19 mars 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la république, sur le château de Chambord et le tourisme culturel, à Chambord le 19 mars 2017.


Madame la Ministre,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, les Elus,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président du Domaine national de Chambord,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes là pour cette inauguration somptueuse des jardins du domaine national de Chambord et c'est vrai que certains lieux ont une portée universelle. C'est le cas de Chambord d'abord parce que Chambord est inscrit à l'Unesco dans la liste du patrimoine de l'humanité mais aussi parce que Chambord est un lieu familier à beaucoup de nos compatriotes et à beaucoup de visiteurs étrangers. Chacun se souvient avoir été emmené à Chambord quand il était enfant, puis ensuite comme parent, d'avoir également conduit ses propres enfants ici. Il y a un lien qui s'est établi, génération après génération, avec Chambord.
Chambord, c'est un château unique au monde. Nous sommes, dit-on et on l'a vu, dans la cité idéale, dans un lieu que Rabelais cite comme référence pour l'abbaye de Thélème. Ici, il y a à la fois l'histoire et aussi ce qu'était la volonté humaine à cette époque et qui ne s'est pas affaiblie : espoir du progrès, esprit d'invention, la liberté de conscience, la découverte du monde, l'ouverture, l'émancipation, bref, nous sommes les héritiers et en même temps les protagonistes des valeurs que porte Chambord. Léonard de Vinci y a sans doute réalisé ou fait réaliser sa seule uvre d'architecture, un ouvrage à la perfection aussi poétique que mathématique £ une uvre qui s'adresse à toutes et à tous.
Chambord, c'est aussi un symbole puisque les monuments de pierre émettent des messages - je ne parle pas de ceux qui sont gravés sur la pierre et qui ont été laissés par des cohortes de visiteurs non, je parle des messages qui traversent les siècles et dépassent les frontières. Le patrimoine bâti - et la ministre y tient - a ceci de merveilleux qu'il produit une émotion accessible à tous et que ce patrimoine se prête aussi à l'analyse des plus érudits. Il y a à la fois de la science et en même temps des plus nobles sentiments.
Les monuments sont irréductibles à l'enfermement idéologique. Ils affirment la dignité, le travail de l'homme qui construit lui-même sa destinée. C'est sans doute la raison qui conduit hélas un certain nombre de fanatiques à détruire les uvres de l'humanité, le patrimoine parce qu'ils sont conscients que chaque fois qu'il y a une lumière qui vient du travail des hommes, c'est en contradiction avec leur vision effrayante du monde. C'est pourquoi la France a pris l'initiative avec d'autres, et notamment les Émirats arabes unis, d'organiser une conférence qui aura lieu demain pour que les donateurs du monde entier viennent sauver le patrimoine mondial menacé, qui est en péril. Il s'agit de faire en sorte que nous puissions réhabiliter ou sauver les uvres qui sont saccagées, vendues, mises en cause par des fanatiques ou des terroristes.
Cette mobilisation pour le patrimoine vaut également quand il y a eu des catastrophes naturelles. Il y en a eu ici dans cette région et j'y étais venu pour en constater l'ampleur, je me souviens encore de mon déplacement à Romorantin - le maire est là - et la ministre était venu elle à Chambord pour constater les dégâts qui avaient été provoqués par les pluies diluviennes qui s'était abattues dans la région. Nous avions convenu que l'Etat devrait apporter son soutien, ce qu'il a fait, pour réparer les dégâts et aussi donner son appui à la restitution des jardins que nous découvrons aujourd'hui. Mais ce projet était né plus tôt encore, lorsque je rendais visite pour la première fois comme président de la République à Chambord. J'avais regardé ce que le directeur me montrait, c'est-à-dire ici même une pelouse ou un champ devrais-je dire, qui avait été laissé au mieux à l'interprétation, au pire à l'abandon. Nous avions donc convenu que ce serait une belle idée si nous nous y mettions tous que de restituer ce qu'avaient été les jardins de Chambord mais de le faire avec à la fois le souci de l'histoire mais aussi l'imagination humaine que nous devions laisser aux architectes, aux paysagistes pour qu'ils puissent peindre, car c'est une uvre qu'ils ont ainsi tracée, les jardins de Chambord.
Mais pour y parvenir, c'est comme dans toute uvre humaine, il faut un certain nombre de financements £ à l'époque de la construction de Chambord, c'était les rois eux-mêmes et notamment le roi François 1er, qui y avaient pourvu. Aujourd'hui, la République qui a un patrimoine important et un budget élevé a néanmoins considéré que ce serait bien aussi qu'il y ait des donateurs, des mécènes qui viennent s'ajouter à notre propre intervention. Si l'Etat avait décidé de prendre à sa charge tout ce qui était lié à l'archéologie, qui représente à peu près 600.000 euros, il nous fallait trouver 3 millions et demi d'euros. Je veux rendre hommage à monsieur Stephen SCHWARZMAN qui a apporté 3 millions et demi d'euros pour financer l'intégralité de la restitution des parterres à la française et qui aussi a pu aménager les terrasses. Ce geste de solidarité, monsieur SCHWARZMAN l'a décidé à un moment où notre pays était frappé par les attentats terroristes et il voulait qu'il y ait un acte, un acte de confiance à l'égard de la France, un soutien qui puisse être apporté, une amitié qui puisse être prononcée à travers ce don pour la restitution des jardins de Chambord. Parce qu'il avait compris, monsieur SCHWARZMAN, que ce qui était en cause lorsqu'il y a eu les attentats, c'était la culture, c'était un mode de vie, c'était la liberté, c'était la création £ alors il a eu de la part de la ministre de l'Environnement une distinction pour qu'on lui témoigne nous aussi notre solidarité et notre admiration.
