4 janvier 2017 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur le bilan de son quinquennat, à Paris le 4 janvier 2017.


Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Je suis très sensible aux voeux que vous m'avez adressés. Je vous les présente à mon tour. J'attends du gouvernement qu'il soit pleinement au service de nos Français jusqu'à la fin du mandat qui m'a été confié par le peuple, le 6 mai 2012.
Vous avez une double responsabilité. Vous devez agir pour améliorer la vie de nos concitoyens jusqu'au bout et vous devez aussi promouvoir la politique que nous avons menée depuis 2012 avec les gouvernements de Jean-Marc AYRAULT et de Manuel VALLS.
Aujourd'hui c'est vous, Bernard CAZENEUVE, qui avez cette charge.
Il y a une pensée paresseuse qui prospère depuis longtemps et qui prétend que dans un quinquennat ce sont les premiers jours qui comptent £ que ce qui n'a pas été fait tout de suite ne pourra l'être ensuite £ que la première année décide de tout £ que c'est là que doit intervenir la rupture et que doivent être lancées les réformes audacieuses et après il n'y aurait plus qu'à gérer et attendre que les fruits soient récoltés.
Je n'ai jamais adhéré à cette idée. Je ne crois pas du tout que tout se joue les premiers jours, pas davantage les derniers - j'en conviens. Je conteste cette conception de l'action. Cette posture est en fait un renoncement, comme s'il y avait une peur à l'égard des Français et qu'il faudrait les prendre par surprise pour les contraindre au sacrifice.
Chaque jour d'un mandat compte. Certes il y a des rythmes, des étapes, des périodes. J'avais moi-même annoncé que le quinquennat serait scindé en deux temps. Celui du redressement des comptes, de la compétitivité, de l'effort après celui de la redistribution. S'il n'y avait pas eu les prélèvements supplémentaires que j'assume en début de mandat, nous n'aurions pas pu, dans le concert européen, défendre la position qui était la nôtre pour réorienter la construction européenne. Nous aurions été soumis aux marchés, à la spéculation. Les taux d'intérêt auraient immédiatement flambé. Notre dette aurait été très difficile à maîtriser. Donc j'ai fait ce choix et je l'assume.
De la même façon, quand il est complaisamment avancé que nous aurions tardé à prendre conscience de la dégradation de l'économie française, rien n'est plus faux encore. Nous ne le savions pas à ce point et le rapport Gallois l'a révélé dans toute son ampleur. Mais nous savions que nous héritions d'une situation extrêmement difficile. J'ai eu cette formule il y a quelques mois : « la gauche ne rencontre pas des difficultés en arrivant au pouvoir, elle y accède parce que c'est difficile. » Parce que les autres ont échoué et c'est exactement ce qui s'est produit. Nous avons pris des décisions dès le mois de novembre 2012. Et elles étaient aussi fondées que courageuses. Nous en voyons aujourd'hui les résultats.
Je veux revenir sur cette notion du temps, parce que cinq ans c'est court. Surtout si l'on songe, à la longueur de nos procédures, à la lourdeur de l'élaboration des textes, aux consultations indispensables dans une démocratie £ enfin, au débat nécessaire au plan parlementaire, et je n'oublie pas la phase de l'application et de la mise en oeuvre. Ce qui fait que le délai entre une annonce présidentielle, et sa traduction dans la vie quotidienne des Français, peut dépasser une année voire davantage. Alors le quinquennat exige d'agir du premier au dernier jour, c'est même à la fin qu'il est possible de montrer tout ce qui a été fait face à ceux qui voudront rappeler ce qui ne l'a pas été. D'ailleurs j'attends que l'on me fasse la liste des engagements qui n'auraient pas été tenus.
Ensuite, cinq ans c'est nécessaire pour atteindre les objectifs fixés :
Pour assainir les finances publiques. Finalement, on sera bien en dessous de trois pour cent de déficit par rapport à la richesse nationale en 2017.
