des jeunes dans les quartiers a reculé de près de 10 % depuis le début de l'année 2016. C'est la première fois en dix ans. Cela prend du temps mais c'est une grande considération que l'on a pour les jeunes et une grande fierté chaque fois qu'on fait baisser le taux de chômage dans les quartiers, parce qu'on sait qu'on donne à ce moment-là de l'espoir, de la confiance et de la réussite.
Je sais votre attachement à la métropole lyonnaise et là aussi, nous l'avons voulue cette métropole. Les élus l'ont décidée mais nous avons créé le cadre juridique pour que cette métropole puisse exister. Elle fait maintenant partie de votre environnement, les élus s'adressent à la métropole pour leurs équipements publics et je crois que le message a été suffisamment passé pour qu'il y ait bien cette volonté commune, qu'il puisse y avoir des transports, des infrastructures qui puissent correspondre à ces nouveaux besoins nés dans la ville de Vaulx-en-Velin.
Je veux terminer sur le moment d'émotion que nous avons partagé pour vous, celles et ceux qui nous ont accompagnés, puisque de Vaulx-en-Velin nous avons découvert l'univers. Nous avons conversé avec Thomas PESQUET qui nous entendait comme s'il était à l'école d'à côté, aussi clairement, aussi précisément. Cette rencontre n'est pas le fruit du hasard parce que, en définitive ce qui nous passionnait, vous passionnait, c'était d'avoir cette découverte, cette curiosité. Ce qu'il nous disait était de nature à encore l'amplifier.
Il faut être curieux du monde, curieux de ce qui est au-delà de nous, curieux de ce qui va au-delà de notre ville, même pour vous qui avez la volonté de la changer et de la promouvoir. Il faut être capable de nous dépasser, de porter un projet qui va bien au-delà de notre génération, peut-être même de notre vie, bien au-delà de ce qu'est notre espace de vie momentanée, être capable d'être davantage que des individus mais des citoyens, de porter une volonté, une ambition qui nous rendent fiers et c'est ce qui se passe ici à Vaulx-en-Velin.
Ce que vous avez comme intention ici, c'est de construire un avenir, un avenir meilleur, de donner du sens au progrès. Si ici vous réussissez, c'est pour la France un formidable message de confiance, parce que si à Vaulx-en-Velin il est possible de trouver des solutions à des problèmes qui demeurent depuis si longtemps sans solution, sans réponse, alors il est possible pour la France de retrouver espoir. C'est pourquoi il était si important que je vienne à Vaulx-en-Velin pour savoir quelle est la bonne direction à prendre. Merci à tous.