21 janvier 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le partenariat franco-chilien, à Santiago du Chili le 21 janvier 2017.

Mes chers compatriotes,
Je suis heureux de vous retrouver ici à Santiago, vous, la communauté française présente au Chili £ vous êtes l'une des plus importantes en Amérique latine £ il y aurait 12.000 inscrits et sans doute davantage £ tous n'ont pas pu venir mais le cur y était sûrement. Je salue aussi ici les amis de la France qui vivent au Chili. Nous sommes dans la résidence de France £ c'est un lieu plein de symboles puisqu'après le coup d'Etat contre Salvador ALLENDE le 11 septembre 1973, des Chiliens qui craignaient pour leur vie, étaient venus ici chercher refuge et l'ambassade de France avait ouvert ses portes autant qu'il était possible. Et les Chiliens s'en souviennent. De même qu'ils se rappellent de ce qu'a été l'attitude de la France quand exilés, beaucoup ont choisi notre pays pour attendre le retour de la démocratie. Ils ont enrichi la France £ beaucoup y ont apporté leur talent, leur travail, leur culture et nous avons été transformés par les Chiliens venus en France.
J'ai tenu à me rendre moi-même avec la présidente Michelle BACHELET, au musée de la Mémoire de Santiago £ c'est un moment très éprouvant et émouvant à la fois £ tous ces témoignages sur les tortures, les massacres et puis ces visages qui sont sur le mur £ il y avait d'ailleurs parmi ces victimes le visage du père de Michelle BACHELET. Et nous avons conscience de ce que le Chili a du traverser comme épreuves pour arriver jusque-là. Ce musée de la Mémoire est à la fois fait pour connaître la vérité, pour la transmettre aux générations qui viennent et aussi pour faire acte d'apaisement car il n'y a pas d'autre façon de progresser que de connaître sa propre histoire et de pouvoir ensuite se tourner vers l'avenir.
Je voulais venir ici, au Chili. J'avais promis à Michelle BACHELET qui elle-même depuis 2012 a été en visite deux fois en France et je voulais le faire pour montrer l'ampleur de la coopération entre la France et le Chili et l'intensité de l'amitié que vous représentez ici entre nos deux pays. C'est vrai qu'entre la France et l'Amérique latine, il y a une longue histoire et entre le Chili et la France. Il nous rappelle toujours que les Lumières venues de France ont éclairé l'émancipation et l'indépendance des Libertadores. Il nous rappelle aussi et c'était vrai ce matin lorsque j'étais avec les scientifiques et les universitaires, il nous rappelle qu'Auguste COMTE, le positivisme, était une philosophie qui a beaucoup compté en Amérique latine et qui d'une certaine façon se perpétue avec, j'y reviendrai, une coopération scientifique et universitaire de très haut niveau.
Alors je suis venu avec une délégation importante : des ministres au premier rang desquels Marisol TOURAINE qui a des racines ici au Chili et qui a pu d'ailleurs mener, je ne sais si c'est grâce à cette culture familiale, mais une relation très étroite pour la santé entre nos deux pays £ Matthias FEKL qui est chargé du Commerce extérieur mais aussi des Français de l'étranger, donc il est partout dans le monde chez lui £ et ici il y a une relation économique importante. Puis il y a des parlementaires, des présidents de groupes d'amitié, le député de la circonscription ici £ il y a également des chefs d'entreprise puisque beaucoup d'entreprises sont présentes ici au Chili, plus de 230 et vous êtes sans doute une bonne part à être salariés de ces entreprises £ il y a, je l'ai dit, des universitaires, des scientifiques parce que nous avons voulu que Madame BACHELET et moi-même, faire que cette visite puisse être tournée vers l'innovation, vers la connaissance, vers l'éducation vers la transmission.
Je reviens sur les liens entre l'Amérique latine et la France parce qu'il y a eu cette histoire et puis il y a des présidents de la République qui sont venus ici en Amérique latine £ le voyage le plus important a été effectué par le général de Gaulle en 1964. 52 ans après, il y en a qui s'en souviennent. Il était parti un mois ! Chaque fois que je rappelle cette durée, je suscite l'étonnement, peut-être parfois même le ravissement en se disant « un mois sans Président de la République ! » mais il était revenu quand même et cela avait été un voyage très important parce qu'il voulait montrer que la France était aux côtés d'une Amérique latine qui cherchait son chemin, qui connaissait à l'époque beaucoup de dictatures que les peuples voulaient renverser et voulaient trouver en la France un exemple, un partenaire. Puis ensuite, bien plus tard, François MITTERRAND est venu en Amérique latine et Jacques CHIRAC ensuite au Chili en 2006. Cela faisait donc dix ans qu'il n'y avait pas eu de président de la République française ici au Chili. Il était temps donc que j'arrive, à tous égards.
