14 janvier 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations franco-africaines et sur la situation au Mali, à Bamako le 14 janvier 2017.


LE PRESIDENT : D'abord je veux remercier le président malien pour le succès de ce sommet. Je l'ai plusieurs fois exprimé : c'était un défi pour le Mali, quand la responsabilité lui a été confiée, il y a maintenant trois ans, d'organiser cet événement. C'était pour lui une épreuve qui s'ajoutait à d'autres et c'était aussi une façon de montrer que le Mali était sorti de la crise qu'il avait connue et avait toutes les capacités pour mener à bien l'accueil d'une manifestation considérable puisqu'ici il y avait plus de 50 pays représentés, et de nombreux chefs d'Etat et de gouvernement. Sur le plan de la sécurité, sur le plan de la logistique, sur le plan de la préparation politique, le Mali a été une nouvelle fois à la hauteur de l'espoir que l'on avait mis en lui.
Le sommet a été consacré à deux sujets principaux : d'abord la sécurité du continent africain et ensuite le développement, l'émergence de ce continent d'avenir, l'Afrique. Sur la sécurité : la prise de conscience est maintenant globale. Il n'y a pas de région qui soit plus que d'autres menacée par les trafics, l'insécurité ou le terrorisme £ quand une l'est en particulier, les autres peuvent craindre de l'être à leur tour. C'est donc un plan global qui a été adopté, qui à la fois met chaque pays africain devant sa responsabilité pour constituer la réponse appropriée, et donne à l'Union africaine les capacités nécessaires pour constituer les forces régionales susceptibles de répondre aux défis. Enfin, la France a confirmé son soutien en termes de formation, en termes d'équipements, en termes d'accompagnement de l'Afrique pour assurer par elle-même sa sécurité.
Nous avons aussi évoqué des situations qui nous interpellent, qui nous alertent, notamment la Libye. Nous souhaitons qu'il puisse y avoir une solution politique avec le gouvernement SARRAJ et avec l'armée nationale libyenne pour que l'on puisse à la fois préserver l'intégrité de la Libye mais aussi rétablir l'autorité de l'Etat. C'est la condition indispensable pour limiter les trafics, éviter qu'ils ne conduisent des personnes à risquer leur propre vie, à travers des migrations.
Puis nous avons évoqué le second sujet qui est celui du développement et de l'émergence. L'Afrique est un continent qui connaît une forte croissance mais qui en même temps doit être accompagné, appuyé, pour ses efforts d'investissements. Il y a eu plusieurs décisions : la première, c'est d'utiliser les résultats de la COP 21, notamment les fonds qui ont été prévus pour la transition énergétique et pour le plan sur les énergies renouvelables. Il était tout à fait crucial que soit présents également à ce sommet le représentant de l'Union européenne : le commissaire chargé du Développement et le président de la Banque africaine de développement. Plusieurs projets ont pu être présentés pour être financés.
La France a voulu montrer l'exemple en augmentant encore la participation qui avait été annoncée lors de la conférence de Paris. Plus globalement, 23 milliards d'euros seront mobilisés par l'Agence française de développement pour l'émergence africaine. Je viens, avec le président KEÏTA, de parrainer si je puis dire, le fonds franco-africain qui doit mobiliser des capitaux privés pour des investissements en Afrique.
Nous avons aussi insisté sur le numérique parce que les technologies peuvent être un levier considérable de croissance en Afrique. Enfin, nous avons évoqué des situations particulières et notamment, ce qui se passe en Gambie. Il y a eu des élections qui ont été considérées comme crédibles, transparentes £ donc le résultat des élections doit être respecté. Vous avez vu que le président élu a été accueilli à l'occasion de ce sommet et tout doit être fait pour que le 19 janvier, il puisse entrer effectivement dans ses fonctions. La CEDEAO a voulu se réunir parallèlement à ce sommet pour aboutir à ce résultat.
Voilà, Mesdames et Messieurs, je veux terminer sur une note plus personnelle puisque c'était pour ce qui me concerne le dernier sommet. En fait je n'en ai connu que deux, en 2013 et en 2017. Donc il y avait là pour moi la nécessité de confirmer l'engagement qui avait été le mien en 2013 à l'égard de l'Afrique, non seulement sur le plan de la sécurité mais aussi sur la question du développement de la croissance et de la place de la France en Afrique. Les propos qui ont été tenus tout au long de ce sommet, d'abord par le président KEÏTA mais ensuite par les chefs d'Etat et de gouvernement, ont été adressés à l'égard de la France pour montrer quelle était sa place, sa responsabilité, son rôle et l'attachement que l'Afrique lui portait dès lors que la France respecte des principes, porte des idéaux, et est en capacité de respecter ses promesses.
