13 mars 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les programmes d’investissement d’avenir au profit de l’enseignement supérieur, de la recherche et du transfert de l’innovation, à Paris le 13 mars 2017.


Madame la ministre,
Monsieur le Secrétaire d'Etat,
Monsieur le Commissaire général à l'investissement,
Monsieur le président du jury,
Mesdames, Messieurs les Lauréats,
Mesdames, Messieurs les présidents d'université sous la surveillance amicale des recteurs et des rectrices de nos de notre pays,
Il y a un côté cérémonie des prix ici à l'Elysée, comme si finalement nous n'échappions pas aux rites républicains qui font que nous passons sans cesse des examens sous le contrôle de jurys indépendants. J'ai cette volonté pour dire aujourd'hui toute notre fierté aux lauréats qui ont pu franchir toutes les étapes je n'ose pas dire tous les obstacles - pour atteindre cette consécration. Il y a donc ici les membres du jury et les lauréats. Comme l'a dit la ministre, c'était un long processus.
D'abord il fallait qu'il y ait un jury international et que l'on en respecte toutes les décisions. Constituer un jury n'est pas chose facile, trouver un président, nous pouvons encore y consentir, mais accepter que les décisions puissent s'imposer aux pouvoirs publics, il n'y a que le Conseil constitutionnel qui dans notre République peut avoir ce privilège et nous l'avons accepté, de gré ou de force. Nous avons admis que toutes vos recommandations, que tous vos choix puissent être ceux des autorités de notre pays. C'était, je crois, un choix judicieux, parce que c'est celui qui est le plus incontestable. Cela ne veut pas dire qu'il n'est pas contesté sur un certain nombre de points - par ceux notamment qui n'ont pas pu obtenir la labellisation. Mais c'était sûrement au plan international ce qu'il fallait faire pour que les lauréats, c'est-à-dire les universités qui ont les labels, puissent justifier d'une notation, d'une évaluation ou d'une consécration reconnues au plan international.
Je sais ce que cette procédure, ce processus ont exigé d'efforts et ce qu'il a fallu faire dans chacune des universités pour mobiliser les énergies, ce qu'il a fallu de patience pour comprendre que si ce n'était pas cette fois ci, ce serait la prochaine et ce qu'il a fallu aussi de pédagogie pour expliquer toutes ces démarches, mais lorsque succès arrive, il est collectif. Je sais aussi les déceptions. Je veux donc dire à tous ceux qui ne sont pas là aujourd'hui, qui n'ont pas été retenus et qui doivent m'entendre, que leur travail ne sera pas perdu, qu'ils ont uvré pour créer des dynamiques qui seront à un moment ou à un autre récompensées. Il y a toujours cette possibilité de revenir devant le jury pour obtenir ce qui n'a pas été forcément le cas cette fois ci. J'observe d'ailleurs que sur les 83 universités qui existaient en France au tournant de l'année 2000, 37 dont certaines ont fusionné dans l'intervalle sont partie prenante des 18 IDEX et I-SITE, c'est dire si cela eu un impact considérable dans la vie des établissements et dans le paysage de l'enseignement supérieur en France.
Pour qu'il y ait cette consécration, pour qu'il y ait eu ce processus, il fallait qu'il y ait le programme des investissements d'avenir, car c'est le programme des investissements d'avenir qui a autorisé le lancement de ces concours et qui a permis cette labellisation. Depuis 2010, trois programmes d'investissement d'avenir ont été votés par le Parlement pour un montant s'élevant - je parle sous le contrôle de Louis SCHWEITZER à 57 milliards d'euros. L'enseignement supérieur et la recherche ont été destinataires de la moitié de cette somme, c'est dire si la priorité a été donnée non seulement à l'avenir ceci était j'allais dire la charte constitutive mais dans les programmes dits d'avenir à l'université, donc à la recherche. Ces investissements ont permis de faire émerger des universités qui existaient déjà et qui avaient cette reconnaissance, faire émerger ces universités au niveau mondial.