Ensuite, il y a cette volonté qui nous est commune d'avoir un partenariat qui puisse être exceptionnel. On le dit souvent quand on visite un pays, mais c'est vrai pour le Chili £ d'abord il y a l'histoire que j'évoquais, les liens, la démocratie, la culture, la langue même si ici le français doit être promu mais j'y reviendrai aussi. Et puis il y a le partenariat économique car le Chili est devenu non seulement une grande démocratie mais un pays très dynamique sur le plan économique et ouvert à la région, à l'Amérique latine et au monde et la France, les entreprises françaises y ont trouvé leur place et qu'aujourd'hui, donc plus de 230 sont installées ici. Nous avons des échanges importants, notamment dans les infrastructures -ports, aéroports- et aussi dans les aménagements urbains et nous avons également une coopération en matière d'énergie, notamment d'énergies renouvelables. Et demain, j'irai visiter la centrale solaire dans un désert où il fait encore plus chaud qu'ici et où justement le solaire peut être une réponse à l'avenir énergétique du Chili, à la condition que les technologies soient partagées. Et c'est ce que nous faisons. Nous avons cette conception peut-être différente d'autres pays, de vouloir qu'il y ait des relations qui puissent intéresser les entreprises locales, en l'occurrence ici chiliennes, et les entreprises françaises pour l'accès aux technologies. Et ce développement économique, nous pouvons encore l'amplifier parce qu'il y a des secteurs nouveaux qui apparaissent et notamment j'évoquais la question de l'urbanisation, de la ville durable, de ce qui peut être l'environnement et là nous avons beaucoup d'entreprises qui y contribuent.
Ensuite, il y a un deuxième partenariat qui est exceptionnel, qui est celui que j'évoquais en matière universitaire et scientifique. Tout à l'heure, les scientifiques m'ont présenté un tableau, bien sûr sur écran informatique, où l'on voyait tous les liens qui existent entre les établissements scientifiques français, les établissements scientifiques chiliens, les universités françaises, les universités chiliennes et c'est vrai que cela faisait presque un nuage très dense de relations, un réseau très étroit : 500 accords entre les universités françaises et les universités chiliennes, mille publications scientifiques communes, des accords entre établissements scientifiques -de nombreux chercheurs sont ici présents et je veux les saluer- parce que le Chili d'une certaine façon, nous nous offre un terrain d'observation exceptionnel. A tel point que nous essayons de les convaincre de participer à un satellite qui pourrait encore davantage observer ce qu'est la planète et nous avons d'ailleurs, le Chili et la France, la même conception de la préservation de la planète, d'où le rôle qu'a joué le Chili avec la France, pour la réussite de l'accord de Paris qu'il faut maintenant traduire en actes et c'est ce que nous faisons, y compris à travers cette coopération scientifique.
Il y a aussi un domaine, je l'évoquais, la santé, où nous avons pu là-aussi, constater que l'innovation y avait toute sa place puisqu'une start-up a été capable de développer la télémédecine ici, dans la région et c'est, je crois, une très bonne expérience qui peut nous servir également en France. Les start-up, c'est aussi ce que nous voulons conjuguer au Chili comme en France, d'où l'année de l'innovation qui va tout à fait correspondre à ces intentions.
Il y a également une volonté d'avoir sur nos systèmes éducatifs autant d'échanges que possible -je sais que Madame BACHELET a mené des réformes courageuses en matière d'éducation- d'ailleurs, quand on dit des réformes pour l'éducation, elles sont forcément courageuses parce qu'il faut vaincre bien sûr un certain nombre de résistances, de conservatismes et ici, il y en a eu £ en France, ce ne serait pas possible de concevoir dans ce domaine quelques conservatismes ou quelques résistances mais je sais ce que c'est que de vouloir permettre l'accès à l'enseignement supérieur, de faire qu'il y ait des réformes de l'éducation et donc nous avons voulu transmettre notre expérience, former, former les chefs d'établissement, former les enseignants, former aussi pour les établissements professionnels, pour permettre à nos entreprises justement de disposer de savoir-faire et de main-d'uvre ici au Chili.
Alors il y a la langue française, il y a la culture française, il y a les établissements français £ je veux aussi saluer les enseignants, qui sont ici et qui travaillent dans les établissements £ il y a aussi le réseau des Alliances françaises -et là-encore je veux les saluer parce que c'est ce qui contribue à diffuser non seulement la langue mais la culture- et puis il y a aussi tout ce qui est fait par l'Institut français pour que notre langue, la langue française, puisse être mise à la disposition des Chiliens.