Je dois dire que j'ai pour l'Afrique des sentiments qui sont intenses parce que je rappelle l'Histoire et que je convoque l'avenir. L'Afrique, c'est à la fois ce continent avec lequel nous sommes liés, la France, y compris dans le tumulte de ce qu'a été notre présence ici, mais nous sommes conscients que l'Afrique est également notre avenir - je l'ai évoqué dans le discours que j'ai fait -, notre avenir est le leur et l'avenir de l'Afrique est le nôtre. Si l'Afrique connaît de l'instabilité, de l'insécurité, nous en aurons un certain nombre de conséquences. Si au contraire, ce que nous nous efforçons de faire, l'Afrique connaît un développement, une émergence, une croissance, une stabilité et la démocratie, alors la France, l'Europe pourront avec ce continent connaître un développement et une croissance qui sera durable. C'est pourquoi j'étais tout à fait heureux et fier de participer à ce sommet ici au Mali, à Bamako, là où j'étais venu en 2013 pour dire que c'était un jour très important. Et bien c'est un autre jour très important qui vient aujourd'hui d'avoir lieu, grâce à toi Ibrahim, ici à Bamako.
Journaliste : Ma question s'adresse au président HOLLANDE. Hier vous avez dit à Gao et vous l'avez répété aujourd'hui, que le Mali a recouvré la totalité de son intégrité territoriale et Kidal. Depuis des années, certaines régions maliennes échappent au contrôle du pouvoir central £ les Maliens vous regardent et vous écoutent £ qu'est-ce que vous pouvez leur dire aujourd'hui concrètement ?
LE PRESIDENT : Je leur dis ce que j'ai toujours dit, c'est-à-dire que le Mali doit avoir l'intégrité de tout son territoire et l'autorité de l'Etat doit s'exercer sur l'ensemble du Mali. Les accords d'Alger doivent être mis en uvre pour assurer l'effectivité de cette autorité et c'est ce que nous faisons en commençant par la politique - c'est ce qui s'est produit avec les accords d'Alger - puis nous le faisons aussi sur le plan de la sécurité puisque des patrouilles mixtes doivent maintenant se déployer et permettre justement que le drapeau malien puisse flotter à Kidal.
Journaliste : Ma question s'adresse à vous, monsieur HOLLANDE. Monsieur le Président, ce matin dans votre discours, vous avez évoqué vos 32 visites officielles en Afrique depuis 2012 et vous avez eu cette phrase : « je ressens un goût d'inachevé qui aurait pu justifier d'autres prétentions ». Est-ce à dire Monsieur le Président, que vous regrettez votre décision de ne pas vous représenter ?
LE PRESIDENT : Non, je regrette de ne pas avoir visité tous les pays africains ! C'était le sens de cette réflexion qui était aussi un regret parce que j'aurais souhaité visiter tous les pays africains. J'ai reçu dans ces 32 visites un accueil qui a été remarquable, chaleureux, affectueux, sincère et comme l'a dit le président malien, aussi bien de pays qui étaient ce qu'on appelle dans la francophonie que d'autres qui représentent toutes les diversités du continent africain. Mais si vous voulez élargir le propos - et je sens bien quel est votre commentaire pour rester sur l'observation qui a été faite - le devoir peut être accompli mais rien n'est jamais achevé £ c'est le sens même de l'action humaine. Il faut toujours qu'il y ait d'autres défis, d'autres engagements et d'autres objectifs parce que nous n'en avons jamais terminé £ c'est le sens aussi de ce que je voulais dire ce matin.
Journaliste : Bonsoir Messieurs les présidents. Ma question est relative à l'immigration, elle s'adresse aussi aux deux présidents. Je voudrais savoir, beaucoup de nos compatriotes vivent en France là-bas ils sont en souffrance. Avant votre départ, Monsieur le président, qu'est-ce que vous allez faire comme solution pour au moins alléger leurs douleurs aujourd'hui ou leurs souffrances ? Monsieur le président ?
LE PRESIDENT : Pourquoi la France s'engage autant pour la sécurité et pour le développement en Afrique ? C'est d'abord par solidarité, et c'est aussi en fonction de nos intérêts économiques, culturels, humains, pour que les sources de l'immigration soient taries parce que ce n'est pas un projet d'avenir pour le Mali, comme pour d'autres pays africains, que de dire à sa jeunesse que c'est ailleurs qu'elle peut réussir sa vie et son destin. Donc nous devons travailler pour lutter contre l'immigration ici, et sur le continent européen parce que c'est ce que les trafiquants pourraient vouloir - je rappelle que ces trafiquants aussi alimentent le terrorisme.
Nous devons être fermes sur ces objectifs et en même temps, si générosité il doit y avoir - mais je ne pense pas que ce soit le mot qui simplement convienne si générosité il doit y avoir, c'est dans les actions pour le développement de l'Afrique, pour sa croissance, pour l'éducation des jeunes et pour la santé, pour qu'il puisse y avoir aussi une vie décente, pour l'alimentation, pour lutter contre le réchauffement climatique. Voilà ce que nous devons faire.