Pour rétablir la performance de notre économie et la croissance a mis du temps pour repartir et créer des emplois.
Pour assurer la justice sociale. Vous avez parlé, Monsieur le Premier ministre, de la prime d'activité qui concerne désormais 2,5 M de bénéficiaires. Il nous faut aussi, lorsque des mesures fiscales sont décidées, attendre non seulement le vote de la loi de finances mais que les bénéficiaires, aient concrètement le retour des dispositions que nous avons prises. Je rappelle que depuis 2014, nous baissons continuellement les impôts et que près de 12 M de jeunes ménages ont été concernés.
Il faut du temps aussi pour changer les comportements face au défi écologique.
Il faut du temps pour la refondation de l'école, pour changer les rythmes scolaires pour créer les postes il faut donc ouvrir des concours, former les jeunes enseignants puis ensuite leur permettre d'être là où il y a le plus de besoins. Il faut du temps pour même changer des programmes, réformer le collège. Il faut du temps pour assurer la mise en place du plan numérique pour tous. Oui, il faut de la constance, de la persévérance jusqu'au dernier jour.
L'honneur de servir la République, c'est justement le dernier jour, quand il faut quitter sa responsabilité en étant sûr qu'on n'oublie rien d'essentiel derrière-soi. Aucun dossier, aucune décision, aucun chantier majeur.
Enfin, sur un quinquennat il y a toujours des sujets qui s'invitent, des événements qui surgissent et des urgences qui s'imposent. Chacun pense à la menace terroriste. Je ne l'ignorais pas, en arrivant ici. Souvenez-vous de la campagne présidentielle de 2012 interrompue par les tragédies de Montauban et de Toulouse. Le terrorisme islamiste nous avait déjà déclaré la guerre. Et il nous a frappés à plusieurs reprises. Rappelez-vous, c'était il y a deux ans presque jour pour jour : Charlie, la policière assassinée, l'Hyper Cacher. Nous n'avons cessé de vivre avec elle et il nous a fallu, là encore, prendre nos responsabilités.
Je n'avais pas été élu pour augmenter le budget de la Défense, cher Jean-Yves, tel n'était pas le mandat qui m'avait été confié par les Français. Je n'avais pas été élu non plus pour augmenter à ce point les effectifs des forces de sécurité. J'avais dit simplement mille par an. Nous en aurons créé près de 10 000 durant le quinquennat. Je n'avais pas été élu pour faire adopter pas moins de 3 lois antiterroristes. Je n'avais pas été élu pour proclamer l'état d'urgence. Mais, c'était ma responsabilité comme Chef de l'Etat de répondre à la menace et de protéger notre pays.
J'ai eu à assumer des crises internationales majeures : l'Afrique de l'Ouest l'Irak, la Syrie, la Libye, à me saisir de la question climatique. C'est ici, à Paris, qu'a été conclu un accord historique. Et la loi sur la transition énergétique, et celle sur la biodiversité, sont des textes majeurs.
Nous avons eu aussi à traiter de nombreux sujets industriels. Je ne vais ici en faire l'histoire mais enfin, dès que j'ai mis le premier pied dans ce Palais, une pluie de plans sociaux s'est abattue sur nous, plans sociaux qui avaient été soigneusement repoussés, et que nous avons pris de face. Non pour nous y soumettre mais pour trouver des solutions. En 2012, on parlait de la crise de l'automobile, on évoquait la faiblesse du plan de charges des Chantiers de Saint Nazaire, la sidérurgie était en difficulté. Et aujourd'hui, ces entreprises sont redevenues des fleurons. C'est avec le même esprit de responsabilité et de vigilance que nous traitons les enjeux d'ALSTOM, et de STX.
L'actualité, ce sont les sujets sanitaires. Ce sont des crises agricoles. Ce sont des pics de pollution, et c'est toujours vers l'Etat que l'on se tourne. Et ce n'est pas parce qu'il y a une élection présidentielle que tout va être suspendu, au contraire même. C'est vers le gouvernement de la France, que les Français se dirigeront.