Je veux enfin parler de la culture car j'ai voulu que nous puissions emmener des artistes français ici au Chili mais il y a déjà des artistes français présents au Chili et qui dirigent deux grands établissements, un pour le ballet et l'autre pour le théâtre, donc c'est très important que nous soyons ici représentés £ il y a beaucoup d'artistes chiliens qui eux aussi viennent en France et nous voulons là-encore mettre en place un partenariat d'excellence parce que la culture nous lie.
Voilà ce que je voulais vous dire, vous, communauté française, je le disais, composée de représentants des entreprises, de chercheurs, d'universitaires, également d'enseignants, de fonctionnaires car il y a aussi des fonctionnaires à l'étranger et qui doivent jouer leur rôle £ le réseau consulaire important, l'ambassade, les militaires qui sont ici et qui peuvent également participer à la sécurité du pays comme à la nôtre. Donc il y a toute cette présence ici française et qui contribue à l'amitié entre nos deux pays.
Nous avons, je l'évoquais, des valeurs et des principes en commun : la démocratie, la liberté, l'ouverture au monde et nous essayons de faire prévaloir ces principes-là partout où c'est possible. Le Chili joue son rôle £ par exemple, le Chili a participé à des opérations de maintien de la paix en République centrafricaine avec nous £ cela n'allait pas de soi pour le Chili d'aller aussi loin sur une terre qui leur était inconnue à ces amis chiliens. Ils l'ont fait. Ils sont présents également en Haïti, pays qui connaît des catastrophes. Et puis nos amis chiliens jouent aussi un rôle très important pour le processus de paix en Colombie, Colombie où je serai demain soir. La France accompagne également la Colombie vers la réconciliation mais le Chili joue un rôle avec d'autres très important.
Le Chili cherche aussi à apaiser la situation au Venezuela, donc nous devons être aux côtés du Chili. Nous avons également des valeurs communes £ nous considérons que le monde doit être ouvert, que s'il doit être régulé, maitrisé, s'il doit y avoir des normes qui doivent être fixées, environnementales, sociales, nous devons aussi garder le monde ouvert. Le protectionnisme est la pire des réponses parce que c'est finalement la restriction des échanges, la peur de tout ce qui vient de l'extérieur, la fausse sauvegarde des emplois et donc nous devons aujourd'hui que cette menace existe, qu'elle est prononcée, qu'elle est proférée, nous devons développer cette vision du monde parce que nous n'avons pas le droit d'avoir peur £ nous devons être présents dans le monde pour justifier qu'il puisse être ouvert à tous et notamment aux pays émergents comme ici, le Chili.
Nous devons aussi lutter contre le populisme qui peut même parfois s'emparer de l'Etat et qui là-encore, laisse penser qu'il n'y aurait des solutions que dans l'enfermement, le repli et le doute ou la peur £ et avec le Chili, nous devons faire en sorte que nos principes de démocratie, nos principes d'ouverture, nos principes de liberté soient partagés. C'est une lutte, c'est un combat £ il ne faut jamais penser qu'il n'y a pas de nécessité d'intervention humaine, collective, que nous devrions être spectateurs. La France ne peut pas être un pays spectateur. Il ne peut pas non plus être un pays qui puisse être lui aussi tenté par le repli, par la peur, par cette idée que nous devrions renoncer à ce que nous sommes pour être protégés parce que ce serait finalement la première renonciation, le premier abandon de notre liberté. Et la France est toujours regardée, toujours observée et elle donne parfois l'exemple, nous souhaitons qu'il soit le bon mais c'est notre responsabilité.
La France aussi est un pays solidaire, solidaire de tous ceux qui peuvent à un moment être dans l'épreuve -nous l'avons été, dans l'épreuve, quand nous avons été frappés par le terrorisme- les Chiliens, beaucoup de peuples ont été les premiers à manifester parce qu'ils savaient que quand on voulait viser la France, on visait la liberté, la démocratie, la culture, un mode de vie. Alors quand le Chili est là-encore dans l'épreuve avec ces incendies -je salue ici les sapeurs-pompiers qui vont jouer l'hymne national, les deux hymnes nationaux oui, la France sera tout à fait disponible à toutes les demandes que le Chili pourra lui adresser pour lutter contre ces incendies.
Voilà Mesdames et Messieurs, pourquoi je voulais être là, pour rappeler l'Histoire sans doute, sûrement, parce qu'elle nous unit £ pour montrer la force du lien entre la France et le Chili, saluer tout ce que vous pouvez faire pour contribuer à le rendre encore plus humain, plus intense, plus fort mais également rappeler les valeurs, les valeurs de la République française parce qu'ici, les valeurs de la République française, elles trouvent un large écho et sont partagées.
Alors Mesdames et Messieurs, soyez fiers d'être citoyens français. Merci.