19 novembre 2016 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. François Hollande, Président de la République, sur les droits de l'enfant et sur la fonction de président de la République, à Paris le 19 novembre 2016.
Un enfant : Pourquoi est-ce que dans le monde, il y a encore des enfants qui ne sont pas très heureux ?
LE PRESIDENT :Il y a même ici, autour de nous, des enfants qui sont malheureux, des enfants qui sont abandonnés, battus, pauvres, et nous avons cette obligation de faire en sorte qu'il puisse y avoir pour eux aussi un avenir meilleur. C'est le rôle de l'école, de tous les services qui accompagnent les familles - j'aurai l'occasion de les saluer. Et puis, il y a les enfants martyrs des conflits dans le monde. Tu as raison de nous le rappeler parce que les premières victimes des catastrophes et des guerres, ce sont les enfants. Encore aujourd'hui, il y a des tout jeunes enfants qui meurent sous les bombes dans un certain nombre de pays, en Syrie notamment. Et il y a ces enfants qui sont obligés de fuir et que nous accueillons ici en Europe, en France particulièrement £ nous devons leur donner toutes les conditions pour réussir. Tu as raison de penser aux autres £ il y a la famille, qui est un lieu de solidarité £ il y a la Nation, où l'on doit montrer une volonté commune de parvenir à l'émancipation £ et puis il y a le monde, que l'on ne doit jamais oublier, et tu ne l'oublies pas. Merci de ne pas oublier les enfants du monde !
Animatrice : L'humour est une arme importante !
LE PRESIDENT :Oui, et qu'il faut bien faire comprendre car il peut aussi y avoir un humour qui vexe, qui touche £ il faut que l'humour soit rassembleur, il faut qu'il permette à chacun et à chacune de mieux comprendre par un trait d'esprit ce que doit être la bonne attitude £ et il ne faut pas se moquer, c'est la différence. La première chose que l'on doit faire, c'est se moquer de soi-même £ c'est assez nécessaire, mais il ne faut pas se moquer des autres pour les humilier. Il faut les faire rire, quelquefois de leurs propres erreurs ou de leurs propres excès, et il faut qu'ils en rient. Il faut que tout le monde rie parce que, quand il y en a un ou une qui ne rie pas, c'est qu'il a été mis de côté.
Un enfant : Est-ce que vous aimez bien l'école ?
LE PRESIDENT :Il y a longtemps que je n'y suis pas allé mais je fais en sorte que les enfants puissent tous aller à l'école. Tu vas me dire « mais ils y vont tous à l'école, l'école est obligatoire ». En fait, on s'aperçoit qu'il y a des enfants qui, au bout d'un certain moment dans leur scolarité, décrochent, et d'autres qui souffrent à l'école. Donc le rôle du Président de la République, des ministres et de la ministre de l'Education nationale, c'est de faire en sorte que l'on puisse donner les moyens à l'école, de faire aimer l'école, pour vous permettre de réussir, de vous émanciper. On parle des violences : faire en sorte que la violence ne pénètre pas dans l'école, que les relations entre les élèves et les enseignants, les personnels, puissent être aussi harmonieuses £ on sait qu'on vit dans une société où existent des actes de violence, et il y en a parfois à l'intérieur même de l'école. Donc il faut faire en sorte que chaque enfant qui va à l'école puisse y être pleinement à sa place, ait confiance dans l'école, et ensuite qu'aucun enfant n'échappe à l'école - non pas qu'il veuille faire l'école buissonnière mais parce qu'il serait sorti de l'école beaucoup plus tôt que prévu. La chance que cela représente, l'école, c'est de permettre d'avoir un avenir meilleur et d'apprendre. C'est formidable d'apprendre, et on apprend même si - je parle pour moi - même si on n'est plus à l'école ! On apprend tous les jours !
Un enfant : Avez-vous une passion ?