J'ai voulu fin janvier 2014 que soit lancée une nouvelle vague d'IDEX au titre du deuxième programme d'investissement d'avenir et que ce soit complété par la formule des I-SITE. Nous en voyons ici les retombées. Les lauréats des IDEX et des I-SITE bénéficieront non seulement de la labellisation mais de moyens importants sur le plan financier qui accompagneront leur développement et leur transformation dans lesquels ils étaient déjà engagés.
Ce label récompense l'excellence scientifique, mais plus que cela, les transferts de technologies au profit des entreprises et des innovations pédagogiques. Il y a donc des retombées très directes, en termes économiques et en termes sociétaux de cette formule des IDEX et- des I-SITE. Les universités ne sont pas fermées au sens coupées de la réalité économique, sociale et même culturelle - et j'ajouterais territoriale. Chaque fois que nos universités progressent, s'élèvent, arrivent même à dépasser les objectifs qui leur ont été fixés, c'est au bénéfice de l'ensemble de notre pays et avec des effets directs en termes d'emploi, de création d'activités et d'exportations. Il y a aussi l'innovation qui se retrouve encouragée, cela a été dit avant moi, car la recherche fondamentale a aussi comme vertu de créer un environnement qui lui-même va provoquer des innovations de rupture et des retombées industrielles.
Ce label récompense aussi l'effort en faveur d'une gouvernance plus intégrée de toutes les composantes du paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche en France. Cette étape n'a pas été la plus facile à franchir, mais là aussi il faut faire confiance à l'intelligence collective surtout dans l'université où il y a beaucoup d'intelligences individuelles mais, selon un théorème que j'ai déjà établi, qui n'a pas encore été validé sur le plan de la connaissance scientifique, des intelligences individuelles ne font pas une intelligence collective. L'agrégation des intelligences individuelles ne forme pas nécessairement une intelligence collective. Il y a des domaines - sur lesquels je n'interviendrai pas aujourd'hui - qui en font la démonstration. Il est donc très important et il était même essentiel que toutes les intelligences qui sont dans les universités françaises puissent se fédérer, se rassembler, s'unir pour devenir une force encore plus dynamique, pour, sur le plan collectif, arriver au résultat que nous constatons aujourd'hui. Vous avez été capables de proposer des solutions adaptées, variées selon les situations et toujours en respectant l'histoire singulière des établissements. Comment être capable ? C'est une question qui va bien au-delà aussi des universités, d'être toujours en filiation par rapport à une histoire, par rapport à un enracinement, par rapport à un territoire et en même temps capable de se projeter pour forger des solutions pour demain ? C'est ce que vous avez fait !
Nous avons accompagné ce mouvement avec la loi Fioraso de 2013. Elle est liée à la labellisation bien sûr IDEX, I-SITE, et tout cela a conduit à une évolution du paysage universitaire français et à une meilleure visibilité à l'international. Cette restructuration est passée par de multiples formes : fusion d'universités, renforcement des instances de coordination, mise en commun de moyens, coopération scientifique. C'est ce rapprochement entre universités, grandes écoles, établissements de recherche qui a permis à vos projets de trouver leur aboutissement et à obtenir une reconnaissance internationale, un rayonnement qui ont permis d'accueillir davantage de chercheurs de renom, de garder un certain nombre de chercheurs français et d'accroître les échanges avec d'autres universités, car - je le dis souvent - il est très important que les universités françaises aient des liens avec toutes les universités au monde et cela correspond à une diplomatie universitaire que en même temps que la diplomatie économique j'ai voulu porter.
