2 mars 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur l'action des pouvoirs publics face aux intempéries qui ont affecté en novembre 2016 la Haute-Corse, à Furiani le 2 mars 2017.


Madame, Monsieur le ministre,
Mesdames, Messieurs les parlementaires, les élus,
Monsieur le Président du Conseil exécutif,
Monsieur le Président de l'Assemblée territoriale,
Monsieur le Président du Conseil départemental,
Monsieur le maire de Furiani qui nous accueillez ici, dans votre commune, belle commune, qui a hélas été particulièrement frappée par les intempéries,
Je suis là justement pour vous apporter non seulement des paroles de compassion et de soutien, mais pour vous dire l'engagement de l'Etat pour ce qu'il reste à faire : la réparation, la compensation, l'indemnisation.
Avant, je veux aussi saluer toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés dans ces deux journées particulièrement cruciales, je parle notamment du 24 novembre dernier, où de graves intempéries ont soudainement frappé la Haute-Corse.
Si on réfléchit, au-delà même de ce qui s'est produit ici, c'est la façon dont une société réagit aux événements exceptionnels qui la meurtrissent que l'on peut mesurer les liens de solidarité entre ses membres.
Comme Président de la République j'ai pu, face à des épreuves, relever l'état d'esprit de notre pays et l'unité qui peut surgir quand nous sommes attaqués ou frappés soit par des attentats -et nous en avons connu- soit par des catastrophes naturelles, vous en avez vécu.
Vous avez vécu d'abord des pluies diluviennes auxquelles se sont ajoutés des vents qui ont empêché l'écoulement des eaux dans la mer et donc provoqué de nombreux débordements.
Je mesure ce qu'ont vécu les habitants de toutes les communes touchées par les précipitations. Certains ont vu disparaître en quelques minutes le fruit du travail de toute leur vie, d'autres ont frôlé la mort.
Grâce à la diligence des secours, aucun décès n'a été à déplorer. Je rends donc hommage solennellement aujourd'hui à l'efficacité et au courage de tous les services qui se sont mobilisés : je pense aux sapeurs-pompiers du département, à leurs camarades du sud de l'île, aux sapeurs, sauveteurs et pilotes d'hélicoptère de la Sécurité civile, aux policiers, aux gendarmes qui ont tous effectué un travail admirable.
La solidarité a été aussi nationale puisqu'ont été mobilisés la Sécurité civile de Brignoles, dans le Var, le détachement des pompiers du SDIS des Bouches-du-Rhône et le bataillon des marins-pompiers de Marseille.
Cette solidarité nationale s'est déployée sous l'autorité des préfets, avec le concours de l'ensemble des services de l'Etat dans le cadre d'une cellule de crise qui a fonctionné durant tout le déroulement de ce grave épisode climatique.
Alors vous avez fait plus que votre devoir pendant ces heures dramatiques et vous pouvez être fiers de ce que vous avez évité et accompli. Toute la Corse ici représentée vous remercie et la France, par ma présence, vous exprime également sa reconnaissance.
Je veux aussi dire que les élus ont été particulièrement remarquables : les maires qui, avec parfois très peu de moyens ont été présents auprès de leurs administrés. Pour avoir moi-même été maire, président de Conseil départemental et avoir aussi eu des intempéries dans le territoire dont j'avais la charge, je sais à la fois la détresse qui saisit nos concitoyens quand ils sont ainsi touchés par les événements de la vie, mais aussi leur impatience, leur colère, leur incompréhension.
Ce sont les élus qui sont en première ligne quand il faut faire face à ces alertes, à ces avertissements, à ces marques de découragement. Je veux les féliciter aujourd'hui. Ils se sont également mobilisés pour accompagner toutes les personnes qui ont été touchées pour appréhender le mieux possible les conséquences de la catastrophe.
Ensuite, le Conseil départemental est intervenu pour rétablir la circulation sur les routes partout où la circulation avait été coupée. Il y a quelques minutes, j'étais moi-même avec le président ORLANDI sur la route entre Farinole et Nonza. J'ai vu le pont mobile que le Conseil départemental a pu installer, un pont Bailey qui n'a rien à voir avec le ministre, même s'il aurait pu le financer, mais tout à voir avec le génie qui a été celui à un moment de nos armées pour justement permettre le franchissement. Aujourd'hui, ce sont des entreprises qui utilisent cette technique qui a permis, qui permet aujourd'hui en urgence de rétablir la circulation.
Sans ce déploiement du Conseil départemental, le nord du Cap Corse aurait été coupé du reste de l'île. Je sais aussi combien les élus de l'Assemblée territoriale se sont également impliqués.
J'ai été enfin impressionné par un mot, une valeur que l'on oublie souvent qui s'appelle la fraternité et qui s'est manifestée spontanément là aussi en faveur des sinistrés. En quelques heures à peine, il y a eu des offres d'hébergement qui ont été proposées sur les réseaux sociaux, les associations ont également prodigué leurs secours et il y a eu de nombreux dons de première nécessité qui ont pu être là-encore distribués grâce à des bénévoles.