LE PRESIDENT :Le dessin, ce n'est pas toujours ce qui m'est donné de faire. La passion, c'est celle que j'ai pour la fonction que j'occupe, parce que, sinon, il n'est pas possible de l'exercer. C'est ce qui m'a conduit jusque là, la passion. Et la passion, il faut la garder en soi, toujours, et il faut savoir l'exprimer, parfois. Elle est dans un métier, dans une activité, dans une pratique culturelle ou sportive. Il ne faut jamais perdre de vue la passion que l'on a eue quand on était enfant £ parce que c'est lorsqu'on a perdu le rêve d'enfant qu'on est devenu, non pas adulte, mais qu'on est devenu un peu moins humain. Moi-même dans la fonction que j'occupe, j'essaie d'être le plus possible humain malgré les responsabilités.
Un enfant : Alors, quand vous étiez petit, vous rêviez de devenir Président ?
LE PRESIDENT :Non - j'attendais bien la question ! - non, je voulais servir les autres, commencer comme délégué de classe, puis après on verrait. Servir les autres, oui, je voulais cela, je voulais être engagé pour changer mon pays. Et je pense que cette passion-là, elle ne conduit pas nécessairement à être Président de la République. On peut vouloir changer son pays, changer son environnement, changer même sa classe, simplement avec une passion. Tout ne passe pas nécessairement par l'élection et on peut être utile, citoyen engagé, en étant pleinement passionné par mille autres choses. C'est vrai que le dessin, et c'est pour ça que j'en dis un mot, le dessin donne beaucoup plus de liberté, d'abord à l'imagination, ensuite à la représentation, et si on demande aux enfants de décrire un dessin, ils ont souvent du mal parce que c'est finalement ce qui les a inspirés qui reste sur le papier, et les meilleurs dessins ne donnent pas lieu à commentaire, on les comprend et on les interprète à sa façon. Là, en l'occurrence, ils sont à la fois de très grande qualité graphique - vous avez bien dessiné - et ils ont du sens. Le plus beau des dessins, c'est celui qui a du sens.
Animatrice :Je sais que tu voudrais poser une question au président de la République sur le rôle d'un Président. Veux-tu essayer ? Je sais que c'est intimidant.
LE PRESIDENT : Je peux donner la réponse, même sans la question, comme cela, cela va la soulager !
Sur le rôle : c'est d'abord de s'occuper de la France, de l'avenir de la France, c'est-à-dire avant tout des enfants. C'est pour cela que je suis là aujourd'hui. Vous n'êtes pas des citoyens - pas encore - même si vous pouvez choisir des délégués dans vos classes, mais vous n'avez pas encore à décider du sort de la France. Pourtant, c'est vers vous que tous les efforts doivent être engagés parce que c'est vous qui allez demain être les citoyens de la France, qui allez lui donner son visage £ les forces qui peuvent être celles de notre pays dépendent de l'attention avec laquelle nous allons vous accompagner.
J'ai évoqué le rôle de l'école, le rôle des parents, c'est très important parce qu'ils attendent beaucoup de vous, ils investissent beaucoup en vous, ils espèrent beaucoup. C'est pour cela que quelquefois, ils peuvent avoir un empressement, une impatience, une exigence £ pour les parents, vous êtes leur avenir, leur fierté. Et c'est quand il y a un doute sur la possibilité pour les enfants de vivre mieux que leurs propres parents qu'il y a ce malaise qui s'introduit dans la démocratie. Donc on veut vraiment vous faire réussir £ pour cela, il y a la transmission des savoirs, des connaissances, mais aussi de ce qu'on appelle le savoir-être : être le plus émancipé possible, le plus harmonieux possible.