Quant aux situations humaines dont vous parlez, les Maliens qui sont en France et qui peuvent y être venus de manière irrégulière, je n'ai pas l'impression qu'ils veulent retourner au Mali. Donc ne laissons pas penser que la France les maltraiterait. La France applique ses lois parce que ce sont les lois que le peuple français - qui est attaché aux libertés mais aussi à des règles de vie - a décidées.
Je rappelle aussi qu'en termes d'accueil d'étudiants africains, de règles aussi en matière de visas, depuis 2012, il y a eu des changements importants qui sont intervenus.
Journaliste : Monsieur le président, Monsieur HOLLANDE, d'abord, le ministère français de la Défense aujourd'hui a indiqué qu'une enquête avait été ouverte sur la mort d'un jeune Malien lors d'une opération de Barkhane dans le Nord de ce pays. Le ministère parlait jusqu'à présent d'un membre d'un groupe terroriste. Est-ce qu'il y a eu volonté de minimiser ? Est-ce que cette affaire peut porter une ombre sur ce Sommet ?
Et deuxième question, bien au-delà de cette affaire, est-ce que les forces françaises sont ici, compte tenu de la situation sécuritaire et du lourd tribut que payent les forces françaises et maliennes à la lutte contre les groupes djihadistes ici - est-ce que les forces françaises sont ici pour longtemps ? Et vous, Monsieur KEITA, est-ce que vous pouvez nous dire si vous souhaitez qu'elles restent longtemps au Mali ?
LE PRESIDENT : D'abord sur cette question de savoir si les forces françaises sont ici souhaitées ou pas ?
LE PRESIDENT : Vous comprenez pourquoi j'ai laissé le président malien répondre à cette question parce que les forces françaises sont au Mali depuis janvier 2013 à la demande des autorités maliennes. Elles ne sont pas venues parce que j'en aurais moi-même décidé et que je l'aurais fait sans l'autorisation expresse du gouvernement et du président malien de l'époque et sans le respect du droit international et sans l'accord des pays de l'Union africaine. Nous sommes ici au Mali parce que nous sommes dans une opération internationale. La MINUSMA est là au Mali aussi dans ce cadre et pour répondre à votre question, nous resterons ici au Mali dans le cadre de l'opération « Barkhane » tant que les pays africains - car il n'y a pas que le Mali- en décideront. Notre objectif est de pouvoir former les armées africaines et leur permettre d'assurer la mission qui est la leur, de mettre en sécurité la zone sahélo-saharienne.
Mais ce sera long parce que nous avons en face de nous des groupes terroristes particulièrement armés et déterminés à déstabiliser l'ensemble de la région. C'est pourquoi nous lui avons porté des coups sérieux et que nous allons continuer à le faire toujours en commun. Le plus souvent, nos patrouilles sont mixtes : maliennes et françaises. J'ai ajouté qu'il y aurait même des patrouilles avec les groupes qui ont fait le choix de la paix.
Nous avons aussi à mener des opérations de combat, dans des zones où nos soldats sont confrontés à des risques majeurs. 18 sont morts au Mali et beaucoup ont été blessés, notamment à cause de ces mines qui sont posées sur des chemins qu'empruntent les véhicules de nos armées. Dans le cadre d'une opération de combat du 30 novembre dernier, il y a eu un mineur qui a été tué. Nous sommes toujours confrontés à cette précaution de ne jamais pouvoir porter atteinte à la population civile. C'est une règle que nous fixons et c'est pourquoi le ministre de la Défense a diligenté une enquête le 16 décembre par rapport à cette opération £ nous aurons les résultats de cette enquête à la fin du mois ou au début du mois de février. Mais prenez conscience à la fois de la volonté de la France d'être toujours attentif aux populations civiles. Je l'avais exprimé aussi en Irak, pour l'Irak et pour la Syrie et cela nous distingue d'autres comportements.
Deuxièmement, prenez conscience aussi de la difficulté de la mission qu'exercent nos soldats. Sur la zone en question où cette opération a été menée, il y a eu un soldat français qui est mort peu de temps avant. Voilà ce que j'ai à vous dire, parce que ce nous faisons au Mali, nous ne le faisons pas pour servir le moindre intérêt. Nous n'avons rien à cacher. Nous avons simplement le souci de servir une cause qui est celle de la liberté qui est celle de l'intégrité du territoire malien. L'opération « Barkhane » est plus large que le seul Mali et nous sommes pleinement engagés avec l'ensemble des pays concernés pour extirper le terrorisme de cette région. Nous le faisons aussi avec un grand sens des responsabilités parce que nous ne voulons rien donner à ces terroristes comme prétexte ou comme justification. Alors, nous devons tous être conscients de nos responsabilités. Je suis ici au Mali pour ce Sommet de Bamako qui a été pour la France un moment très important de reconnaissance. Donc je ne laisserai surtout pas mettre la moindre tache sur l'action de la France au Mali.