La France est ainsi faite. Elle est composée d'individus qui veulent le plus souvent ne pas toujours considérer que leur intérêt privé pourrait rencontrer l'intérêt général. Puis lorsqu'il se passe une crise, une catastrophe, alors les mêmes comprennent qu'ils appartiennent à un ensemble, qu'ils ont une identité et qu'il n'y a pas de nation, il n'y a pas de peuple qui puisse vivre sans solidarité. Il ne s'agit pas simplement de mécanismes de redistribution des soutiens publics, il s'agit de ce que l'on peut faire soi-même pour rendre service aux autres, pour être utile.
J'ai voulu, de ce point de vue, que l'on puisse développer le service civique justement pour faire appel à cette fraternité et à cet engagement. En Corse, ces mots-là ont un sens parce que c'est l'identité même de la Corse que d'avoir de la générosité et la conscience qu'il y a un intérêt plus grand qui dépasse notre propre sort pour nous obliger à nous mettre au service de la collectivité.
Aujourd'hui alors que la crise est passée, l'enjeu, c'est d'indemniser et de réparer. Alors, au-delà des aides qui ont pu être apportées dans l'urgence, le ministre de l'Intérieur a déclenché la procédure « catastrophe naturelle » en mode accéléré. Dans l'administration, en mode accéléré, c'est déjà lent. Donc il a fallu faire très accéléré et c'est ce qui s'est produit : en un mois, les dossiers ont été transmis à la commission interministérielle : près de 100 communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle avant la fin de l'année 2016.
Là aussi, quand j'entends des critiques sur l'administration, sur les fonctionnaires, je me dis qu'heureusement que nous avons un Etat, une administration, des fonctionnaires pour traiter ces sujets et pour permettre qu'il puisse y avoir une action réparatrice.
Quel est l'effet de la reconnaissance de la catastrophe naturelle ? C'est que maintenant, les habitants pourront solliciter le remboursement des biens abîmés. Les assurances ont estimé que près de 80 millions d'euros de dégâts pouvaient donner lieu à indemnisation. Nous mesurons donc bien l'enjeu financier.
Plusieurs centaines d'entreprises ont été gravement touchées, notamment ici, à Furiani, où il y a de grandes zones d'activité et notamment des centres commerciaux. 55 entreprises ont demandé à bénéficier du dispositif d'activité partielle ou de chômage partiel comme on veut et grâce à, là encore, la diligence des services de l'Etat et je veux les en remercier 500 emplois ont pu être sauvés.
Mais il y a eu aussi la mobilisation de la Chambre de commerce et d'industrie qui a déployé des aides spécifiques, de l'URSSAF, du RSI pour les indépendants, de la MSA. Il y a eu de nombreux reports de cotisations. Dans les tout prochains jours, plus de 500 000 euros d'aide exceptionnelle vont être débloqués pour faciliter la reprise d'activité des entreprises qui ont subi des dommages.
Les exploitants agricoles ont été également particulièrement touchés et ont subi des dégâts significatifs : ils ont déclaré 11 millions d'euros de préjudice. Là encore, la procédure de calamité agricole a été lancée et les indemnisations vont pouvoir démarrer.
Il y a les entreprises, il y a les particuliers, il y a les agriculteurs, et puis il y a aussi les collectivités locales qui ont également subi des dégâts : captage d'eau, routes, ouvrages ont été abîmés, sans oublier ce qu'il a fallu faire pour nettoyer et pour déblayer.
L'Etat va mobiliser le Fonds d'indemnisation des collectivités pour les calamités publiques. Le Ministre va regarder particulièrement ce dossier £ 68 communes ont pu déposer là encore une requête pour un montant total de dégâts de 21 millions d'euros. Dans ces cas-là, on envoie une mission interministérielle avec des inspecteurs. Là aussi, cela peut prendre du temps. Or, nous n'avons pas de temps à perdre. C'est pourquoi cette mission, dans un délai très court quelques jours va non seulement estimer le montant des indemnisations, mais permettre un déblocage très rapide des aides pour les collectivités.
Généralement, les taux de remboursement sont de 30 %. Mais en raison du caractère exceptionnel de l'épisode climatique du 24 novembre, j'ai décidé que ce taux serait doublé à 60 % du montant des dégâts, et même porté à 80 % pour les collectivités les plus touchées, notamment les plus petites communes. Au total, c'est une somme qui va pouvoir s'élever à 10 millions d'euros pour appuyer les efforts des collectivités locales concernées.