C'était le but de ce concours : comment vivre en harmonie dans un monde qui est dur, avec des violences qui sont là ? Je ne vais pas ici rappeler ce qui s'est produit et dont les enfants peuvent avoir peur - ce qu'un enfant exprime parfois par un dessin, avec à la fois sa joie et ses inquiétudes. Le rôle du Président de la République, c'est de regarder en face les inquiétudes et les peurs, de ne jamais les ignorer, et en même temps de les surmonter, par une cohésion qui doit être assurée entre nous, entre les générations, entre les responsables ayant les moyens d'agir et ceux qui voudraient que ça aille plus vite. C'est très important qu'on puisse ici se retrouver et vous convaincre, les enfants, que nous ne vous mettons pas la pression : c'est vous qui la mettez sur nous ! Nous devons vous faire réussir et je m'y suis engagé - notamment pour l'école et pour donner toute sa place à la jeunesse. En même temps, il faut respecter l'autorité, l'autorité des parents - qui peut s'exercer avec beaucoup de bienveillance, c'est aussi cela le message -, l'autorité des adultes, des enseignants, de tous ceux qui ont vocation à transmettre, l'autorité aussi de ceux qui ont pour mission de faire appliquer la loi.
On peut construire une société où l'autorité est reconnue, où elle s'exerce et s'accomplit dans la bienveillance, pour que chacune et chacun ait sa place, ne se sente pas écarté, pas mis de côté. Dans une classe, ce qui est le plus difficile à vivre pour certains élèves, c'est d'être mis de côté soit parce qu'ils s'y mettent eux-mêmes soit parce qu'on les y a placés. Ce n'est pas forcément ceux qui sont au dernier rang, cela, c'est autre chose, non, ce sont ceux qui se sentent victimes de harcèlement, de moqueries parce qu'ils sont plus faibles, parce qu'ils sont plus originaux, parce qu'ils sont différents. L'idée de la vie en commun commence très tôt à l'école. Et toutes les familles doivent y participer. La peur de l'autre, elle peut exister à l'école parce que l'autre n'est pas comparable à soi-même, il est différent, on ne comprend pas ce qu'il dit, il a une autre attitude. Là aussi, il faut essayer d'en parler et d'inclure tous ceux qui sont avec vous dans la classe. Voilà le message que le Président de la République doit donner, même à une question qui ne lui a pas été posée, parce qu'il faut répondre aux questions qui sont souvent les plus refoulées, qui sont difficiles à exprimer ! C'est d'ailleurs aussi le rôle du dessin : dans le dessin, on pose des questions et on apporte des réponses !
Un enfant :je fais un peu de théâtre. Est-ce que, quand on est Président, il faut savoir jouer la comédie ?
LE PRESIDENT :Je vais répondre. Non, heureusement que l'on ne joue pas une pièce de théâtre. Mais, c'est un rôle, celui de Président £ il faut se tenir à ce rôle et parfois, quand on est un peu à côté, un peu plus libre, c'est mal compris. Donc, je dois être toujours attentif. Mais l'idée que l'on pourrait être dans un rôle de théâtre, cela voudrait dire que la pièce aurait été déjà écrite, par un autre £ que le texte n'aurait pas été écrit par moi-même £ que je serais dans une partie dont je connais le début et la fin! En fait, il faut être soi-même pour être pleinement dans le rôle, et avoir toujours la liberté de décider, avoir des choix à faire. Le choix, ce n'est pas de devenir Président de la République ou de ne plus l'être cela dépend de sa décision et de celle du peuple français £ l'important c'est de prendre les bonnes décisions, celles qui n'ont pas encore été écrites, par personne d'autre.
Tu as parlé de comédie, mais il y a aussi des drames et les drames sont réels. Tu as raison de souligner combien il est important, dans le moment où nous sommes, que l'égalité, que les chances soient données à chacune et à chacun. Chaque famille éduque à sa manière mais il n'y a qu'une éducation nationale £ il n'y a qu'une forme de transmission. C'est ce qui fait que l'on peut avoir, non seulement des couleurs mais aussi des parcours différents, des origines différentes, et en même temps partager la même école - de même d'ailleurs qu'on est tous dans la même France. Voilà ce que je veux te répondre pour te dire que la vie n'est pas un théâtre, c'est la vie !