Bien sûr, cela se retrouvera dans les classements internationaux - j'ai bien entendu Thierry MANDON - et si cela ne se retrouve pas, cela renforcera nos critiques à l'égard des classements internationaux. Ils sont vigilants par rapport à cette cérémonie ! Le succès de cette politique se mesurera dans la durée, parce que cette construction, celle qui a été établie depuis plusieurs années, échappe au temps du politique et c'est aussi ce qu'il faut bien comprendre. Le temps de la démocratie s'accorde parfois mal à celui de la science. Il faut donc avoir une capacité à pouvoir dépasser le mandat qui nous a été confié et être conscient que ce que l'on va décider aujourd'hui n'aura pas forcément de retombées pour demain, mais aura un impact considérable pour après-demain, à la condition que cet effort soit poursuivi. C'est aussi le sens de mon message : rien ne serait pire que des interruptions brutales de financement ou de philosophie. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de réformes à faire - Monsieur le Président du Jury nous en a donné quelques-unes - il ya des réformes à accomplir, mais cela doit aller dans le même sens, dans la même direction que ce que nous avons engagé. Ce que je voudrais c'est que nous puissions accompagner par les politiques publiques ce que vous avez-vous-même mené à bien et qui a conduit à des gouvernances différentes.
Le PIA3 qui a été voté par le Parlement, préparé par le gouvernement, mais surtout par Louis SCHWEITZER et ses équipes, le PIA3 va être lui aussi consacré à l'enseignement supérieur et à la recherche avec la même proportion que le PIA1 et le PIA2 - c'est-à-dire 50 %. C'est ce qui va permettre de poursuivre la politique qui a été engagée. Je veux aussi que l'Etat accompagne le modèle économique qui soutient les structures d'excellence. Je pense notamment aux Instituts hospitaliers universitaires, mais aussi aux Instituts de recherche et de technologie et aux Instituts pour la transition énergique. Tout cela coopère et collabore dans le même esprit que celui que je viens de décrire. C'est avec cette constance, c'est avec cette obstination, celle dont vous avez fait preuve dans vos universités, que nous parviendrons à nos fins, c'est-à-dire conserver à la France sa place dans la rude émulation qui nourrit les dynamiques des milieux scientifiques, mieux encore, faire progresser la France, la rendre plus attractive, accueillir les meilleurs étudiants et les meilleurs chercheurs, renforcer notre rayonnement international.
C'est une fierté pour notre pays. Beaucoup de nos concitoyens ne sont jamais passés par l'université, ils espèrent que leurs enfants pourront y accéder - et nous faisons en sorte qu'ils puissent avoir ce parcours. Même ceux qui ont été privés, si je puis dire, d'université savent que la science, la connaissance, le progrès se situent là. Ils regardent les universités non pas pour eux-mêmes puisqu'ils n'iront jamais - même si nous faisons tout pour que des salariés puissent revenir dans l'université. Ils regardent ces lieux d'excellence, ces lieux d'enseignement, ces lieux de diffusion du savoir, ces lieux de recherche comme un espoir pour eux-mêmes et pour les générations qui suivent, parce qu'ils comprennent bien que c'est là que le progrès s'écrit. Ils ont aussi un doute : est-ce que le progrès va générer des bénéfices pour l'ensemble de la société et du monde ? C'est cette question-là qui taraude les opinions publiques aujourd'hui ici en France, comme partout en Europe et dans le monde. Est-ce que le progrès peut être partagé ? Est-ce que le progrès est encore possible ? Est-ce que la raison, la science, la recherche peuvent nourrir non seulement l'humanité en bien mais aussi spirituellement ?
C'est cette bataille qu'il faut sans cesse engager, pas simplement contre l'ignorance, mais contre le doute et la suspicion. C'est pourquoi lorsqu'il y a cette politique à l'égard de l'enseignement supérieur et de la recherche, nous poursuivons l'objectif de démocratisation, nous faisons en sorte que ce soit bénéfique pour l'économie. Nous portons un projet - vous portez un projet - bien plus élevé, qui est de donner confiance dans l'avenir et de donner une force aux pays qui ont fait ce choix de l'enseignement supérieur et de la recherche pour non seulement être les meilleurs de la compétition mais porter des idéaux qui sont les idéaux de la raison, de la liberté et du progrès.
C'est pourquoi les lauréats ici ont non seulement la satisfaction d'avoir été retenus par un jury mais doivent avoir conscience qu'ils doivent maintenant rendre à la société et au pays ce qu'aujourd'hui le label leur a donné. Merci !