26 novembre 2016 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les relations entre la France et Madagascar, à Tananarive le 26 novembre 2016.
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames, Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs les parlementaires, les élus, je salue les autorités militaires,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
C'est la première fois depuis l'accession de Madagascar à l'indépendance qu'un Président de la République française et un chef du gouvernement malgache viennent s'incliner ensemble devant le monument aux morts du lac Anosy.
Ce monument a été érigé en 1924. L'endroit était sans doute plus paisible qu'aujourd'hui mais ce monument voulait rendre hommage aux soldats français et malgaches qui étaient tombés durant la Grande Guerre. En effet, pendant tout ce conflit, et surtout à partir de 1916, des dizaines de milliers de soldats de Madagascar ont été enrôlés et sont partis de l'autre côté du globe pour se battre pour la France. Sur plus de 45 000 engagés de la Grande Ile, 2 500 ne sont jamais revenus et plus de 1 800 ont été blessés.
Au souvenir de la Grande Guerre, et il y a ici sur ce monument le rappel des batailles qui ont eu lieu pendant la Première Guerre mondiale, s'est ajouté celui des morts de la Seconde Guerre mondiale puisque là encore plus de 10 000 Malgaches ont pris part aux combats dès 1940 et un tiers ne sont jamais revenus. Il y a en France de nombreux lieux de mémoire qui rappellent ce sacrifice, à Paris dans le bois de Vincennes, à Monthermé dans les Ardennes ou à Laxou en Meurthe-et-Moselle - et j'en oublie sans doute.
Il y a aussi des noms qui sont restés gravés dans nos mémoires. Je pense notamment à Justin RESOKAFANY qui s'était engagé dès 1940, avait été fait prisonnier, s'était évadé, avait rejoint à Londres les Forces françaises libres, avait participé aux campagnes de Tunisie, d'Italie, puis fut à nouveau prisonnier, s'évada et continua le combat pour la France ! Il fait partie des 11 Malgaches auxquels mon pays a remis la médaille des évadés.
C'est parce qu'il y avait eu cet engagement des Malgaches pour la France mais aussi pour la liberté que beaucoup après la Seconde Guerre Mondiale ont commencé à songer à l'indépendance, à cette aspiration qui montait du peuple. Ce mouvement a soulevé l'ile tout entière en 1947 et elle fut brutalement réprimée par la France.
En 2005, le président Jacques CHIRAC a dit que rien ni personne ne pouvait effacer le souvenir de toutes celles et de tous ceux qui perdirent injustement la vie dans ces circonstances. A mon tour, ici même, je rends hommage à toutes les victimes des événements de 1947, aux milliers de morts et à tous les militants de l'indépendance de Madagascar qui ont été alors arrêtés et condamnés pour leurs idées.
Il y avait parmi ces grandes voix de la Grande Ile trois députés qui ont été privés de leur immunité parlementaire et jetés en prison comme le député et poète Jacques RABEMANANJARA. Il avait lancé ce cri qui est entré dans l'histoire de la littérature comme d'ailleurs l'un des grands textes de la francophonie. « Antsa ». C'est un poème fleuve, une forme de lettre d'amour d'un intellectuel engagé pour son île mais aussi un chant d'espoir pour tous les opprimés. Dans la préface qu'il avait donnée à ce texte majeur, François MAURIAC avait écrit « C'est la liberté et non l'oppression que les peuples apprennent de nous, la France, malgré nous. C'est dans la liberté et non dans l'oppression qu'ils demeureront fidèles. » Bien plus tard, Jacques RABEMANANJARA est devenu ministre dans le gouvernement de son pays devenu indépendant et en 1988, l'Académie française lui a décerné le grand prix de la francophonie. Il fut le premier écrivain de l'hémisphère sud à le recevoir.
Voilà le beau symbole qu'il fallait rappeler ici car ce qui nous rassemble aujourd'hui, c'est bien sûr l'histoire, la mémoire, le sacrifice mais c'est aussi une langue, une culture, une conception des valeurs pour le monde, une aspiration à la liberté, et aussi et surtout un engagement : un engagement pour le développement, un engagement pour la lutte contre les inégalités, contre le réchauffement climatique - qui aboutit, on le sait, à des catastrophes - et donc la même volonté de pouvoir être utiles ensemble. Et c'est ce que je voulais ici prononcer, un message qui bien sûr s'inscrivait dans l'histoire, mais qui portait une espérance et rappelait l'amitié entre la France et Madagascar.
Vive Madagascar !
Vive la France !Vive l'amitié franco-malgache !