A cette somme, j'ai décidé d'ajouter une enveloppe exceptionnelle de deux millions d'euros pour le territoire : 1,5 million pour la Haute-Corse, 500.000 euros pour la Corse-du-Sud, au bénéfice des deux conseils départementaux, mais également pour les communes et les intercommunalités qui devront consacrer de gros travaux. Voilà ce qui s'appelle la solidarité nationale. Comme vous avez vécu une catastrophe exceptionnelle, cette solidarité est exceptionnelle. Comme vous êtes une île exceptionnelle, il y a aussi des subventions exceptionnelles.
Je veux aussi ajouter qu'il y a une dotation d'équipement des territoires ruraux qui, en Corse, a fortement augmenté. Là encore, une part significative de cette dotation sera réservée aux travaux de remise en état de la voirie.
Mais vous allez me dire « indemniser, réparer, compenser, c'est bien £ mais est-ce qu'il ne serait pas mieux d'éviter ce type de catastrophe ? » Il faut d'abord que l'on puisse s'engager dans la lutte contre les désordres climatiques, et préserver l'environnement. C'est ce que la France a fait en accueillant à Paris la Conférence sur le climat, c'était en novembre 2015. Nous agissons tous les jours, conformément à nos engagements, autant qu'il est possible dans toutes nos décisions publiques, de l'État mais également des régions, des territoires, pour que nous puissions être cohérents avec les engagements que nous avons pris.
Mais il faudra du temps pour que nous puissions réduire le réchauffement climatique. En attendant, il faut avoir une capacité d'adaptation, et d'anticipation. Pour cela, un nouveau radar sera installé pour Météo France à Ajaccio afin de mieux prévoir les phénomènes climatiques sur la Corse, parce que la Corse a été plusieurs fois touchée ces derniers mois par des catastrophes climatiques. Ce nouvel équipement sera opérationnel dès cette année 2017.
Je veux également souligner le rôle que les communes, les intercommunalités doivent jouer pour entretenir régulièrement les cours d'eau, parce que c'est une responsabilité que de le faire. Puis il y a ce que nous devons mener à bien pour préserver nos sites et pour avoir une gouvernance de ces sites exceptionnels. En juillet 2016, le Parc naturel marin du cap Corse et de l'Agriate a été créé. Son premier conseil de gestion s'est tenu en décembre dernier. Gilles SIMEONI en a été élu président. Je me félicite de ce lancement qui est le résultat d'un travail harmonieux entre l'État, l'Assemblée de Corse, le Conseil exécutif £ maintenant nous devons donner tous les moyens à ce Parc.
De la même manière, une demande a été faite pour faire bénéficier le site de la Conca d'Oro, vignobles de Patrimonio, Golfe de Saint-Florent, du label « grand site de France ». Le résultat de cette démarche sera connu dans quelques jours, mais nous la soutenons car il y a là une exemplarité qui associe culture, environnement, tourisme et vignobles, et qui réunit toutes les parties prenantes pour une même ambition.
Et puis, il y a aussi ce que nous devons faire à travers les projets d'équipement que la Collectivité territoriale va présenter dans le cadre du contrat de plan et aussi tout ce que nous devons engager ensemble pour mener à bien cette préservation de « l'île Montagne », pour que vous puissiez avoir un cadre préservé, et en même temps, mener à bien vos activités.
Mesdames, Messieurs,
Je venais ici à Furiani faire le bilan de l'action de l'État, mais aussi des activités locales, des acteurs publics, acteurs privés de l'île après les intempéries de l'automne £ mais au-delà de ce bilan que je voulais tracer, de cette indemnisation que je voulais assurer, de ces compensations, c'est toute la Corse que je suis venu ici saluer.
La Corse des services publics, dont les agents se sont mobilisés à la hauteur de l'urgence £ la Corse des entrepreneurs et de tous les agriculteurs qui participent au dynamisme de l'île et qui contribuent à sa vitalité, la Corse de celles et ceux qui entretiennent la Nature, qui préservent la biodiversité £ la Corse des élus qui se battent pour leur territoire.
Les Corses ont le cur brisé lorsqu'ils voient leur île ravagée par les éléments, ou souillée par une exploitation incontrôlée de la ressource. Mais les Corses se mettent toujours debout pour faire face aux conséquences de catastrophes ou d'événements, et démontrent une fois encore leur générosité. Ce qu'a fait le peuple corse est une leçon pour tous les peuples qui font face aux épreuves, et il y en a beaucoup, oui, qui doivent trouver le courage nécessaire pour surmonter tout ce qui peut, à un moment, nous cibler, nous attaquer ou nous agresser £ parce que nous avons le devoir, toujours, de nos mettre debout et c'est ce que vous avez ici démontré, vous avez été exemplaires. Il y a eu une mobilisation exceptionnelle, il y a une solidarité de tous, et l'État y a pris sa part. C'est pour cette Corse-là, pour la Corse qui est attentive à l'avenir et qui est soucieuse du présent que je suis venu ici à Furiani pour vous dire ma gratitude.
Vive la Corse ! Vive la République ! Vive la France !