Alors gouverner, c'est à la fois tenir les objectifs, suivre son cap, le faire partager, et c'est aussi répondre chaque jour à de nouvelles questions. Il reste 120 jours, c'est peu, mais ces quatre mois doivent avoir un sens. D'abord, affirmer une conception de l'Etat qui fait du sérieux, de la rigueur, de l'exemplarité, une référence. Faire vivre et vous l'avez dit, Monsieur le Premier ministre les services publics. L'Education, l'Enseignement supérieur, la Recherche, la Culture, les hôpitaux. Montrer à quoi il répond face à ceux qui veulent le démanteler.
Nous devons également assurer la protection des Français, leur sécurité personnelle, être vigilants dans tous les instants. C'est ce que nous avons fait en déployant les forces de police et de gendarmerie mais également, parce que tout se tient, en réalisant un effort de défense qui est maintenant salué, reconnu, et visible sur le terrain. J'en ai encore eu la démonstration avec nos militaires en Irak.
Nous devons également garantir la Sécurité sociale, et j'insiste sur les mots. Il faut absolument montrer qu'elle est aujourd'hui garantie, et que, demain, elle peut être menacée.
Nous devons poursuivre le redressement. Notre politique produit des résultats. Ils sont là : emplois, investissements, logements, pouvoir d'achat, et nous devons les valoriser pour les amplifier encore.
Enfin, nous devons préparer l'avenir, il y a des grands chantiers que nous devons lancer. Je pense au Canal Seine-Nord, à la Transition énergétique, à la restructuration de la filière nucléaire, et je pourrais en citer beaucoup d'autres. Nous devons prendre les décisions, toutes les décisions.
Enfin, nous devons porter la parole de la France en Europe et dans le monde : il y aura un sommet France-Afrique très important, mi-janvier, il y a l'initiative pour le Proche-Orient, il y a le 60ème anniversaire du Traité de Rome en mars. Avec une montée des égoïsmes nationaux, avec un risque d'isolationnisme, nous le voyons aux Etats-Unis - il existe aussi en France - nous voyons combien le Brexit travaille la société britannique aujourd'hui, nous avons une responsabilité, et là encore, c'est à nous de la prendre avant même l'échéance.
Je vous ai parlé des élections. Le gouvernement n'en sera pas spectateur, d'abord parce que son bilan, votre bilan, notre bilan, sera un des éléments de la campagne. Ensuite, parce que vous êtes des responsables politiques, avec vos engagements, avec vos idées. Enfin, parce qu'il vous revient de promouvoir l'action du gouvernement et de faire les comparaisons utiles. Comparer, c'est le bon mot. Comparer par rapport à ceux qui voudraient défaire, mais comparer aussi par rapport à ce qui a été fait dans le passé, et notamment par la gauche. Il faut s'inscrire dans la durée, nous ne sommes pas de passage, nous sommes héritiers d'une histoire, et nous sommes porteurs d'une espérance. Si nous sommes aujourd'hui là, c'est parce que d'autres avant nous ont été capables de donner cette fierté. Et qu'il faudra poursuivre l'oeuvre entreprise.
Une majorité ne gagne jamais rien si elle n'est pas capable de revendiquer ce qu'elle a fait. Et si elle n'est pas capable d'aller plus loin et de viser plus haut. La meilleure façon de défendre ses idées pour un gouvernement, c'est d'agir et d'exercer le mieux possible les missions que je vous ai confiées au service des Français. Etre utiles à votre pays, à vos idées, c'est-à-dire d'être conscients que nous allons laisser une trace, non pas pour nous-mêmes, pour notre propre image, pour ce qui restera de notre propre action, mais pour l'avenir. Votre ligne d'horizon n'est pas le mois de mai, c'est bien plus loin, parce que, quel que soit votre destin personnel, vous devez continuer à porter le message de l'espérance.