Mais ce qu'a fait monsieur SCHWARZMAN, c'était aussi de rappeler l'amitié indéfectible entre la France et les Etats-Unis £ une amitié, je le dis, qui a toujours résisté à tout, y compris aux intempéries politiques. Ce patrimoine ici est un atout pour la France, un atout considérable. Le tourisme culturel fait preuve de grande créativité ces dernières années dans le domaine de l'éducation artistique, de l'accueil de tous les publics, de l'usage des nouvelles technologies, de la pédagogie de la nature et c'est ce que vous avez voulu faire ici à Chambord. Je rappelle que la France est la première destination touristique au monde, 80 millions de visiteurs. Nous leur devons à la fois un accueil, un confort et aussi une sécurité que d'ailleurs nous avons décidé d'amplifier encore dans nos musées, dans nos lieux culturels pour que les visiteurs - on a eu hélas à vérifier l'efficacité de ce dispositif récemment au Louvre - puissent être sûrs qu'ils peuvent être pleinement en confiance dans nos établissements culturels.
C'est une chance aussi, Chambord, pour la région, mon cher François BONNEAU. Quelle chance d'être le président de la région Centre et Val-de-Loire ! Je comprends pourquoi vous avez voulu rester seul quand vous avez autant de châteaux, pourquoi aller vous associer à d'autres ?! Vous avez donc cette conscience que votre région a un patrimoine exceptionnel, patrimoine architectural, patrimoine naturel et la région Centre fait aussi tous les efforts pour que l'accueil soit au plus haut niveau. Vous avez des villes et pays d'art et d'histoire, des jardins remarquables, patrimoine du XXe siècle, patrimoine européen, des maisons des Illustres, bref des labels qui garantissent l'intérêt et l'authenticité des lieux de culture, labels qui sont validés par la ministre de la Culture.
La valorisation du patrimoine, c'est aussi une démarche de développement durable et le président GAROT y tenait £ en témoignent ici les chantiers réalisés avec le soutien de la ministre de l'Environnement. La grande promenade en forêt sera ouverte fin avril. Une double rangée de tilleuls y a été installée, tilleuls de Hollande - je remercie pour cette attention toute particulière - tout au long de l'allée du roi qu'on n'a pas encore débaptisée pour l'appeler « l'allée du Président » mais j'imagine que cela viendra. Parallèlement a été engagée la rénovation de l'hôtel qui est juste derrière nous, qui est conduite par l'un de nos plus grands architectes, Jean-Michel WILMOTTE. Il y a aussi la réhabilitation de la place du village, avec le concours du maire de Chambord et de la communauté de communes que je veux aussi remercier £ il y a la transformation de la ferme en auberge de jeunesse éco-responsable qui est sur le point d'être lancée. Je veux saluer toutes les équipes autour du directeur général qui ont permis cette restitution des jardins et leur visite maintenant, aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs, patrimoine de l'humanité, Chambord est plus qu'un monument national, c'est une fierté £ une fierté collective qu'éprouve le peuple français. C'est aussi la préoccupation constante des présidents de la République car la loi de 2005 place le domaine national de Chambord sous leur protection donc, jusqu'au mois de mai, la mienne. Tout comme les Invalides. Le président Pompidou qui était un amateur d'art, était aussi un passionné de Chambord. Aux côtés de celles de Rambouillet, il faisait en sorte que les chasses présidentielles puissent y être organisées. Il n'y a plus de chasses présidentielles au sens où on l'entendait, il y a des chasses toujours à Chambord comme à Rambouillet mais nous sommes dans un tout autre esprit.
Nous avons aussi d'importants chantiers qui ont été lancés par le président Pompidou puis par ses successeurs : la perspective du plan d'eau, la remise en eau des douves, la mise en réserve des jardins dans l'attente d'un projet. Justement, mes prédécesseurs et notamment le président Pompidou, m'avaient permis de faire le dernier geste avec les jardins. C'est ce que nous inaugurons aujourd'hui.
L'uvre ultime de Léonard de Vinci, emblème de la Renaissance, finalement résume ce que nous sommes. Lui venant d'Italie avait voulu aussi donner un message européen à cette entreprise parce que l'Europe, elle a existé bien avant l'Union européenne. L'Europe a longtemps été justement un échange de culture, de création, d'art mais il y avait aussi beaucoup de mobilité entre les peuples de cette période-là. Nous devons toujours rappeler que l'Europe, au-delà de ce qu'elle a pu apporter sur le plan économique, c'est aussi un projet culturel, un projet éminemment politique de partager les mêmes valeurs, les mêmes idéaux, d'être ému par les mêmes bâtiments, monuments, paysages, ce qui fait que lorsque nous sommes dans une ville d'Europe, nous avons conscience que nous sommes dans le même ensemble, que nous partageons la même culture. Sans doute que Léonard de Vinci avait aussi un message à nous adresser qui reste vrai, à nous, peuple français £ un peuple qui a une riche histoire mais qui est ouvert aux influences extérieures, qui est capable d'accueillir tous les arts, de n'avoir peur de rien et qui porte son regard vers le monde et vers l'avenir et ce jardin que nous redécouvrons aujourd'hui, c'est finalement aussi ce qui doit être gardé en mémoire. Liberté : on peut se mouvoir partout dans un certain ordre et avec toujours l'idée que ce jardin est en mouvement car le patrimoine n'est jamais immobile, il n'est jamais fixé pour toujours, il est comme la Nation française : il part de ce qu'il est pour être demain meilleur encore qu'aujourd'hui. Merci à vous tous et vive Chambord. Vive la République et vive la France.